biodiversité

Une tour de 60 m de haut portant une surface de 15 ha

Supposez que j’aille frapper à la porte d’un architecte célèbre, imaginez ma demande :

« Bonjour, maître. Je voudrais une tour de 60 mètres de haut, une tour pleine dont la surface au sol doit être circulaire et d’un diamètre de 2 mètres. »

– Holà! comme vous y allez … Voyons, laissez-moi réfléchir … 60 mètres de haut et 2 mètres de diamètre basal…, votre tour, elle va ressembler davantage à une antenne des télécoms qu’à un vrai immeuble !

– Pas du tout, j’ai omis de vous dire que la partie haute – disons, les 20 mètres supérieurs – doit porter une vaste surface, souple, finement découpée mais solidement fixée et se montant à un total d’environ 15 hectares pour un diamètre d’environ 30 mètres. »

A ce moment précis, j’ai senti que le dialogue basculait.

« Quoi, hurle l’architecte en chef, imaginez un peu la prise au vent que va occasionner une telle superstructure ? Il va falloir que je creuse des fondations à plus de 15 mètres de profondeur.

– J’en suis désolé, maître, mais la profondeur des fondations ne doit pas excéder 3 mètres. J’ajoute que j’ai l’intention d’établir ma tour sur un sol meuble et très humide.

– Quoi? Vous êtes fou! Je ne la sens plus du tout, votre construction. Vous imaginez les corrosions, avec une pluviométrie pareille ? Je vais devoir faire appel à des matériaux ultra-sophistiqués, genre composite de titane et de plastique enrichi au tungstène, donc excessivement coûteux. Cela va vous coûter la peau des fesses, vous y avez pensé ?

– Bien sûr que j’y ai pensé. Hélas pour vous, maître, le matériau doit être banal, léger, capable de flotter sur l’eau et d’un prix réellement attractif, quelque chose comme 500 euros le mètre cube au maximum, et beaucoup moins si c’est possible.

– Un tel édifice n’existe pas et n’existera jamais, rugit le maître. Assez ! vous me faites perdre mon temps ! Allez-vous-en … »

Je suis parti ; ce n’était pas la peine de le pousser à bout. D’autant plus que je ne lui avais pas encore avoué le plus extraordinaire : si par malheur le vent abîmait ses superstructures, ma tour devait être équipée pour s’auto-réparer dans un délai de quelques mois. La morale de cette histoire, c’est que l’être humain, en dépit de toutes les prouesses technologiques dont il est si fier, est toujours incapable, en ce début de troisième millénaire, de construire un grand arbre ; un petit aussi d’ailleurs. Pour l’instant, tout ce qu’il sait faire, c’est de l’abattre, et ça il ne s’en prive pas.

Francis Hallé in Plaidoyer pour l’arbre, ACTES SUD, 2006 (résumé)

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toute vie est sacrée, mort à l’insecticide

Jean-Marc Drouin a écrit un livre « Philosophie de l’insecte »*. La vie d’un insecte n’appelle aucune pitié, sauf s’il s’agit d’espèces utiles à l’homme comme les abeilles et les coccinelles. L’insecticide nous rassure alors que l’homicide nous effraie et appelle condamnation. Suscitant le rejet plus souvent que la compassion, une réflexion sur le statut de l’insecte peut contribuer au débat sur les fondements d’une attitude éthiquement réfléchie envers les animaux. D’autant plus que les insectes ont un cerveau. De nombreux animaux comme les vers par exemple possèdent un système nerveux décentralisé. L’ancêtre des insectes était proche des vers. Le premier insecte se caractérise par la fusion des six premiers articles du corps pour former la tête. Les ganglions nerveux qui étaient indépendants se sont agglutinés en une masse comparable au cerveau humain. Contre un anthropocentrisme assez ignorant des choses de la vie, peut-on envisager l’impératif du respect de toutes les formes de vie ? Voici par exemple ce que disent des moustiques les deux meilleurs penseurs en la matière :

Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1954, a contribué à l’éthique animale. Il possède de l’éthique une vision large, englobante et cosmique qui ne se limite pas à la relation que les hommes ont entre eux, mais intègre l’univers tout entier. Schweitzer identifie l’éthique au respect de la vie. Toute vie est sacrée, même celle des êtres que l’homme considère comme inférieurs. Le seul cas où l’on peut être amené à sacrifier une vie est de le faire pour en sauver une autre que l’on considère plus importante. Il donne l’exemple suivant : « Je viens de tuer un moustique qui voletait autour de moi à la lumière de la lampe. En Europe, je ne le tuerais pas, même s’il me dérangeait. Mais ici, où il propage la forme la plus dangereuse du paludisme, je m’arroge le droit de le tuer, même si je n’aime pas le faire (…) Un grand pas sera franchi quand les hommes commenceront à réfléchir et parviendront à la conclusion qu’ils ont le droit de tuer seulement quand la nécessité l’exige. »  Notons que le critère de considération morale de l’éthique n’est pas pour Schweitzer la sensibilité, ou capacité de souffrir, comme c’est généralement le cas en éthique animale, mais le fait d’être vivant. A ce titre il préfigure le biocentrisme qui ne fait pas de rupture entre l’animal et le végétal.

– Le discours d’Arne Naess selon wikipedia « Nous ne disons pas que chaque être vivant a la même valeur que l’humain, mais qu’il possède une valeur intrinsèque qui n’est pas quantifiable. Il n’est pas égal ou inégal. Il a un droit à vivre et à prospérer (blossom). Je peux tuer un moustique s’il est sur le visage de mon bébé mais je ne dirai jamais que j’ai un droit à la vie supérieur à celui d’un moustique. »

L’homme pense dominer la planète. Pourtant, à y regarder de plus près, les vrais maîtres du monde sont les insectes. Les insectes étaient là bien avant l’homme, qui a trop souvent tendance à croire que la planète est pour lui et pour lui seul. Sur 1 200 000 espèces animales connues à ce jour, 830 000 sont des insectes. Si nous disparaissons, la vie sur Terre n’en serait pas changée. Sans les insectes, elle deviendrait quasiment impossible. Ils sont indispensables au recyclage de la matière organique morte, et donc à la fertilité des sols comme à la pollinisation des fleurs. Petits, voire minuscules, les insectes ont su s’adapter à une infinité de milieux particuliers. Et même à résister à nos insecticides et autres pesticides…

* Seuil, « Sciences ouvertes », 254 pages, 19,50 euros

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Les abeilles manquent à l’homme et à la nature

L’Europe affiche un déficit de 13,4 millions de colonies d’abeilles, soit 7 milliards d’individus, pour correctement polliniser ses cultures. La cause ? Le développement des cultures oléagineuses notamment utilisées dans les agrocarburants. Une seule cause ? Les commentateurs de cet article* précisent :

– Comment peut-on rédiger un article sur un déficit d’abeilles sans aborder à un moment ou un autre la question des pesticides et de l’industrie chimique? C’est cette industrie qui à travers ses produits « phytosanitaires » est responsable d’une véritable hécatombe parmi les colonies d’abeilles d’élevages et aussi probablement parmi les pollinisateurs sauvages.

– On ne peut que regretter la demi-mesure d’interdiction des pesticides aux nicotinoides, pour deux ans seulement.

– Il faudrait des abeilles OGM, résistantes aux pesticides, aptes à polliniser de grands champs d’oléagineux en un minimum de temps, et qui fassent un miel qui n’ait pas un goût de pétrole……..

– Savez vous qu’il faut payer pour être certifié « agriculteur bio » alors que l’agriculture intensive est considérée comme la norme de base … gratuitement.

– L’Homme est comme est un fumeur qui voudrait cesser la clop. Conscient du danger mais incapable de se séparer de son accoutumance

– Loin de la nature le cœur de l’homme devient dur disait le sage.

Pour compléter, voici les liens Internet de notre blog sur la problématique des abeilles :

–  écologie du risque et course contre le temps (10 mai 2013)

…Nous sommes entrés dans le temps du délai… insuffisant ! Prenons un exemple, les insecticides. La suspension pour deux ans par Bruxelles de trois insecticides néonicotinoïdes impliqués dans le déclin des pollinisateurs peut être interprétée comme une cuisante défaite…

Les tueurs d’abeilles vus au prisme de la démocratie (3 mai 2013)

…Nous ne sommes plus en démocratie. Nos décisions finales ne sont plus le résultat de la raison, de la science et de l’éthique, elles résultent d’un rapport de force : lobbying des firmes agrochimiques contre mobilisation du secteur apicole. Comme si les intérêts des personnes engagées dans les firmes n’était pas les mêmes que ceux qui s’occupent des abeilles…

Gaucho, Regent, Cruiser, l’infernal trio anti-abeilles (12 février 2013)

…L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fini par reconnaître, au printemps 2012, que les tests réglementaires qui ont conduit à l’homologation de ces molécules ne permettaient pas d’en évaluer les risques…

Les abeilles ne dansent plus (24 février 2009)

…Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. Mais les abeilles ne dansent plus…

Le tueur d’abeilles, c’est nous (20 septembre 2008)

…Nous paraissons aussi surpris par les atteintes à la biodiversité que par un krach financier. Nous agissons comme si nous ne connaissions pas nos fondamentaux. Le respect de l’équilibre entre l’espèce humaine avec les autres formes de vie est une loi naturelle ; le respect de l’équilibre entre la sphère marchande et son évaluation monétaire est une loi économique. Mais nous n’avons plus aucune morale, ni en affaires, ni à l’égard de la Nature…

Le syndrome d’effondrement  des colonies d’abeilles (10 décembre 2007)

…Jusqu’aux années 1960, tout était simple, on ne bougeait pas les ruches, il y avait des fleurs partout. Puis les cultures spécialisées ont commencé, la transhumance des ruchers a suivi, ainsi que le cache-cache avec les pesticides…

* Le Monde.fr avec AFP | 09.01.2014, L’Europe en grave déficit d’abeilles pour polliniser ses cultures

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La défense des animaux, on s’en fout complètement

Sur Lemonde.fr du 23 décembre, la philosophe Corrine Pelluchon prend la défense des animaux : « Les fêtes de fin d’année ne sont guère réjouissantes pour les oies et les canards mulards qui, pendant trois semaines, doivent ingurgiter deux fois par jour 450 grammes de nourriture en quelques secondes afin que leur foie atteigne dix fois son volume normal… Jamais la condition des animaux n’a été aussi misérable… Il me semble que mes concitoyens pourraient s’abstenir de consommer du foie gras et de porter de la fourrure. » Aussitôt les commentateurs se déchaînent. Nous relatons quelques réactions qu’il nous semble inutile de commenter :

  • Sensiblerie boböisante. On pourrait tout aussi déplorer le cri d’agonie des salades qu’on égorge au fond des éviers.

  • Si, madame, votre position exprimée dans ce texte est en soi respectable, au nom de quelle Vérité et de quelle légitimité vouloir l’imposer à autrui, qui plus est par le biais pervers de la culpabilisation ? Ne mangez pas de foie si vous le souhaitez mais laissez les autres libres.

  • Les défenseurs des animaux seront crédibles le jour où ils prendront la défense des moustiques, espèce exterminée sans vergogne et pourtant indispensable à la chaîne alimentaire.

  • Tout à fait d’accord avec cette excellente tribune. Il faudrait également créer des camps de rééducation alimentaire pour les animaux cruels et de droite ! Les tigres et les lions doivent se mettre au quinoa et au thé vert !

  • Les animaux sont des choses. Point barre. Les humains sont des personnes. En tant que personne nous traitons comme nous voulons des choses. Si on se met à confondre choses et personnes cela ouvrira la porte à la négation de la spécificité humaine. Un retour en arrière inacceptable.

  • Comment cette prof de philo peut-elle rester insensible à la douleur du pissenlit qu’on arrache, de la salade qu’on coupe, de la pomme qu’on sépare de son arbre nourricier, de cette cruauté infinie que nous exerçons envers ces plantes, ces légumes, ces fruits innocents qui ne nous ont rien fait.

  • Si, pour commencer, on tirait moins fort sur le pis des vaches, des chèvres et des brebis, un grand pas serait franchi dans l’abolition des douleurs intolérables, pour ceux qui se sentent obligés de manger du fromage ou de boire du lait.

  • Non aux bouffeurs de viande, non aux manteaux de fourrure, non aux licenciements, non au capitalisme, non à la société de consommation. J’espère ne pas avoir trop oublié de « non » à mon inventaire de cette pensée philosophique. Belle démonstration de la philosophie quand elle est peinte en verte.

  • Mme la philosophe, votre métier consiste à nous aider à penser les tenants et les aboutissants des questions complexes, NON À JUGER LE COMPORTEMENT DES AUTRES, à leur faire la morale. Demandez-vous comment il se fait que les défenseurs de la cause animale soient si insensibles aux souffrances humaines, sociales, économiques et psychologiques, qui nous entourent, innombrables, omniprésentes ?

  • La condition animale me fait bien rire quand on pense que la faim n’est toujours pas abolie sur Terre, que des chinois ou bangladais bossent à en crever, et qu’il y a toujours des camps de travail en Corée du Nord. Qu’on pense d’abord à la condition humaine.

  • Elle n’a pas bobo à la tête, la dame ? Dans ce monde, où tant d’hommes et femmes sont en souffrance, l’intégrisme écologique, me fatigue.

  • Il est 20h45, ce 24 décembre, et la lecture de cet article m’a donné faim. Je vais aller de ce pas me resservir une tartine de foie gras.

– Vous me confirmez par vos propos que dans le monde animal, l’espèce humaine est le plus monstrueux ratage de la nature.

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Vaches en batterie : l’immonde étable à 1000 laitières

Même LE MONDE* se pose des questions sur les usines à vache : « La ferme des 1 000 vaches commence à sortir de terre… l’étable géante de 234 mètres de long… la production de lait passera de 9 000 à 11 500 litres par an et par bête… reste un problème de taille : que faire du « digestat », les résidus organiques chargés d’azote produits par le méthaniseur ?… l’inlassable mobilisation de Novissen contre cette « ferme-usine » son mot d’ordre : « Halte aux travaux. Exigeons l’abandon total du projet [de la société] Ramery »… la Confédération paysanne dénonce aussi « l’industrialisation de l’agriculture »… les interrogations sur le modèle agricole français se font pressantes…. l’Europe a opté pour une approche libérale de l’agriculture… la ferme des 1 000 vaches est en rupture totale avec ce modèle français d’élevage familial où la moyenne des troupeaux n’excède pas 50 à 80 bovins… l’élevage laitier, qui est souvent la seule activité agricole possible en montagne, emploie d’ailleurs aujourd’hui le plus d’agriculteurs. Combien seront-ils demain ?…

L’équipe d’Agir pour l’Environnement s’insurge : Cette ferme-usine est à l’élevage ce que le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes est à la mobilité durable… un non sens ! Associé à un méthaniseur, cet élevage laitier géant repose sur :

– Un univers concentrationnaire où la souffrance animale est banalisée ;

– Un système agricole où l’éleveur n’est plus qu’un exécutant à la merci d’investisseurs cyniques ;

– Une pollution de l’environnement et de l’eau engendrée par le rejet de lisiers ;

– Un déni de démocratie où les riverains sont fermement invités à accepter ce projet ou à déménager.

Parce qu’un autre modèle agricole est possible, le projet de ferme-usine de Drucat dit des 1000 vaches doit être abandonné. Nous exigeons l’arrêt immédiat des travaux. Vous pouvez signer la pétition suivante : http://www.1000vaches-nonmerci.fr/

* LE MONDE éco&entreprise du 29-30 septembre 2013, l’étable des multiplications

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Poules en batterie : maltraitance censurée par la justice

L’association  L214, spécialisée dans la défense des animaux d’élevage, a été condamnée à payer une somme conséquente à deux élevages de poules pondeuses en batterie, au motif… d’une « atteinte à la vie privée » : deux reportages vidéo ont été tournés de façon clandestine dans deux élevages en batterie qui détiennent « des milliers de poules enfermées dans des cages non conformes à la réglementation ». Mais les images ont été obtenues sans autorisation ! L214 déplore de se retrouver « criminalisée dans son rôle d’information » , s’étonnant que la justice qualifie d’atteinte à la vie privée « ce qui relève avant tout de l’intérêt général ». (http://animaux.blog.lemonde.fr/2013/09/27/889/)

Pour soutenir l’action de L.214, vous pouvez adhérer à L214. Vous pouvez aussi acheter des œufs qui ne sortent pas de cages, il y a un marquage : devant les lettres du pays d’origine (FR par exemple), un chiffre allant de 0 à 3 permet de savoir si cette poule vit en cage, au sol en bâtiment fermé, ou si elle a un accès au plein air. Le code 3 concerne 80 % des poules qui vivent enfermées dans des cages. Le code zéro est le bon choix, plein air et bio. Encore mieux, vous pouvez élever vos propres poules pondeuses.

Armand Farrachi pose le problème de fond dans son livre les poules préfèrent les cages : « L’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. En ce sens le sort des poules en cage, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure ainsi du nôtre. Si les poules préfèrent les cages, on ne voit pas pourquoi les humains ne préfèreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles. Il importe peu de savoir comment la volaille humaine s’épanouirait au grand air, mais à quel prix elle préférerait une cage : jeux télévisés et parcs de loisirs pour se sentir en sécurité, ne pas éprouver de douleur, ne pas présenter de symptômes d’ennui et de frustration. »

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pour en finir avec la chasse-loisir, chasse sans avenir

C’était l’ouverture de la chasse le 15 septembre, Corentin Mollot, 16 ans, va tirer sa première perdrix*. Le droit de tuer jusqu’au 28 février. Les chasseurs sont encore 1,3 millions. Trop de chasseurs, presque plus de gibier. Autrefois c’était une chasse de proximité, réservée aux paysans qui faisaient là une cueillette complémentaire. On fabriquait soi-même ses cartouches, le fusil se transmettait de père en fils. Et puis il y a eu l’industrialisation de la chasse, les fusils à répétition qui ne laissent aucun chance à la perdrix, la horde de chasseurs qui sortent de leur 4×4 pour encercler le lièvre, le productivisme agricole qui éradique le potentiel cynégétique, les sociétés de chasse qui lâchent les faisans d’élevage la veille de l’ouverture. On a vu des chasseurs suivis par des faisans affamés qui attendaient d’être nourris par eux ! Ce n’est plus la recherche d’un complément alimentaire, c’est le massacre à la tronçonneuse, c’est un loisir coupable qui se croit responsable. On aménage des jachères pour la faune sauvage, on équipe des tracteurs de barres d’effarouchement pour éviter que les animaux soient broyés, on indemnise les agriculteurs pour les « méfaits » des sangliers. Il paraît même qu’il y a des quotas… un chasseur qui tue une perdrix ne pourra en tuer une autre de toute la saison. Mais qui suivra à la trace Corentin Mollot ? Comment plus d’un million de chasseurs français peuvent-il évoluer à leur aise dans des paysages urbanisés, fragmentés et « désanimalisés » ? On « gère » une nature sauvage qui n’avait pas besoin de nous jusqu’il y a peu.

Comme l’exprimait Aldo LEOPOLD**, « le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à voir le jardin à côté de chez lui ». De son point de vue, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister. La land ethic implique le respect des membres de la communauté. Donc Aldo cultivait les vertus de l’autolimitation du désir de  capture. Il s’agit, par respect pour l’animal qu’on traque, d’imposer des freins à l’action des chasseurs ; il faut par exemple chasser léger, une cartouche seulement par animal, tirer les perdrix à la volée, etc. Mais l’éthique de la terre, qui l’a apprise aux chasseurs contemporains ? Les chasseurs sont devenus incompétents parce qu’ils ont enfreint la règle primordiale de tout bon parasite : ne pas tuer son hôte. En acculant à l’extinction espèce vivante après espèce vivante, ils sont tombés dans le piège de la perte de biodiversité et de la raréfaction du gibier.

Gérard Charollois*** a été vice-président du Rassemblement des opposants à la chasse. Pour lui, il existe des chasseurs conscients des excès et qui seraient prêts à les réformer, mais le problème français est que les plus radicaux sont parvenus à la tête des fédérations. Son livre traite de la chasse-loisir, personne en France ne chasse plus pour se nourrir. Il note que la chasse est abolie à Ceylan et dans la majeure partie du sous-continent indien. Pourquoi pas en France ?

* LE MONDE du 18 septembre 2013, Dans les champs et les bois de Baby, la nostalgie du chasseur face à la pénurie de gibier

** Almanach d’un comté des sables d’Aldo Leopod (première édition en 1949)

***  Pour en finir avec la chasse  (la mort-loisir, un mal français) de Gérard Charollois (Radicaux libres, 2009)

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Le droit absolu des crocodiles… à manger de l’humain

 Un ingénieur de 26 ans vivant à Darwin (Australie) a été attrapé et emporté par un crocodile dans la Mary River. Sean Cole, bien alcoolisé, avait ignoré tous les panneaux d’interdiction de baignade. Quatre crocodiles ont été abattus. Commentaires (judicieux) des internautes* :

– Pourquoi sommes-nous si arrogant ! Nous exterminons chaque jours des millions d’animaux pour nous nourrir mais nous ne supportons pas d’être les proies d’animaux pour qui, sur leur terrain de chasse, nous ne sommes que du gibier potentiel.

– Il s’est baigné dans une zone appartenant aux crocodiles, qui ne savent pas lire les pancartes interdisant de manger des hommes.

– Il y a 7 milliards d’humains… Comptez le nombre de crocos. Donc un imbécile (on peut être ingénieur et imbécile) de moins, ça manquera pas.

– Avec le nombre incroyable d’attaques d’humains sur les animaux, il est tant que le règne animal réagisse pour limiter la population de cette espèce nuisible qui détruit les ressources disponibles. Un écosystème c’est un état d’équilibre ou la chaîne alimentaire permet de réguler les populations en fonction des ressources. Et puis il y a l’humain, qui consomme tout et épuise désormais la production annuelle mondiale en 8 mois.

– Sur terre chaque espèce à sa place, si un ours vient dans une habitation on l’abat, si on va sur le territoire de lions ou de crocodiles ils nous mangent. Alors pourquoi jouer avec le feu ? Les crocodiles n’ont rien demandé à personne, si on veut leur servir d’appât, il ne faut s’en prendre qu’à soi.

– Ce bonhomme a joue a la roulette russe et il a perdu. Si tu ne veux pas te faire attaquer par un tigre, tu ne mets pas le nez dans sa cage. Que je sache le croco n’est pas allé attaquer notre nageur chez lui, en plein milieu de son lit. C’est triste ? Certainement, mais c’est la nature avec ses prédateurs.

– Nous sommes des prédateurs pas bien différents des crocodiles. Je suis sûr que vous avez déjà bouffé des animaux qui éprouvaient des sentiments envers des amis ou la famille.

– Il n’y aura bientôt plus la moindre parcelle de terre sans panneau, feu rouge, avertissement en tout genre, assurance obligatoire, et toutes ces imbécilités afin de rassurer nos petits aventuriers incapable de comprendre que le monde ne leur appartient pas.

– Aucune espèce de pitié ou tristesse à l’endroit de ce sinistre imbécile qui a causé l’abattage de 4 crocodiles par sa bêtise crasse. Si on était logique, ce serait à l’abattage d’êtres humains qu’il faudrait procéder, sur des critères transparents et objectifs – ce serait infiniment plus bénéfique à la planète entière par rapport à la mise à mort de 4 pauvres sauriens.

– Comme à la Réunion, dès qu’un nageur se fait croquer, on bute un requin ou deux…! Se poser la question de tenter de réguler ou non le nombre de crocodiles est une chose, mais organiser des expéditions punitives parce que certains ne réfléchissent pas, c’est lamentable… Soyons cohérent, puisqu’ils ne sont pas doués de raison comme nous, on ne peut pas les punir comme s’ils en avaient.

– Que faire pour les ivrognes qui se cognent contre des poteaux en roulant a 100 km/h ? On coupe tous les poteaux ?

– Il s’est produit un terrible accident de voiture faisant trois morts : suppression de tous les véhicules à moteur, sans sommations.

– J’ai un copain qui est allé visiter un volcan en activité, il est mort. Il faut éliminer tous les volcans, ils sont méchants.

– L’espèce humaine est la dominante, qui se dit la plus évoluée… on peut se poser la question !

* http://sydney.blog.lemonde.fr/2013/08/26/la-mort-dun-homme-relance-le-debat-sur-labattage-des-crocodiles/

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Sommes-nous si bêtes au point de mépriser la vie ?

Le bioéthicien Peter Singer se consacre à la protection animale et lutte contre le spécisme, dénigrement des autres espèces comme cela se pratiquait autrefois à l’encontre des noirs (racisme) ou des femmes (sexisme), jugés « inférieurs ». Interrogé par LE MONDE*, voici son argumentation qui établit une autre hiérarchie entre les formes de vie (« ils n’ont pas le même statut moral ») :

– le statut moral du ver de terre n’est pas égal à celui de l’homme. A l’évidence, non. On ne sait même pas si le ver de terre a une sensibilité à la douleur.

– les poissons sont des êtres sensibles, capables de ruser et d’utiliser leur mémoire. La souffrance du poisson est aussi importante qu’une souffrance ressentie par un être humain. Mais il ne souffre pas émotionnellement de la mort de sa progéniture. La priorité est d’inclure les êtres doués de sensibilité dans notre sphère de considération morale.

– la plupart des animaux de consommation vivent confinés dans des lieux totalement artificiels. La question est la suivante : est-ce que l’on encourage une industrie qui exploite les animaux et, si non, jusqu’à quel point est-on prêt à s’y opposer ? Il appartient à chacun de trouver sa propre réponse.

– les grands singes connaissent la douleur, sont des mammifères sociaux et ressentent des émotions. Il faut étendre aux chimpanzés, gorilles et orangs-outangs trois droits jusqu’alors réservés à l’homme : le droit à la vie, à la protection individuelle et au respect de l’intégrité physique.

Commentaire de biosphere : Le pathocentrisme, centré sur la souffrance, de Peter Singer est un critère trop restrictif. Il s’agit de s’identifier aux êtres qui nous ressemblent (ici par la souffrance) et de les valoriser. Vieil argument : un homme valait autrefois plus qu’une femme puisqu’elle n’était pas un homme. Cet anthropomorphisme-là est dépassable, nous pouvons différencier librement ce qui a une valeur intrinsèque et ce qui n’est pour nous qu’un objet (la femme est encore considérée par certains comme un objet). On peut donc aller plus loin que l’éthique animale en définissant un biocentrisme : un être ne vaut pas tant par sa capacité à souffrir que par le fait qu’il vit et poursuit ses intérêts propres. La vie d’une palourde est certainement trépidante. Rien n’empêche d’ailleurs d’incorporer les végétaux dans la sphère des êtres susceptibles d’avoir des intérêts. Les plantes sont vivantes, ce sont des êtres sensitifs qui réagissent à leur environnement, la lumière, la température, l’humidité… Les avancées scientifiques ont mis en évidence de nombreux traits communs entre les végétaux et les animaux aux niveaux cellulaires et moléculaires, raison pour laquelle il n’y aurait pas d’arguments décisifs pour écarter les végétaux de la sphère éthique a priori. Dès lors se pose la question de savoir si un arbre devrait pouvoir bénéficier de notre prévenance ou de notre sollicitude au même titre qu’un animal qui souffre.

Remarquons qu’il n’y aurait pas lieu de s’interroger sur la valeur des espèces si celles-ci n’étaient pas directement menacées par nos activités. Le ver de terre est déconsidéré par Peter  Singer mais valorisé par Charles Darwin :  il participe de la bonne santé de la terre, il est exterminé par l’agriculture industrielle. Le vrai problème, qui fonde l’éthique de la terre, est de savoir comment les hommes, toujours plus nombreux, vont pouvoir rétablir une cohabitation harmonieuse avec le monde naturel. Aldo Leopold définissait une bonne approche : l’occasion s’offre à nous de penser enfin l’homme comme « le compagnon voyageur dans l’odyssée de l’évolution ». Cette découverte devrait nous donner un sentiment de fraternité avec les autres créatures ; un désir de vivre et de laisser vivre ; un émerveillement devant la grandeur et la durée de l’entreprise biotique. L’homme en soi ne vaut pas beaucoup plus que le ver de terre, et il est même souvent beaucoup moins utile.

* LE MONDE Culture&idées du 8 juin 2013, « Il faut inclure les êtres sensibles dans notre sphère de considération morale »

PS : à lire pour compléter vos connaissances :

1993 Questions d’éthique pratique de Peter Singer (Bayard, 1997)

2010 philosophie de la biodiversité (petite éthique pour une nature en péril) de Virginie Maris

2011 Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique (DEEPWATER HORIZON) de Stéphane Ferret

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Mieux vaut un surfeur mort que la chasse aux requins

A La Réunion, un squale a tué un touriste surfeur. Plusieurs personnes avaient prévenu le jeune homme des risques qu’il encourait ; en raison du manque de visibilité sous-marine, on interdisait la pratique de tous les sports aquatiques*. Si la responsabilité du surfeur est clairement pointée, l’accident n’en a pas moins relancé la polémique sur les attaques de requins. Le député-maire Thierry Robert estime pertinent «  d’effectuer des prélèvements préventifs de requins ». Depuis dix ans, entre cinquante et cent attaques de squale sont recensées chaque année contre l’homme, pour moins de dix morts en moyenne. Du point de vue des requins, plus de 100 millions d’entre eux sont tués chaque année par l’homme, et la plupart des stocks connus ont diminué de plus de 80 %. Les squales sont surtout victimes du « finning », cette pratique qui consiste à découper immédiatement les ailerons et à jeter par-dessus bord la dépouille agonisante. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr que la biosphère trouve (im)pertinentes :

Chloé : Quand on va dans un pays que l’on ne connaît pas, on regarde et on écoute. Aller au delà du lagon comporte des risques. Dès que l’eau est trouble, il y a danger, c’était affiché et le touriste a été prévenu par les habitués. La nature ne lui appartenait pas et s’il voulait « jouer » encore fallait-il qu’il pense que la mer est plus un lieu de vie qu’un terrain de jeux. Il y a des règles à respecter, comme partout. La mer n’est pas un pays conquis !

Jeb : Les requins sont indispensables au bon équilibre des fonds marins. Les tuer est d’une stupidité sans nom. Il n’y a pas d’autre choix que de les protéger. Après, si un bodyboarder (et non un surfer !) décide d’aller faire trempette alors qu’on lui dit que c’est plein de requins autour. Comment dire… darwinisme ?

Cédric : Il n’y a qu’à effectuer des prélèvements préventifs de surfers, ça n’est pas du tout une espèce en voie de disparition et sa prolifération est plus inquiétante que celle des requins.

Max Lombard : Les requins tuent moins dans le monde que les méduses, les avalanches, les chasseurs, les abeilles, les champignons, les trains, les bateaux, les avions, les vélos, les fils électriques, le froid, le chaud, le ski, l’alpinisme, le bricolage, la cuisine… (hors concours les véhicules motorisés à 2 ou 4 roues). Eradiquer les requins « économiserait » quelques décès annuels, combien avec une meilleure connaissance des champignons?

Olivier : Il faut éliminer toutes ces espèces malfaisantes. Moi, je proteste énergiquement contre les écolos rêveurs. J’ai été piqué dernièrement par une rose que j’essayais de cueillir, cela m’a fait très très mal. Je réclame avec force qu’on éradique cette espèce dangereuse.

BenMontpellier : Tuons toutes les « bestioles » qui nous gênent. Vive l’humanité suprémaciste dans son infinie bêtise : indéniablement c’est là le signe d’une intelligence exceptionnellement « supérieure »… Il n’est pas inutile de rappeler que nous sommes nous aussi des bestioles (des primates, mais oui!), et que nous ne sommes qu’une espèce parmi les autres. Malgré les âneries colportées ici et là, rien ne prouve que l’être humain soit plus important qu’un papillon ou qu’un requin.

Gérald : Quand je pense qu’on nous « vend » les surfeurs comme des « rebelles » amoureux de la nature…

* Le Monde.fr | 09.05.2013, Tuer ou protéger les requins, la question continue de faire polémique

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Les tueurs d’abeilles vus au prisme de la démocratie

La Commission européenne a annoncé, lundi 29 avril, qu’elle devrait suspendre pour deux ans, à compter du 1er décembre, l’utilisation de trois insecticides néonicotinoïdes (imidaclopride, lthiaméthoxame, clothianidine) mis en cause pour leur rôle dans le déclin des abeilles et autres insectes pollinisateurs sur quatre grandes cultures (maïs, colza, tournesol et coton)*. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) montre les risques pour la santé des abeilles malgré d’intenses pressions de la part  de l’agrochimiste suisse Syngenta, puis il faut un vote du Comité permanent de la santé animale et de la chaîne alimentaire, puis un vote des Etats-membres qui n’aboutit pas (Quinze Etats membres pour, quatre abstentions, huit contre, pas de majorité qualifiée), puis une décision souveraine de la Commission de Bruxelles : méandres de la politique européenne !

Le Collectif Sauvons les fruits et légumes de France s’inquiète des conséquences de la suspension des néonicotinoïdes alors que les trois insecticides pourront être utilisés dans des centaines d’autres cultures : désinformation. Il est vrai que ce « collectif » dénonce le « lobbying démagogique et effréné d’associations environnementalistes ». Cet organisme ne sait vraiment pas faire la balance entre les pouvoirs immenses de lobbying des firmes agro-industrielles d’un côté et les quelques associatifs qui défendent le plus souvent bénévolement les abeilles de l’autre. Le porte-parole de Générations Futures se réjouit au contraire de cette suspension : « Plus de 350 000 signatures d’une pétition ont permis de convaincre la Commission de prendre la bonne décision ». Collectif de « citoyens » d’un côté, pétitions de l’autre, lobbying et pressions de tous côtés, où va la démocratie ?

Nous ne sommes plus en démocratie. Nos décisions finales ne sont plus le résultat de la raison, de la science et de l’éthique, elles résultent d’un rapport de force : lobbying des firmes agrochimiques contre mobilisation du secteur apicole. Comme si les intérêts des personnes engagées dans les firmes n’était pas les mêmes que ceux qui s’occupent des abeilles ! Comment voulez-vous que pollinisation se fasse ? Nature se meurt, et nous aussi par la même occasion j’en ai bien peur.

* LE MONDE du 2 mai 2013, Bruxelles va suspendre pour deux ans trois insecticides tueurs d’abeilles

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Les animaux ne peuvent parler ni se révolter, dommage

Manon Dené s’exprime ainsi devant la journaliste Catherine Vincent* : « L’être humain est un animal particulier, plus intelligent et plus fort que d’autres. Mais c’est justement parce qu’on est plus intelligents et plus forts qu’on devrait avoir plus d’humilité et intégrer les animaux dans notre écosystème, et les protéger plutôt que les utiliser… La société a toujours été bâtie sur une exploitation. Il y a eu le racisme, le sexisme, le ségrégationnisme. Mais le problème avec les animaux, c’est qu’ils ne peuvent pas parler, ni se révolter. On les exploite dans tous les domaines, mais tout le monde préfère l’ignorer. C’est ancré dans les mœurs. » Manon Dené se veut activiste, elle veut faire du lobbying : « C’est vraiment ça qui m’intéresse : pouvoir avoir un peu d’influence sur les dirigeants, les parlementaires, les eurodéputés… C’est à travers la législation et la politique qu’on peut faire bouger les choses, mais aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de politiciens qui s’intéressent à la protection animale. » Manon Dené devrait employer le terme d’acteurs absents.

Il faudrait que chaque citoyen (en position de décision délibérative) se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui ne sont pas invités à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Tous ceux qui ne peuvent parler et se révolter doivent être représentés. Rosanvallon décrivait la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. » Le suffrage universel est un conquête récente qui s’est progressivement élargi à de multiples acteurs. Au début, il s’agissait en France d’un corps électoral restreint par le suffrage censitaire à 246 000 hommes. Les votants sont devenus 9 millions avec l’adoption du suffrage universel et direct en 1848 ; les femmes, les militaires et les colonisés étaient encore exclus. Il faudra attendre 1944 pour que l’universalité s’étende aux femmes, 1945 pour que les miliaires deviennent électeurs ou éligibles et 1956 pour la reconnaissance d’une citoyenneté de plein droit aux indigènes des colonies françaises.

On pourrait aller encore plus loin. Ce serait élargir l’universalité bien plus fondamentalement que le droit de vote à 18 ans si on pouvait inclure dans la participation électorale les êtres vivants non humains, le milieu naturel et les générations futures. Ce n’est pas une procédure véritablement démocratique que de décider sans eux, les acteurs absents, les tiers-absents, de ce qui les intéresse au premier chef. Une telle délibération, qui n’élargit pas la pensée dans l’espace et dans le temps, ne peut qu’entraîner de mauvaises décisions. Les ruptures écologiques qui perturbent les ressources et le climat résultent de l’usage d’une démocratie restreinte. Manon Dené a raison de s’intéresser à la parole des animaux.

* http://animaux.blog.lemonde.fr/2013/03/22/les-animaux-ne-peuvent-ni-parler-ni-se-revolter/

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Les espèces invasives, un fléau ou une fatalité ?

Qui stoppera l’invasion du poisson-lion ? C’est le grand titre de la page Planète du MONDE*. Originaire de l’océan indo-pacifique, le poisson-lion a envahi la Caraïbe à une vitesse fulgurante. Ce Pterois volitans est devenu un fléau pour la Guadeloupe, une menace pour la pêche et la biodiversité. Une stratégie de lutte contre cette espèce invasive se met en place contre cet Attila des mers : « Il rafle tout : œufs, juvéniles, crustacés, tant que leur diamètre n’excède pas la taille de sa mâchoire ». Une cinquantaine de chasseurs en tuent 20 à 30 à chaque plongée, environ une fois par semaine. Mais nul n’imagine éradiquer le problème ainsi. D’ailleurs, faut-il éradiquer une espèce invasive ?

Christian Lévêque** pense que non : « Brown constatait une sorte de xénophobie irrationnelle face aux plantes et animaux invasifs, qui s’apparente à l’intolérance de certains citoyens vis-à-vis de races étrangères. Le langage militaire est de mise, il faut bouter l’envahisseur, l’éradiquer (…) On attribue les mêmes qualificatifs aux espèces invasives que ceux attribués aux immigrants : fécondité incontrôlée, agressivité, comportement prédateur, etc. C’est accentuer l’opposition entre ce qui est « de chez nous » et ce qui « vient d’ailleurs ». En réalité il y aurait concomitance d’un effacement des espèces natives et d’un accroissement des naturalisations, mais pas de relation directe de cause à effet dans une invasion ! Les exotiques occuperaient simplement les nouvelles niches créées par les modifications du milieu et laissées vacantes par les espèces natives. »

La crédibilité de l’écologie réside dans sa capacité à apporter des réponse. Là, le doute s’installe : faut-il vraiment éradiquer une espèce invasive ? Le débat est ouvert, nous attendons sur ce blog vos commentaires éclairés.

* LE MONDE du 14-15 avril 2013

** L’écologie est-elle encore scientifique ? (éditions QUAE, 2013)

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Souffrance animale, un secret industriel qui fait mal

Un texte significatif d’Audrey Garric* : « Des films montrant une cruauté extrême dans les élevages et abattoirs, réalisés par des militants de la cause animale, ont choqué l’opinion publique et entraîné des sanctions contre les fautifs. Pourtant une douzaine d’Etats américains ont proposé ou adopté récemment des lois criminalisant la dénonciation de ces pratiques. Ces législations interdisent de filmer ou de prendre des photos secrètement au sein de fermes d’élevage et de postuler pour un emploi dans l’un de ces établissements sans divulguer des liens avec des groupes de défense des animaux. Le plus extrême de ces textes, en Arkansas, va même jusqu’à proposer d’interdire à quiconque d’autre que les autorités d’enquêter sur les animaux. La plupart de ces projets de loi punissent non seulement les militants qui prennent des photos et des films, mais aussi les médias et les organisations de défense des droits des animaux qui diffusent les documents. Selon les représentants des firmes d’élevage, « ces tournages nuisent à la réputation de la filière ». Un porte-parole de l’ALEC** : « Vous ne voudriez pas que je vienne dans votre maison avec une caméra cachée. » »

Quelques commentaires perspicaces à la suite de cet article sur lemonde.fr :

– Le plus affligeant c’est que le libéralisme stipule la responsabilité du consommateur, responsabilité qui repose sur l’information, information qu’on cache, par tous les moyens possibles y compris la loi. Les USA sont un pays malade.

– On peut aussi ajouter l’interdiction de mentionner qu’un produit alimentaire ne contient pas d’OGM. Du coup ils peuvent facilement affirmer que les consommateurs ne refusent pas les OGM.

– Par contre, nier l’existence des chambres à gaz est protégé par le premier amendement, lui … allez comprendre la logique.

– Aucune loi n’interdit pourtant de filmer les horreurs de la guerre ou de la folie ordinaire des hommes. Au contraire, c’est même le fond de commerce de toute une industrie du spectacle.

– Il devient illégal de dénoncer la torture des animaux mais il est quasiment impossible d’interdire à tous les fous de se procurer des armes légalement et de commettre de gentils petits massacres !

– Dans la logique américaine, il faudrait autoriser le port d’armes pour les animaux !

– Ce projet plus l’amendement Monsanto***…. passé en catimini et signé par Obama en connaissance de cause, sont instructifs.

– Les tenants de l’agrobusiness finiront par nous traiter comme ces animaux maltraités.

* Le Monde.fr | 11.04.2013, Filmer la cruauté envers les animaux, un crime aux Etats-Unis

** ALEC,  American Legislative Council, un think-tank conservateur

*** Le « Monsanto Protection Act » garantit la culture des OGM contre toute décision de justice.

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Gaucho, Regent, Cruiser, l’infernal trio anti-abeille

Le Gaucho, c’est pas beau, le Regent, c’est méchant… et le Cruiser, c’est l’enfer. Les insecticides néonicotinoïdes sont une cause majeure du déclin des abeilles ; la plante s’imprègne du produit et devient, tout au long de sa croissance, toxique pour les insectes. Dans un éditorial*, LE MONDE est cinglant : « L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fini par reconnaître, au printemps 2012, que les tests réglementaires qui ont conduit à l’homologation de ces molécules ne permettaient pas d’en évaluer les risques… Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll se soucie des apiculteurs, il aurait pu se soucier aussi des abeilles… Avant d’annoncer un plan d’aide à la filière apicole, il aurait fallu, de toute urgence, avoir le courage d’interdire ceux qui demeurent autorisés. »

Stéphane Le Foll n’y connaît rien à rien. Il veut créer un observatoire des résidus de pesticides dans l’environnement de l’abeille**. Or depuis plus de dix-sept ans il y a eu beaucoup d’études scientifiques sur l’impact des pesticides dans la vie des ruches. En janvier dernier, l’EFSA a même rendu un rapport très critique, indiquant que certains néonicotinoïdes présentaient des risques importants pour les abeilles. Stéphane Le Foll n’a pas abordé ce problème, préférant attendre  une future décision européenne. Il a été nommé « ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire », ce qui témoigne clairement de la dérive productiviste de ce gouvernement. Car qui dit « agroalimentaire » dit agro-business. Jamais encore le mot « agroalimentaire » n’avait été utilisé pour le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture, de la Pêche, du Développement rural ! Stéphane Le Foll s’est opposé à une proposition de la Commission européenne d’allouer au minium 25 % des fonds européens à des mesures agro-environnementales et à l’agriculture biologique. Son ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, le socialiste Guillaume Garot, s’était lancé au micro d’Europe 1 sur la nécessaire réduction du sucre, du sel et du gras dans l’alimentation. Stéphane le Foll se désolidarise de son ministre délégué : « L’Ania (Association nationale des industries alimentaires) peut critiquer les déclarations de Garot à condition de ne pas mettre clairement en cause le gouvernement dans son ensemble ».

Stéphane Le Foll est le contraire d’un écolo. Dans le même temps, on n’entend plus du tout l’ancienne porte-parole du candidat Hollande, Delphine Batho, aujourd’hui ministre de l’écologie : elle peine à exister, c’est le naufrage total. Du point de vue de l’écologie, ce gouvernement socialiste n’est pas mieux qu’un gouvernement de droite.

* LE MONDE du 10-11 février 2013, Pesticides : pitié pour les abeilles !

** LE MONDE du 10-11 février 2013, Un plan de soutien contre le déclin de l’apiculture

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Journal intime d’une mouche tsé-tsé

Imaginez-vous quelque part  en Afrique de l’Ouest, en zone tropicale humide, à l’état d’œuf, dans l’utérus d’une mouche tsé-tsé, votre mère, et laissez-vous vivre… Extraits :

Dix jours se sont écoulés, je suis brusquement mise en contact avec un sol tiède et humide. Je m’agite pour atteindre une profondeur de quelques centimètres dans le sol… Ma cuticule externe durcit rapidement, mon épiderme devient imperméable… ma transformation en adulte s’effectue sans apport alimentaire… Je suis devenu une mouche tsé-tsé… Nombre d’entre nous ne seront jamais porteuses de parasites pathogènes durant notre vie… Je ne choisis pas plus que les vertébrés  d’être infecté par le terrible trypanosome, un protozoaire parasite… Ma vitesse moyenne atteint maintenant 10 mètres par seconde, soit 36 kilomètres par heure… Mon cerveau gère la cartographie odoriférante de mon environnement. Je me sens capable de remonter un gradient d’odeur jusqu’à sa source, flaveurs d’urines, d’excréments, de sueurs que dégagent les mammifères, mes futures proies… un jeune mâle se place d’un seul coup d’ailes au-dessus de mon abdomen. Bien arrimé, il prend le temps de fabriquer un spermatophore avant de l’introduire au fond de mon utérus. Le tout l’occupe pendant au moins une heure… Je me mets en quête d’un hôte nourricier pour satisfaire mon besoin de sang, la poursuite de mon cycle biologique en dépend… Je viens d’assurer ma descendance… Malheureusement les trypanosomes d’une bête infectée n’ont pas été détruits par mes lectines intestinales… L’invasion parasitaire progresse et bouleverse l’intimité de mon corps…. Je me sens femelle porteuse involontaire et impuissante d’hôtes indésirables qui assurent leur pérennité à mes dépens…. Je vais contaminer malgré moi les animaux ou les hommes. Autant dire que ces parasites n’hésitent pas à ruiner la santé d’un vertébré pour rélargir leur cycle biologique complet, etc. » Il est inquiétant de constater que, depuis trente ans, aucune molécule nouvelle possédant une activité trypanocide n’ait pu être proposée…

NB : Ce « Journal intime », essai d’empathie animalière, n’est pas destiné à la vente. Il est disponible auprès du CIRAD-Savoirs, avenue Agropolis, 34398 Montpellier cedex 5 (édité en 2008).

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conte animalier pour favoriser l’empathie humaine

Le conte scientifique animalier est un récit qui permet au lecteur de s’imaginer partager la vie d’un animal sur la base des  connaissances scientifiques disponibles. Il s’agit de favoriser une approche de la biodiversité par l’empathie, cette faculté propre aux humains de pouvoir se mettre à la place d’un autre, de percevoir ce qu’il ressent. Les capacités humaines d’empathie s’exercent malheureusement assez peu envers les autres humains (même les plus proches), et de façon insignifiante envers les autres membres de la Biosphère, si ce n’est quelque animal domestique qu’on traîne en laisse à côté de soi. Pourtant, plus vous augmenteriez l’empathie, plus le monde des humains et des non-humains pourrait coexister pacifiquement.

En 2005, le premier conte animalier censé favoriser l’empathie porte sur l’ornithorynque. Il a été choisi comme modèle pour son caractère aussi étrange qu’attachant et son extrême rareté. « Pour entrer dans l’histoire, imaginez-vous quelque part sur la bordure est du continent australien, dans l’atmosphère tiède et obscure d’un terrier, transformez-vous en un œuf d’ornithorynque et laissez-vous vivre. » Ainsi se termine l’introduction du Journal intime d’un ornithorynque.

Ce « Journal intime » n’est pas destiné à la vente puisque financé sur fonds européens. Il est disponible auprès du CIRASTI, BP 485, 86012 Poitiers cedex (édité en 2005).

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Conférence mondiale sur la biodiversité, bavardage !

Dans le sud de l’Inde, à Hyderabad, 11e conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (CDB)*. Nous pourrions reprendre tel quel l’article que nous avions fait à propos de la précédente conférence il y a deux ans seulement : rien n’a changé :

« Aucune conférence internationale n’arrivera à solutionner quelque problème que ce soit. A Nagoya, la dixième conférence des parties à la CDB ne fera pas exception à la règle. Que LeMonde (19 octobre 2010) consacre une page à la disparition des espèces n’y changera rien ! Une conférence internationale est par définition une rencontre entre nations : chacun défend les intérêts de son pays, pas l’intérêt commun. En 2002, on s’était déjà engagé à freiner la disparition accélérée des espèces d’ici à 2010, aucun pays n’a respecté cet objectif. Les scientifiques démontrent qu’il n’y aura pas de planète de rechange, pourtant  rien ne change politiquement. La superficie et la qualité des habitats naturels continuent à se dégrader presque partout. Le rythme auquel disparaissent les espèces est de 100 à 1000 fois plus rapide que ce qui s’est passé au cours des 500 derniers millions d’année.

Que la vie dans les forêts, les océans et les écosystèmes de notre planète constituent les fondements de notre société et de notre économie, au fond tout le monde s’en fout : nous n’en voyons pas encore la réalité dans notre quotidien ! La perte de biodiversité est encore une abstraction aux yeux des travailleurs : le chômage d’abord, le pouvoir d’achat ensuite ! La perte de biodiversité est toujours un avantage pour les industriels et les consommateurs : tout le monde est donc complice ! Personne ne manifestera dans les rues pour protéger la richesse de la biodiversité. »

* Le Monde.fr avec AFP | 19.10.2012 Les pays riches sous pression au dernier jour de la conférence sur la biodiversité

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anthropocentrisme, bio- ou écocentrisme, que choisir ?

Un insecte possède un cerveau, plus petit que celui d’un humain sans doute, mais un cerveau quand même. L’escargot est également doté d’un ganglion cérébral, et d’un cœur avec une seule oreillette et un seul ventricule, mais un cœur tout de même. Le schéma d’organisation du vivant est assez similaire d’un bout à l’autre de la planète, homo sapiens ne constituant pas une exception ! Pourtant certains croient encore à la spécificité humaine, fabulant que l’Homme est à l’image de dieu et la Terre au centre de l’univers. Ils font preuve d’anthropocentrisme, l’homme (anthrôpos) au centre. Contre ce nombrilisme qui oppose l’homme à la nature, une autre éthique est possible, le biocentrisme : on accorde une valeur intrinsèque à chaque être vivant (bio-), qu’il soit d’ailleurs animal ou végétal. Pour une petite minorité de gens éclairés, il faut aller encore plus loin. Parce qu’ils constatent que nous faisons partie de la même communauté biotique, nous aurions des devoirs aussi bien à l’égard de ses différentes composantes vivantes que de la communauté considérée comme un tout. Cette éthique est dite écocentrique (oikos, la maison, la Terre). Qu’en penser ?

Les humains et les non humains ne sont concrètement que des nœuds relationnels sur le réseau du vivant. Au niveau social, les individus se constituent par leurs relations aux autres, et ne sauraient exister par eux-mêmes, sans ces relations aux autres. Il en est de même de l’être humain qui est inséré dans un écosystème et en étroite interrelation avec lui. Oublier cela, c’est oublier l’essentiel. Le circuit économique entre ménages et entreprises n’est valide que si on considère que la circulation entre revenus et consommations dépend des richesses accordées ou non par la nature. Faisons un parallèle. L’unité de base des formes de vie, la cellule, est enfermée dans une membrane munie d’une multitude de portes microscopiques qui lui permettent d’échanger avec son milieu. L’échange se fait parfois au détriment de la cellule, ou à son avantage. En retour la cellule transforme aussi le milieu dans lequel elle évolue. Le milieu est partie constitutive de l’identité de la cellule comme la Nature est partie constitutive de l’identité humaine. Même entre le vivant et l’inerte, il n’y a pas de frontières rigides. A l’échelle atomique, ce sont par exemple les mêmes éléments qui constituent l’eau et environ 56 % du corps humain à l’âge adulte (40 litres d’eau pour une personne de 70 kilos). Mais les humains n’ont pas de relation obligée avec leur milieu, ils sont obligés de réfléchir pour savoir ce qui est le mieux. Et ce n’est pas évident pour eux !

Nous avons exprimé plusieurs millénaires durant que les humains n’étaient pas tous frères et sœurs alors que nous appartenons tous, blonds ou bruns, blancs ou noirs, à la même race « homo sapiens » ; nous avons considéré pendant des milliers d’années qu’il existait une différence fondamentale entre l’homme et la femme alors que l’égalité aurait pu aller de soi depuis longtemps ; nous valorisons notre propre ethnie ou notre nation comme le centre de ce qu’il faut reproduire et défendre alors que nous devrions essayer de vivre en symbiose avec tous, humains et non-humains. L’anthropocentrisme est une notion du passé, avant que Galilée démontre que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse, avant qu’on ne découvre que plumes, écailles et dents proviennent tous du même tissu épithélial, dépendent tous du même répertoire génétique. Les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale. Et homo sapiens est une invention  très récente de l’histoire géologique. Nos ancêtres directs,  des mammifères, ne sont apparus qu’il y a 150 à 200 millions d’années sous la forme d’un petit rongeur… Par la suite, il y a quelques 20 millions d’années, un singe arboricole possédait une colonne vertébrale assez rigide pour lui assurer une station temporaire sur ses deux jambes… mais l’histoire véritable des hominidés ne remonte approximativement qu’à 7 ou 8 millions d’années… et homo sapiens sous sa forme actuelle aurait seulement 150 à 200 000 ans. Il nous faut savoir écouter la voix de la Biosphère

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Moi, taureau de corrida, exige la réciprocité

J’ai fait un rêve, merveilleux rêve, qu’un homme beau et costaud se retrouve dans l’arène, tout nu. Il entre sur le sable, aveuglé par les projecteurs, court à droite ou à gauche, ne sait où aller, ce qu’on attend de lui. Une clameur gonfle, un taureau entre à son tour, majestueux dans sa robe noire, il salue la foule en délire. L’homme comprend brusquement, ce sera une lutte à mort, il cherche comment se défendre, on lui lance un petit couteau. Le spectacle commence. Le taureau, mon frère, va sortir vainqueur, presque toujours. Mais mon cœur pendant le combat a comme d’habitude défailli pour les risques  qu’il fallait prendre face à ce monstre sanguinaire armé d’une lame d’acier.

Nous avons sélectionné cet homme pour sa force et son intelligence, nous l’avons élevé avec d’autres dans l’ignorance de son sort funeste, nous l’avons choisi pour mourir aujourd’hui en public. Ainsi va la vie. Il faut dire que dans notre petit patelin, ça nous amuse beaucoup, la mise à mort d’un homme. C’est notre culture ancestrale, et ce n’est pas quelques opposants à l’humanomachie qui vont nous empêcher d’organiser cette cérémonie, cette façon d’être ensemble de façon effusive, scandée par nos encouragements au taureau. Je me souviens encore avec effroi, j’étais jeune, de ce taureau illustre qui était mort d’un coup de couteau que le hasard avait trop bien placé. Ce que nous aimons, c’est la mort de l’homme. Car l’arène est un lieu d’exaltation, de socialité, un croisement des classes sociales et des âges comme l’avait affirmé notre grand penseur Francis Marmande dans le MONDE* (lu par les taureaux).

Un jugement vient de conforter nos traditions. Organiser des corridas humaines dans certaines régions est conforme à la Constitution, vient de juger le Conseil constitutionnel, rejetant le recours d’associations qui militent contre l’humanomachie**. Les sanctions infligées pour cruauté envers les animaux humains ne peuvent s’appliquer partout. Le critère de « tradition locale ininterrompue », inscrit dans le code pénal pour les exceptions à ces sanctions, est « précis, objectif et rationnel ». Nous l’avions bien compris ainsi, le fait de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est bien puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Sauf s’il s’agit de la mise à mort d’un humain dans notre patelin…

* LE MONDE du 21 septembre 2012, « Pourquoi la corrida ? J’ai à faire avec la vie, l’amour, la mort »

** Le Monde.fr avec AFP | 21.09.2012, La corrida jugée conforme à la Constitution

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