épuisement des ressources

Explosion démographique et problématique de l’eau

De la part d’un correspondant, nous relayons ce texte qui nous paraît important :

« Les défaillances subies par des régions de plus en plus étendues en ce qui concerne l’alimentation en eau et la production agricole sont aussi dues à l’explosion démographique de ce vingtième siècle : une terre donnée peut supporter un nombre d’humains maximum au-delà duquel il ne sera plus possible d’augmenter la production agricole. Dans les régions les plus arides, la quantité d’eau potable disponible par tête tombera au-dessous du minimum vital indispensable au maintien de la vie. Ceci est un fait largement démontré et reconnu, notamment par les organismes des Nations Unies comme l’OMS ou le PNUD. Un exemple frappant : la population égyptienne croit d’un million d’habitants tous les dix mois ; or l’Égypte dépend pour son alimentation en eau à près de 80 % de ressources exogènes et elle utilise entièrement l’allocation d’eau du Nil qui lui est reconnue. La Libye utilise déjà toutes ses ressources en eau de surface (d’un faible volume) et exploite maintenant l’eau de ressources souterraines non renouvelables, transportée à grands frais par d’énormes conduites sur de très longues distances. Belle performance technique, mais piètre réalisation économique.

Chercheurs et techniciens ont un devoir d’information et de persuasion, ils doivent faire savoir que la technologie n’est pas capable de passer outre ces limitations physiques absolueset qu’il est nécessaire de promouvoir d’urgence une action efficace pour stopper la croissance démographique, croissance qui ne peut d’ailleurs pas cesser instantanément même si des méthodes efficaces sont employées et acceptées. Raison supplémentaire, s’il en était besoin, pour agir vite.

Contrairement à ce qui se dit couramment, le problème de l’eau, notamment en Afrique sèche, ce n’est pas seulement un problème technique et financier, mais c’est avant tout un problème démographique presque insoluble sans une volonté forte des pays concernés. Ce n’est pas un hasard si la Tunisie a le meilleur indice de développement humain en Afrique alors qu’elle subit une pénurie d’eau sévère : la population y croît moins vite que le PIB, grâce aux mesures mises en œuvre par le Président Bourguiba (et poursuivies par ses successeurs) concernant le statut de la femme, la contraception et la possibilité de l’avortement. »

J. Colombani, Hydrologue

(cours donné en novembre 2003 aux élèves en sciences économiques à l’université de Perpignan)

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Vincent Cheynet écrit contre le revenu inconditionnel

                « Les partisans d’un revenu inconditionnel sont les parfaits agents du système, d’autant plus efficaces que persuadés en leur for intérieur d’être porteurs d’une proposition subversive.

En 2006, j’avais fondé avec Bruno Clémentin et Yves Scaviner le Parti pour la décroissance (PPLD). J’en ai trouvé le nom, dessiné le logo et rédigé les statuts. Nous nous sommes rapidement éloignés de cette structure pour ne pas faire de confusion avec le journal « La décroissance ». La revendication centrale du PPLD devint alors celle d’un salaire versé à vie par l’Etat, que l’on choisisse de travailler ou pas. Cette idée démagogique, surtout en pleine crise de la dette, est du pain béni pour les détracteurs de la décroissance qui présentent le mouvement comme une coalition d’irresponsables puérils. Il est d’ailleurs cocasse d’observer les individus les plus prompts à vouloir l’anéantissement d’un Etat « intrinsèquement totalitaire » réclamer son sein pour toute leur existence. Le père de la critique du libéralisme libertaire, Michel Clouscard, présentait ce type de revendication comme le produit de l’anthropologie capitaliste : vouloir consommer sans produire. Aucune société n’échappe au travail. Sous couverts de bons sentiments, les enfants du productivisme et du consumérisme fantasment de se transformer en néo-aristocrates menant une vie oisive en vampirisant la société. Jean-Claude Michéa s’en démarquera en précisant qu’une telle dotation « pouvait constituer une solution d’urgence dans un contexte de crise, mais certainement pas le fondement éthique d’une société socialiste ».

                Cette idée de revenu inconditionnel consiste en fait à passer de la divinisation à la diabolisation du travail, soit les deux faces d’une même pièce. Rappelons cette banalité : le travail n’est pas qu’un revenu, il concourt aussi à la dignité et à l’épanouissement de la personne. Un métier, à différencier de l’emploi, est ce qui confère l’autonomie. »

Extraits de « Décroissance ou décadence » de Vincent Cheynet

(Editions le pas de côté, 192 pages, 12 euros)

Pour compléter, lire sur notre blog :

Le revenu d’existence, universel et inconditionnel ?

Le programme du PPLD (parti pour la décroisssance)

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Le discours incantatoire sur la croissance se fissure

« L’esprit humain participe de deux logiques : la logique du vérifiable dans l’expérience concrète, et la logique posant que l’impossible est tout de même possible. »* La deuxième option est extrêmement dangereuse. C’est celle qui nous a fait inventer des dieux abstraits tellement indémontrables et non négociables que chacun pouvait combattre et tuer l’autre au nom de son propre dieu. Aujourd’hui ces massacres inter-religieux se poursuivent, mais se doublent d’une autre croyance, la croissance économique indéfinie dans un monde fini. Tout devient possible, même l’impossible ! Si avec ce truc les agressions inter-sociétés se font sous formes plus subtiles, concurrence exacerbée et compétitivité internationale conquérante, il n’empêche que cette croyance entraîne la dilapidation de notre capital naturel, le réchauffement climatique ou l’épuisement des ressources non renouvelables.

                Quelques intellectuels commencent à en prendre conscience, ainsi Marc-Olivier Padis** : « Que signifie cette attente quasi-messianique de la croissance ?… Comment s’affranchir de l’appel incantatoire au retour de la croissance ?… Il est illusoire d’attendre d’un retour de la croissance la résolution de nos équations budgétaires (l’endettement)… » Donc que faut-il faire de concret ? Marc-Olivier ne croit pas à la décroissance : « Il ne s’agit pas ici de plaider pour la décroissance, une sorte de millénarisme à l’envers, qui inverse le positif en négatif. » Mais Marc-Olivier croit à un autre mythe des temps qui viennent, une nouvelle croissance qui « réduirait l’empreinte écologique de nos activités », « une croissance de bas niveau qui ferait diverger le niveau d’activité et la consommation d’énergie ».

                Croissance petite, mais propre ! Marc-Olivier Padis croit toujours à la croissance, à l’impossible dépassement d’un monde clos et saturé d’humains. Il ne se rappelle plus que notre système économique a déjà connu concrètement des croissances négatives, autrement dit des récessions, et même une grave dépression comme en 1929, mettant beaucoup de monde au chômage et provoquant des guerres. Il ne sait pas que la décroissance du PIB est notre destin, la disparition des énergies fossiles cassant complètement notre système économique mécanisé. Il ne sait pas qu’une production implique une destruction, il ne sait pas que l’économie n’est qu’une sous-partie du social, lui-même dépendant des possibilités concrètes de la biosphère. Nulle trace dans le discours de Marc-Olivier de ce qui fait le triste pendant de toute croissance, même infime. Il croit encore que l’impossible est possible. Mais son discours n’est plus aussi certain, même dans ce journal croissanciste qui se nomme LE MONDE …

* LE MONDE des livres du 25 avril 2014, « l’esprit humain déborde à tout instant les limites du concret »

** Marc-Olivier Padis, directeur de la rédaction de la revue « Esprit »

in LE MONDE éco&entreprise du 25 avril 2014, La croissance, un objectif trompeur

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Avec ou sans Manuel Valls, images de la proche crise

« Rappelons qu’il ne saurait y avoir d’humanité prospère et le moindre PIB bien gras et bien dodu sur une planète dévastée. Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. Cette énergie fossile à profusion, c’est la véritable cause de la hausse de notre pouvoir d’achat. Retraites et études longues sont donc « assises » sur des consommations d’énergie importantes, et c’est bien ainsi que se lit la géographie actuellement : il n’y a beaucoup de retraités et d’étudiants que dans les pays qui consomment beaucoup d’énergie. Une journée d’hospitalisation en service de réanimation, accessible à tout citoyen occidental, coûte de 500 à 5000 kWh d’énergie. Lorsque l’approvisionnement énergétique commencera à être fortement contraint, il est logique que l’emploi tertiaire souffre autant que l’emploi productif, puisque le premier dépend du second. Etudiants, enseignants,  employés de la Sécu, retraités et vacanciers sont tous des enfants de l’énergie abondante à prix décroissant : rien de tout cela ou presque n’existe dans les pays où l’énergie reste un luxe. Une grande partie des évolutions économiques et sociales vont s’inverser. »

                Ce pronostic de Jean-Marc Jancovici* se déroule déjà sous nos yeux en Grèce, non pas à cause d’un blocage énergétique, mais à cause de l’endettement. Depuis 2008, le taux de  croissance du PIB est négatif, s’établissant à – 5,2 % en moyenne ces cinq dernières années. Les salaires des fonctionnaires ont été réduits de 7 % à 55 %. Le pays compte désormais à peu près 610 000 fonctionnaires, soit 200 000 de moins qu’il y a quatre ans. Pour cinq départs à la retraite, l’Etat ne procède plus qu’à une embauche. Les pensions des retraités, déjà amputées en 2010, ont encore perdu cette année entre 5 % et 15 %. Neuf hôpitaux d’Athènes et Thessalonique ont été transformés en centres de soins aux prestations réduites. Près de 10 000 lits ont disparu et le recrutement du personnel hospitalier a été gelé. Comme l’assurance-maladie dépend de l’emploi, 2 à 3 millions de personnes ne sont plus assurées dans le pays et sont donc dans l’impossibilité de se soigner. Dans l’éducation, les dépenses ont diminué de 28,3 % entre 2008 et 2013. Dans le privé, le salaire minimum brut est passé de 751,39 euros en 2009 à 586,08 en 2012. 28 % de la population active est au chômage contre 7,5 % en 2009**.

Quiconque réalise ce que signifie, pour le mode de vie occidental, de limiter à la fois le niveau d’endettement et les émissions de gaz à effet de serre tout en faisant face à la descente énergétique comprend que ça ne va pas être simple d’y arriver. La France connaîtra le même sort que la Grèce à plus ou moins longue échéance, avec ou sans changement de gouvernement.

* Changer le monde, tout un programme (Calmann-lévy, 2011)

** LE MONDE éco&entreprise du 9 avril 2014, La crise qui a radicalement changé le visage de la Grèce

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Une étude de la NASA prévoit la fin de la civilisation

Une récente étude financée par la NASA explique que la civilisation tel que nous la connaissons aujourd’hui pourrait bien disparaître dans les prochaines décennies en raison d’un problème de gestion des ressources naturelles et d’une mauvaise répartition des richesses*. L’analyse n’est pas nouvelle, elle avait été faite en 1972 dans un rapport du MIT (Massachusetts Institute of Technology) au club de Rome : « Nous pouvons démontrer que la croissance exponentielle de la population et du capital ne faisait qu’accroître le fossé qui sépare les riches des pauvres à l’échelle mondiale… En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches… La validité de notre modèle réside dans le fait que, quelles que soient les conditions initiales, il y a toujours un point sur le graphique où l’expansion s’arrête et où l’effondrement commence… Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. »

L’étude de la NASA se fonde sur un nouvel outil analytique, baptisé « HANDY », pour Human and Nature Dynamical. Pour examiner la problématique mondiale de l’écosystème, le rapport de 1972 avait choisi la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay W. Forrester au MIT sous forme de l’outil analytique WORLD1. Cette analyse a été actualisée en 2004 dans une nouvelle étude basée sur le modèle informatique WORLD3, The limits to Growth – The 30-year update. En 1972, nous étions à 85 % environ de la capacité maximum de la Terre à supporter nos activités. Aujourd’hui, nous sommes à 150 %.

L’étude de la NASA a étudié l’histoire des civilisations les chercheurs. Une série de facteurs liés entre eux (climat,  population, eau, agriculture ou encore énergie) ont contribué à leur chute, que ce soit les Mayas ou encore l’empire romain. Là encore rien de nouveau, il suffisait à ces chercheurs de lire en 2006 Effondrement (de la disparition ou de la survie des sociétés) de Jared Diamond : « L’échec de la civilisation maya, prémonitoire de ce qui va arriver à la civilisation thermo-industrielle, est une application de ce mode d’analyse… Bien sûr la thèse climatologique n’exclut pas d’autres hypothèses antérieurement émises comme la surpopulation, les guerres intestines, les conflits sociaux, la déforestation… mais ces évènements ne peuvent qu’accompagner le changement climatique. »

Selon les chercheurs de la NASA, plusieurs empires ont disparu notamment à cause de l’aveuglement des élites qui, jusqu’au bout, se croyaient protégées et ont refusé de réformer leur système de vivre-ensemble.* Jared Diamond l’écrivait déjà : « Il faut un certain courage pour pratiquer la pensée à long terme. Cela va à l’encontre de la prise de décision réactive à court terme qui caractérise trop souvent les élus politiques. »

Rien de nouveau sous le soleil, la maison brûle et nous continuons à regarder ailleurs.

* http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/03/18/selon-une-etude-la-nasa-prevoit-la-fin-de-la-civilisation/

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Eau et énergie, nous croyons l’impossible réalisable

Selon les statistiques du MONDE*, 3,5 milliards de personnes sont privées du droit à l’eau et 1,3 milliard de personnes ne sont pas raccordées à l’électricité. Il suffirait donc de 150 milliards de dollars pour que chacun ait à la fois l’eau et l’électricité. Mais un autre article démontre que c’est impossible. Pour rendre l’eau accessible – c’est-à-dire la pomper, la traiter, la transporter, la distribuer – il faut de l’énergie. Et, pour fournir de l’énergie, il faut de l’eau, beaucoup d’eau même : 600 milliards de mètres cubes par an.

Ces deux ressources sont intrinsèquement liées « pour le meilleur et pour le pire », prévient l’ONU dans son cinquième rapport mondial sur « La mise en valeur des ressources en eau »**. Quadrature du cercle ou plutôt cercle infernal. Déjà, aux Etats-Unis, l’eau utilisée pour faire fonctionner les centrales thermiques pèse autant, voire plus que celle captée par l’agriculture. Déjà, grâce aux pompes à eau motorisées, un aquifère sur cinq est surexploité aujourd’hui et ne renouvelle plus ses réserves. La consommation énergétique mondiale a crû de 186 % en quarante ans. Depuis les années 1980, l’homme prélève 1 % de ressource hydrique supplémentaire chaque année. Les experts notent en outre que 15 à 18 milliards de m3 d’eau douce sont contaminés chaque année par la production de combustibles fossiles. Un troisième article s’arrête sur le cas de l’Inde : « L’électricité gratuite ou à tarif réduit dont bénéficient de nombreux agriculteurs indiens pour irriguer leurs cultures, à l’aide de pompes motorisées, accélère l’épuisement des nappes phréatiques. Au rythme actuel, la Banque mondiale prévoit que 60 % de ces nappes seront dans une situation « critique » d’ici vingt ans. Le recours à l’irrigation souterraine a aussi creusé les inégalités. Seuls les plus riches peuvent financer l’achat de pompes et le creusement de puits profonds. Les autres doivent leur acheter l’eau… » ***

                Les humains ont abusé de la générosité de la nature qui, telle une marchande insouciante, ne faisait pas payer les factures. Des économistes proposent de faire payer la consommation d’électricité aux agriculteurs pour sauver les nappes phréatiques en Inde, d’autres voudraient donner un prix à l’eau. De tels système sont déjà appliqué ici ou là, toujours à l’avantage des agriculteurs. Mais faire payer les riches comme les pauvres ne suffira pas. En fait la nature ne donne rien gratuitement : si nous ne lui redonnons pas en échange, la ressource s’épuise irrémédiablement. Le cycle de l’eau doit être respecté : on ne peut puiser dans une nappe phréatiques plus que ses capacités de renouvellement, on ne peut amoindrir le capital naturel sauf à appauvrir les générations futures. De même pour l’énergie, on ne peut se reposer durablement que sur les énergies vraiment renouvelables. Et la complémentarité eau/énergie ne peut être mise en oeuvre que si la contrainte de la durabilité est posée comme principe absolu. Il faudrait même aller plus loin : on ne peut conserver les systèmes d’irrigation traditionnels de surface comme les canaux que si l’ensemble des cycles de la biosphère sont respectés. Les humains doivent aussi apprendre à partager l’eau et l’énergie avec les autres espèces animales et végétales (par exemple une centrale hydroélectrique perturbe la vie des poissons et la circulation des limons). Vaste programme dont nos politiques n’ont encore aucune idée car il repose sur le rationnement de l’eau, la sobriété énergétique et la limitation de la population humaine.

* LE MONDE du 22 mars 2014, 3,5 milliards d’humains n’ont pas accès à une source sûre

** LE MONDE du 22 mars 2014, le boom de l’énergie menace les ressources en eau

*** LE MONDE du 22 mars 2014, En Inde, les effets pervers d’une électricité gratuite

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Bientôt les pieds dans l’eau et même la sécheresse….

« Pour comprendre la réalité du réchauffement climatique, il faut avoir les pieds dans l’eau. » Trouver cette phrase dans un éditorial du MONDE* montre à quel point la situation écologique devient plus que préoccupante… car tout le monde s’en fout ! Comme le principe de précaution ou le principe responsabilité restent des mots inconnus du grand public et d’ailleurs combattus par la nomenklatura qui nous dirige, il ne nous reste que le principe de réalité : nous adapter à l’insupportable. Car le dérèglement climatique est déjà là, LE MONDE en fait tout un dossier**. La situation est d’autant plus dramatique que les gaz à effet de serre ne sont qu’une des innombrables menaces qui pèsent sur nous.

Un livre de 1972 montrait que nous sommes en train de détruire, au-delà de toute possibilité d’équilibre, les bases mêmes de la vie. Pour examiner cette problématique mondiale, le rapport du Massachusetts Institute of Technology (commandité par le club de Rome), avait choisi la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Forrester. Ce modèle d’analyse globale traitait cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. On se trouve en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement court de ces cinq variables, on arrive aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. De plus les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire. Ce livre de 1972 a été actualisé en 2004 sous le titre The limits to Growth – The 30-year update). Les tendances de base restent les mêmes : si rien n’est fait, un effondrement de la civilisation devrait avoir lieu dans le courant du XXIe siècle.

Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est restreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. La plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats : il leur faut avoir les pieds dans l’eau, et ce n’est même pas suffisant. Comme nous pensons quand même qu’il n’est jamais trop tard pour essayer d’améliorer notre « intelligence collective », vous pouvez vous abonner gratuitement à notre bimensuel Biosphere-Info. Il suffit de nous écrire : biosphere@ouvaton.org. A bientôt…

* LE MONDE du 18 février 2014, les Etats face à la réalité des dérèglement climatique

** LE MONDE du 16-17 février 2014, dérèglement climatique, l’hiver de tous les extrêmes

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Dans les entrailles de la machine mondiale à expresso

Le diagnostic de Philippe Bihouix est limpide et la solution si simple : « Seuls les plus obtus écolo-sceptiques nient encore le risque d’effondrement envi­ron­nemen­tal qui guette nos sociétés : du change­ment cli­ma­tique en cours à la six­ième extinc­tion de masse, en pas­sant par l’épuisement des éner­gies fos­siles et des métaux, la pol­lu­tion général­isée ou la destruc­tion de la terre arable (par érosion et par arti­fi­cial­i­sa­tion), tous les clig­no­tants sont désor­mais au rouge. Pire, ces fac­teurs de risque inter­agis­sent entre eux dans une logique sys­témique, dans de puis­santes boucles de rétroac­tion pos­i­tive : la pénurie énergé­tique engen­dr­era celle des métaux, tan­dis que la disponi­bil­ité en métaux pour­rait lim­iter par exem­ple le développe­ment des éner­gies renou­ve­lables ; nos pra­tiques agri­coles épuisent la terre et entraî­nent le défriche­ment des dernières forêts pri­maires ; le change­ment cli­ma­tique va accélérer l’érosion de la bio­di­ver­sité et la chute de ren­de­ments agri­coles dans cer­taines zones ; etc.

Les con­séquences négatives de la pro­duc­tion d’objets échappe au con­som­ma­teur, même doté des meilleures inten­tions. J’achète un télé­phone portable en France, et ce faisant j’ai exploité des mineurs du Congo, détruit des forêts pri­maires de Papouasie, enrichi des oli­gar­ques russes, pol­lué des nappes phréa­tiques chi­noises, puis, 12 à 18 mois plus tard, j’irai déverser mes déchets élec­tron­iques au Ghana ou ailleurs. Le monde est devenu sem­blable à une immense machine à expresso, le mod­èle si pra­tique où la cap­sule de café vide dis­paraît dans les entrailles de l’appareil. Cet éloigne­ment entre nos actes (con­som­mer) et leurs con­séquences envi­ron­nemen­tales et sociales (pro­duire) vient bien sûr de l’abondance en pét­role et des coûts de trans­port faibles. Edi­son per­met de s’éclairer et de se chauf­fer sans l’odeur et les traces de suie du char­bon, du pét­role ou du gaz. Pour­tant la pol­lu­tion est bien là – les cen­trales à char­bon sont de très loin la pre­mière source mon­di­ale d’électricité et de chaleur –  mais délo­cal­isée à l’extérieur du tissu urbain. Les véhicule élec­trique ou à hydrogène tien­nent du même mythe : ceux-ci seraient « pro­pres » car inodores et sans rejets à l’utilisation. C’est naturelle­ment faux, puisqu’il faut bien pro­duire l’électricité ou de l’hydrogène, et – quand bien même l’énergie serait-elle facile­ment disponible – fab­ri­quer les véhicules, con­som­mer des bat­ter­ies, des pneus, etc. qui génèreront tou­jours des déchets en par­tie ingérables.

Face aux défis, l’utopie tech­nologique a la vie dure. « On a tou­jours trouvé une solu­tion » reste l’horizon indé­pass­able : jusqu’à présent tout va bien, se dit, rendu au pre­mier étage, le fou qui a sauté du haut de l’immeuble. Effec­tive­ment, juste à temps pour sor­tir l’Europe du Peak Wood de la deux­ième moitié du 17ème siè­cle, la machine à vapeur de Thomas New­comen, cou­plée à la pompe de Thomas Sav­ery, per­met l’exploitation du char­bon de terre sous le niveau de la nappe phréa­tique et fait entrer l’humanité dans la civil­i­sa­tion thermo-industrielle. Autre exem­ple connu, à la fin du 19ème siè­cle, le pét­role arrive à point nommé pour rem­placer l’huile de baleine dans les lam­pes, tan­dis que les com­pa­tri­otes de Moby Dick ren­dent leur dernier souf­fle (aupar­a­vant, d’autres inno­va­tions tech­niques – moteurs, har­pons explosifs, treuils, etc. – avaient per­mis de décimer rorquals et cachalots après la quasi-extinction des baleines franches). Mais cette fois, les équa­tions et les lim­ites physiques risquent d’être plus têtues.

Indé­ni­able­ment nous pou­vons, et devons, dévelop­per les éner­gies renou­ve­lables. Mais qu’on se le dise, il n’y a pas assez de lithium ou de cobalt sur terre pour équiper un parc de plusieurs cen­taines de mil­lions de véhicules élec­triques, et pas assez de pla­tine pour un parc équiv­a­lent de véhicules à hydrogène. Le recy­clage a ses lim­ites et l’économie cir­cu­laire est utopique, ne serait-ce qu’en vertu du sec­ond principe de la ther­mo­dy­namique (l’entropie). Mais surtout, la com­plex­ité des pro­duits, des com­posants et des matières (mil­liers d’alliages métalliques dif­férents, mélanges de plas­tiques et d’additifs, matéri­aux com­pos­ites) nous empêche d’identifier, de séparer et de récupérer facile­ment les matières premières. Sans compter les usages dis­per­sifs (métaux util­isés comme pig­ments dans les encres et les pein­tures, fer­til­isants, addi­tifs dans les ver­res et les plas­tiques, pes­ti­cides…) ou ren­dant le recy­clage très com­pliqué (zinc de la gal­vani­sa­tion, étain des soudures…). On touche par­fois dans ce domaine à l’absurde : que diront nos descen­dants de notre société qui extrayait de l’argent des mines pour l’utiliser, sous forme nanométrique dans des chaus­settes, comme tech­nolo­gie anti-odeurs ? Bref, les tech­nolo­gies sal­va­tri­ces que nous espérons ne fer­ont qu’accélérer jusqu’à l’absurde le sys­tème.

Si l’on veut éviter aux généra­tions futures un envi­ron­nement inviv­able, il ne faut plus con­cevoir que des objets répara­bles, réu­til­is­ables, mod­u­laires, plus faciles à recy­cler en fin de vie, n’utiliser qu’avec parci­monie les ressources les plus rares, ban­nir les objets jeta­bles s’ils ne sont pas entière­ment à base de ressources renou­ve­lables. Lit­térale­ment un virage à 180°, con­tre l’obsolescence pro­gram­mée, la dif­féren­ti­a­tion’mar­ket­ing, la déval­ori­sa­tion des métiers manuels, la logique du tout jetable, le rem­place­ment des métiers d’accueil et de ser­vice par des machines bour­rées d’électronique, donc de métaux rares… Par­al­lèle­ment, la relo­cal­i­sa­tion d’une large part de l’économie est néces­saire. Naturelle­ment, cer­taines pro­duc­tions et activ­ités res­teront en dehors des ter­ri­toires (ne serait-ce que les pro­duc­tions minières ou cer­taines pro­duc­tions agri­coles) : il n’est pas ques­tion d’interrompre les échanges mais de les focaliser unique­ment sur ce qui ne peut pas être pro­duit locale­ment. Enfin, relo­caliser per­me­t­tra d’augmenter la résilience du sys­tème, sa capac­ité à résis­ter aux per­tur­ba­tions économiques et sociales qui seront nom­breuses. Elle est quasi-nulle aujourd’hui, tant le sys­tème indus­triel et financier est devenu imbriqué et ingérable. Les grandes entre­prises assem­blent des sous-systèmes fab­riqués sur l’ensemble de la planète, avec des matières pre­mières en prove­nance de dizaines de pays différents. »

Philippe Bihouix, mai 2011

Texte complet : http://www.institutmomentum.org/2011/08/dans-les-entrailles-de-la-machine-a-expresso-mondiale/

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La fin des réserves minières, c’est incontestable

Gros titre, « le MIT se trompe en assimilant les réserves naturelles à un trésor ». Suit dans LE MONDE du 15 août 1972 un article de Pierre Laffitte, ingénieur en chef des mines : « Les réserves minières ne correspondent pas à des objets, à un stock de métal déposé dans un hangar… Plus on exploite les ressources naturelles, plus les réserves reconnues augmentent… est-ce à dire qu’il ne faille pas se préoccuper de l’avenir ? Au contraire ! Mais en se défiant de l’emploi de l’ordinateur avec de gros modèles, de multiples paramètres…On évoque le cas du chrome… » Cet article est symptomatique de l’ensemble des réactions de l’époque qui, en dénigrant le rapport commandité par le Club de Rome*, nous ont empêchés depuis plus de quarante ans de réagir à la finitude des ressources confrontée à une croissance irrationnelle de l’activisme humain. Voici donc ce que disait  réellement ce rapport de 1972 à propos des ressources minières :

                « En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. La consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks. »

                Le rapport conclut : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.

* rapport 1972 du Massuchussets Institute of Technology, The Limits to Growth,

traduit en français dans Halte à la croissance ? (Fayard 1972)

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Eradication des baleines, une volonté d’ignorer les limites

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »**

* édition Fayard 1972, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

** traduction française de The limits to Growth – The 30-year update (2004)

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L’homme qui avait voulu nous faire prendre conscience

Aurelio Peccei (1908-1984) mérite d’être connu. Ce n’est certes pas pour son activité professionnelle de vice-président d’Olivetti et de chef de l’organisation Fiat en Amérique latine. C’est plutôt par son rôle primordial dans la constitution du club de Rome et la commande du premier rapport sur les limites de la croissance au début des années 1970. Il nous faut considérer son discours dans son contexte, il y a plus de quarante ans : pareille clairvoyance est rare. Malheureusement on pourrait dire absolument la même chose aujourd’hui, nous soutenons la croissance, nous produisons le désastre. Quelques extraits :

« Je suis né en homme libre et j’ai tâché de le rester. Alors j’ai refusé, j’ai refusé… vous comprenez ce que ça veut dire, surtout en Italie à mon époque : la soumission au conformisme religieux, le fascisme. Je me sens obligé de faire tout ce que je peux pour mettre à la disposition des hommes ce que je sais, ce que je sens, ce que je peux faire. Nous avons tellement développé notre capacité de production qu’il nous faut soutenir une économie dont le côté productif est hypertrophique.  On le fait avec ces injections de motivations artificielles, par exemple par la publicité-propagande. Ou on le justifie par la nécessité de donner du travail à des gens, à une population qui sont enfermés dans un système dans lequel, s’il n’y a pas de production, tout s’écroule. Autrement dit nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux, qui nous contraint à produire plus pour une population qui augmente sans cesse.

Nous avons été fascinés par la société de consommation, par les bénéfices apparents ou les satisfactions immédiates, et nous avons oublié tout un aspect de notre nature d’hommes. Le profit individuel, ou la somme des profits individuels, ne donne pas le profit collectif ; au contraire, la somme des profits individuels donne une perte collective, absolue, irréparable.  Nous le voyons maintenant avec le plus grand bien commun qu’on puisse imaginer : les océans. Les océans seront détruits si on continue à les exploiter comme on le fait actuellement. Ils seront exploités à 100 % pour les bénéfices personnels de certaines nations, de certaines flottes, de certains individus, etc. Et le bien commun disparaît. Les richesses que nous avons reçues des générations précédentes disparaissent. Notre génération n’a pas le droite de volatiliser un héritage, nous devons à notre tour le passer aux autres.

Nous sommes en train de détruire, au-delà de toute possibilité de recyclage, les bases mêmes de la vie. L’homme achèvera son œuvre irresponsable, maudite – il a détruit les formes animales les plus évoluées ; les grands animaux, les baleines, la faune africaine, les éléphants, etc. C’est l’aspect le plus voyant de notre puissance destructrice dans la biosphère. Quand nous coupons du bois pour en faire l’édition du dimanche d’un journal à grand tirage, qui est constitué pour 90 % de publicité qui est une activité parasitaire, quand nous reboisons, il nous semble que nous reconstituons la nature. En fait le fait d’avoir détruit un bois détruit tous ces biens infinis de vie qui avaient besoin de l’ensemble de ces grands arbres, et  qui étaient un tissu de cycles, de systèmes enchevêtrés l’un dans l’autre ; tout ce bouillonnement de vie est dégradé par le fait que nous avons, sur une grande superficie, coupé les arbres. C’est comme une blessure : après le tissu de reconstitue mais la cicatrice reste. Si nous le faisons sur des superficies très grandes, comme nous le faisons partout dans le monde, nous provoquons d’une façon irrémédiable une dégradation de la biosphère. L’homme, servant son intérêt immédiat, réduit la déjà mince capacité de support de vie humaine dans le monde : la biosphère, cette mince pellicule d’air, d’eau et de sol que nous devons partager avec les animaux et les plantes.

Parce que nos connaissances nous ont donné des possibilités supérieures, nous pouvons engranger toutes les calories que nous savons puiser dans la terre, nous pouvons nous entasser dans des communautés plus vastes que celles que nous savons manier, nous pouvons obtenir des vitesses plus grandes que celles que nous savons maîtriser, nous pouvons avoir des communications plus rapides entres nous sans savoir quel contenu leur donner. Nous agissons comme des barbares, l’homme n’a pas su utiliser ses connaissances d’une façon intelligente. Les bêtes, elles, quand elles ont satisfait leurs besoins, ne tuent pas, ne mangent pas, n’accumulent pas, elles gardent leur nature primitive et belle.

Savoir communiquer demande la reconnaissance de valeurs communes, une possibilité créatrice et une vision de la vie. Nous avons perdu ces trois choses, et nous nous obstinons à créer des moyens de communication qui restent sans contenu. Nous donnons à nos enfants le téléphone, la motocyclette, la télévision, l’avion, etc., mais aucunement la capacité d’utiliser ces moyens techniques de façon créatrice. L’homme emploie ses connaissances pour créer des biens matériels, des machines, des biens consommables, et ce que nous appelons le progrès : ce ne peut pas être notre but. Nous sommes prisonniers des machines que nous avons créées. L’essentiel reste les élans spirituels, la morale, qui n’ont rien à voir avec la technologie, la technique, les gadgets. Notre culture s’est essentiellement axées, dans sa forme capitaliste ou socialiste, sur des valeurs purement matérielles. C’est ce que nous devons réformer en nous. Il existe d’autres cultures, métaphysique en Inde, instances d’amour du Bouddhisme, cultures naturistes de l’Afrique… »

Source : Enquête sur le Club de Rome par Janine Delaunay (in Halte à la croissance)

Fayard 1972, 318 pages, 26 francs

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Droite et gauche, société du risque ou société de pénurie

Stéphane Foucart l’écrit, la proportion de Français estimant que les expressions droite et gauche en politique ne veulent plus rien dire est passée en deux ans de 63 % à 73 %. Il ajoute que dans la « société du risque » (Ulrich Beck), une autre question survient. Ce n’est plus celle du partage des richesses créées par l’économie, mais celle de la répartition des risques issus de celle-ci*. C’est voir la préoccupation écologiste par le petit bout de la lorgnette. Le risque est devenu invisible, la pollution atmosphérique et le changement climatique, le risque d’effondrement issu de la complexité sociale, l’épuisement des ressources dans une société d’abondance, etc. C’est pourquoi la société du risque devient un système en péril.

En effet il y a une majorité de personnes qui n’envisagent que le court terme et les menaces visibles sur son pouvoir d’achat, le chômage, le montant de ses retraites, etc. Ces personnes sont bien représentées par les éluEs, droite et gauche confondues. De l’autre côté une infime minorité de personnes envisage le long terme et les mouvements structurels. Ces écologistes savent que nous avons dépassé les limites de résilience de la planète. Ils prévoient que l’ensemble de notre mode de vie est à revoir entièrement dans une société qui ne va plus être une « société du risque », mais une société de pénurie, de désordre social, de lutte pour s’accaparer les dernières « richesses » de la biosphère.

Il est vrai que le choix entre l’immédiat et le futur est d’ordre existentiel ; toute l’éducation contemporaine incite à une préférence pour le présent. Qui agit aujourd’hui dans l’intérêt des générations futures ? Presque personne ou presque. Qui pense à préserver la biodiversité, tout ce qui n’est pas à l’usage immédiat des humains ? Personne ou presque. Nous constatons qu’il en est malheureusement ainsi et qu’une telle attitude nous entraîne à toute vitesse vers un mur. Nous sommes en accord total avec cette conclusion de  Nicholas Georgescu-Roegen : « L’humanité voudra-t-elle prêter attention à un quelconque programme impliquant des entraves à son attachement au confort exosomatique ? (…) Peut-être le destin de l’homme est-il d’avoir une vie brève, mais fiévreuse, excitante et extravagante, plutôt qu’une existence longue, végétative et monotone. Dans ce cas, que d’autres espèces dépourvues d’ambition spirituelle – les amibes par exemple – héritent d’une Terre qui baignera longtemps encore dans une plénitude de lumière solaire ! »**

* LE MONDE du 19-20 janvier 2014, Une part de risque

** La décroissance (entropie, écologie, économie) (Sang de la terre, 1995 -1ère édition, 1979)

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Vincent Lambert, qui peut décider de sa fin de vie ?

Cette question, toute personne au bord du suicide se la pose : ma vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue ? Cette question, d’autres se la posent pour vous quand vous n’êtes plus en état de conscience. Dans les Ephad, nulle aide à mourir. Les personnes victimes de l’Alzheimer ou de démence sénile errent parfois pendant très longtemps dans leur quartier « sécurisé ». Nulle instance ne s’interroge sur ces morts-vivants tant qu’ils ne sont pas atteints d’une maladie à court terme fatale. Mais quand un tétraplégique ne peut plus exprimer ses dernières volontés, c’est le chaos. Ainsi le cas emblématique de Vincent Lambert*, chacun exprime ses propres convictions. L’équipe de médecin se prononce pour l’euthanasie passive, comme l’autorise la loi Leonetti. Ses parents, et une partie de sa famille saisissent le tribunal pour réclamer l’annulation de la décision médicale. Sa femme et une autre partie de sa famille disent que la décision d’en finir était bien dans l’esprit de Vincent avant son accident. Le tribunal administratif se prononce contre la décision médicale… pour la deuxième fois en neuf mois ! Alors, qui peut déterminer avec un degré de certitude suffisant ce que voudrait réellement quelqu’un qui n’a plus sa conscience ? Peut-être faut-il envisager autrement la question de la fin de vie.

Un commentateur sur le monde.fr soulève la question économique : « Maintenir cette personne en  »soi-disant vie »…. COMBIEN CELA COUTE T-IL AUX CONTRIBUABLES ??????? Voila un problème financier, que la famille devrait prendre en charge partiellement ou en totalité. Celle qui s’oppose à l’euthanasie bien sûr ! » La décision de faire payer ceux qui soutiennent l’acharnement thérapeutique a été prise en Israël ; les deux fils d’Ariel Saron qui, pendant huit ans, ont voulu que leur père soit maintenu en vie artificielle, devaient contribuer au coût d’hospitalisation. Quid de la question écologique ?

Il n’y a d’activités humaines qu’au prix d’une ponction dans les ressources naturelles et limitées de la planète. Ce qui est utilisé pour les uns l’est donc obligatoirement au détriment des autres. Que faut-il financer, les pauvres ou les riches ? Le planning familial ou l’appareillage sophistiqué et coûteux qui sert à maintenir artificiellement la vie ? Notre société devrait aller au-delà de l’expression des intérêts particuliers, souvent gangrenée par des présupposés comme pour les parents de Vincent Lambert, militant pro-life**. Nos politiques devraient comprendre que la raréfaction inéluctable des ressources naturelles vont nous obliger à prendre des décisions difficiles mais incontournables. Nous aimerions aussi que les parents de Vincent Lambert gardent leur fils à la maison et s’en occupent par leurs propres moyens puisque telle est la logique profonde de leurs actes, vouloir garder auprès d’eux leur fils.

* Le Monde.fr avec AFP | 16.01.2014, Affaire Vincent Lambert : la justice s’oppose à l’euthanasie passive

** Le Monde.fr | 16.01.2014, Fin de vie : « Vincent est otage d’un mouvement pour la vie coûte que coûte »

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Technique de pêche et voracité humaine, l’avenir menacé

Un navire de pêche arraisonné dans les eaux territoriales du Sénégal, 120 mètres de long, capable d’aspirer plus de 100 tonnes de poissons en une journée. Des bateaux usines russes, coréens, espagnols qui raflent cette manne au détriment des pirogues sénégalaises. Des poissons-fourrage transformés en farine pour l’alimentation du bétail occidental. La ressource autrefois consommée directement par les Sénégalais s’épuise*. Ainsi va le pillage de notre capital naturel ici ou ailleurs. Voici quelques éléments de réflexion pour mieux comprendre l’absurdité du comportement humain.

1/6) l’anthropocentrisme 

Dans l’histoire biblique, la domination de l’homme est décrétée en termes menaçants : « Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de tous les oiseaux du ciel. Tout ce qui remue sur le sol et tous les poissons de la mer sont livrés entre vos mains. » Aristote considérait la nature comme une organisation hiérarchique dans laquelle les êtres les moins doués de raison existent pour l’intérêt des êtres raisonnables : « Si donc la nature ne fait rien sans but ni en vain, il faut admettre que c’est pour l’homme que la nature a fait tout cela ». Dans sa classification des péchés, Thomas d’Aquin ne donne place qu’aux péchés commis à l’encontre de Dieu, de nous-mêmes ou de notre prochain. Aucune possibilité n’est laissée de pécher contre les animaux non humains ou contre le monde naturel.

Questions d’éthique pratique de Peter Singer (Bayard 1997, première édition 1993)

2/6) l’aveuglement du marché

Le marché est sourd à toute idée de long terme et n’a que faire des ressources et des exutoires ultimes jusqu’à ce qu’ils soient quasiment épuisés et qu’il soit trop tard pour appliquer des solutions satisfaisantes. Lorsqu’un marché non réglementé gère une ressource commune dont le rythme de régénération est lent, cela conduit à la destruction des biens communs. Lorsqu’ils sont utilisés en dehors de toute notion de limites, les marchés et la technologie ne peuvent engendrer que le dépassement de la capacité de charge.

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers (éditions rue de l’échiquier, 2012)

traduction française de The limits to Growth – The 30-year update (2004)

3/6) la puissance technologique

– Les technologies militaires ont été systématiquement appliquées à la pêche : radars, sonars, systèmes électroniques de navigation, localisation par satellites. Les bateaux de haute mer sont équipés de nombreux appareils électroniques pour observer le poisson qui se trouve à proximité du bateau. Des dispositifs de concentration de poisson couplés à des balises sont aussi déployés sur les océans. Un seul navire peut ramener à son bord 50 tonnes d’animaux marins en quelques minutes, les filets peuvent mesurer 50 kilomètres de long. Le type le plus courant de chalut de pêche à la crevette ratisse une zone d’environ 25 à 35 mètres de large.

Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer (éditions de l’Olivier, 2010)

– Pour de nombreux économistes, la technologie fonctionne automatiquement, sans délai ni coût et ne produit que des résultats souhaitables (cf. fonction de Cobb-Douglas). Dans « le monde réel », cependant, la technologie n’a pas ces merveilleuses propriétés. – Aucune société normalement constituée ne persévérerait dans une technique agricole qui augmente les rendements mais détruit la terre. Il existe pourtant des exemples de ce type de comportement. Au lieu de protéger les stocks halieutiques, la technologie employée a au contraire pour but d’attraper jusqu’au dernier poisson.

Les limites à la croissance (dans un monde fini)

4/6) le passage de l’artisanat à l’industrie alimentaire

– Jusqu’à une époque récente, la pêche a été une affaire de famille : le père amenait ses fils sur le bateau et, le temps venu, leur transmettait un patrimoine. La perspective de transmission incitait à une certaine retenue : on ne pouvait transmettre un territoire vide. Tout a basculé dans les années 1990. Les pêcheurs se sont affranchis du long terme pour assurer l’immédiat. Même s’ils en sont les acteurs directs, les pêcheurs ne sont pas les principaux responsables de l’effondrement des stocks. De même que les agriculteurs, les pêcheurs sont devenus les sous-traitants de l’industrie agroalimentaire. La pêche industrielle cible prioritairement les espèces commerciales le mieux valorisées sur le marché, affaiblissant certains étages de l’édifice. De nos jours, 1 % des bateaux opérant sur tous les océans du globe produit 50 % des captures à l’échelle mondiale. Ce sont les circuits courts qui sont vertueux. Pêcher un poisson pour qu’il soit consommé à l’autre bout du monde est un schéma archaïque.

Plus un poisson d’ici 30 ans ? (surpêche et désertification des océans) de Stephan Beaucher (éditions les petits matins, 2011)

– Le prix de la banque de Suède en sciences économiques (le « prix Nobel » d’économie), décerné à Elinor Ostrom en 2009, a donné une légitimité inédite à l’approche polycentrique de la gouvernance des ressources naturelles. La tragédie des biens communs est en fait une tragédie des biens en accès libre, sans règles de gestion. Or les exemples de ressources en accès libre sont nombreux. Que pèse des petites communautés de pêcheurs face à des navires usines qui vident les océans de leurs poissons en toute impunité ?

ECOREV n° 39, Le commun ou la relocalisation du politique (2012)

5/6) la surpopulation

– Nous sommes 7 milliards donc l’équation est simple : il y a trop de gens et pas assez de poissons. On ne peut pas résoudre les problèmes environnementaux en s’attaquant à la pauvreté. Les problèmes environnementaux sont la cause de la pauvreté dans le monde, donc il faut d’abord protéger l’environnement ; prendre le problème à l’envers, traiter les conséquences, n’a pas de sens. Il n’y a pas suffisamment de ressources sur la planète pour supprimer complètement la pauvreté. Je pense que les problèmes sociaux sont secondaires par rapport aux environnementaux. Si les océans meurent, nous mourrons tous, donc sauver les poissons, les oiseaux marins et le plancton est important..

Capitaine Watson, entretien avec un pirate de Lamya Essemlali (Glénat, 2012)

– La capacité de charge est en soi une limite. Toute population qui se développe au-delà de sa capacité de charge, dépassant la limite, n’a pas beaucoup d’avenir devant elle. On peut dépasser les limites en attaquant de façon soutenue et permanente le stock de ressources. Si cela devait se produire, la population et l’économie seraient contraintes de décliner rapidement pour équilibrer la capacité de charge qui aurait dégringolé. Nous utilisons l’expression dépassement et effondrement pour qualifier ce scénario.

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers

6/6) l’inertie démocratique : L’aveuglement des élites et le formatage subséquent de l’opinion via les médias continueront pendant longtemps à alimenter un cercle vicieux qui paralysera ou videra de leur substance les décisions urgentes. Les réserves de poisson sont-elles en train de s’effondrer à cause de la sur-pêche ? Alors, et alors seulement, des normes et des quotas seront mises en place. Mais ils le seront à la suite d’un calcul complexe qui prendra en compte les intérêts des industries agroalimentaires et de la pêche industrielle, le poids de leurs lobbies, et la solution retenue à l’instant t sera toujours le point d’équilibre entre des exigences contradictoires ; on calcule la décélération en fonction des impératifs économiques et des rapports de force.

La politique de l’oxymore de Bertrand Méheust (La Découverte, 2009)

* LE MONDE du 10 janvier 2014, Le Sénégal démuni face aux pilleurs des mers

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« Les pêcheurs sont les vrais écologistes de la mer »

Telle est l’affirmation du Comité national des pêches qui se paye une pleine page de publicité dans LE MONDE : « Monsieur le Président de la République : Y aura-t-il encore des marins pêcheurs en France à la fin de votre mandat ? »* D’après cette pub,  les ONG choisissent de sauver les poissons et non les hommes. Voyons les arguments de la profession, ce que disent les scientifiques et pour finir le point de vue d’une ONG environnementaliste.

La pub est surtout une attaque frontale des ONG sans jamais aborder le raisonnement de fond : « Certaines ONG s’arrogent le droit de dire ce qui est bien ou mal… Ces grands inquisiteurs moraux !… ONG irresponsables et manipulatrices… ONG étrangement silencieuses sur les intérêts étrangers… » C’est significatif, la profession a l’argent de la désinformation, pas de place pour la contestation. Son seul argument est celui-ci : « Aujourd’hui on met en cause la pêche de grands fonds, demain la pêche au chalut et ensuite tous les métiers de la pêche. »

Leurs navires-usines sont capables de remonter des chaluts raclant les fonds à 1 500 mètres, voire plus. Pour les chercheurs, la pêche profonde doit être bannie car elle constitue pour l’écosystème marin une agression majeure. Pour six espèces principales commercialisées – lingue bleue, grenadier de roche, sabre noir, phycis de fond, dorade rose et béryx –, le chalut en ramasse des dizaines d’autres, rejetées par-dessus bord. Surtout, le filet endommage sur son passage coraux, éponges et racle les sols sédimentaires. La pêche profonde s’attaque en outre à des poissons vulnérables dont les stocks prennent du temps à se régénérer. « Sur 30 espèces connues, nous avons observé une durée de vie moyenne de 36 ans et une maturité sexuelle à partir de l’âge de 12 ans. Cela n’a rien à voir avec un anchois qui peut se reproduire dès qu’il atteint un an », précise le biologiste Philippe Cury**.

Un communiqué de presse (WWF, 10 décembre 2013) se désespère :

« Strasbourg – Ce matin les députés européens ont rejeté l’interdiction du chalutage profond par 342 voix contre 326.  Alors que près de 70 publications scientifiques à travers le monde ont démontré la non-durabilité de cette technique, qu’une pétition demandant son interdiction a recueilli près de 755 000 signatures et que des grands groupes de la distribution comme Carrefour et Casino viennent d’annoncer la fin de la commercialisation des espèces d’eaux  profondes, les europarlementaires français ont  majoritairement préféré privilégier les intérêts de quelques armateurs français largement subventionnés par la France et l’Union européenne au détriment de l’intérêt général et de l’avenir de nos océans. »

Conclusion : il faut interdire le chalutage profond… mais aussi la publicité… et le lobbying de certains politiques français (Frédéric Cuvillier, ministre de la pêche, était le maire de Boulogne-sur-Mer).

* LE MONDE du 10 décembre 2013, publicité en page entière

** LE MONDE du 11 décembre 2013, Pourquoi la pêche en eaux profondes est accusée

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Dernière goutte de l’extractivisme, exemple en Equateur

Il n’y a plus d’exemplarité politique. En France le parti qui se dit écolo (Europe Ecologie Les Verts) continue à s’acoquiner avec un gouvernement socialiste ouvertement croissanciste et anti-écolo. Au niveau international l’Equateur de Rafael Correa n’indique pas au monde une voie exemplaire. Pourtant il jouissait d’une renommée indéniable auprès de la gauche française. Même les antiproductivistes ont célébré sa politique du buen vivir. Les termes de la constitution uruguayenne en faveur de Pacha Mama (la Terre Mère), la détermination apparente de Correa de sauvegarder un parc naturel (Yasuni) de tout forage pétrolier… n’étaient que du vent. Voici quelques extraits de la pensée productiviste de Correa :

« Nous allons exploiter nos ressources naturelles comme le font tous les pays du monde. »

« Tant que je serai président, je profiterai au maximum, jusqu’au dernier gramme, jusqu’à la dernière goutte des ressources naturelles, afin de sortir le plus rapidement possible mon pays de la pauvreté. »

« Ce n’est pas l’exploitation raisonnée du 1/100e du Yasuni qui mettra en danger l’environnement, c’est la pauvreté. Sortir de la pauvreté, c’est ce qui protège véritablement la nature. »

« La véritable question à se poser est comment améliorer les exportations nettes ? Puisque ce sont elles qui déterminent la solvabilité d’un pays à long terme. »

« La véritable stabilité économique consiste à atteindre le plus haut degré de croissance et d’emplois productifs soutenables dans le long terme. »

« Pour nous la science et la technologie sont la chose la plus importante. C’est en cela que nous croyons. »

« Grâce au talent humain et à la technologie, il est possible de faire fleurir le désert. »

Rafael Correa assure sa réélection à coût de pétrodollars, beaucoup de gens votent pour lui parce qu’il fait construire un vaste réseau routier. Ce modèle extactiviste, technophile et libéral est à courte vue ; d’ici une trentaine d’années, l’Equateur n’aura plus de pétrole et les candidats à la pauvreté assistée seront encore plus nombreux. Comme le reste du monde, l’Equateur ne sait pas que nous avons dépassé le pic pétrolier et que les perturbations climatiques menacent. L’espèce humaine court à sa perte les yeux grands ouverts sur les mirages du productivisme. Il ne restera plus que la dictature en Equateur et ailleurs.

source des citations : le mensuel La Décroissance, numéro décembre 2013-janvier 2014 page 8 ainsi que page 12

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fin de la société minière, fin de l’abondance à crédit

C’est la fin de la société minière, c’est la fin des énergies fossiles, c’est la fin de la civilisation thermo-industrielle, c’est l’heure du grand chambardement… Entre 1985 et 2005, la France a successivement arrêté sa production de tungstène, de bauxite, d’argent, de plomb, de zinc, de fer, d’uranium, de potasse, de charbon et d’or. Après l’arrêt des ardoisières de Trélazé le lundi 25 novembre, il ne subsiste désormais dans l’Hexagone qu’une mine de sel. On allait chercher les blocs d’ardoise à 400 à 500 mètres sous terre, la qualité est moins bonne, le gisement s’épuise : une mine éternelle, cela n’existe pas, c’est non renouvelable. La direction prépare la reconversion du site, une belle base de loisirs sur 130 hectares. De l’industrie lourde au tourisme, une métamorphose que LE MONDE* trouve symbolique. Encore faudrait-il qu’il y ait tourisme durable !

Avec la fin de la société minière, c’est aussi la fin des énergies fossiles, c’est la fin de la civilisation thermo-industrielle, c’est l’heure du grand chambardement, c’est la diminution du pouvoir d’achat, c’est la fin du tourisme de masse…et le retour aux champs.  Nous conseillons de lire d’urgence Lewis Mumford : « L’exploitation minière est la métaphore de toute la civilisation moderne. Le travail de la mine est avant tout  destructeur : son produit est un amas sans forme et sans vie,  ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appât du gain, le lendemain épuisée et sans forces. En revanche, l’agriculture traditionnelle favorise l’établissement d’un heureux équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine. »

Mais il y en a encore qui croient au miracle, à la technologie qui résout tous les problèmes, même sans pétrole et sans ressources minières ! Quand la réalité est difficile à voir, beaucoup restent aveugles…

* LE MONDE économie&entreprise du 27 novembre 2013, Après le fer et le charbon, la France ferme sa dernière mine d’ardoise

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pratiques néfastes des multinationales et prix Pinocchio

Areva, Auchan et Veolia se sont vu décerner les prix Pinocchio par trois ONG françaises. Veolia l’a emporté dans la catégorie « Un pour tous, tous pour moi« , illustrant la politique la plus agressive en terme d’appropriation, de surexploitation ou de destruction des ressources naturelles. Dans la catégorie « Plus vert que vert« , qui dénonce le « greenwashing » des entreprises, c’est-à-dire une communication mensongère sur des pratiques environnementales ou les prétendues vertus écologiques de produits, c’est Areva qui emporte le prix. Dernière lauréate, l’entreprise Auchan, avec le prix « Mains sales, poches pleines« . Un internaute réagit sur lemonde.fr : « Parmi les 41000 votants sur Internet combien ont acheté du Made in Bangladesh  pour économiser quelques euros ? ». La réponse de Frog : « Votre raisonnement serait juste si les consommateurs bénéficiaient de cette pression sur les coûts en proportion des gains obtenus par la marque. Mais ce n’est pas le cas. Le plus choquant dans l’exploitation de ces mains d’œuvre asservies est que les gains de coûts se traduisent, certes, par des prix finaux de distribution maîtrisés mais avant tout par des marges bénéficiaires optimisées et une rémunération très confortable de l’actionnariat, le vrai responsable à travers l’entreprise. »

Voici le commentaire d’un autre internaute, Patrick RABAIN : « Un bon exemple du pouvoir considérable que prennent certaines ONG appuyée par la Presse. Qui nous garantit l’honnêteté des militants qui dirigent ces organisations ? Le Monde pourrait il enquêter sur cet univers peu transparent et qui rend pas de comptes audités par des 1/3 ? ». Voici les réfutations qui lui ont été apportées :

– Vous plaisantez ? En France en tout cas, les ONG sont créées soit sous le statut d’association, soit sous celui de fondation. Elles ont donc les mêmes obligations de transparence et de rigueur comptable que n’importe quelle autre institution de même nature juridique. Quant à l’honnêteté des militants, c’est simple, demandez-vous ce qu’ils ont à gagner à titre personnel, et comparez-le à ce que les multinationales impérialistes ont à gagner.

–  Un peu de mesure s’il vous plait. Entre le  » pouvoir considérable » des ONG et celui des entreprises citées, il n’y a pas photo. Vous pouvez peut-être parler d’un parti pris un peu trop orienté ou d’une idéologie mais sûrement pas de pouvoir.

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effet rebond, compensation carbone… hypocrisie morale !

Le monsieur qui offre un cadeau à sa femme après l’avoir trompée, c’est vieux comme l’adultère ! L’hypocrisie morale ou stratégie de la compensation se retrouve dans beaucoup de domaines, malheureusement aussi du côté de l’écologie. Ainsi cet article du MONDE* : « Nous sommes bombardés de messages nous encourageant à adopter des comportements plus vertueux : recycler nos déchets, utiliser plus les transports en commun ou le vélo… Des chercheurs ont trouvé que certains consommateurs, du fait de leurs achats verts, s’octroient une sorte de « crédit moral » qui les rend par la suite plus enclins à des comportements peu vertueux … Une voiture hybride pourrait nous décomplexer de parcourir de nombreux kilomètres… Des consommateurs ayant diminué leur consommation d’eau grâce à une campagne pro-environnementale ont vu en parallèle leur consommation d’énergie augmenter significativement… Cet effet de compensation morale par lequel une « bonne action » permet de se sentir autorisé à en faire une « mauvaise » n’est pas forcément conscient… »

Cet « effet de compensation morale » est déjà connu sous l’expression « effet rebond » : le rebond de l’efficacité technique concerne par exemple une voiture plus efficace énergétiquement, mais qui voyage sur une plus longue distance. Le rebond lié à la frugalité : un billet d’action pour Dakar sera acheté avec les économies sur les frais de chauffage réalisés en réduisant la température d’une maison l’hiver. Chaque fois que nous économisons de l’énergie à un endroit, nous ne manquons pas d’en consommer un peu plus ailleurs. Contre l’effet rebond, ils nous reste à pratiquer l’effet débond. Il s’agit par exemple d’allouer plus de temps à la rencontre humaine, à la relation avec la nature, plutôt qu’à produire et consommer. La seule manière politique de conjuguer effet rebond et effet débond est de faire croître le prix de l’énergie plus vite que le pouvoir d’achat.

La compensation morale peut aussi découler du fait d’avoir commis un acte répréhensible et se traduire par le désir de se rattraper dans un autre domaine. Cela permet de jouir plus longtemps de ce qui est contestable. Au niveau écologique, l’expression la plus employée est celle de « compensation carbone ». Mais contrebalancer ses propres émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets destinés à en réduire d’autres est-il cohérent ? Prenons l’exemple d’une personne en partance pour un long voyage, en plein dilemme, seule face à sa conscience d’écocitoyen. Cet individu doit partir en Amérique Latine : prend-t-il ou ne prend-t-il pas l’avion ? Mais oui, bien sûr, il suffit de s’acheter une indulgence : compenser son émission excessive de gaz à effet de serre en payant quelques arbres, en contribuant à la reforestation de pays dévastés. Ce genre de « compensation carbone » est un luxe que seuls les très riches peuvent se permettre. Il est donc logique d’en conclure qu’éviter l’hypocrisie de la compensation morale passe par l’appauvrissement drastique des riches. « Plus riche » est relatif. Même le smicard français doit subir une diminution de son pouvoir d’achat, il est bien plus consommateur de ressources fossiles que la plupart des habitants de cette planète…

* LE MONDE du 4 novembre 2013, L’hypocrisie morale, face cachée de la consommation durable

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Question qui tue : la décroissance est-elle antisociale ?

Le mensuel La Décroissance nous en informe, tout dépend de ce qu’on appelle social. Voici un résumé du dossier* :

Jean-François Mouhot : « Contrairement à certaines conceptions étriquées d’une gauche française et de syndicats qui défendent les travailleurs français, on doit raisonner à l’échelle du monde entier pour voir que nous sommes privilégiés par rapport à d’autres. Un smicard français consomme l’équivalent d’un certain nombre d’esclaves énergétiques pour sa cuisine, sa machine à laver, sa voiture, un orchestre symphonique dans sa chambre, etc. C’est un immense privilège, un roi de France avait moins de choses à sa disposition. Imaginons que demain on décide de mettre en place une forte taxe carbone. Une grande partie de la population risque d’y être opposée. Les favorisés comme les moins favorisés n’ont pas envie de réduire leur consommation, moi y compris. Sur le principe je suis opposé à l’utilisation d’énergie fossile, mais dans la pratique je peine à m’en passer. Mais pendant la Seconde Guerre mondiale, le rationnement a profité aux ouvriers et aux populations les plus pauvres puisque les ressources étaient distribuées de manière équitable. »

Aurélien Boutaud : « Si chaque habitant de la planète vivait comme un Français, il faudrait 2,5 planètes pour répondre de manière pérenne à nos besoins. Afin de partager équitablement les ressources limitées de la nature, une solution de bon sens s’impose : la réduction de l’empreinte écologique. Mais alors, comment se fait-il que la décroissance soit accusée d’être antisociale ? Tout simplement parce que, dans une économie productiviste, la décroissance est assimilée à la récession. La récession est antisociale parce qu’elle détruit des emplois et qu’elle entraîne un manque de financement des mécanismes de solidarité. Evidemment il y aurait une autre solution, celle qui consiste à sortir du productivisme et de l’inégalitarisme. Par exemple, si tous les gains de productivité acquis depuis le débat des années 1950 avaient été investis dans la réduction du temps de travail plutôt que dans l’accroissement de la production, on travaillerait aujourd’hui environ un jour par semaine seulement et notre empreinte écologique serait deux fois moindre. Mais mieux vaut détruire la planète en invoquant la croissance tout en traitant les écologistes d’irresponsables, c’est beaucoup moins compliqué. »

Bertrand Méheust : « Une politique est sociale dans la longue durée ou bien elle n’est pas. Pour les socialistes au pouvoir, une politique « sociale » doit viser à maintenir le niveau de consommation actuel sans remettre en cause notre rapport à la nature. Il faut s’arracher à cet horizon, se confronter à la misère du monde. La décision de ce qui est social ou antisocial dépend de ce que l’on perçoit comme le minimum pour une vie décente, et c’est ici que la relativité des représentations devient vertigineuse. Un clandestin comorien à Mayotte ne sait pas distinguer entre le niveau de vie d’un vacataire sous-payé de l’administration et celui d’un milliardaire, puisque l’un et l’autre jouissent de ce qu’il n’a pas : des papiers en règle, un toit au-dessus de la tête, l’eau au robinet, l’accès à des soins médicaux, l’école pour les enfants… On peut douter que la décroissance voulue puisse s’installer sur la planète dans un délai suffisamment rapide pour empêcher la catastrophe, et je ne vois pas hélas dans les événements actuels de quoi modifier mon jugement. »

source : La Décroissance, novembre 2013 (en kiosque au prix de 2,50 euros)

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