biosphere

rendement maximal durable… des pêcheries ?

Les pouvoirs politiques sont trop libéraux en matière d’autorisation de captures, trop laxistes quant à la répression des infractions et trop tardifs dans leur prise de conscience de la gravité de la situation. Le marchandage politique à Bruxelles l’emporte donc sur l’analyse écologique. Après une discussion de marchands de tapis entre ministres européens de l’agriculture, les amis des pêcheurs sont contents. Les pêcheurs français pourront donc pêcher autant, voire plus en 2012 qu’en 2011*. Le ministre Bruno Lemaire exulte : « Il s’agit d’un résultat extrêmement positif, car il permet de maintenir les capacités de capture des pêches françaises ». Les pêcheurs espagnols ont obtenu des hausses de 110 % de leurs quotas de lotte et de 500 % du merlan bleu du nord.

La commission européenne souhaitait se référer au « rendement maximal durable »** dès 2012, le ministère français trois ans plus tard (« La France est prête pour 2015, lorsque ce sera possible et sans casse de bateau »), c’est-à-dire en 2020, c’est-à-dire jamais. En repoussant aux calendes grecques l’optimisation de l’exploitation des stocks, on pêche plus de poissons que les capacités de renouvellement des ressources halieutiques. Les ministres à Bruxelles votent ainsi contre les générations futures, mais cela reste l’objet d’un article confidentiel dans LE MONDE, article qui cite en passant les opposants comme Stephan Beaucher*** sans reprendre leurs arguments. La surexploitation des principaux stocks oblige à augmenter constamment l’effort de pêche pour maintenir artificiellement des volumes de prises et érode en permanence la rentabilité de l’activité. Les captures ont déjà atteint leur apogée autour des années 1970 ; pour pêcher la même quantité de poissons, il faut aller plus loin, pêcher plus profond, avec des bateaux toujours plus puissants.

En France, la politique publique de la pêche n’a jamais été pensée sur le long terme, n’a jamais répondu à une stratégie autre que le maintien de la paix sociale dans les ports. Un certain nombre de bateaux, quand ils quittent le port, ne partent plus pêcher des poissons mais des subventions. On consomme en moyenne 1 litre de gazole pour pêcher un kilo de poisson. Alors que l’approvisionnement mondial (quantité disponible par habitant) a culminé à 17,2 kilos en 1988, il est passé à 16 kg en 2003 et devrait être à 10 kg en 2050 sous la double pression de la diminution des stocks et de la croissance de la population. Par analogie au peak oil que nous redoutons, le peak fish a été atteint lors de la décennie 1990. Le rendement maximal durable est derrière nous.

* LE MONDE du 20 décembre 2011, Les pêcheurs ont obtenu le maintien de leurs quotas pour 2012

** rendement maximal durable : encore appelé Rendement Soutenable  Durable, c’est la plus grande quantité de biomasse que l’on peut extraire en moyenne et à long terme d’un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction. Mais ce rendement est une notion imparfaite. Ce n’est pas le seuil biologique au-delà duquel le stock n’est plus capable de se reproduire et disparaît brutalement. Les exemples récents d’effondrement sont malheureusement de plus en plus nombreux, particulièrement chez les petits pélagiques côtiers (harengs, sardines). Le niveau exact du seuil biologique critique est le plus souvent inconnu a priori. Pour observer le principe de précaution, il ne faut donc pas exploiter la totalité du stock.

*** Plus un poisson d’ici 30 ans ? de Stephan Beaucher (Les petits matins, 2011)

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N’offrez pas de cadeaux à Noël

Fuyez les dépenses superflues qui épuisent les ressources naturelles et se transforment en déchets plus ou moins recyclables : n’offrez  pas de cadeaux à Noël. Nos enfants sont les petites victimes du marketing qui transforme le père Noël en fournisseur d’un bon de commande validé par l’industrie du jouet. Crise ou pas, l’infantilisation des masses jeunes et adultes se poursuit à chaque Noël. Les petits français ne savent même pas que le Christ dont Noël est la fête est né dans la plus pauvre des conditions. Le véritable message de Noël est celui du partage, certainement pas cette outrance des marchands du Temple qui nous proposent leurs gadgets plus ou moins chinois. Réagissez ! Ecoutez le message délivré en janvier 1973 par le mensuel La Gueule ouverte :

« Le Père Noël est le camelot immonde des marchands de rêve et d’illusion, véritables pirates des aspirations enfantines, colporteurs mercantiles de l’idéologie du flic, du fric, du flingue… Face à la grisaille géométrique des cités-clapiers, bidonvilles de la croissance, face aux arbres rachitiques, aux peuples lessivés, essorés, contraints, s’étale la merde plaquée or-synthétique, la chimie vicieuse des monceaux de jouets. Les jeux sollicitent de plus en plus de consommation électrique. Allez, tenez, on va fantasmer un peu : bientôt pour construire des centrales nucléaires, l’EDF s’adressera à nos gosses et leur proclamera la nécessité de l’atome pour fournir de l’électricité à leurs jouets !

Quelles sont les tendances d’enfants ouverts vers un milieu naturel ? Ils courent, ils jouent dans les flaques, se roulent dans la boue, ou tentent de percer les mystères de « papa-maman ». Ils vivent, pensent, créent, se contentent de quelques bouts de bois. Recouvrir ces apprentissages fondamentaux par une montagne de plastique animé par des piles électriques est le but criminel de notre société : n’offrez  pas de cadeaux à Noël.

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vivre Noël autrement, une urgence écologique

Fin 2005, dix mouvements catholiques avaient lancé un appel « vivre Noël autrement » : « Jésus nous offre un monde nouveau, sans caddies pleins de cadeaux qui comblent les armoires et les décharges. » Des tracts invitaient à consommer moins et à se rapprocher de ses voisins avec lesquels la fête sera plus belle encore sans faire des kilomètres inutiles avec sa voiture, en offrant un peu de temps, un sourire, une oreille attentive, en inventant des gestes qui contribuent à sauver l’air, la terre, la mer, les forêts. Quelques rares familles ont donc essayé de montrer l’exemple.

En 2010, c’était la sixième campagne. L’idée de fond reste parfaite, avec ou sans Dieu : « Arrêtons l’hyper-Noël, faisons la paix avec la terre. » Mais ce mouvement reste marginal, sans le soutien officiel de son Eglise qui préfère lutter contre les préservatifs. En 2012, le mouvement continue et se radicalise : « On assiste à une marchandisation de ce qui est offert, c’est la loi du toujours plus. Certains revendent leurs cadeaux, sur Internet ou ailleurs. Et il en va de même pour la Création : des terres agricoles sont accaparées, des brevets sur les plantes sont déposés… Des millions d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable ou vivent dans un environnement pollué. Les dons de la Terre sont dilapidés, gaspillés, abîmés. » Si vous voulez en savoir plus,

SEPTIEME CAMPAGNE « NOEL-AUTREMENT »

Alors que le budget consacré en 2011 par les Français à l’achat des cadeaux de Noël est de 270 euros, en augmentation de 22 % sur l’an dernier, il nous semble nécessaire de penser autrement ! Sur LE MONDE*, on nous parle d’un « Noël alternatif » et on nous dirige vers le site http://www.mescoursespourlaplanete.com/  

« Il est bon de ne pas perdre de vue que dans la plupart des pays du monde, en tout cas tant qu’il n’a pas été complètement conditionné par les publicités, un enfant sait s’amuser avec presque n’importe quoi… Une brindille, un caillou, ou une simple boîte en carton – et son imagination prend le pouvoir… »

* LE MONDE du 17 décembre 2011, rubrique « C’est tout net ! »

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écologie politique : un parcours de militant depuis 1974

Toutes les formes de réflexion et d’organisation, que ce soit le social, l’économique ou le politique, sont surdéterminées par l’état de la biosphère qui assure notre survie à tous. C’est pourquoi tous les citoyens de la planète sont concernés au même titre par l’écologie. Mais pour faire entrer l’écologisme en politique, il faut faire des choix. Ce n’est pas facile. Voici mon expérience, voyage d’un écolo en politique de 1974 à 2011. Si cela peut aider à l’analyse commune…

1/6) Voyage d’un écolo en politique, de René Dumont aux Verts

Assigné par ma naissance à la génération 1968, j’ai été lecteur assidu d’Hara-Kiri, formaté par le réalisme du slogan « élections, piège à cons »…, j’ai donc déchiré ma carte d’électeur. La politique, un jeu de marionnettes dans les mains du marché et des lobbies, ce n’était pas pour moi. Mais en 1972, j’ai lu le rapport du MIT sur les limites de la planète et les vertus de la croissance zéro. C’était prévu, c’était prouvé, l’amour de notre société marchande pour les exponentielles dans un monde fini faisait que nous allions droit dans le mur ; je suis devenu écolo. Lorsque René Dumont, poussé par des associations environnementalistes, s’est présenté à la présidentielle française de 1974 au nom de l’écologie, j’ai compris qu’un vote significatif pouvait enfin avoir lieu pour préparer un avenir moins perverti : nous allions manquer d’eau, les voitures allaient s’arrêter faute de pétrole, le nucléaire militaire et civil était le mal absolu. René parlait vrai. Il me fallait réagir, j’ai voté pour la première fois, j’avais 27 ans.

Depuis, j’ai toujours voté écolo au premier tour pour le ou la présidentiable écolo. Il n’est pas encore venu le temps où nous aurons un ou une président(e) écologiste, mais cela viendra. J’ai aussi voté chaque fois qu’il y avait une liste écolo, je ne pouvais voter que s’il y avait un candidat écolo. L’indifférence totale des partis politiques à l’égard de l’enjeu écologique continuait de me rebuter. J’avais gardé une méfiance viscérale envers des organismes « de pouvoir » qui ne voulaient toujours rien savoir du message de René Dumont : l’écologie scientifique est le rempart principal contre nos erreurs industrielles, agricoles, financières, et même contre la bêtise humaine. Reste à écologiser les politiques ! Mais, l’inertie sociale étant ce qu’elle est, l’écologie politique est restée minoritaire jusqu’à la fin du XXe siècle, en France et ailleurs. L’état de la planète a empiré, les prédictions de René se sont installés dans les faits, et même dans les journaux télévisés. Les sommets de Terre se sont succédés depuis 1972, rien n’a changé. Personne n’a entendu parler du sommet de 1982, et même la grande kermesse de Rio en 1992 n’a été que des mots. Il me fallait faire quelque chose… je me devais de m’engager personnellement en politique ! Alors va pour les Verts, qui disaient porter le message de l’écologie.

Ma première réunion entre écolos m’a laissé un souvenir impérissable. Je n’y comprenais rien. Une vingtaine de personnes seulement, et je me perdais complètement entre les sous-tendances des différents courants. Un participant bien charitable et d’autant plus perspicace m’a expliqué en aparté. « Simplifions. Il y a les Verts rouges, les Verts noirs et les Verts verts. A partir de cette trame, chacun brode à sa façon. » Comme j’enseignais professionnellement la sociologie politique, j’ai tout compris. Il y avait les marxistes derrière le drapeau rouge, mais qui avaient senti tourner le vent de l’histoire : la victoire du prolétariat ne pourrait pas se faire sur les décombres de la planète. Mais ils n’avaient aucun repère doctrinal en matière environnementale, Marx considérait l’accumulation infinie du capital dans une biosphère aux ressources inépuisables : il vivait au XIXe siècle. Et puis il y avait les pseudo-anarchistes derrière leur drapeau noir. Pour les votes, les Verts noirs sont très forts : faut toujours s’exprimer contre le consensus qui se dessine. Et moi, et moi, et moi, vous m’avez oublié ? Dès qu’une tête dépasse, faut la couper. A désespérer du genre humain ! Pour ma part, je me sentais Verts vert, écologiste avant tout, fondamentaliste diraient certains.

Je n’ai pas mis très longtemps pour me rendre compte que mon orientation était et devait rester minoritaire. Dans un parti politique, et les Verts ne faisaient pas exception, ce qui compte c’est le pouvoir, la recherche du pouvoir, la contestation du pouvoir ou même le pouvoir pour le pouvoir. Humain, trop humain ! M’enfin, comme me l’avait enseigné René Dumont, notre tâche était bien là : écologiser les politiques et politiser les écologistes. Fallait que je m’accroche.

2/6) Voyage d’un écolo chez les Verts, jusqu’en 2002

Assidu aux réunions, je me rendais utile chez les Verts, j’ai progressé dans la hiérarchie des responsabilités, j’ai été admis au bureau en Charente. Je garde en souvenir inoubliable une histoire de covoiturage avorté qui marque les difficultés de l’écologie politique. Pour ma première réunion « au sommet », un camarade-écolo devait me prendre. J’ai attendu mon conducteur-voiture, beaucoup attendu, il n’est jamais venu ! J’ai téléphoné. Il m’avait complètement oublié, il était presque arrivé au lieu de rendez-vous à quelques dizaines de kilomètres… j’ai du prendre une autre voiture. C’est à des détails comme celui-là qu’on ressent dans sa chair pourquoi l’écologie appliquée patine : personne ne veut vraiment appliquer pour lui-même les principes à la base des économies d’énergie. Cela n’a pas empêché mon étourdi de devenir conseiller régional Vert…

Au niveau du groupe local des Verts, notre principal fait d’arme à Angoulême depuis 1997 était le prix Tournesol. Lors du festival international de la bande dessinée, un prix récompense l’album sensible aux problématiques écologiques… ou porteur de valeurs comme la justice sociale ou la défense des minorités. L’écologie n’attire pas encore les foules sur son seul nom, il faut introduire d’autres critères. Après moult discussion et création d’une association spécifique, une fête de l’écologie s’est installée dans le petit village de Nanclars le dernier week-end du mois de septembre. Première édition en 2002, au moment même où j’allais quitter les Verts Tous ceux que l’écologie intéresse se retrouvaient : des ateliers pratiques, un, un espace débats, un marché de produits écolos, expos et coin mômes, etc. Personnellement je n’étais pas pour, cela accroissait les déplacements en voiture.  L’idéal a du mal à se concilier avec les pratiques… régulièrement, j’y vais faire un tour.

Aux journées d’été des Verts, dont je ne loupais aucun exemplaire, c’était la grande kermesse. Cela allait des groupes d’échange les plus sérieux, autour de l’espéranto, jusqu’aux plus farfelus comme celui qui rassemblait les transsexuels et autres divers genres, en passant par le groupe femme qui parle des femmes : chacun dans sa chapelle. Sans oublier les fumeurs de pétards qui utilisaient la moindre occasion pour faire parler de la dépénalisation du cannabis. Il est bien vrai que l’étiquette écolo regroupait surtout tous les survivants de la deuxième gauche, celle pour qui la libéralisation des mœurs, féminisme, IVG, homosexualité, autogestion… restait l’alpha et l’oméga de la vie publique. Je n’étais pas contre, loin de là, je peux même ajouter entre autres à la liste naturisme et nudisme, pacifisme et non-violence. Mais je pensais à juste raison que ces messages issus de mai 1968 étouffaient complètement ce que nous voulions faire passer : une planète sauvegardée pour nos descendants et toutes les autres espèces vivantes. Dominique Voynet concluait lors de ma dernière journée d’été en 2002 que ce n’était pas la peine de parler entre nous d’écologie puisque tout le monde était d’accord sur la question !? Elle faisait l’impasse sur nos manques.

J’étais accablé par les contradictions internes des Verts, par des statuts inefficaces, souvent dénoncés mais jamais modifiés. J’étais aussi accablé par l’amateurisme de nos procédures et candidats. Aux primaires pour les présidentielles 2002, nous avions voté Lipietz contre Mamère, qui s’était révélé non médiatique, avait été désisté par un autre vote, et Mamère, malgré sa décision irrévocable de ne pas se présenter, avait quand même obtenu plus de 5 % des voix au présidentielles 2002. Mais avant, j’avais voté pour voter, plusieurs fois, pour rien. J’étouffais, les Verts ne portaient pas vraiment l’idéal écologiste, mais un système embryonnaire de parti, un ramassis d’ambitions et beaucoup de gens qui ne faisaient que passer.

Aux journées d’été d’août 2002, à Saint-Jean-de-Monts, j’ai craqué à mon tour. Chaque nuit ou presque une insomnie, pour ces questions lancinantes qui me taraudaient. A quoi servaient les Verts ? Qu’est ce que je faisais dans ce parti ? Qu’est-ce que faire de la politique ? Je suis parti… pour le parti socialiste. Mais auparavant, j’ai fait une réunion de formation pour le groupe local sur le concept de décroissance. Même chez les Verts, ce mot était alors inconnu, ou tabou. Il n’y avait pas de formation chez les Verts et en 2011, c’est toujours la même situation. J’y reviendrais.

J’ai donc décidé de rentrer dans un parti dit de gouvernement en octobre 2002. L’auto-blocage des Verts devenait irrécupérable et l’enjeu écologique devenait si brûlant que je pensais que le PS allait faire son grand tournant idéologique vers un parti social-écologiste. Naïf que j’étais !

3/6) Voyage d’un écolo dans une fédération socialiste

Déçu au plus haut point par l’immobilisme des Verts, j’ai basculé en octobre 2002 dans l’illusion d’un parti dit de gouvernement, le Parti socialiste.

J’ai été accueilli à bras ouvert au niveau de la fédération départementale du PS. Pour cause, personne ne voulait s’occuper d’écologie dans ce parti… Je suis donc, faute de concurrent, devenu presque aussitôt fédéral à l’environnement, membre assidu de la commission nationale environnement, chargé très vite à ma demande d’un suivi mensuel de la politique de la droite en matière d’environnement. Ce suivi était envoyé à tous les députés du groupe socialiste et républicain, laissé sans suite pendant plusieurs années, sauf pour une brochure en avril 2005 « Notre maison brûle, la droite regarde ailleurs ». En fait je m’agitais, j’étais content de travailler pour la cause écologique, mais rien ne bougeait ou presque. Comme un squelette agité par le vent, le Parti socialiste.

Que ce soit une section locale, une fédération ou un bureau national, ne nous leurrons pas, l’enjeu dans un parti électoraliste est la répartition des postes, pas l’analyse écologique. On court d’une élection à l’autre, le nez dans le guidon. Les débats sont interminables… pour savoir qui on va désigner comme candidat. Les affrontements interpersonnels entre camarades socialistes sont omniprésents, entre courants, à l’intérieur des courants, entre habitants d’un même lieu. Comment alors prendre le temps de penser écologie ? J’ai quand même réussi à intervenir dans presque toutes les sections de Charente sur le prix de l’énergie. A la question préalable « pensez-vous normal que le prix de l’essence augmente, soit stable ou baisse », tout le monde ou presque voulait d’une diminution du prix, social exige. A la fin de la session de formation, tout le monde avait compris que le pétrole étant une ressource limitée en voie de disparition, le prix du baril devait augmenter et donc le litre d’essence. Mais cette connaissance nouvelle n’avait entraîné aucune conscience nouvelle… au Parti socialiste.

De toute façon la formation n’existe pas au PS. Le nouvel arrivant doit se contenter généralement d’une présentation devant la section, nom-prénom, un peu plus s’il est bavard, point final. Il y a bien entendu une « formation des cadres », appelée «Université permanente ». J’ai suivi cette formation : il n’y a aucun débat d’idées, aucun point de repères enseigné ; on apprend à prendre la parole, on suit les bavardages pontifiants de nos leaders lors de l’université d’été à La Rochelle, point final. On réalise à la fin un mémoire qui n’est même pas archivé. A Paris rue Solferino, siège du PS, on s’en fout de la production des militants. C’est ça la démocratie, dans un parti de cadres ! Pourtant j’avais réalisé une somme sur « marxisme et écologisme », mais ça n’intéressait personne. De toute façon le PS n’a aucune idéologie à enseigner, il ne se rappelle même plus qu’il a été SFIO (section française de l’internationale ouvrière), il ne sait plus le langage marxiste de la plus-value, il a la cohérence doctrinale de la droite, marché, libre-échange, concurrence et compétitivité. Pour les socio-démocrates, c’est la croissance économique qui doit permettre les avancées sociales, l’enjeu écologique reste ignoré. Aubry, Hollande et Strauss-Kahn ne peuvent me contredire, ils tiennent le même discours.

La seule fois où j’ai abandonné ma tâche d’écologiste, ce fut à mon détriment en 2006-2007, pour soutenir un candidat « parachuté » en Charente. Malek Boutih, désigné par le national au titre des minorités visibles, me paraissait une personnalité valable. Mal m’en a pris, le conseil fédéral unanime était contre un socialiste venu d’ailleurs, donc contre moi. Le député sortant, comme un prince en son fief, voulait en effet que soit désignée sa propre candidate à sa succession. Le secrétaire fédéral était aussi l’attaché parlementaire de ce député sortant : conflit d’intérêts, ça facilite l’abus de pouvoir ! Le bureau fédéral était devenu une annexe du Front national, on m’a même demandé si j’étais bien issu de Charente. J’ai été destitué de ma responsabilité de fédéral à l’environnement, on ne me convoquait plus (en toute illégalité) aux réunions du bureau fédéral… Dans ce parti, la lutte pour le pouvoir est beaucoup plus importante que la lutte pour les idées. Et on préfère exclure plutôt que discuter avec les dissidents !

Cela ne m’a pas empêché de continuer ma tâche d’écolo « socialiste » au niveau national.

4/6) Voyage d’un écolo dans les instances nationales du PS

Encarté au PS, écarté par les instances socialistes locales, j’ai continué à militer dans les instances nationales dédiées à l’écologie.

La commission nationale environnement a cela de particulier qu’on est bien obligé d’y parler environnement même si on est au PS. Mais ce n’est pas rare d’avoir un membre du CEA ou un délégué d’Areva ou un militant pro-OGM à côté de soi. On ne doit pas dire du mal du nucléaire. Ni des OGM. Ni du progrès technique. De toute façon cette instance n’est même pas consultative, on s’y réunit pour se réunir. Nous faisions un tour de table, on papotait sur l’actualité, on recevait de moins en moins souvent le compte-rendu. Nous avions reçu des associatifs comme les représentants de Greenpeace ou de WWF. On pouvait faire un lien durable avec les associations environnementalistes. J’ai demandé, on n’a rien fait. Nous parlions à une époque malthusianisme. Rien n’en est ressorti. C’est pourquoi au fil des années l’assistance s’est faite de plus en plus clairsemée, jusqu’à ce que cette commission se résume en 2011 à sa secrétaire nationale, Laurence Rossignol. L’essentiel du travail veut se faire au niveau des apparatchiks, qui se réunissent pour discuter de leurs désaccords. Le culte des ego, dira la presse. Heureusement, le pôle écologique du PS a servi de substitut à la CNE pour satisfaire ma soif d’avancée environnementaliste.

Car le PS a maintenant son pôle écologique ! Lors du Congrès de 2005 au Mans, j’avais fait remarquer à quelques personnages bien placés de la commission nationale environnement qu’il faudrait que l’écologie soit représentée au prochain Congrès socialiste. Miracle, le pôle se crée début 2008, élabore une contribution générale qui se transforme avec ma présence constante et mes pressions sous-jacentes en motion soumise au vote lors du Congrès de Reims. Nous avons l’appui de quelques députés socialistes qui ne veulent plus se contenter d’être le porte-flingue de tel ou tel. Ils croient vraiment que le réchauffement climatique existe et qu’il faut faire quelque chose ; il n’y a pas que des écolo-sceptiques parmi les socialistes. Mais au Congrès de Reims, c’est la lutte à couteaux tirés pour savoir qui va être premier secrétaire du parti… chacun choisit son camp, Ségolène ou Bertrand, Martine ou Benoît. De plus la crise financière fait pencher plus à gauche, l’économie chasse l’écologie, bien au loin, dans la fumée des mots. D’ailleurs de la contribution générale à sa transformation en motion, j’ai noté le verdissage des programmes des différents leaders : il fallait faire comme si le pôle écologique du PS ne servait à rien !

J’ai représenté le pôle écologique au niveau de la Charente et je suis intervenu devant presque toutes les sections. Mais même les plus écologistes de mes proches amis dans ma propre fédé ne voteront pas la motion B, « pour un parti socialiste résolument écologique ». Résultat national, 1.58 % des voix, aucune représentativité officielle, un désastre. L’écologie reste aux abonnés absents chez les socialistes. Ce ne sont pas, juste avant la messe de La Rochelle, quelques journées d’été réussies (mais non médiatisées) à Saint Ciers qui vont changer la donne. Depuis, en charge de l’animation de la liste des correspondants du pôle, je désespère de voir émerger un nouveau dynamisme écolo à l’intérieur du parti socialiste. Ce parti reste ce qu’il est, un vieux parti de vieux cadres dont les fondamentaux ne diffèrent pas tellement de la droite libérale. De toute façon, le pôle écologique du PS n’arrivait pas à avoir de position commune sur le nucléaire, le tout voiture, le tourisme en avion, la démondialisation… J’ai juste réussi à faire passer par consensus une motion du pôle sur la simplicité volontaire (réunion à Paris le 29 mai 2010) : « Le Pôle écologique du PS invite ses membres et l’ensemble des citoyens à faire preuve le plus possible dans leur vie de sobriété énergétique et d’autolimitation pour construire ensemble une société plus conviviale et plus égalitaire. »

Mais le pôle, comme l’ensemble des instances du Parti, ne travaille pas. Le PS se contente de temps en temps d’écouter quelques intervenants et il appelle cela « Laboratoire des idées ». Les idées sont compilées dans quelques « conventions », fourre-tout indigeste et sans saveur. De toute façon le candidat socialiste à la présidentielle reste libre de n’en faire qu’à sa tête, avec son propre programme, élaboré dans un coin par quelques conseillers occultes. Et l’écologie sera encore une fois complètement marginalisée. Je rêvais d’un parti social-écologiste, avec fusion avec les Verts, ce n’est encore qu’un rêve. Il n’y a rien à attendre pour le moment des socialistes en matière écologiste, je suis dégoûté : neuf ans d’aller-retour à Paris, des échanges Internet innombrables, mes tentatives de structuration du pôle… rien n’a abouti !

5/6) Bilan du voyage d’un écolo au PS

Après un passage chez les Verts, j’avais opté pour l’entrisme dans le Parti Socialiste : neuf ans d’efforts, bilan globalement négatif.  Pourquoi ?

D’abord parce que le social étouffe complètement l’écologique. Le pouvoir d’achat est sacralisé, le niveau de vie encensé. Quel socialiste dans son imaginaire partisan pourrait se passer de sa voiture et de sa télé, du nucléaire et de la nourriture importée, de la pub et des inégalités ? Le maintien des inégalités est pourtant une explication centrale de la destruction de la planète par notre consumérisme ; la différence entre riches et pauvres crée un processus d’imitation/ostentation qui est utilisé à fond par la publicité : regarde la belle voiture que j’ai, regarde la belle voiture qu’il te faut acheter ! Le pôle écologique du PS a bien tenté de proposer un Revenu maximum autorisé (RMA) lors d’une convention. Cet amendement a fait long feu, même dans ma section : « Les inégalités motivent », me dit-on ! « Le politique ne peut rien faire contre l’économique », on ajoute ! Désespérant !! Suis-je encore parmi des socialos ? Où est l’esprit d’égalité ?

La seule avancée globale a été l’adoption d’une nouvelle Déclaration de principes, adopté en juin 2008. Ainsi dans son article 3 : « Les finalités du socialisme démocratique portent pleinement la volonté de préserver notre planète aujourd’hui menacée particulièrement par les risques de changement climatique et la perte de la biodiversité, de protéger et de renouveler les ressources naturelles, de promouvoir la qualité de l’environnement… Conscients de l’étroite interaction des activités humaines et des écosystèmes, les socialistes inscrivent la prise en compte de la planète au même rang de leurs finalités fondamentales que la promotion du progrès et la satisfaction équitable des besoins. » Mais ce texte fondamental n’est pas connu des militants et l’application qui devrait en résulter dans les programmes socialistes est inexistante.

J’ai quand même réussi une avancée ponctuelle en organisant avec l’aide logistique du pôle un colloque à l’Assemblée nationale le 25 janvier 2011: « Pic pétrolier, quelles conséquences politiques pour 2012 ». Dans la salle du groupe parlementaire socialiste, le pétrole est vraiment entré en politique : deux députés à la tribune, 7 ou 8 présents dans la salle. Le géologue Bernard Durand a montré ses inquiétudes : « Le Pic Pétrolier (Peak Oil) mondial, c’est-à-dire le moment où les quantités de pétrole disponibles à la consommation à l’échelle mondiale vont atteindre leur maximum possible, va avoir lieu incessamment. L’offre globale de pétrole va ensuite diminuer, et les quantités de pétrole disponibles par habitant de la planète diminueront plus vite encore. » L’expert Jean-Marc Jancovici a été incisif : « Les parlementaires n’ont pas conscience de l’urgence du problème pétrolier, donc ils ne viennent pas s’informer, donc ils n’ont pas conscience du problème ! » Le député Yves Cochet a confirmé : « Le gap, le fossé entre ceux qui voient le pic pétrolier et les autres est immense. Mais quand demain nous ne saurons pas si nous aurons ou non de l’eau potable et si nous aurons à manger pour nos enfants, alors nous ne pourrons que prendre conscience de la réalité. » Bien entendu, et contrairement à ma demande réitérée, ce colloque n’a eu aucune conséquence politique…

Car du point de vue des socialistes, pour tout résoudre, il suffit d’un peu plus de croissance… verte à la rigueur. De Strauss-Kahn à Hollande, ils sont tous d’accord ! Mais c’est le même discours que la droite. Le PS n’a pas encore compris que la croissance a historiquement augmenté les inégalités et en corollaire détérioré la planète. De plus en plus désespérant, d’autant plus que l’approche des primaires socialistes (dite « citoyennes ») d’octobre 2011 élimine tout débat de fond : chacun son candidat, comme d’habitude. Car qui se dit membre du parti socialiste pense comme son clan. Les personnalités passent avant les idées. Les militants pensent PS d’abord. S’ils veulent arrêter de sous-traiter l’écologie aux Verts, c’est en croyant que le PS est capable de prendre à bras-le-corps l’urgence écologique par lui-même. Illusion ! Certains rêvent personnellement d’une place officielle qu’on ne leur donnera jamais en tant qu’écolo. Car mon parcours pendant neuf ans au sein du PS m’a montré un appareil partisan qui court après le pouvoir, sans aucune autre ambition. La lutte de classes s’est dissoute dans les lendemains qui déchantent. La crise de la dette étouffe l’urgence écologique. La social-démocratie n’a plus de doctrine lisible ni de projet viable.

En bref, une partie du pôle écologique, la plus consciente, est déjà partie rejoindre Europe-Ecologie au moment des Européennes de 2009. Il n’est que temps pour moi de faire de même en 2011.

6/6) Voyage d’un écolo en politique… ça continue !

Je suis rentré en politique grâce à la candidature écolo de René Dumont en 1974. Encarté chez les Verts jusqu’en 2002, je fais un détour improductif par le PS pendant neuf ans pour en revenir aujourd’hui aux fondamentaux : l’écologie avant tout, avec EELV !

Je m’aperçois que pour 10 ou 20 euros, je peux participer aux primaires de l’écologie. Le statut de coopérateur permet en effet de voter en juin 2011 pour cette élection préalable même si on appartient à un autre parti. C’est un des apports d’Europe-Ecologie aux Verts, le sens de l’ouverture. Je me lance à fond dans un soutien à Nicolas Hulot par Internet interposé. Car Eva Joly n’est pas écolo, Stéphane Lhomme est seulement anti-nucléaire et surtout anti-Hulot, Henri Stoll est trop fondamentaliste pour percer médiatiquement. J’ai étudié la vie et l’œuvre de Nicolas Hulot, rien à redire : ses émissions en faveur de la nature, ses conseils avisés auprès du président Chirac, sa fondation, ses livres, son avertissement solennel et répété : nous voguons sur le Titanic, l’iceberg c’est pour bientôt. Mon ami José Bové est sur la même longueur d’onde : « C’est Nicolas Hulot qui porte le mieux le projet global de la transformation écologique. Aux yeux de la société, il possède cette légitimité qu’il a su bâtir à sa façon. »

Mais la vie politique étant ce qu’elle est, et les votants méritant les candidats qu’ils désignent, ce sera Eva Joly la présidentiable écolo. Comme je suis un habitué des combats perdus d’avance, je me trouve aussitôt un autre combat. Je pose ma candidature pour animer un atelier aux journées d’été d’EELV à Clermont Ferrand. A ma grande surprise, nouveau venu, simple coopérateur, je suis choisi comme co-animateur (avec Frédéric Benhaim) pour l’atelier « accueil et formation à EELV » le 19 août 2011. Il s’agissait de s’occuper de la formation à la base, et non de la formation des élus Verts déjà réalisée par le Cédis, le seul organisme qui fait des bénéfices !

J’ai été agréablement surpris par le sérieux des différents groupes de travail à Clermont. Cela me changeait du folklore des Verts dans les années 1990. Mais je me suis aperçu qu’en matière d’accueil et de formation institutionnalisée, rien n’avait changé depuis mon départ des Verts en 2002 : aucune organisation, sauf initiatives ponctuelles. Le secrétaire national à la formation, présent lors de cette séance, a conclu qu’il fallait faire quelque chose… dans six mois. Mais ma proposition d’instaurer une liste d’échange entre formateurs au niveau national a été reprise très vite par un habitué des listes (innombrables) de diffusion EELV. Depuis, peu à peu, le secteur s’organise. Lentement, trop lentement.

C’est vraiment dommageable que la formation soit restée au point mort, et significatif d’une dérive électoraliste. En effet, plus EELV se développe, plus la logique de l’organisation prime la logique des idées. Confondue avec le parti, l’organisation permanente de moyen devient une fin, à laquelle on peut finir par tout subordonner : principes, convictions personnelles, etc. Toutes les grandes organisations devant mener à bien des tâches complexes connaissent nécessairement ce processus de bureaucratisation : le parti devient un parti de cadres et non un mouvement de militants. Les dirigeants du parti risquent alors d’adopter un comportement de plus en plus autocratique. Pour briser cet enchaînement néfaste, la formation permanente dans un parti démocratique est donc une nécessité absolue : le contre-pouvoir par la formation à la base !

D’ailleurs la formation chez les écologistes est plus facile que dans les autres partis. La gauche comme la droite sont marquées au fer rouge du productivisme ; le mouvement écolo porte donc le seul projet politique valable pour le XXIe siècle, le sens des limites de la planète ! C’est l’écologie scientifique qui nous démontre que nous avons dépassé les capacités de régénération de la Terre. C’est l’écologie politique qui doit déterminer les décisions qui en découlent. Mais l’imaginaire social ne change pas d’un coup de baguette magique. Pourtant il y a urgence écologique, ça chauffe !

Mon projet ? Construire un parti social-écologiste. Nous avions accepté que le pôle écologique du PS garde les transfuges vers EELV (dont je fais désormais partie) sur sa liste de correspondants. C’est une passerelle entre socialisme et écologisme. Il y en a d’autres. Par exemple le partage des circonscriptions entre EELV et PS. Qu’un parti social-écologiste devienne majoritaire en France et ailleurs n’est pas simplement souhaitable, c’est inéluctable. Car au fond, qu’est-ce que l’écologie ? C’est un discours commun (« logos, logie ») qui transcende toutes les étiquettes partisanes. Il s’agit de considérer, avec les données de l’écologie scientifique et le débat démocratique, la meilleure façon de nous occuper de notre maison commune (« oikos, eco ») la Terre.

Mon voyage d’écologiste en politique est loin d’être terminé…

 

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tous les coups ne sont pas permis… en écologie

La politique contemporaine est devenue un art de la violence, une jungle où tous les coups sont permis*, où le succès passe par le meurtre symbolique de son partenaire/adversaire, du plus haut niveau (Giscard/Chirac, Mitterrand/ Rocard, Sarkozy/Villepin) à la bataille sordide pour un siège de conseiller régional ou de maire. Ces trahisons et ces haines découlent principalement de l’absence d’enjeu idéologique, les idées de droite ressemblent à celles de la gauche et réciproquement. Comment distinguer Hollande de Sarkozy, Sarkozy de Strauss-Kahn, Aubry de Copé, Bayrou de Villepin et Ségolène d’Hollande ? Ce n’est plus autour des idées, mais autour d’un clan ou d’un homme qu’on part au combat.

Dans ce contexte de personnages à contours flous, la logique de l’organisation prime la logique des idées. Le parti devient un parti de cadres et non un mouvement de militants. On devient un professionnel de la politique et les dirigeants du parti adoptent un comportement de plus en plus autocratiques. Même chez les Verts, parti autrefois bouillonnant d’idée mais en panne de leader, on laisse aujourd’hui les rênes à des personnes comme Jean-Vincent Placé, un carriériste, pur professionnel de la politique qui n’a jamais travaillé. C’est lui qui a négocié avec le PS un groupe parlementaire au sénat (où il s’est « placé » en pôle position) comme au prochain parlement. Mais Jean-Vincent Placé ne parle jamais d’écologie, même quand il est interrogé pendant deux heures par LE MONDE**.

Jean-Vincent Placé est significatif du développement d’un parti. Toutes les grandes organisations devant mener à bien des tâches complexes connaissent nécessairement un processus de bureaucratisation. L’organisation permanente, de moyen devient une fin, à laquelle on peut finir par tout subordonner : principes, convictions personnelles, etc. Pour briser cet enchaînement néfaste, la formation permanente dans un parti démocratique et militant est donc une nécessité absolue. Le débat d’idées permet de ne pas être étouffé par les impératifs de l’organisation. Alors que la gauche est marquée comme la droite au fer rouge du productivisme, EELV (Europe Ecologie-Les Verts) a la chance de pouvoir bénéficier d’un axe idéologique précis scientifiquement fondé : nous avons dépassé les limites de la planète (empreinte écologique…). Le rôle de l’écologie politique, du parti et de ses militants est de déterminer les décisions à prendre qui découlent de ce fait. Les dirigeants doivent être au service de ce débat d’idées, pas de leur ambition personnelle.

* LE MONDE du 15 décembre 2011, Livre du jour : Tous les coups sont permis de Renaud Lévy et Henri Vernet

** LE MONDE du 8 décembre 2011, Jean-Vincent Placé, un requin chez les écologistes

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effondrement de l’euro et système d’échange local

Script de la mini BD du MONDE*, les indégivrables :

« L’argent, c’est pourri ! Faut revenir à l’échange de services, genre je répare ta machine et tu repeins mon garage »

« Ou : tu m’échanges ta voiture contre mon robot de cuisine »

« Attends : ça ne vaut pas, ça ! Faut une grille de valeurs »

« Oui : ça s’appelle l’argent »

Cette BD est dans l’air du temps. De nouvelles monnaies créent une nouveau type d’échange communautaire. Ce phénomène se développe particulièrement en temps de crise finanicère, il a déjà donné naissance aux Lets (Local Exchange Tip System) canadien et au SEL français (Système d’échange local). Plusieurs sites comme SEL’idaire ou CyberSel propagent cette expérimentation. LE MONDE** a déjà réalisé un article sur la question : « Conjunto Palmeiras était un bidonville misérable du Brésil, sans eau ni électricité ni transports. Nous avons découvert un jour une chose importante : nous restions pauvres non seulement parce que nous avions peu d’argent, mais surtout parce que nous le dépensions en dehors de la favela. Il fallait dont autant que possible produire et consommer sur place. Et créer un instrument sur mesure, une banque communautaire. C’est ainsi que nous avons fondé en 1998 la banque Palmas, avec pour objectif de relocaliser l’économie, de générer de la richesse sur place, au moyen d’une monnaie sociale, le palmas, qui n’est utilisable que dans le quartier : 93 % des achats des ménages sont aujourd’hui effectués à l’intérieur du quartier. En dix ans, directement ou non, 1800 emplois ont été créés grâce à la banque locale. »

Cette BD se centre sur l’argent alors que ce n’est pas l’essentiel. Une banque éthique n’est pas faite pour gagner de l’argent, uniquement pour faciliter les transactions. Par principe, une monnaie alternative ne rapporte par d’intérêts : le temps ne rapporte rien. Reste le problème de la « grille de valeurs ». Or un service correspond à une durée de travail ; le temps est la seule référence concrète. Nous avons donc besoin de banques de temps : les services ou savoirs sont exprimés en unités de temps (Time Dollar aux USA, Banca del Tempo en Italie). L’unité de compte peut alors être libellée en heures et minutes. Se pose le problème de l’équivalence entre heures de travail : une heure pour tailler un haie est-elle l’équivalent d’une heure pour une leçon de piano ? Si nous étions logique, le temps d’une personne est bien toujours l’équivalent du temps d’une autre personne, quel que soit le service qu’il propose. Il suffit pour être équitable de décompter le temps passé à repeindre ton garage pendant que tu répares ma machine. Quant aux biens, comme ils incorporent aussi un certain nombre d’heures de travail, la référence reste la même que pour les services : money is time.

* LE MONDE du 14 décembre 2011, dessins de Zavier Gorce

** LE MONDE du 26 mai 2010, analyse de Joaquim Melo

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survivre à l’apocalypse, les survivalistes

Le problème de l’article d’Isabelle Talès* sur l’apocalypse « prévue pour le 21 décembre 2012 », c’est qu’il lorgne du côté de Pascal Bruckner, « Le fanatisme de l’apocalypse » : le chaos sur Terre ne peut arriver, c’est la position de la science, il faut être  dingo pour croire à l’apocalypse ! Or l’échec de Durban sur le réchauffement climatique et l’insouciance totale des politiques autant que des consommateurs  (qui ne savent même pas que nous avons dépassé le pic pétrolier) nous préparent de jolis feux d’artifice qui ressembleront à si méprendre à des catastrophes… pour ne pas dire apocalypse !

Par contre Isabelle Talès envisage en passant les « survivalistes qui se préparent chaque jour au pire ». Mais elle ne sait pas par rapport à quoi, où est le pire ! Elle se contente de dénigrer leurs boîtes de conserves en stock et leurs arbalètes. Nous conseillons à  Isabelle Talès de lire le dossier «  Survivre aux survivalistes » (mensuel La Décroissance – septembre 2008) : « Aux Etats-Unis, les survivalistes se donnent comme père fondateur Kurt Saxon, qui édite depuis 1974 une revue « le survivant ». Il s’agit de présenter des techniques de survie, mais aussi de combat dans la perspective de l’après-pétrole. Il ne s’agit pas tant de se préparer à survivre dans un monde devenu hostile que face à des humains devenus hostiles. Le survivaliste s’inquiète des futures pulsions de ses congénères plus que des possibilités de garder la terre fertile. Ce mouvement compte des milliers de membres, surtout aux Etats-Unis, qui réapprennent les techniques de la terre, la ferronnerie, l’artisanat d’antan. Selon eux, l’entrée dans l’ère du pétrole rare et cher va se concrétiser par une grande famine, par une relocalisation très brutale et par le retour à un âge de fer où seuls les plus organisés survivront. »

Rappelons que la méthode des Towns Transition, initiée pour la première fois à Totnes en Angleterre, réfute l’attitude individualiste des survivalistes. Lisez Rob Hopkins et son manuel de transition… et agissez pour éviter l’apocalypse !

* LE MONDE du 13 décembre 2011, « En attendant l’apocalypse » |Chronique télé |

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nous allons crever de chaleur, c’est la faute aux médias…

Pour l’éditorial du MONDE* hier, « Le consensus obtenu à Durban » mérite d’être salué. Pour un scientifique du climat dans l’édition d’aujourd’hui***, « Limiter le réchauffement à 2 °C est visiblement inatteignable ». Un média de référence ne peut plus se contenter de « Durban… peut mieux faire », il faut que les lecteurs se rendent compte de la catastrophe en marche. J’ai de moins en moins confiance à la ligne éditoriale du MONDE ! Car ça chauffe déjà, et demain sera bien pire.

LE MONDE comme les négociateurs semblent parfaitement conscients de la crise de la dette, de l’emploi et du pouvoir d’achat d’aujourd’hui, pas du tout des conséquences du réchauffement pour demain. De désaccord en désaccords, on repousse toujours les échéances des négociations au lendemain : à Durban, c’est pour 2015, ou pour après 2020 ! Après Durban, le cadre juridique des engagements à venir reste à préciser… car le texte rédigé en Afrique du sud ouvre le champ à toutes les interprétations !! Pourtant les faits sont têtus. En 2010, indique le Carbone Budget 2010, l’Humanité s’est délestée de quelques 33 milliards de tonnes équivalent CO2 : + 5,9 % en un an ! Du jamais vu ! Pour mémoire, le taux de croissance d’émissions tournait autour de 1 %, dans les années 1990 et de 3,1 % la décennie suivante… Il faudrait dorénavant baisser les émissions mondiales de 5 % par an au moins. Mission impossible.

Le protocole de Kyoto engageait 39 pays développés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % en 2012 par rapport au niveau de 1990. Ce protocole expirait en 2012, il n’a jamais été respecté. Mieux, le Canada*** est devenu, lundi 12 décembre 2011, le premier Etat à se retirer du protocole de Kyoto. Même son ministre de l’environnement, Peter Kent, se met à prendre des positions contraires à la sauvegarde de l’environnement : « Le Canada court le risque de verser des pénalités de quatorze milliards de dollar, s’il reste signataire du protocole… Nous croyons qu’un nouvel accord(après Durban) avec des contraintes juridiques nous permet, en tant que pays grand émetteur, de créer des emplois et d’avoir une croissance économique …» Aux termes de Kyoto, le Canada s’engageait à réduire en 2012 ses émissions de GES de 6 % par rapport au niveau de 1990, mais ces émissions ont au contraire fortement augmenté. Selon Peter Kent, le Canada aurait dû soit bannir tous les véhicules à moteur de ses routes, soit « fermer » tout son secteur agricole et « couper le chauffage dans toutes les habitations, bureaux, hôpitaux et usines » du pays. On ne veut pas le faire aujourd’hui, on le fera demain à plus grande échelle, contraints et forcés : plus de voitures, plus de chauffage, presque plus d’usines, une agriculture de survie…

Nous allons crever de chaleur, c’est la faute aux médias, c’est la faute aux politiques, c’est la faute aux entreprises, c’est la faute à nous tous… Ding, Ding, la fin du monde approche… Dans les années 90, le Canada enseignait aux élèves les bases de l’écologie : « Reject, Re-use, Recycle ». C’était il y a très longtemps…

* LE MONDE du 13 décembre 2011, Accord de Durban : bien… mais peut mieux faire

** LE MONDE du 14 décembre 2011, Après Durban, limiter à 2 °C le réchauffement est utopique

*** LEMONDE.FR avec AFP | 13.12.11 | Le Canada quitte le protocole de Kyoto

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l’électricité en France, 13 décembre 2026

Les capacités d’EDF, fonctionnelles jusqu’à la catastrophe de la centrale nucléaire de Blaye (décembre 2018), n’ont jamais été rétablies par le Réseau intermittent d’électricité (RIE). L’arrêt de la fourniture d’électricité allemande et espagnole en 2023, a aggravé la situation. Même Paris, qui était encore correctement alimenté il y a peu, est touché. La capitale est exaspérée par les coupures sauvages d’électricité. Les rationnements provoquent une frustration toujours plus grande parmi les Français. Les inégalités dans l’accès à l’électricité augmentent l’amertume des plus défavorisés. Plus de 90 % des habitants de la Bretagne vivent avec au moins douze heures de coupures quotidiennes. Les délestages signifient, pour ceux qui n’ont pas d’alimentation en électricité privée (plus de 42 % de la population), des maisons plongées dans l’obscurité dès la tombée de la nuit ou des heures de paralysie sans pouvoir utiliser d’appareils électriques.

Pour une couverture minimale durant les heures de délestage, les abonnés aux générateurs (bruyants, très polluants et illégaux) font face à des frais toujours plus difficiles à soutenir. Parmi les industriels, les coûts en énergie sont si élevés qu’ils mènent parfois à la faillite. Chez tous, les coupures nourrissent le sentiment d’une incurie totale de l’Etat. Les dirigeants sont perçus comme corrompus et opportunistes, à incapables de résoudre les problèmes. Ah, voir un politicien chercher une bougie pour s’éclairer, le rêve ! L’électricité reste l’un des rares thèmes sociaux capable de mobiliser.

Ce scénario est déjà décrit dans LE MONDE du 11-12 décembre 2011, « Au Liban, l’électricité de la colère ». Il nous a suffi de remplacer Liban par France, Beyrouth par Paris et de substituer à la guerre du Liban une catastrophe dans une centrale nucléaire. Les humains sont des animaux parmi les autres qui vivent normalement sans voiture électrique ni éclairage en pleine nuit. Il nous faudra considérer un jour que seule la lumière du soleil nous procure une énergie durable, il nous faudra accéder à d’autres valeurs que le tout électrique. Parions que d’ici 2026 tous les besoins faussement essentiels basés sur une électricité à flux continu tomberont dans les oubliettes de l’histoire ; avec une énergie intermittente, il faudra beaucoup travailler simplement pour obtenir un peu d’eau potable et l’alimentation de base.

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Achetez français, achetez local

Il y a à peine dix ans, la Chine a accédé au statut de membre à part entière de l’OMC, le 11 décembre 2001*. Comme le nombre fait la force, la Chine est devenu l’atelier du monde. Tout bénéf pour nous, leurs produits sont moins chers. Catastrophique pour notre économie, la France connaît la désindustrialisation et le chômage. Le slogan nationaliste fait donc un retour en force : « Achetez français »**. Car chacun peut se rendre compte que nous avons délocalisé nos industries, nos chercheurs, nos emplois et provoqué pollution et exploitation dans les pays à bas salaires. Ce retour du protectionnisme est déjà utilisé par les firmes multinationales, ainsi cette pub de Coca-Cola***. LE MONDE parle même de tentation cocardière**** et fait un lien avec les slogans de l’extrême droite et le rêve du retour au franc. Le libre-échange est condamné, la démondialisation est en marche.

En fait la relocalisation ne doit pas être simplement conçue dans une optique franco-française ou même européo-centrique. Nous devons tendre le plus possible à l’achat local dans sa communauté proche. La hausse du pétrole et de l’énergie dans les années à venir va s’accompagner nécessairement d’une fragilité grandissante de la grande distribution, ce qui va donner plus de poids à la relocalisation de l’économie. La sécurité des approvisionnements poussera davantage les autorités à encourager l’autonomie en matière de nourriture et de consommation. Le retour au franc n’est qu’un aspect de cette problématique.

De nombreux instruments peuvent en effet inciter les consommateurs à l’achat local : bons d’achat avec réduction, cartes de crédit et de fidélité locales, systèmes de troc et systèmes monétaires locaux… L’argent public ne devrait être attribué qu’aux entreprises locales. Chaque euro et chaque heure utilisée pour attirer et retenir une entreprise extérieure sont perdus pour la cause locale et les avantages qu’elle présente en matière de prospérité. Comme les entreprises locales ont tendance à donner la priorité à la main-d’œuvre, au foncier et aux capitaux locaux ainsi qu’à fournir biens et services pour les marchés eux aussi locaux, c’est décisif pour la stabilité sociale. Un entrepreneur local y réfléchira à deux fois avant de continuer à polluer, ces concitoyens pouvant dénoncer très rapidement ses « externalités négatives ». De plus, du fait que les entreprises locales sont plus enclines à utiliser des matériaux locaux et à vendre sur des marchés locaux, leur activité nécessite moins de transport, consomme moins d’énergie et rejette moins de gaz à effet de serre. Enfin une entreprise locale induit un facteur multiplicateur plus élevé sur le plan économique qu’une entreprise similaire mais délocalisée : les revenus d’une entreprise locale sont distribué sur place, puis une grande partie de cet argent est redistribuée à nouveau au niveau local, etc.

De cette économie relocalisée naîtront des associations entre entreprises vertes et écolo-sceptiques, entre partisans du libéralisme et adversaires de la mondialisation. Là réside la caractéristique la plus séduisante de l’économie locale et sa contribution la plus pérenne : ancrer la culture de l’autonomie territoriale dans un fonctionnement profondément démocratique. C’est l’enjeu de la transition vers des communautés de résilience. Lisez le livre de Rob Hopkins sur la question.

* LE MONDE du 10 décembre 2011, Pékin a bien profité de son adhésion à l’OMC

** LE MONDE du 10 décembre 2011, Acheter français est devenu un geste citoyen

Cet article mélange achat français et « french touch hors des frontières ». C’est incompatible, on ne peut vouloir consommer local et exporter des produits inutiles comme une  tablette tactile, produire local et équiper de chaises françaises les parcs new-yorkais !

*** LE MONDE du 10 décembre 2011, Chez Coca-Cola, nous fabriquons plus de 90 % de nos boissons en France

**** LE MONDE du 10 décembre 2011, La tentation cocardière

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la France à Durban : inaudible

La Terre est notre « maison commune ». Chaque être humain devrait en prendre soin. Mais NKM et AJ, ministre de l’écologie et ministre des affaires étrangères, se mettent à deux pour nier les évidences : la France ne fait rien et ne fera rien pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre. Ces ministres sont pourtant explicitement conscients d’une situation alarmante : « Les efforts des Etats ne permettront pas de limiter à deux degrés d’ici la fin du siècle la hausse de la température moyenne de la planète. L’Agence internationale de l’énergie prévoit une élévation de la température de l’ordre de trois degrés, pouvant aller jusqu’à six degrés. Ce sont des populations déplacées par des catastrophes climatiques dans des proportions imprévisibles. C’est une menace pour la sécurité alimentaire de millions de personnes. »* Alors ? Rappelons qu’en 2000, le gouvernement Jospin avait présenté un programme de lutte contre le changement climatique qui avait rapidement sombré tandis que Fabius supprimait la vignette automobile, un impôt progressif qui instaurait un malus. Que fait la droite actuellement au pouvoir en France depuis 2002 ?

Rappelons qu’un plan climat devait être présenté avant le 14 juillet 2004 avec l’objectif de diviser par 4 (pour les pays industrialisés) les émissions de GES avant 2050 (dixit Raffarin en février 2003). Cela aurait représenté une réduction annuelle de 3 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Objectif tombé aux oubliettes ! Entre 1990 et 2007, nos émissions de CO2 d’origine fossile par habitant se sont juste stabilisées. N’oublions pas qu’à peine élu, Sarkozy mettait en charge de l’écologie Alain Juppé, numéro 2 du gouvernement, qui obtenait un périmètre ministériel considérablement élargi, énergie, transports, aménagement du territoire… N’oublions pas que Nathalie Kosciusko-Morizet a été secrétaire d’Etat à l’écologie et maintenant ministre de l’écologie. Qu’ont fait ces ministres alors qu’ils avaient le pouvoir ? Rien ! Et ils osent affirmer aujourd’hui que « la France mène de véritables politiques de lutte contre le réchauffement climatique »… Qu’attendent ces ministres pour condamner la politique de Sarkozy : abandon des promesses du Grenelle, satisfactions données aux lobbies carbonifères, fausse promesse d’une taxe carbone, l’écologie ça commence à bien faire, etc. ?

NKM et Juppé citent le président des Maldives : « On ne négocie pas avec la Nature. » Mais les politiques n’en ont pas encore conscience, ils croient encore qu’il suffit de négocier à Copenhague, Cancun ou Durban le fait qu’on ne fera aucun effort… puisqu’on ne veut pas en faire chez soi.

* LE MONDE du 8 décembre 2011, Il faut éviter un échec à la conférence de Durban

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arrêt des migrations et ressources vitales

Malek Boutih était un ancien président de Sos-Racisme. Dans un rapport tenu secret1 par le Parti socialiste, le secrétaire national chargé des questions de société proposait une politique de l’immigration rigoureuse : « Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration. » Il proposait l’établissement d’une politique de quotas, la suppression de la bi-nationalité et un serment « au respect des lois de la République, de la laïcité et de l’égalité homme-femme » pour les titres de séjour valable dix ans. Les restrictions aux migrations ne sont donc pas le fait exclusif du Front National ou de Sarkozy-Guéant singeant le FN. Le problème paraît plus profond.

Depuis toujours, le PS est mal à l’aise avec le sujet « immigration », car constamment tiraillé entre pragmatisme et humanisme. C’est sous François Mitterrand qu’a été légalisée et organisée en 1981 la rétention administrative. C’est Paul Quilès aussi, en tant que ministre de l’intérieur, qui a fait passer dans la loi en 1992 le système des zones d’attente. Quand les crises économiques se succèdent, quand le chômage devient structurel et insoluble, les pays riches se ferment aux mouvements migratoires. En France, le nouveau projet de loi sur l’immigration débattu à l’Assemblée nationale en septembre 2011 renforçait les facilités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. A la question « Faut-il régulariser massivement les sans-papiers ? »2, tous les candidats à la primaire socialiste du 9 octobre 2011 étaient « contre » et défendaient le « cas par cas » avec seulement quelques nuances : normes de « vie de famille », de travail et d’années de présence ou preuves d’« intégration », comme la maîtrise du français jusqu’aux « reconduites à la frontière ».

Dans les décennies à venir, les conflits d’espace vital et de ressources auront des effets encore plus radicaux sur l’humanisme occidental et l’esprit d’ouverture. Comme l’exprime d’André Lebeau3, « Le découpage de l’espace terrestre en territoires nationaux est achevé. A l’enfermement planétaire qui pèse sur l’humanité s’ajoute un confinement territorial qui fait de la notion d’expansion un synonyme de guerre de conquête. » Comme l’analyse Harald Welzer4 : « Les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. Des processus sociaux comme l’holocauste ne doivent pas être compris comme une « rupture de civilisation » ou une « rechute dans la barbarie », mais comme la conséquence logique de tentatives modernes pour établir l’ordre et résoudre les problèmes majeurs ressentis par des sociétés. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre  compte : c’est le phénomène des shifting baselines. »

Le dernier rapport de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) indique que « la mobilité humaine est sans précédent par le passé »5. Nous cumulons 214 millions de migrants internationaux et près de 1 milliard en comptant les migrations internes. Cela s’accompagne de perception anxiogène et d’image négative des migrants, de manifestation de xénophobie et d’attitudes discriminatoires, d’une percée électorale de l’extrême droite et des partis nationalistes. Nous sommes dans une sorte de spirale avec des manifestations de peur, de rejet et de violences un peu partout dans le monde. L’écologie, la protection des milieux et la stabilité sociale ne font donc pas bon ménage avec les migrations. Comme l’écrivait déjà Malthus il y a deux siècles, « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. ».

1. Les inrockuptibles (4 au 10 mai 2005)

2. LE MONDE du 30 septembre 2011

3. L’enfermement planétaire (Gallimard, 2008)

4. Les guerres du climat (Gallimard, 2009)

5. LE MONDE du 7 décembre 2011, La crise ne freine pas les flux migratoires mais accroît les manifestations de rejet

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le lobby des économies d’énergie et Cancun

Il y a des lobbies pour le nucléaire, l’éolien, les Mac do, la RATP… pourquoi n’y aurait-il pas un lobby des économie d’énergie ? En effet, ça chauffe. Notre planète est sur une « trajectoire à haut réchauffement et à haut risque », à hauteur de + 3,5 °C en moyenne mondiale par rapport à l’époque pré-industrielle*. Les gouvernements n’ont plus guère que quatre ans pour inverser la tendance. Mais après l’échec de Copenhague et Cancun, la conférence de Durban sur le climat n’en prend pas le chemin**. L’Inde émet 2 tonnes de CO2 par habitant, la Chine 6 et les Etats-Unis 20. L’Inde veut donc pouvoir émettre d’avantage, les pays industrialisés ne veulent pas que soit pris en compte leur émissions du passé et ne veulent pas faire d’efforts pour le futur. Lors des présidentielles françaises,  qui parle du facteur 4, une réduction drastique de la consommation d’énergie? Personne.

Europe Ecologie-Les Verts serait normalement le parti à même d’animer un lobby des économies d’énergie. Mais EELV s’intéresse surtout à la production, pas à la consommation d’énergie. Pire, ayant excommunié gaz de schiste et nucléaire, EELV fait le choix implicite du charbon, le tueur de climat***. Il existe bien un organisme qui fait ce qu’il peut, l’ADEME (Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie). Le site n’est pas très convaincant, les campagnes inaudibles face à la puissance publicitaire d’EDF ou des marcahdns de voitures, tous ceux qui nous incitent à consommer encore plus d’énergie. L’ADEME peut peu.

En fait nous avons oublié qu’il y a un lobby des économies d’énergie. Il est composé de tous ceux qui réduisent consciemment et consciencieusement leur facture énergétique. Vous voulez un exemple détaillé, lisez No Impact Man, édité en langue française. Et faites personnellement le maximum d’économies d’énergie… Le lobby fondamental, ce sont les consommateurs qui décident ou non d’acheter plus que le nécessaire. Sinon ça chauffera, et nous serons à la fois responsables et coupables.

* LEMONDE.FR avec AFP | 06.12.11 | Le climat sur la voie d’un réchauffement de 3,5 °C

** LE MONDE du 7 décembre, L’Inde exige un partage équitable de la facture climatique

***  Claude Henry | LEMONDE.FR | 07.12.11 | Au charbon les verts !

le lobby des économies d’énergie et Cancun Lire la suite »

Greenpeace attaque des centrales nucléaires

Greenpeace par intrusion dans deux centrales nucléaires apporte la preuve de leur vulnérabilité. Ce sont des « stress tests » gratuits pour le gouvernement ! Pourtant des commentateurs du monde.fr se déchaînent. Nous répondons.

– Pierre-Marie Muraz : « Il serait temps que les ayatollahs de Green Peace soient sanctionnés… »

Notre analyse : Les ayatollahs se trouvent du côté d’un système politique qui a mis en place des réacteurs nucléaires sans jamais consulter le peuple… Pierre-Marie Muraz ne peut l’ignorer, les écologistes ont passé la nuit en garde à vue, ils seront convoqués devant le tribunal correctionnel, ils seront sanctionnés*. C’est paradoxal. On devrait récompenser  des militants qui attaquent un système industriel qui pollue et qui n’a aucun avenir.  C’est donc Pierre-Marie Muraz  qui se comporte comme un ayatollah !

– Pierre Guillemot : « Dommage que les journalistes publient rarement des informations sur ces « militants », qui ils sont vraiment, d’où ils viennent, et de quoi ils vivent ? »

– Jean-Michel P : « J’ai du mal à croire que, avec les moyens qu’elle met en oeuvre, cette douteuse officine ne vive que des cotisations de gentils membres. Qui finance Greenpeace ? »

Notre analyse : Greenpeace est un mouvement international, peu importe la nationalité des militants. Il y a des firmes multinationales comme EDF ou AREVA, heureusement qu’il y a un certain contre-poids avec des ONG mondiales. Précisons que Greenpeace, contrairement à d’autres associations environnementalistes, est complètement indépendante car elle est financée uniquement par ses adhérents. En fait un cotisant milite par procuration, c’est comme s’il payait pour agir à sa place. Il faut dire que les actions de Greenpeace, tout non violentes qu’elles soient, sont souvent assez périlleuses à accomplir.

– Daniel Tourtois : « Par leur action (débile ?) ces militants professionnels n’ont réussi à démontrer qu’une chose: la sécurisation des centrales nucléaires passent par l’usage des armes contre toute tentative d’intrusion. »

– Eric Bricout : « En ne tirant pas – au moins, en sommation – les gendarmes ont failli. C’est tout. »

Notre analyse : En 2007, juste après la première intrusion de Greenpeace dans une centrale, le gouvernement avait mis en place deux premières unités du PSPG (Peloton spécialisé de protection de la gendarmerie nationale).  Nous aurons bientôt 20 unités soit 740 militaires. Une action non violente favorise donc le renforcement d’un système militarisé, ce qui va apparemment à l’encontre du but poursuivi. Mais il faut se rendre compte que, dès l’origine, le nucléaire civil étant l’enfant reconnu du nucléaire militaire, la construction de réacteurs relevait d’un système totalitaire et non d’un système démocratique. C’est un argument socio-politique majeur qui penche en faveur de l’absence totale du nucléaire dans une nation respectueuse des droits de l’homme.

– Jean-Michel Boissier : « Du terrorisme écologique. Rien de plus. Les actions de Greenpeace aussi motivées soient-elles, ne peuvent sortir d’un cadre légal. »

Notre analyse : Jean-Michel Boissier ne semble pas connaître la différence entre légalité et légitimité. Ce n’est pas parce que quelque chose est entré dans la loi qu’il faut considérer cela comme légitime. Sinon toute loi répressive et injuste serait validée ad vitam aeternam ! La désobéissance civile dont Greenpeace est un porte-parole permet la respiration de la démocratie. L’avortement a été jugé illégal, l’IVG est maintenant reconnu par la loi grâce à l’action des illégaux comme le MLAC (mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception). Le nucléaire était intouchable en France, il deviendra proscrit un jour comme il l’est déjà dans d’autres pays… grâce entre autres à Greenpeace.

* LEMONDE.FR avec AFP | 06.12.11 | Neuf militants de Greenpeace déférés au parquet

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Zalut la Vranze ! s’exclame Patrick Besson

« Auchourt’hui est un krand chour : fous m’afez élue brézidente te la République vranzaise. Envin un acde intellichent… » Le billet de Patrick Besson dans Le Point fait couler beaucoup de salive. Laissons à cet humoriste la facilité de ses délires, voyant déjà détruire les Tours de la Défense par Eva Joly devenue présidente . D’autres qui se disent socialistes  (Gérard Collomb) utilisent d’autres procédures rhétoriques et parlent de Khmers Verts…

Prenons Patrick Besson au mot. Oui il est nécessaire qu’Eva Joly devienne la première femme présidente… d’une République exemplaire. Oui, il nous paraît nécessaire qu’à Paris le WE il n’y ait plus de voitures et qu’un jour l’Elysée soit transformé en centre d’accueil pour sans-abris. Oui, il nous paraît nécessaire que le président de la République roule en vélo, d’ailleurs Sarkozy le fait déjà ! Oui il est nécessaire de manger moins de viande sans avoir besoin de créer un ministère du végétarisme.

Pour cela il faut aider Eva Joly. Faites un don pour faire décoller la campagne ! Rendez-vous sur http://evajoly2012.fr 

… 15€ de dons donnent droit à une déduction fiscale de 66% pour les personnes imposables. Votre don vous coûtera alors 5 euros mais il permettra de produire évènements, affiches, tracts et autres pour porter Eva Joly à la présidence.

Attention, pour les personnes non imposables le don coûtera vraiment 15 euros, une raison de plus pour soutenir la révolution fiscale que propose Eva Joly.

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USA, l’extrême droite en marche… c’est terrifiant… de bêtise

Nous allons droit vers un désastre climatique, les Américains accélèrent le pas. En voici deux témoignages :

1) Les journalistes arbitrant à la télé les débats présidentiels se sentent obligés d’interroger les candidats sur l’intensité de leur foi en Dieu, et sur l’influence de celle-ci dans leur appréhension de la « théorie » des changements climatiques.

Le fait est que des Constitutions locales historiquement archaïques, conjuguées aux spécificités géographiques raciales et culturelles américaines, rendent la vie dure aux petits partis qui entendraient s’immiscer dans la Bande des Deux (démocrate et républicain). Le Green Party n’existe quasiment pas en Caroline du Nord.

Une alliance stratégique de politiciens, de lobbyistes et de grandes corporations, œuvre à rendre la pensée verte terrifiante, au point que l’ancienne « peur du rouge » du XXe siècle a fait place, dans certaines couches sociales, à une nouvelle « peur du vert ». J’avais déjà repéré ici et là, ces dernières années, des phénomènes inquiétants, telle la nouvelle croisade du mouvement Tea Party contre l’environnementalisme ou le développement durable, tous deux désignés comme  « le nouveau communisme ».

C’est arrivé au Congrès des Etats-Unis début novembre : les députés ont osé voter, à une très large majorité incluant toute la droite et une partie de la gauche, une loi définissant la pizza au ketchup comme un légume digne d’être servi dans les cantines scolaires.

Hélène Crié-Wiesner, texte intégral sur le site JNE

2) A Washington, PNAS, la revue de l’Académie américaine des sciences, publie son pointage : 97 % des chercheurs spécialisés dans le climat aux Etats-Unis attribuent à l’homme la responsabilité du réchauffement. Il en faut plus pour intimider les croisés du Parti républicain. Tous les candidats à l’investiture 2012 clament leur climato-scepticisme.

Le climato-scepticisme est devenu l’un des dogmes républicains, accolé à cette autre conviction : il faut cesser de présenter la théorie de l’évolution comme l’explication des origines de l’homme… et ajouter aux programmes scolaires la thèse créationniste – qui tient que l’humanité a été créée par Dieu telle qu’elle est.

Le parti se comporte comme un mouvement religieux. Ses candidats à la présidence doivent adhérer au credo : non à la théorie de l’évolution, non à la farce onusienne sur le climat, non à la moindre hausse de la fiscalité (directe, indirecte, durable ou momentanée), non à l’abomination « socialiste » qu’est l’assurance santé universelle, non à l’avortement, etc. Il y a aujourd’hui chez les républicains une crispation dogmatique, qui est une manière de fuite devant la complexité de l’époque.

LE MONDE du 2 décembre 2011, l’Amérique, Dieu, la science et Durban

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le onzième commandement

De la part de Michel Tarrier, en résumé :

« Où est ce Onzième commandement ? Par exemple La Terre tu respecteras ! Les ressources, les plantes et les bêtes tu honoreras ! Tu aimeras ta planète comme toi-même ! Jamais, dans le confessionnal, je n’ai entendu : Alors, mon fils, as-tu piétiné une plante, écrasé une chenille, t’es-tu réjoui du spectacle du cirque ou du zoo, t’es-tu détourné des beautés de la création ? Seulement : Alors, mon fils, as-tu eu de mauvaises pensées ? As-tu mal agis envers Notre Seigneur ? Confesse-toi, mon fils… ! Quand on a une dizaine d’années et que l’on s’agenouille, on peut toujours avouer qu’on a volé trois sous dans le porte-monnaie de maman, histoire d’en être absout, comme il se doit.

Les péchés branchés étaient ceux en relation avec le génital, la propriété, la vie de l’homme, mais rien qui puisse avoir un quelconque rapport avec le végétal, l’animal ou le paysage. Pour le théocrate, la Nature est une création froide, ne méritant pas l’adoration. La Nature a créé l’humanité, Nature et humanité sont indissociables. Non ? Au sein de l’incommensurable fatras mystificateur de l’Église, ce ne sont pourtant qu’échafaudages pour opposer humanité et Nature. Avant de pénétrer dans l’arène, le torero se signe de la croix, on tue le cochon le jour du saint patron, la messe de la Saint-Hubert consacre la chasse à courre…

Selon les traditions bibliques, les Dix Commandements sont tous exclusivement axés sur une morale anthropocentriste. L’absence d’une onzième parole d’essence environnementale, l’inexistence de toute faute à l’endroit du Vivant et de la biosphère, font que depuis 6 000 ans le judaïsme et le christianisme incitent à une inconduite totale vis-à-vis de la Nature. Cet oubli essentiel du décalogue est posé avec insistance depuis les années 1970. »

Sur ce blog, nous allons plus loin que Michel Tarrier. Nous estimons que n’avons nul besoin des dix commandements de  la tradition biblique, les dix commandements de la Biosphère sont déjà inscrits sur Internet et remplacent avantageusement les vieilles traditions inutiles.

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Durban, le climat est mal parti, vive la décroissance

Comme d’habitude, les Etats-Unis d’Obama restent opposé aux négociations climatiques* : Obama-Bush, même combat. Les plus émetteurs de gaz à effet de serre restent les plus égoïstes. Si la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) a accepté une taxation de ses émissions de CO2, le projet de l’UE de taxer les émissions du trafic aérien qui transite par son territoire a été condamné par les Etats-Unis… comme par la Chine. Or ce ne sont pas les plus pauvres qui prennent l’avion ! De toute façon pourquoi faire des efforts quand la Suisse achète 22 avions de chasse** pour 2,6 milliards d’euros. Dans une société de gaspillage énergétique, il n’y a plus aucun frein dans la démesure.

Comme l’écrit Alain Gras***, il y a refus du capitalisme libéral de voir que les limites de la planète sont atteintes. La crise de la dette, c’est une crise d’une politique pour pousser à la croissance sans frein face à l’épouvantail du chômage… c’est donc une accélération du machinisme thermo-industriel qui dissipe sans compter l’énergie fossile … c’est donc potentiellement un choc climatique énorme pour les générations futures… qui devront aussi théoriquement payer la facture de l’endettement. Tout est lié, mais les politiques rassemblés à Durban ne veulent pas le voir.

C’est donc la décroissance subie qui évitera le pire en obligeant à la baisse du pouvoir d’achat. Il arrivera ce que les politiques n’osent pas encore nommer, la récession ou « croissance négative », mais qu’ils seront bientôt obligés d’appeler dépression… comme lors de la grande Crise de 1929 ! La rigueur, l’austérité, ce qui devrait d’ailleurs définir l’économie au sens d’économiser, sera bientôt la loi. Mais Hollande et Sarkozy ne le savent pas encore ! Car personne n’ose expliquer aux citoyens que le rapport Meadows sur les limites de la croissance disait déjà vrai…en 1972.

* LE MONDE du 2 décembre 2011, L’UE déjà isolée à la conférence de Durban sur le climat

** LE MONDE du 2 décembre 2011, le Rafale, encore et toujours trop cher

*** LE MONDE du 2 décembre 2011, La décroissance aurait évité le pire

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dialogue avec un partisan des OGM, membre de l’AFBV

Dialogue entre Michel Sourrouille, Journaliste-écrivain pour la Nature et l’Ecologie d’une part et Alain Deshayes, généticien, membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales).

Michel Sourrouille : Alain, j’ai assisté à Paris à la conférence de presse de Vandana Shiva le 19 octobre 2011. Cette militante présentait A Global Citizen Report on the State of GMO. Lors de la conférence de presse, Vandana dénonce les contre-vérités de la bio-ingénierie : « Au lieu d’endosser leurs responsabilités, les Firmes répondent par la propagande. Notre sécurité n’est préservée que parce que l’ignorance est privilégiée. Ce sont les Firmes qui présentent les données sur lesquelles la science peut délibérer ; c’est la fin de la science. » En tant que spécialiste des OGM, qu’en penses-tu ?

Alain Deshayes : J’ai lu ton texte avec attention, et tu ne seras pas étonné si je te dis qu’il m’a « irrité » ! Je connais effectivement Vandana Shiva pour ses engagements anti-OGM, je l’ai rencontrée à l’occasion d’un congrès. C’est une femme qui a du tonus, comme beaucoup de femmes indiennes. Je crois me souvenir qu’elle est physicienne de formation et qu’elle a changé d’activité pour militer en faveur de la biodiversité des variétés traditionnelles contre les variétés « améliorées ». Et,  c’est logiquement qu’elle s’est retrouvée dans le mouvement altermondialiste et qu’elle s’est engagée dans un combat contre les organismes génétiquement modifiés.

Ceci étant comme nombre de ses congénères, elle a dit beaucoup de contre-vérités sur les OGM, les deux principales étant  que les variétés de coton BT n’apportaient en Inde aucune amélioration de rendement et que le coton Bt étaient responsables des suicides de paysans indiens. Sur ces deux points il existe de nombreuses études qui ont montré qu’elles étaient fausses.

Michel Sourrouille : Méfions-nous des études parcellaires. En Chine, 96 % du coton est déjà transgénique. Ce coton Bt est efficace pour détruire une noctuelle, permettant ainsi à une niche écologique de se libérer. Comme la nature à horreur du vide, les miridés (ou punaises) deviennent une infection. On ne sait pas encore si les bénéfices sur l’exploitation du coton n’ont pas été effacés par les dégâts occasionnés sur les autres cultures (LE MONDE  du 15 mai 2010).

La responsabilité des suicides de paysans en Inde repose historiquement sur la révolution verte des années 1970 (semences à haut rendement), mais les OGM en reproduisent aujourd’hui causes et conséquences. Les variétés de semences « améliorées » sont traitées avec des engrais et des pesticides synthétiques. Ces intrants sont coûteux et ces semences doivent être fréquemment remplacées ; c’est inabordable pour la petite paysannerie.

Alain Deshayes : Je t’avais communiqué une étude qui montre clairement la non corrélation entre coton Bt et suicides. Norman Borlaug est considéré comme le père de cette Révolution Verte  pour ses travaux sur le blé, travaux pour lesquels il reçut le Prix Nobel de la Paix en 1970. Et, j’ai souvent dit que cette décision n’avait pas été très judicieuse.

J’ai moi-même, dans des conférences et dans des articles, souligné que les raisons politiques qui avaient été à l’origine de la « révolution verte » avaient conduit à certaines d’insuffisances et d’erreur en raison de la non prise en compte de certaines réalités sociales et économiques locales. Mais il est incontestable qu’à partir de 1960, les rendements ont augmenté dans de nombreux pays (pas dans tous avec la même importance) et amélioré les conditions de vie de nombreux paysans……qui auraient pu passer au communisme !

Michel Sourrouille : La remarque sur le « communisme » est intéressante car elle montre le présupposé idéologique des semences à haut rendement. Avec Borlaug, la révolution verte a reçu le prix Nobel de la paix sous le prétexte que les nouvelles technologies en chimie allait apporter la prospérité, et que la prospérité apporterait la paix. Vandana Shiva l’écrit : « Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait en Inde, venant de Chine ». Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes.  Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. (in Solutions locales pour un désordre global – Actes Sud, 2010) »

La technologie OGM est la continuité d’un modèle mondial d’agriculture industrielle qui n’a pas réussi à donner à manger à ceux qui ont faim et a contribué à la disparition de la paysannerie traditionnelle. Bref, la recherche en milieu fermé est une chose, le développement des OGM par les firmes qui vendent leur insecticide et cherchent à contrôler les semences paysannes, une autre. Monsanto & Al n’œuvrent pas pour le bien de l’humanité !

Alain Deshayes : La culture d’une nouvelle variété végétale, « améliorée », est souvent associée à une pratique culturale nouvelle également ; et on a constaté en Inde ce qui se passe dans beaucoup de pays, à savoir que les potentialités génétiques ne sont véritablement et complètement exprimées que si les pratiques agricoles adaptées sont respectées. Vandana Shiva a reporté sur la technique d’obtention des cotons Bt tous les déboires de certains paysans qui n’avaient pas respecté ces pratiques.

Michel Sourrouille : Cela voudrait dire que les paysans n’appliquent pas les consignes qui leur sont imposées par les semenciers : à production alimentaire industrialisée, pratiques standardisées. Tout est lié, brevetage, génie génétique, concentration économique et dépendance des paysans.

Nous préférons dire que les « potentialités génétiques sont véritablement et complètement exprimées » quand et seulement quand des centaines d’années de sélection des semences par les paysans locaux ont permis d’atteindre un niveau de symbiose le plus grand possible entre une plante et son milieu particulier de vie. Cela, les industriels de variétés végétales « améliorées » ne savent pas faire, les variétés qu’ils vendent sont inadaptées à la plupart des milieux naturels. De plus l’homogénéité génétique rend les cultures plus vulnérables aux changements climatiques brusques, au contraire des semences natives adaptées aux différents microclimats. C’est pourquoi d’ailleurs Vandana Shiva s’est lancée en 1987 dans la défense des variétés locales de graines après la réunion de Bogève à laquelle elle avait assisté.

Comme l’a dit Vandana, les lois qui favorisent le monopole de l’industrie sur les graines sont comparables au monopole sur le sel dénoncé par le Mahatma Gandhi ; celui-ci avait déclenché le Salt Satyagraha, une lutte non violente basée sur la désobéissance civile. Satyagraha, l’étreinte de la vérité. Vandana va lancer à son tour la Bija Satyagraha, une « désobéissance des graines (in Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité – Editions Terre vivante, 2011) ».

Alain Deshayes : D’un côté j’aurais envie d’argumenter point par point, de l’autre je me dis que cela ne servirait à rien parce que je sens que tout est déjà figé dans tes propos. Il y a un a priori que « toi et les tiens » seraient les seuls à se poser les bonnes questions et que « moi et les miens » ne seraient que des individus pervers incapables de se poser la question de l’intérêt général ! Mais peut-être que ces deux « populations » sont  non miscibles, les uns parce qu’ils partent de l’a priori que toute action de l’Homme dans la nature ne peut être, intrinsèquement, que néfaste à celle-ci, et les autres parce qu’ils persistent à penser que l’Homme peut utiliser son savoir pour vivre dans et par cette nature, et qu’il peut corriger ses erreurs.

Michel Sourrouille : Nous ne pouvons prêter aux autres nos propres sentiments. Et les sentiment ne sont jamais tout blancs ou tout noirs. Il y a des techniques douces, douces à l’Homme et à la Nature, d’autres qui le sont beaucoup moins. Vaste débat qui n’a jamais commencé si ce n’est dans les écrits d’Ellul ou Illich, bien oubliés. Ce débat reviendra…

Alain Deshayes : Il existe bien un courant de pensée qui tend à opposer les « semences industrielles » – symboles de la sélection variétale, de l’agriculture intensive, de l’appropriation du vivant et de la mondialisation – aux « semences paysannes », apparentées aux savoirs locaux d’amélioration et de conservation de la biodiversité. Les approches qui s’appuient sur la composante génétique  nous semblent mieux à même de répondre aux défis du XXIème siècle qui devra conjuguer l’obligation de nourrir 9 milliards d’individus et la nécessité de réagir aux changements climatiques. Si les défis à relever sont nombreux, ce ne sont pas à la base des problèmes biologiques ; la génétique est sollicitée pour élaborer des réponses sur une scène mondiale où l’homme doit prendre une place centrale.

Michel Sourrouille : C’est aussi cela le problème, la centralité de l’homme, l’anthropocentrisme dominant, la volonté de puissance, l’appropriation du vivant. Croire que la technique (pas seulement génétique) pourra indéfiniment résoudre les problèmes créés par la technique (y compris génétique) est un acte de foi, comme l’Homme à l’image de Dieu.

Il nous semble que les semences paysannes, au plus près du terrain et des femmes, sont plus adaptées que des techniques centralisées oeuvrant pour le profit. Prenons maintenant un  point de vue spécifiquement technique, l’équivalence en substance. Hervé Kempf écrit : « En 1986 sous Ronald Reagan, l’administration élabore un ensemble de règles qui pose le principe qu’il faut évaluer les risques du produit final et non de la technique utilisée. Ce principe dit d’équivalence en substance est crucial : il établit que, si un OGM n’a pas une composition chimique substantiellement différente de l’organisme dont il est dérivé, il n’y a pas besoin de le tester, comme on le fait normalement pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires, pas plus que de l’étiqueter. Le coût d’autorisation d’un OGM devient moindre que celui d’un dossier d’autorisation de pesticide. (La guerre secrète des OGM  – Seuil, 2003) »

Alain Deshayes : L’équivalence en substance est une question scientifique : Si la composition des deux plantes (la plante d’origine d’une part et la même plante avec un gène supplémentaire) sont comparables, à la différence près de la protéine produite par le gène introduit, pourquoi y aurait-il un risque lié à la plante génétiquement modifiée ? Et donc, pourquoi y aurait-il une restriction à sa culture et à sa consommation par l’animal ou l’homme ? J’ai participé à plusieurs congrès aux Etats-Unis sur ce sujet, et après de nombreuses discussions, un consensus s’est établi pour dire que l’équivalence en substance de deux plantes ne justifiait pas qu’une réglementation spécifique soit appliquée à l’une d’entre elle. Je crois me souvenir que la décision de l’administration étatsunienne sur le principe d’équivalence a été prise en 1995.

Le principe d’équivalence suppose des analyses portant sur la composition chimique du produit. Par contre, dès 1985 (année d’obtention de la première plante génétiquement modifié, il faudra attendre 1987 pour la première expérimentation au champ) les scientifiques considéraient effectivement, qu’un produit, quel qu’il soit, ne devait pas être jugé sur la base de la technologie qui avait été utilisée pour le produire. Nous avions en effet l’expérience des controverses récentes sur les produits alimentaires qui avaient été stérilisés par irradiation aux rayons gamma et c’est cette logique qui a amené l’administration US à la position sur l’équivalence en substance.

Ceci étant, il y a une limite au concept d’équivalence lorsqu’il s’agit de plantes tolérantes à un herbicide ou à un insecticide : faut-il analyser la plante génétiquement modifiée sans que le pesticide ait été appliqué préalablement ou bien faut-il analyser la plante qui a été cultivée en condition agronomique, donc qui a subit un traitement pesticide ? La réalité est que c’est la plante sans application de pesticide qui est analysée. Il y a là une anomalie que nous reconnaissons volontiers.

Michel Sourrouille : Avec l’équivalence en substance, il y a effacement des frontières entre génie génétique et sélection génétique classique, affirmation partisane en faveur du génie génétique. La toxicité des aliments OGM ne peut être prédite à partir de leur composition.

Le concept d’équivalence en substance est directement dérivé des modes de pensée de la science moderne. Ceux-ci sont basés sur un réductionnisme rationaliste dans lequel l’objectivation joue un rôle prédominant. Cette approche s’est avérée à la fois opérationnelle et productive mais le résultat en est que la substance, et non le processus, est devenu le principal et souvent le seul axe d’étude de la science moderne. En d’autres termes, le concept d’équivalence en substance s’adresse aux aliments considérés hors de leur contexte, abstraction faite de la façon dont ils ont été produits et conduits jusqu’au consommateur en fin de parcours. pays d’origine du produit alimentaire, les méthodes agricoles de production, le mode de récolte, les méthodes de conservation et de transformation des aliments, etc. En d’autres termes, l’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus, de sorte qu’un bilan environnemental global puisse être établi.

Alain Deshayes : « Pays d’origine du produit alimentaire, etc… » Complètement hors sujet !  «  L’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus… ». Confusion totale ! Et voilà comment on passe d’un sujet à un autre en éludant les questions scientifiques et techniques.

Michel Sourrouille : Mais ce sont aussi « les questions scientifiques et techniques » qui doivent tenir compte de tous les autres sujets. La réalité est complexe, globale, interdépendante. Au réductionnisme rationaliste de la science actuelle s’oppose de plus en plus clairement une science holistique qui lie sciences « dures » et sciences « molles », recherche de laboratoire et contextualisation par les sciences humaines, expériences transgèniques et effets sur les structures de l’emploi, de la production et de la commercialisation. Les « questions scientifiques et techniques » ne peuvent être séparés des contraintes socioéconomiques et environnementales.

Au niveau technique, les systèmes de transgenèse s’inscrivent intrinsèquement dans une optique d’uniformisation. Cette tendance est déjà perceptible aux Etats-Unis où l’on cultive actuellement des plantes OGM fortement uniformisées sur de vastes territoires. Or les méthodes de protection phytosanitaire introduites par le génie génétique pour lutter contre les ravageurs reposent sur des mécanismes monogéniques, faisant intervenir un seul gène de résistance. Ces méthodes sont donc vulnérables car elles favorisent la sélection de parasites résistants et devront être remplacées dans le court terme.

Alain Deshayes : Je ne sais quelles sont tes lectures, mais voilà typiquement ce qui résulte d’une incompréhension/méconnaissance d’une réalité scientifique. Le fait que des résistances puissent apparaître et qu’il faille chercher de nouvelles formes de résistance, est un phénomène général, indépendamment des plantes génétiquement modifiées, et qui est bien connu de tous les sélectionneurs.

D’une manière rapide, et donc un peu simpliste, s’agissant du blé : en 1945, fallait-il/aurait-il fallu choisir entre d’une part le maintien des rendements moyens à 12 qx/Ha,  avec les variétés « traditionnelles » qui possédaient une rusticité assurant une stabilité des rendements quelles que soient les années (conditions climatiques, attaque de parasites et de pestes) et d’autre part entreprendre un travail d’amélioration qui a permis (sans OGM) d’augmenter les rendements jusqu’à aujourd’hui d’environ 1 ql/an, avec les risques avérés de voir périodiquement contournées les résistances à des parasites ou des pestes ? Je sais que certains de tes « frères » choisissent/auraient choisi la première voie. Cette question n’est pourtant pas triviale. Je connais de nombreux généticiens qui ont travaillé à l’amélioration de plantes tropicales, notamment  du millet en Afrique, qui se la sont posés. C’est la raison pour laquelle la diversité génétique des variétés locales est d’avantage prise en compte aujourd’hui dans les plans de sélection et de promotion des nouvelles variétés.

Michel Sourrouille : Il te faut admettre que la courses au rendement, avec ou sans OGM, n’est pas durable. Contrairement à la monoculture, les polycultures permettent une résistance naturelle. C’est la biodiversité qui permet la résilience, pas un OGM cultivé sur des milliers d’hectares.

La résistance aux herbicides présente d’ailleurs les mêmes inconvénients que la lutte contre les ravageurs. L’apparition de mauvaises herbes résistantes aux herbicides par dissémination de pollen et croisements interspécifiques imposerait le remplacement à la fois de la semence transgénique portant le gène de résistance et de l’herbicide lui-même. En fait de durabilité, ces méthodes favorisent des systèmes de protection des cultures éphémères, faisant appel à des variétés végétales et des produits phytosanitaires à courte durée de vie.

Alain Deshayes : Baratin en réponse à de vrais problèmes ! L’apparition de plantes résistantes à des herbicides est aussi vieille que l’utilisation des herbicides eux-mêmes ! Tu vas dire que l’argument n’est pas glorieux, dont acte, mais là encore cette question n’est pas directement liée aux OGM.

Michel Sourrouille : Nous sommes d’accord, les OGM se trouvent confrontés aux mécanismes de la sélection naturelle. Mais je répète que le risque est moins grand quand l’agriculture reste paysanne, diversifiée, adaptée à chaque terroir.

Alain Deshayes : Non, nous ne sommes pas d’accord, « le risque n’est pas moins grand », car dans ce que tu appelles « l’agriculture paysanne » il n’y a pas de pesticides. Je ne suis pas et ne raisonne pas dans la même logique. Tous  les agronomes savent que pour nourrir 9 milliards d’humains il faudra augmenter la production agricole globale –selon les hypothèses  sociétales – de 30 à 70 %. Et ce n’est pas l’agriculture paysanne qui le permettra.

Michel Sourrouille : Comment nourrir les hommes en 2050 ? Ca se discute ! Pour Sylvie Pouteau, dont j’ai repris précédemment l’argumentation technique, « la qualité des aliments ne peut être limitée à la seule substance car les aliments agissent sur les êtres humains non seulement au niveau nutritionnel mais aussi au travers de leurs relations avec l’environnement et la société. En sorte que, la question Au delà de l’équivalence en substance appelle en fait une autre question : l’équivalence au delà de la substance. »

Alain Deshayes : Je suis en fait d’accord pour dire que les OGM ne sont rien en soi et qu’ils doivent être positionnés dans une vision de l’agriculture et de sa place dans une problématique de développement. Le problème est que depuis le milieu des années 90, quand la culture des plantes génétiquement s’est développée (Quand même 145 millions d’hectares en 2010 cultivés par plus de 15 millions d’agriculteurs dans le monde !!) le comportement destructeur et, je le dis tout net, anti-démocratique des anti-OGM n’a plus permis aucun débat. Certes le comportement des Monsanto and Co n’a pas non plus facilité les choses.

Michel Sourrouille  : Si tout le monde se trompe, cela n’en fait pas une vérité. De plus, il faut comparer les 15 millions d’agriculteurs OGM qui accaparent les terres et les 2,5 milliards de paysans sur la planète qui se partagent des parcelles ; la balance n’est pas équilibrée.

Il te faut aussi admettre le caractère non démocratique des firmes semencières. Ainsi le traitement statistique de l’étude des effets d’un maïs transgénique par son inventeur et distributeur, la firme Monsanto, avait été publié en août 2005. Mais les données expérimentales brutes, plus d’un millier de pages, avaient été tenues confidentielles par la firme agrochimique jusqu’à ce que Greenpeace en obtienne publicité grâce à la Cour d’appel de Münster. Ce genre de firmes veut être à la fois juge et partie. Ce qui m’a surtout le plus impressionné dans une émission sur Monsanto vu à la télé en 2008, et je l’ai déjà dit sur mon blog biosphere, c’est l’usage par cette firme de tous les procédés d’une dictature : on cache l’information, on ment, on achète les politiques, on achète les opposants à défaut de pouvoir les envoyer en prison,  on licencie les  récalcitrants du jour au lendemain…

Face à cette toute puissance de l’argent, que peuvent faire les citoyens si ce n’est devenir faucheurs volontaires d’OGM ? José Bové agit contre les OGM en pensant que les paysans du Nord sont aussi victime que ceux du Sud du productivisme technicisé agricole. Il écrivait : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer aux dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte). » La désobéissance civile est un aspect nécessaire de la démocratie.

Alain Deshayes : En fait la position initiale de José Bové était une opposition au productivisme, mais sans la destruction des plantes au champ, et, c’est sur cette base que j’ai souvent débattu des avancées technologiques en agriculture avec des militants paysans, d’abord des « Paysans Travailleurs » (organisation issue du PSU) puis de la « Confédération paysanne » ; à cette époque des convergences étaient possibles. Mais rapidement JB a glissé sur le terrain des risques pour l’environnement et la santé humaine, et à partir de ce moment là plus aucune discussion n’est devenue possible tellement sa mauvaise fois était patente.

D’ailleurs, on pourrait démontrer que les actions de « José Bové and Co » ont favorisé les grands groupes semenciers internationaux au détriment des petites structures et, dans le cas particulier de la France, des sociétés françaises.

Michel Sourrouille : Si la Confédération paysanne reste minoritaire, c’est pour plusieurs raisons notamment ses positions souvent d’extrême gauche et les avantages que l’on a si on est à la FNSEA.

                Il paraît évident que les grands groupes semenciers n’ont pas besoin de José Bové pour éliminer les petites structures, et, particulièrement, la petite paysannerie. Les OGM ne sont pas faits pour l’autosubsistance, mais pour le marché. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation avait écrit dans un rapport que la libéralisation du commerce « n’est pas plus favorable au consommateur, confronté à une forte hausse des prix, qu’au petit producteur, auquel on paye à un prix de plus en plus faible. En revanche, la chaîne de distribution s’allonge, ce qui contribue à enrichir divers intermédiaires. » L’approche selon laquelle les impacts négatifs résultant du libre-échange seront compensés par les secteurs exportateurs est contestable : « Cette approche, qui établi le bilan des gains et des pertes, n’est pas satisfaisant car les gouvernements ne sont pas en mesure de compenser les impacts négatifs pour leur population ». (Le Monde du 18 décembre 2008)

Alain Deshayes : Nous connaissons bien le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’Alimentation Olivier de Schutter, apôtre de l’agroécologie et grand mystificateur ! Si tu veux m’expliquer que le capitalisme et le libéralisme tel qu’ils se sont développés à partir du milieu des années 1970 n’ont pas entraîné un développement favorable aux populations, alors oui, on peut discuter, mais ce débat ne doit pas être un prétexte pour condamner une technologie qui pourrait être utile, dans certaines conditions.

Michel Sourrouille : Attaquer une personne ne vaut pas raisonnement. Les firmes semencières utilisent à la fois le capitalisme (l’appropriation privée, les brevets) et le libéralisme économique (le marché, son contrôle monopolistique) pour entraîner une évolution défavorable aux populations paysannes. Pourquoi défendre les techniques transgéniques ? Elle déstructure la paysannerie, accroît les inégalités entre ceux qui produisent pour le marché et les autres, ne supprime pas la famine dans le monde.

C’est le savoir actuel, beaucoup trop sophistiqué et compartimenté, qui est foncièrement anti-démocratique : seule une élite peut discuter d’un sujet comme le nucléaire, mais la même élite ne peut pas discuter d’un autre sujet comme les OGM. Le débat est bloqué, structurellement bloqué. Ne devrait-on pas se demander alors si un paysan illettré, mais ayant des connaissances héritées de sa communauté, n’est pas mieux placé qu’un bio-ingénieur pour gérer son avenir de manière durable ?

Alain Deshayes : Pourquoi toujours vouloir maintenir les paysans des pays pauvres dans «  l’autosubsistance ». Cela me rappelle le guide de haute montagne français avec lequel j’ai fait ma première virée en Himalaya : il donnait l’impression d’une grande jouissance interne en constatant « l’authenticité » des conditions de vie de paysans népalais à plus de 3000 m ; on aurait dit que plus les conditions de vie étaient difficiles plus il « aimait » les paysans népalais et vilipendait la société moderne – et cultiver la terre à ces altitudes n’est pas une partie de plaisir et qui rapporte « très peu » en raison, en particulier, des faibles rendements des variétés végétales cultivées.

Améliorer les conditions de vie des paysans népalais passe, entre autre, par une amélioration des conditions de culture et par une augmentation de la production agricole, non seulement pour qu’ils sortent enfin de cet état de d’autosubsistance et qu’ils aient une production telle qu’ils puissent en vendre une partie, non nécessaire à la « subsistance » de la famille, et pouvoir ainsi acquérir le nécessaire pour améliorer les conditions de vie ordinaires.

Michel Sourrouille : Helena NORBERT HODGE a vécu au Ladakh, un désert de haute attitude traversé d’énormes chaînes de montagne. La vie y est rythmée par les saisons, les températures peuvent tomber jusqu’à – 40°C en hiver . La pluie est si rare qu’il est facile d’oublier jusqu’à son existence. Pourtant Helena a admiré les capacités d’adaptation des Ladakhis à la nature, elle en est venue à remettre en question le mode de vie occidental : « Quand je suis entrée pour la première fois dans ce pays, en 1975, la vie dans les villages s’inspiraient encore de principes séculaires. Le manque de ressources de la région, son climat inhospitalier, la difficulté d’y accéder, l’avaient protégé du colonialisme comme du développement.

Mais ces dernières années, des forces extérieures ont fondu sur lui comme une avalanche, provoquant des bouleversements aussi rapides que massifs. Dans une économie de subsistance, l’argent ne joue qu’un rôle mineur. Le travail n’a pas de valeur monétaire, il s’insère dans un réseau complexe de relations humaines. Mais en un jour, un touriste peut dépenser autant qu’une famille ladakhi en un an. Alors les habitants du Ladakh se sentent très pauvres. Au début de mon séjour, des enfants que je n’avais jamais vus venaient m’offrir des abricots ; aujourd’hui, de petites silhouettes affublées de vêtements occidentaux élimés accueillent les étrangers en tendant la main : « Stylo, stylo » est désormais leur mantra. Mais ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh et ignorent tout de la culture de l’orge à plus de 4000 mètres d’altitude. (in Quand le développement crée la pauvreté) » Les OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?

Alain Deshayes : Pourquoi, toi qui pose une question à faire rire tout agronome (« Les » OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?) tu aurais raison scientifiquement sur une question que tu ne maîtrise pas ?

La question de savoir si « un » OGM peut pousser à 4000 m, n’a pas de sens. Il n’y a pas « LES » OGM et le reste. Le génie génétique est une technique qui peut être appliquée à tout organisme vivant, microorganisme, plante ou animal. La question est donc de savoir l’intérêt qu’il pourrait exister à introduire tel ou tel gène dans un organisme qui se développe dans un environnement donné. Ceci étant posé, la priorité dans les montagnes himalayennes n’est pas de « penser » génie génétique, mais de s’interroger sur les conditions qui permettraient, compte tenu de la technicité locale, d’augmenter la production agricole globale avec les espèces  existantes. Si des besoins spécifiques sont exprimés et qui ne peuvent être satisfaits avec les techniques disponibles, il sera éventuellement envisageable de recourir à d’autres types de techniques.

Michel Sourrouille : C’est vrai, je ne suis pas généticien, je ne suis que spécialiste en sciences économiques et sociales. Mais nous parlons de développement et de besoins, me voici dans ma « spécialité ». La mondialisation des échanges, à commencer par la commercialisation des denrées agricoles, a été une aberration historique qui remonte à la théorie de Ricardo et ses prétendus avantages comparatifs entre vin du Portugal et drap en Angleterre. Avec le libre-échange, l’Angleterre a gagné sa révolution industrielle, le Portugal a perdu ; depuis les écarts de développement entre pays deviennent de plus en plus grands. Ensuite le libre-échange repose matériellement sur l’abondance des énergies fossiles. Une fraise de Californie (cinq calories de nutrition) brûle 435 calories de fuel pour arriver sur la côte Est.

La descente énergétique qui s’annonce va relocaliser les productions alimentaires. Chaque territoire devra faire de plus en plus avec ce qu’il peut lui-même produire. Le Ladakh d’autrefois était durable, le Ladakh d’aujourd’hui est déstabilisé, le Ladakh de demain sera sans doute assez semblable à celui d’autrefois.

Alain Deshayes : Ce n’est pas parce que le libéralisme, débridé depuis le début des années 80, a produit les effets que l’on observe aujourd’hui dans nos sociétés que je vais abandonner cet idéal qu’un  jour, les conditions de vie de tous les hommes et de toutes les femmes de cette planète pourront être significativement améliorées.

Hier après midi, je faisais du soutien scolaire à des « jeunes du voyage » d’un collège de la région et j’ai beaucoup pensé à ces deux paragraphes. Je pensais aussi à ces jeunes népalais rencontrés au hasard  d’une étape dans un lodge et qui étaient la fierté de leurs parents parce qu’ils savaient lire et écrire. Les retombées financières du tourisme et des trecks ont permis à un grand nombre de famille népalaise d’améliorer considérablement leurs conditions de vie quotidienne : une maison en pierre, avec tout ce que cela peut représenter en « confort » supplémentaire, l’eau courante et chaude grâce à des réservoirs situés sur le toit à côté des panneaux solaires thermiques, et aussi l’électricité avec les panneaux solaires voltaïques. Et en l’espace de trois ans nous avons pu voir que le nombre de tous ces équipements avait augmenté considérablement.

Michel Sourrouille : Le titre du livre d’Helena NORBERT HODGE est parlant : « Quand le développement crée la pauvreté ». J’ose dire qu’une certaine façon d’aller à l’école est pernicieuse, je te rappelle cette phrase d’Helena : « Ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh. »

Cela veut dire qu’il ne faut pas raisonner avec nos lunettes d’occidental, qui fait librement du tourisme mais qui contrôle les migrants dans son pays. Pourquoi avoir besoin d’une maison de pierre et du confort moderne alors que la culture népalaise savait donner la joie de vivre à son peuple. Il nous faut accepter les différences culturelles  et admettre que le mode de vie occidental n’est pas compatible avec les conditions extrêmes de climat. A chaque territoire son mode de vie, nous ne sommes plus au temps des colonies.

Alain Deshayes : Ce qui, fondamentalement, nous sépare c’est une certaine conception de la Nature et des relations que l’Homme entretient avec elle. Pour faire simple, je suis en opposition  avec les thèses de Hans Jonas…et avec celles de Rousseau. Et le texte d’Helena Norbert Hodge illustre bien cette référence au mythe du « bon sauvage » cher à Rousseau et qui est perverti par la société. Qui sont donc ces petits bourgeois qui voudraient que le « bon sauvage » soit maintenu dans sa condition « d’authentique » sauvage, ignorant lui-même qu’il est sauvage ? Il est regrettable que notre enseignement insiste autant sur Rousseau et pas assez sur l’émergence des Lumières.

Ce qui aggrave la situation en France, c’est que nous ne savons pas ce qu’est un « compromis » … Je n’accepte aucun des oukases des écologistes.

Michel Sourrouille : L’émergence des Lumières ne veut pas dire acceptation d’une technique industrielle toute puissante ! Pour en revenir aux OGM,  la déclaration de Bogève qui définissait la position du Sud en 1987, montrait que la biotechnologie est inextricablement liée à la société dont elle est issue : « Comme celle-ci est injuste, la nouvelle technologie servira plus probablement les intérêts des riches et des puissants que les besoins des pauvres. Elle accroîtra probablement les inégalités au sein de la population paysanne, aggravera l’érosion de l’érosion génétique, minera les écosystèmes, accroîtra la dépendance des paysans et la concentration du pouvoir de l’industrie agroalimentaire internationale. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM)  » Est-ce un oukase que de constater cela ?

Alain, tu es généticien et membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales). Les membres de cette association sont pour la plupart liés à des firmes comme Monsanto, Rhône Poulenc ou Nestlé… autant dire que l’on est en plein conflits d’intérêts. Je crois que tu es au-delà de cette compromission, mais comment échapper à une auto-intoxication induite par sa propre spécialisation ? On peut être trompé par soi-même, et il est alors difficile de s’en apercevoir.

Alain Deshayes : Là tu m’irrites profondément. L’AFBV regroupe des personnes  d’origines diverses, et, parce qu’il s’agit de « technologie », donc d’application et donc d’industrialisation, un certain nombre d’entre elles viennent de l’industrie. Est-ce pour autant que toutes ces personnes défendent des intérêts ? Est-ce pour autant qu’elles pensent toutes de la même façon ? Est-ce pour autant qu’il n’y a pas débat entre elles ? Est-ce pour autant que toutes ces personnes sont incapables de réflexion sur notre société? L’AFBV est l’expression du raz le bol vis à vis des politiques scientifiques et technologiques qui conduisent à marginaliser dans certains domaines notre pays, et l’Europe.

Michel Sourrouille : Esprit d’animosité de ta part ? Non, je te connais, tu sais aussi affirmer : « Ne recommençons surtout pas les erreurs que nous avons commises avec le nucléaire. Ne ratons pas, cette fois-ci, le dialogue science-société. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.103)  » Mais il te faut reconnaître que l’AFBV est une machine de guerre contre ses opposants.

Alain Deshayes : Pas une machine de guerre, une machine à rectifier  les approximations et les mensonges de certains, mais aussi un outil pour promouvoir les biotechnologies végétales.

Michel Sourrouille : l’outil de promotion risque d’étouffer la recherche de la vérité ; à plusieurs reprises l’AFBV avait cherché à jeter le discrédit sur les travaux de G.E. Séralini… Le tribunal de Paris a condamné l’AFBV le 18 janvier 2011.

Alain Deshayes : C’est une manière de voir ! Nos accusations  à l’égard de GES ne sont nullement condamnées: le seul des 8 termes de la plainte de GES qui a été retenu comme diffamatoire  contre l’AFBV est celui qui concerne l’accusation de dépendance à l’égard de Greenpeace! Et donc aucune de  nos critiques sur les travaux de GES n’ont été retenues contre nous.

Michel Sourrouille : Cherchons le compromis, nous sommes tous écologistes. En effet, nous devons veiller collectivement à la bonne marche de notre maison commune, la Terre. Quel est le compromis qui pourrait nous rassembler autour de cet objectif de bonne gestion ? Il faudrait savoir déterminer ensemble les limites de la science appliquée, car toutes les techniques ne favorisent pas une société harmonieuse.

Par exemple la recherche OGM en milieu fermé peut ouvrir des perspectives. Tu avais reconnu que « rien n’a été fait en matière de risque de dissémination. Les industriels ne voulaient pas le faire, et la recherche publique n’y a pas vu d’intérêt suffisant » (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.96). Pourtant l’AFBV a demandé récemment aux pouvoirs publics de permettre l’expérimentation aux champs.

Alain Deshayes : Oui, bien sûr, et cela n’est en rien contradictoires avec la phrase que tu cites. A force de ne reprendre que « des fragments  de fragments » de mes déclarations, cela fini pas être tellement tronqué que cela n’a plus de sens. Pendant tout le temps où j’ai été responsable des biotechnologies à l’INRA, cela a été mon principal problème avec les journalistes.

Michel Sourrouille : Bien entendu le texte final de notre échange te sera soumis pour validation. Il n’empêche que l’AFBV développe diverses actions pour contribuer à faire accepter (toutes) les applications des biotechnologies végétales

Alain Deshayes : « Toutes », oui, bien sûr.

Michel Sourrouille :  L’AFBV est donc un lobby, il défend des intérêts particuliers. Quel compromis est-il possible avec les puissances financières ? Aucun, à l’heure actuelle. Mais la marginalisation de la recherche me semble un mouvement inéluctable. La recherche de pointe dans tous les domaines ne va plus avoir les moyens de ses ambitions : les endettements massifs des Etats vont automatiquement réduire les crédits.

Alain Deshayes : Voilà qui a le mérite d’être clair……et qui est bien éloigné d’un débat sur les risques liés à telle ou telle technologie. Ce que nous savions!  Mais autant le dire franchement : il s’agit bien d’une opposition aux sciences.

Michel Sourrouille : La science n’est plus une entité autonome, elle a besoin de laboratoires, d’ordinateurs, de chercheurs super-diplômés, d’un financement, elle est complètement dépendante du contexte social. Que la recherche soit financée par les grandes entreprises n’est pas un gage d’indépendance en soi, au contraire. Notre société devrait délibérer. L’industrialisation de l’agriculture est-elle un objectif durable ? La recherche permanente de la compétitivité internationale est-elle source de bonheur ? L’uniformisation des cultures agricoles permettra-t-elle d’éradiquer la famine ? L’uniformisation des cultures au sens sociologique permet-elle un monde meilleur ? Au cours de nos échanges, j’ai pu me poser toutes ces questions et je t’en remercie.

Alain Deshayes : Tes arguments sur le procès Séralini et ta position de fond sur la recherche montrent bien tous tes a priori idéologiques qui ne supportent aucun compromis. Ceci étant, je ne considère pas comme négatifs les échanges que nous avons eu.

 

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Lilian Thuram, entre racisme et spécisme

« Nous avons été conditionné de génération en génération à des croyances sans fondements. » Bien vu. « Il y a beaucoup d’idées fausses et quotidiennes. » Exact. «  Il faut se mettre à distance pour mieux comprendre ce conditionnement, se décentrer.  » Admirable. «  On laisse croire aux femmes qu’elles sont inférieures. Le sexisme est le début de tous les préjugés, la matrice de tous les autres régimes d’inégalités. L’honnêteté est de s’avouer à soi-même ses propres préjugés, les dépasser en les comprenant. » Lilian Thuram* parle bien. Le racisme est infondé en nature. Cette avancée conceptuelle est un des rares acquis de l’Occident qui a enfin compris que le Noir n’était pas le chaînon manquant entre l’homme blanc et le singe. Mais Lilian Thuram serait-il capable d’aller jusqu’au bout de son raisonnement pour abandonner les croyances sans fondements.

Ne devons-nous pas renoncer à ce que Peter Singer appelle le «spécisme» (par analogie avec racisme et sexisme), c’est-à-dire à la préférence absolue accordée aux membres de notre propre espèce, et reconnaître que les autres êtres vivants ont des droits que ne respectent ni nos jeux du cirque ni nos pratiques alimentaires ? Toute réflexion sérieuse sur l’environnement a pour centre le problème de la valeur intrinsèque. Une chose à une valeur intrinsèque si elle est bonne ou désirable en soi, par contraste avec la valeur instrumentale qui caractérise toute chose considérée en tant que moyen pour une fin différente d’elle. Le bonheur a une valeur intrinsèque, l’argent n’a qu’une valeur instrumentale. Une éthique fondée sur les intérêts des créatures sensibles repose sur un terrain familier. Voyons ce qu’il en est pour une éthique qui s’étend au-delà des êtres sensibles. Pourquoi ne pas considérer l’épanouissement d’un arbre comme bon en lui-même, indépendamment de l’usage que peuvent en faire l’espèce humaine ? Entre abattre un arbre centenaire et détruire une vie humaine, n’y a-t-il pas une correspondance intime ?

La défense la plus célèbre d’une éthique étendant ses limites à tous les êtres vivants a été formulée par Albert Schweitzer : « La vraie philosophie doit avoir comme point de départ la conviction la plus immédiate de la conscience, à savoir Je suis une vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre. L’éthique consiste donc à me faire éprouver par moi-même la nécessité d’apporter le même respect de la vie à tout le vouloir-vivre qui m’entoure autant qu’au mien. C’est là le principe fondamental de la morale qui doit s’imposer nécessairement à la pensée. Un homme réellement moral n’arrache pas étourdiment des feuilles aux arbres ni des fleurs à leur tige, il fait attention à ne pas écraser inutilement des insectes et n’endommage pas les cristaux de glace qui miroitent au soleil. »

* LE MONDE du 29 novembre 2011 : Lilian Thuram, « le racisme, un conditionnement »

Questions d’éthique pratique de Peter Singer (1993, édition Bayard – 1997)

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