Alors que le pays subit les effets du dérèglement climatique, plusieurs États australiens ont adopté un arsenal juridique répressif menaçant le droit de manifester des militants écologiste. En 2021, l’île-continent restait le premier exportateur mondial de charbon et de gaz naturel liquéfié alors qu’elle subit de plein fouet les effets du dérèglement climatique, avec notamment des incendies monstres fin 2019 et de graves inondations en 2021 et 2022..
Isabelle Dellerba : Violet Coco, quinze mois de prison, dont au moins huit mois ferme ! Reconnue coupable de sept chefs d’accusation, dont l’utilisation détournée d’un « objet explosif autorisé ». Son crime : avoir bloqué partiellement et pendant vingt-cinq minutes en 2022 la circulation sur le principal pont de Sidney, en grimpant sur le toit de son véhicule pour y allumer une fusée de détresse. En un an, Violet Coco est la cinquième personne condamnée à de la prison pour son « activisme pacifique pour le climat ». En Nouvelle-Galles du Sud, le gouvernement libéral a adopté, le 1er avril 2022, de nouvelles lois qui permettent de condamner à une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 22 000 dollars australiens d’amende (14 000 euros) toute personne qui bloquerait une importante voie de circulation, qu’il s’agisse d’une route, d’un pont ou d’une infrastructure portuaire. Des textes similaires ont été votés, ces derniers mois, dans les Etats de Tasmanie et de Victoria.
Mais Violet Coco assume : « En tout cas, mon propre sort a peu d’importance en comparaison avec ce qui nous attend si nous ne réduisons pas drastiquement et immédiatement nos émissions de gaz à effet de serre. »
Lire, Comment agir dans une société bloquée ?
Le point de vue des écologistes
Acaila : On ne va quand même pas laisser des gens alerter sur les catastrophes à venir sans réagir quand même ! Bientôt on ne pourra même plus détruire la planète sans qu’on nous le reproche !
Jean-pierre Hrases : Ah tiens ? C’est un régime de dictateur en Australie ? Ou une démocratie avec des lois civilisées, des règles protectrices des droits de la défense et des libertés ? L’écologisme serait donc une dérive extrémiste voire terroriste ? (D’où leur inscription sur les fichiers S en France)
Hervé Corvellec : La violence de la réponse institutionnelle est à la hauteur du danger pour ses intérêts que représente la critique écologique de l‘enrichissement extractiviste qui caractérise l’Australie.
Raphou : « En 2021, l’île-continent restait le premier exportateur mondial de charbon et de gaz naturel liquéfié » => Tout est dit : ne touchez pas à nos bénéfices.
Antoine C : C‘est paradoxal, quand les GJ bloquaient des ronds-points (et accessoirement se faisaient déborder par des militants plus violents qu’eux dans les manifs), les commentateurs d’aujourd’hui, qui jubilent de voir un militant écolo en prison quelques semaines pour un pont bloqué étaient beaucoup plus indulgents …
Philémon Frog : On mesure là toute la stupidité des citoyens incapables de remettre en cause leur manière de concevoir le monde, même face à un danger démontré et désormais tangible. Nos dirigeants, parfaitement informés, qui répriment ceux qui les rappellent à leurs obligations, devront voir leur responsabilité engagée le moment venu. La France se comporte de la même manière : Libé fait état des considérables moyens d’enquêtes, de filatures, de communication de données de téléphonie et même d’imposition, etc, déployés par la gendarmerie pour arrêter deux personnes ayant dégradé une méga-bassine… qui a été déclarée illégale !
Ours : C’est la panique chez les réactionnaires qui ne veulent surtout rien changer et garder leurs bénéfices et leur petit mode de vie. Et en cas de panique, c’est la force et les violences des condamnations, jamais l’argumentation autre que la préservations des bénéfices est difficile à porter. Ce serait « amusant » si le chaos n’était pas au bout du chemin… pour tous.
GPS : C’est les politiques qui ne font rien pour le climat qui méritent d’êtres envoyé en prison… Non ?
Michel SOURROUILLE : Une référence aux luddites du XIXe siècle importe. Les artisans n’étaient pas opposés à toutes les machines, mais à « toutes les machines préjudiciables à la communauté ». Ils ont brisé des machines automatiques qui mettaient au chômage beaucoup d’artisans à domicile pour le plus grand profit de l’industrie textile en formation. Deux siècles plus tard, on constate que cette industrialisation à marche forcée a entraîné la croissance économique sans limites et la détérioration brutale des conditions de vie sur Terre. Les luddites avaient donc raison. Mais en 1812, une loi instaurant la peine capitale pour le bris de machine est entérinée ; les luddites sont passés sous les fourches caudines de la raison d’État… au service des intérêts économiques. Dans le système techno-industriel, la protection des biens nuisibles à l’environnement a encore plus de valeur que la liberté des manifestants écolos, et ce parfois au détriment de leur vie !
Lectures complémentaires sur ce blog biosphere
Eco-guerriers plutôt qu’éco-terroristes (2022)
Les activistes écolos se radicalisent (2022)
Le pourquoi de la désobéissance civile (2022)
CLIMAT, décrocher Macron de son cadre (2019)
Violer une centrale nucléaire, une très bonne action ? (2018)
Du sentiment de justice et du devoir de désobéir (2016)
A Sivens et ailleurs, où sont vraiment les criminels ? (2014)
Greenpeace attaque des centrales nucléaires (2011)
Le journal Le Monde et l’action directe (2010)
action directe aux USA(2007)
Où commence et où s’arrête le droit à la désobéissance civile ? Un tribunal peut-il reconnaître « l’état de nécessité écologique » ? Romain Rivière et Nathanaël Branco, deux soigneurs animaliers étaient jugés pour avoir, le 6 novembre 2021, découpé au cutter et mis le feu à la bâche d’étanchéité d’une réserve. Le procès de ces militants antibassines, qui s’est tenu à La Rochelle jeudi 5 janvier 2023, a tourné au débat entre juristes. Le matin même, le rapporteur public du Conseil d’Etat avait conclu à l’inadmissibilité de l’exploitation des réserves. L’avocat des bassines conteste leur illégalité et assure qu’elles ont été « légalement aménagées, sous la tutelle de l’Etat » et « toujours suivies par l’administration ».
Tout cela ne règle pas le probable de fond, le droit de militer contre cette société productiviste qui accélère alors que le mur est là.
Manifester et militer n’est pas interdit. Mais comme pour tout il faut respecter les règles du Jeu. Marcher sagement dans les clous et surtout ne rien jeter sur les forces de l’Ordre ! Sinon c’est l’accusation de troubles à l’Ordre Public. Si ce n’est Établi. Découper, gentiment, des bâches des bassines, et y foutre le feu (pollution), démonter des panneaux publicitaires, des Mc Do, pisser sur les murs d’une préfecture, même sur la voie publique… c’est interdit ! Et ceux qui s’y font prendre sont évidemment punis.
Faute de protéger les bien communs, les lois sont là pour protéger les biens publics. ET… les biens privés. Lesquels priment sur les autres ?
Voir par exemple comment la Loi Littoral est respectée. Le droit à géométrie variable ne se limite pas à l’écologie, par ex. encore, d’un côté le Droit au Logement (DAL) et de l’autre tout un arsenal de lois pour virer les squatters.
En attendant, tout ça occupe les juristes.
Michel C, la « punition » de l’acte illégal est recherchée par un militant non violent qui prend son procès comme moment d’explication publique de son acte, la condamnation d’une société thermo-industrielle qui nous mène au désastre. Tous les actes de blocage de la société sont alors légitimes bien qu’ils ne soient pas « légaux ». La loi change avec les mouvements sociaux, et l’urgence écologique est en train d’être prise à bras le corps par de plus en plus de personnes par des moyens très variés, y compris genre colibris.
Mais nous avons compris que vous regrettez vous-même que les lois qui protègent les biens communs soient étouffées par les lois qui protègent les intérêts particuliers…
Ces nouvelles lois australiennes ne ciblent pas spécialement les manifestants («activistes-terroristes») écologistes, mais tout simplement le droit de manifester. L’Australie se fait également remarquer par ses atteintes à la liberté de la presse, et sa loi sur la surveillance en ligne. L’Australie est loin d’être un modèle de libertés. Et en même temps, ses dirigeants, tout comme les nôtres et les autres, n’ont que le mot «liberté» à la bouche. Bienvenue en 1984 !
Les libertés, dont le droit à manifester, reculent partout dans le monde. En toile de fond, le maintien de l’Ordre Etabli ! Et la sauvegarde, voire le sauvetage du Système. Pour celui du Climat, on verra plus tard.
– « A mort les activistes du climat !!! » (Titre)
Ce cri qui tue aurait pu apparaître dans «Le point de vue des anti-écologistes, à vomir» au sujet de cette tribune au MONDE (Biosphère 5 janvier 2023 : Comment agir dans une société bloquée ?) Que certains misérables en soient arrivés à penser ça, je veux bien le croire. Seulement, et puisque nous en sommes arrivés à résonner en mode binaire… cette misère s’observe aussi de l’autre côté. Du côté de ces «bons écologistes, à sanctifier» qui eux non plus ne réfléchissent pas toujours bien loin. Bref, là encore n’exagérons pas, ne tombons pas dans ce piège, c’est avec ce genre d’âneries qu’on se discrédite. (Stratagème XXIII de Schopenhauer : Forcer l’adversaire à l’exagération ).
En Australie la peine de mort a été abolie en 1967.
– « Ils ont brisé des machines automatiques qui mettaient au chômage beaucoup d’artisans à domicile pour le plus grand profit de l’industrie textile en formation […]
Les luddites avaient donc raison.» ( Michel SOURROUILLE )
Ne nous trompons pas d’objectif. Les machines automatiques permettent AUSSI de s’affranchir de travaux répétitifs ou pénibles et pas particulièrement intéressants ou enrichissants. Ce qui ne veut pas dire toujours plus de machines pour produire toujours plus de gadgets, toujours plus vite, moins chers etc. Les machines doivent être au service de l’homme et non pas du Pognon. Faut-il casser les machines à laver… pour que les femmes restent à la maison ?
Le travail (tripalium = torture) ne doit pas être vu comme une fin en soi ni comme quelque chose de sacré. Lire ou relire «L’éloge de la paresse» de Paul Lafargue. Et n’allons pas, comme le font les imbéciles, le traduire comme l’éloge de la fainéantise.