société d’Abondance, société de pénuries

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée et ce livre avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Je suis né français en 1947, au sortir de la première guerre mondiale. Il y avait encore des tickets de rationnement. Mon père, artisan tailleur, connaissait dans son travail ce qu’il appelait la morte-saison : pas beaucoup de clients, pas beaucoup d’argent. Mais je n’avais pas l’impression de manquer de quelque chose, c’était donc l’abondance. Dans certaines familles d’autrefois, dont celle de Charlie Chaplin (né en 1889), le cadeau de Noël pour un enfant, c’était une orange. Le luxe des pauvres était l’ordinaire des plus riches. Plus tard en sociologie, j’ai lu « âge de pierre, âge d’abondance », un livre de Marshall Sahlins. La virgule peut prêter à interprétations. En fait cette étude démontrait que l’âge de pierre (les sociétés premières), c’était vraiment l’âge d’abondance : sans désir de superflu, il n’y avait pas sentiment de manque. Autrefois, aux temps de la chasse et de la cueillette, on vivait un sentiment de plénitude car on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de temps libre… et être heureux. Aujourd’hui l’intérêt du moment change, de plus en plus vite. Il y a toujours un nouveau match à la télé. II y a toujours un machin de la dernière génération qu’il faut posséder et bientôt jeter à la poubelle avec l’apparition d’une nouvelle fonctionnalité. La période contemporaine fait courir la plupart d’entre nous derrière l’illusion de l’abondance… à crédit. Personnellement je n’ai toujours pas de portable, je n’en ai pas besoin, j’ai déjà un téléphone fixe à la maison, ce qui autrefois était considéré comme un luxe. Je refusais jusqu’à récemment la carte bancaire, mais les commerçants acceptent de moins en moins le chèque. J’aimerais une société où ne circule que pièces et billets pour que la contraction monétaire limite les échanges. Le sentiment d’abondance ne tient pas spécifiquement à l’accumulation de marchandises et de services, mais au niveau de nos besoins ressentis et imposés par l’état donné d’une société.

« Avons-nous vraiment besoin de tous nos besoins ? En fondant le besoin non sur l’accumulation des biens mais sur la relation entre les hommes, et sur le rapport équilibré de ceux-ci avec la nature, les sociétés premières avaient vécu « la première société d’abondance ». Celle-ci était le produit d’une logique sociale, le maintien d’une symbiose avec le milieu : l’utilisation du « progrès » technique non pour produire plus mais pour travailler moins ; l’autolimitation des besoins, c’est-à-dire le refus du surplus, de l’accumulation par lesquels s’introduisaient, au sein même du groupe, le pouvoir et l’aliénation. » [P. Alphandéry, P. Bitoun et Y. Dupont, L’équivoque écologique (La Découverte, 1991)]

A chacun d’entre nous de déterminer l’échelle de ses besoins. Quand ma fille encore petite me déclarait «  Moi, j’ai envie de… », je lui répondais : « D’accord. Mais pourquoi cette envie soudaine ? Que veux-tu réellement ? Pourquoi cette précipitation ? » Il faut savoir résister à la société de consommation, ce qui demande une réflexion poussée pour ne pas sauter sur le dernier objet à la mode. L’écologie, c’est en résumé (pour ce qui concerne l’époque contemporaine) posséder un sens aigu des limites. C’est comprendre que l’exigence de l’abondance matérielle détériore gravement la biosphère. Se contenter de peu est la voie d’une sagesse qui minimise notre empreinte écologique. La société de consommation fait croire au plus grand nombre que le bonheur va avec les gadgets qu’on nous incite à acheter : vive la croissance du PIB est le mantra psalmodié par les politiques et des économistes ! Mais notre réalité sociale montre que le consumérisme s’accompagne aussi d’insatisfaction permanente ; c’est un bonheur factice. Ce sont ceux qui pratiquent la simplicité volontaire et la sobriété partagée qui atteignent la sérénité. Ils nous montrent la voie de notre avenir. C’est l’option que j’ai choisie et j’en suis heureux, je n’ai jamais de sentiment de manque. Même si parfois on peut me reprocher de posséder quelque superflu. Je ne vis pas comme Diogène dans son tonneau !

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

12 réflexions sur “société d’Abondance, société de pénuries”

  1. Les parents savent très bien qu’ils consomment trop et que c’est plus que déraisonnable concernant l’environnement, ils savent très bien qu’ils le détruisent et détruisent même les bonnes conditions de vie sur Terre, alors les parents s’en foutent ils savent très bien aussi que ce sont leurs enfants qui devront gérer toutes les conséquences de la dilapidation des ressources et des pollutions afférentes ! Le vrai paradoxe étant que l’humain est auto-destructeur, un toxicomane sait très bien que l’héroïne, le crack, la cocaïne détruisent leur propre organisme mais ils reprennent et renchaînent des shoot ! Car le plaisir a toujours le dernier mot ! (une fois qu’on a goûté à une forme de plaisir il est trop tard, voir même connaître l’existence d’un plaisir sans y avoir goûté donne envie d’y avoir accès, on ne penserait pas à manger du chocolat si on avait pas appris son existence)

    1. Même lorsque le plaisir conduit à la destruction de soi et des conditions de vie de sa descendance, voir des problèmes de santé transmis à sa descendance par l’abus de shoot, l’humain croque la pomme du pêché à pleine dent sans complexe ! Et oui, même si les gens savent que trop picoler, se droguer, respirer de l’air polluée, manger des aliments intoxiqués par des produits chimiques peuvent provoquer des problèmes de santé à leur progéniture, ils s’en foutent ils veulent des gosses quand même en continuant de se droguer de picoler, et de s’intoxiquer sous toutes formes de poisons, ils veulent du plaisir immédiat et feront tout pour s’en procurer un max, même s’ils savent que leurs progénitures en paieront de lourdes conséquences !

    2. Le plaisir est toujours vainqueur alors les gens veulent toujours de plus grosses bagnoles des résidences secondaires, des télévisions grandes comme des pans de mur dans toutes les pièces, des nouveaux smartphones tous les 2 ans, des campings cars, des bateaux de plaisance, de l’alcool des shoot de drogue car le plaisir avant tout ! Le plaisir pour se faire plaisir étant le facteur déterminant dans toutes les décisions d’achat ! Dans les écoles de commerce c’est ce qui est appris  »Le tout étant que le client soit content ! Et le client sera toujours prêt à mettre le prix pour se faire plaisir ! » (quitte à faire crédit même ! ou encore voler, détourner de l’argent, tuer, travailler au noir, migrer, mentir, fournir de faux justificatifs, se prostituer etc) Ils sont prêts à tout pour accéder à des plaisirs toujours plus grands quand l’argent manque alors ils feront tout pour obtenir l’argent nécessaire ! Prêt à tout car ils sont obnubilés par le plaisir !

    3. Prenons un autre exemple concret, la publicité ! Les publicités n’énoncent pas les conditions d’extractions de ressources de leurs produits et de leurs conséquences sur l’environnement, aussi les publicités ne préviennent pas des conséquences sur la santé de la consommation de leurs produits, rien de tout ça ! Les publicités ciblent les émotions des gens en affirmant que leurs produits conduisent systématiquement à plus de plaisir ! Le ménage devient plus agréable avec le nouvel aspirateur, la voiture est source de plaisir en montrant la bagnole en pleine nature, en plus le conducteur est seul au volant comme s’il avait la route à lui seul, alors que dans les faits la majorité des automobilistes seront coincés dans des bouchons pour se rendre au boulot. Mon fromage, mon gâteaux, mes pâtes sont meilleurs que les autres et l’optimum du plaisir en achetant ma marque !

    4. Les publicitaires savent qu’il faut associer n’importe quel produit au plaisir pour que les gens mordent à l’hameçon et vendre en masse ! Car les publicitaires savent que leurs clients raisonnent en terme de plaisir pour prendre une décision d’achat ! C’est plus agréable parce que leurs produits sont plus performants, confortables, à la mode, design, pratique, etc et surtout parce que tous ces éléments répondent aussi à des aspirations de paresse ! On obtiendrait plus de plaisir si on n’a plus d’effort à faire. Gagner du temps (même si souvent c’est illusoire, car on perd plus de temps de vie à payer la bagnole que le véhicule ne nous restitue du temps de trajet).

    5. Autrement dit, pour que les gens deviennent vraiment écolos, alors il faut substituer tous ces instruments technologiques de plaisir par d’autres plaisirs moins destructeurs de l’environnement et c’est là la difficulté de l’exercice ! Si les écologistes ne promettent pas un monde agréable de plaisirs alors ils ne parviendront jamais à se faire entendre véritable pour changer les comportements ! Or les écologistes présentent la transition à faire comme quelque chose de vraiment désagréable, de renoncements, de galère et de misère dans la décroissance ! Et oui le renoncements aux plaisirs que vous exigez aux gens (bagnoles, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux, etc) ne sera rendu possible qu’en remplaçant des plaisirs par d’autres plaisirs ! Mais demander de renoncer aux plaisirs tout court sans les substituer sera inéluctablement voué à l’échec ! Alors comment rendre la vie agréable en étant écolo ?

      1. Parti d'en rire

        Pour répondre à ta question, finale, je te répètes encore une fois ce que je ne cesse de dire et de rabâcher etc. etc. : à chacun sa came !
        En attendant, le moyen le plus écolo pour se faire du bien, ou plaisir si tu préfères, et de se calmer et en même temps… bref de se rendre la vie agréable… eh ben c’est de faire comme les bonobos. Et si t’as rien d’autre sous la main quand le besoin se fait sentir, eh ben il te reste la branlette.

      2. @ BGA À 16:31 : Je réponds à ta question, tu devrais déjà me remercier… je te parle des bonobos etc. et toi tu ne vois que la branlette. T’as un problème avec ça aussi, ou quoi ? Pour comprendre tu devrais remonter bien plus loin que 1968. Tu devrais remonter à Diogène, celui qui vivait dans un tonneau (plus écolo que lui tu meurs !), celui qui se masturbait en public, tout en disant : « Ah ! Si seulement en se frottant aussi le ventre, on pouvait calmer sa faim ! »

    6. Arrête un peu de te faire plaisir avec ton histoire de plaisir, on dirait de la branlette, même pas intellectuelle. Ou alors la méthode Coué, ou encore ces vieux disques rayés qui tournent en boucle. 😉
      Puisque tu en parles… si ton gamin mange trop de chocolat, fais-lui en bouffer autant qu’il en réclame. Et ça devrait le guérir. C’est curieux, non ? Eh ben c’est ça le paradoxe. Maintenant si t’as pas de gamin, alors t’es pas le mieux placé pour parler des parents. Quoi qu’il en soit t’as raison, les parents savent. Mais les gosses aussi. Ceux d’aujourd’hui ont entendu causer d’écologie depuis qu’ils sont nés. Ce qui n’empêchent pas certains de se comporter comme des gorets. Des jeunes porcs quoi.

  2. Si la corne d’abondance fait rêver les hommes depuis la nuits des temps, ces mêmes hommes connaissent depuis bien longtemps le revers, ou les inconvénients, de l’abondance.
    On raconte qu’ils auraient compris ça avec le mariage… Et après tout, pourquoi pas.
    Les psys parlent là du paradoxe de l’abondance. Le paradoxe provient du fait que ce qui est devenu facile d’accès se retrouve à terme moins utilisé que lorsque l’accès en était difficile.

    1. – Montaigne – Les Essais (Chapitre 15 livre II) « Que notre désir s’accroit par la malaisance […] Il en va ainsi par tout : la difficulté donne prix aux choses […] Nous interdire quelque chose, c’est nous en donner envie. Et nous l’abandonner tout à fait, c’est nous amener à la mépriser. Le manque et l’abondance aboutissent au même inconvénient. »
      Boris Vian – L’Automne à Pékin : « Du moment que j’ai maintenant tout ce qu’il faut pour subvenir à mes besoins, je n’ai plus besoin d’être intelligent. J’ajoute que j’aurais même dû commencer par là. »

    2. Avec modération !

      Afin de bien comprendre le phénomène, je vous invite à lire cette petite histoire :
      – Le paradoxe de l’abondance en Ukraine ( sur cqmi.fr 30 mai 2021 )

      C’est l’histoire de JP … “Chaque année, en été, il fait un voyage en Ukraine“… pour se payer un nouveau joli jouet. Parce qu’il le veau bien, bien évidemment !
      On peut imaginer que cet été le pauvre JP doit être bien embêté. Espérons qu’il parviendra à combler son manque en consommant des produits locaux.
      Avec modération, ça va de soi. Comme pour tout, et n’importe quoi, 🙂 🙂 🙂

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