épuisement des ressources

« elle suce son stylo » ne vaut pas « zéro déchet »

A l’heure où les reality show et les affiches publicitaires dévoilent un érotisme constant, à l’heure où la nudité devient une arme de protestation massive, le stylo « érotisé » de Najat Vallaud-Belkacem, c’est beaucoup de bruit pour rien. Ce tweet dont on disserte à l’infini dans les médias, « elle suce son stylo très érotiquement», nous cache l’essentiel : que faisons-nous de nos déchets ? La quantité totale des déchets résultant de l’activité humaine atteint aujourd’hui des ordres de grandeur comparables aux éléments recyclés par l’écosystème. Sauf que la liaison naturelle entre producteurs, consommateurs, prédateurs et décomposeurs n’est pas assurée pour les déchets urbains ou même ruraux. Presque plus rien ne revient à la terre. Nos efforts en la matière paraissent vains. Nous attendons toujours le tweet « elle suce si bien sa poubelle que bientôt il n’en restera plus rien ».

Capannori est la première ville d’Europe à s’être fixée un objectif de production de « zéro déchet » (Rifiuti Zero) d’ici à 2020*. Les habitants n’ont plus besoin d’apporter eux-mêmes leurs sacs d’ordures jusqu’à des points de ramassage : désormais, des bennes viennent les chercher devant leur domicile. Les 46 000 habitants trient leurs déchets à la source selon cinq flux : papiers et cartons ; plastiques et métaux ; verre ; déchets organiques et ordures résiduelles. Les déchets sont envoyés vers des installations de recyclage ou de compostage. Les ordures résiduelles prennent la direction d’une décharge. Encore faudrait-il que ce ballet motorisé trouve une énergie durable pour continuer à rouler. On ne peut décemment recycler en brûlant les ressources fossiles, ce qui perturbe le climat. La municipalité de Capannori fournit aussi gratuitement aux jeunes parents pendant une année des couches lavables. Mais peu de familles ont abandonné les couches jetables. Encore faudrait-il que les individus trient sérieusement leurs déchets et adoptent les produits durables.

Une véritable stratégie « zéro déchet » privilégie la réduction à la source : écoconception, réemploi et recyclage. Cela réduirait le contenu des sacs d’ordures résiduelles. Encore faudrait-il que les entreprises veuillent faire des produits durables. L’Italie consomme un milliard de capsules de café chaque année. Pourquoi des capsules alors qu’autrefois les gens pouvaient  moudre eux-mêmes leur gains de café avec des moulins actionnés à la main. Pourquoi d’ailleurs boire du café, produit d’importation qui appauvrit les pays producteurs. Pourquoi ne pas voir que la réduction des déchets découle d’abord d’un changement de mode de vie vers plus de simplicité et de sobriété !

* LE MONDE du 20 juin 2013, Capannori, la cité italienne qui montre la voie des villes « zéro déchet » en Europe

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Le dernier poisson français, le dernier baril de pétrole

La France est à court de poissons à partir du samedi 19 mai : c’est ce qui se produirait si ce pays n’avait recours aux importations*. En 1990, cette date fatidique tombait le 6 septembre ; en 2011, c’était le 13 juin. Dans l’Union, seuls trois pays, l’Estonie, l’Irlande et les Pays-Bas, sont à peu près autosuffisants en produits de la mer. Les Vingt-sept commencent donc à épuiser les stocks halieutiques des pays du Sud. Cette « dépendance » en termes de pêche aux apports extérieurs de la France et de l’Europe n’est rien ou presque si on la compare à la dépendance aux importations de pétrole. Cette enclave de pays riches n’a pas encore pris conscience que son niveau de vie est conditionné par l’exploitation des pays du tiers-monde et l’état des réserves mondiales.

C’est pourquoi, à la mesure de notre degré de dépendance, il faudrait ajouter la connaissance des pics. Le temps est cyclique, tout ce qui est né mourra, tout ce qui monte doit redescendre. N’écoutez jamais ceux qui vous parlent de croissance sans parler de pic. Comme le pic pétrolier, de nombreux phénomènes évoluent selon une courbe en cloche. Par analogie au peak oil, le peak fish** ou pic de production des pêcheries, est dépassé. En 1995, la capture de poissons a atteint son tonnage maximum avec 95 millions de tonnes. Depuis, la pêche mondiale plafonne autour de 90 millions de tonnes. Les ressources halieutiques sont  renouvelables, mais la surpêche a détérioré les chaînes trophiques grâce au pétrole à bas prix. Pétrole et pêche ont partie liée, on consomme en moyenne 1 litre de gazole pour pêcher un kilo de poisson.

La solution ? Des chalutiers plus petits, sortant moins souvent, laissant aux stocks de poissons le temps de se régénérer. Vivement le retour à la marine à voile… et au régime tendance végétarienne !

* Le Monde.fr | 18.05.2013, Le dernier poisson français de l’année

** Le pic du poisson est lié au pic du pétrole

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LE MONDE, « et toc dans les dents des décroissants »

Un article du MONDE* se termine par cet acte de foi : « Avant de pouvoir parler bonheur, il faut d’abord parler croissance. » Mais une croyance ne fait pas une réalité objective. Normalement le sentiment de bonheur n’a rien à voir avec le niveau du PIB.

C’est la société de consommation qui fait croire au plus grand nombre que le bonheur va avec les gadgets qu’on nous incite à acheter (donc avec la croissance du PIB). Mais notre réalité sociale montre que le consumérisme s’accompagne aussi d’insatisfaction permanente ; c’est un bonheur factice. Le sentiment d’abondance ne tient pas spécifiquement à l’accumulation de marchandises et de services, mais au niveau de nos besoins ressentis. Il faut que la journaliste Marie de Vergès se procure le livre de Marshall Sahlins « âge de pierre, âge d’abondance ». L’âge de pierre (les sociétés archaïques) était aussi l’âge d’abondance puisqu’on limitait les besoins… et donc le travail… pour avoir plus de loisirs… et être heureux. Sir Richard Layard, dans son livre « Le prix du bonheur »  cite Epicure : « De tous les biens que la sagesse procure  pour le bonheur de notre vie, celui de l’amitié est de beaucoup le plus grand ». Sir Richard estime aussi que si nous voulons être heureux, il nous faut pouvoir disposer d’un concept de bien commun auquel chacun puisse contribuer. Cet idéal requiert de chacun qu’il se soucie des autres autant que de lui-même.

L’article de Marie de Vergès veut nous faire croire que le bonheur croit avec le niveau de vie (et donc le PIB). Or il s’appuie sur Ruut Veenhoven qui reconnaissait que la compréhension du bonheur demeurait spéculative et incertaine. Il préférait parler de « qualité de vie », ce qui est tout autre chose. On croit invalider le paradoxe d’Easterlin avec la corrélation entre revenu et bonheur trouvée par Wolfers et Stevenson. Mais d’autres variables, omises par cette étude, seraient tout aussi positivement reliées à leur indice de bonheur. Plus fondamentalement, il faut s’interroger sur la validité d’indices de bonheur construits à partir de sondages, qui ne font que refléter la psychologie ambiante.

Enfin l’article de Marie de Vergès est explicitement construit contre les objecteurs de croissance : « Et toc dans les dents des décroissants ». Mais là aussi c’est tout faux. Les avocats de la décroissance ne sont pas « confortés » par la crise actuelle, ils sont inquiets. En effet, il s’agit actuellement d’une politique de désendettement subie et non d’une société de décroissance voulue. Or, comme la journaliste le remarque elle-même, « le taux de production ne peut être indéfiniment accru ». Notre rythme de croissance va en effet se heurter à des blocages énergétiques et autres épuisements des capacités de la biosphère à soutenir notre activité productive. La politique de rigueur des gouvernements risque fort de se transformer en récession, si ce n’est en dépression. Que va devenir alors notre niveau de bonheur ressenti ? Si, comme Marie de Vergès et les médias en diffusent l’idée, le bonheur ne peut qu’augmenter avec le PIB, à l’inverse, en cas de crise prolongée, il y aura effondrement de notre niveau de satisfaction, avec tous les désagréments d’ordre socio-politiques qui vont s’ensuivre. Ce n’est pas la psychologie du bonheur par le revenu qu’il faut propager. En effet, une telle attitude ne nous prépare pas au courage et au sens de la responsabilité. LE MONDE ne nous prépare pas au monde qui vient.

* LE MONDE du 26 février 2013, parlons bonheur, parlons croissance (Marie de Vergès)

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crise des engrais, crise de l’agriculture industrielle

L’azote et le phosphore, les deux engrais les plus utilisés dans le monde, sont à la fois trop consommés par endroits et faisant cruellement défaut dans les régions les plus pauvres. Depuis les années 1960, l’usage des engrais azotés a ainsi été multiplié par 9, tandis que ceux au phosphore ont triplé. Le PNUE* estime que ces engrais aident la moitié des 7 milliards d’êtres humains à manger et vont contribuer à assurer la sécurité alimentaire au cours du XXIe siècle. Mais « Il est de plus en plus évident que l’altération des cycles de l’azote et du phosphore représente pour la planète un défi majeur qui n’a pas encore reçu assez d’attention », écrit l’équipe d’une cinquantaine de scientifiques issus de 14 pays.

Ce rapport est bien en dessous de la vérité. Il ne s’intéresse qu’au gaspillage d’engrais, à la pollution aux nitrates ou aux gaz à effet de serre. Or qui dit cycle dit renouvellement. Ce n’est pas le cas de l’agriculture intensive, utilisant des engrais de façon non durable. Le pic mondial du phosphore, ce qui veut dire baisse de la production, devrait avoir lieu au milieu des années 2030. Le pic de l’azote est relié à celui du gaz naturel : les engrais minéraux azotés sont pour la plupart produits à partir de l’Ammoniac obtenu par synthèse de l’azote de l’air et de l’hydrogène (H) du gaz naturel. Ce processus utilise 1 % de l’énergie consommée par les humains. Ce processus  va s’enrayer par manque d’énergie fossile. Ne nous leurrons pas, l’agriculture du passé sera notre avenir. Place aux phosphates des os, à l’azote des fumures animales et humaines, au potassium des cendres de bois. Place aux légumineuses qui enrichissent naturellement le sol en azote. Place au fumier qui rend durable l’humus du sol.

* Programme pour l’environnement des Nations unies (PNUE) dans son dernier rapport Our Nutrient World

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Sagesse des aborigènes, folie de la française Areva

Présents depuis l’origine (selon l’étymologie du mot) en Australie, les Aborigènes vivaient tranquilles depuis des millénaires sur un mode ancestral ; ils avaient trouvé un équilibre durable avec la biosphère. Mais face aux 14 000 tonnes d’uranium logées dans les terres septentrionales d’Australie, le géant du nucléaire français Areva nourrissait de grandes ambitions. Cette zone d’une douzaine de km2 avait donc été exclue du parc national de Kakadu, se retrouvant de ce fait privée de protection légale. La bataille des Aborigènes a permis de la classer l’année dernière au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, puis de la réintégrer pleinement, en février, au parc national.

Le propriétaire traditionnel de cette terre, Jeffrey Lee, aurait pu devenir l’homme le plus riche d’Australie s’il avait cédé à Areva. Mais il ne l’a pas fait : « Le fait que les Blancs m’offrent ceci ou cela ne m’intéresse pas. J’ai un travail. Je peux acheter de la nourriture, je peux aller pêcher et chasser. J’ai dit non aux mines d’uranium, car je crois que la terre et les croyances propres à ma culture sont plus importantes que l’exploitation minière et l’argent. L’argent va et vient, mais la terre est toujours là, subsiste toujours si nous nous en occupons, et s’occupera toujours de nous.* »

Les aborigènes pensaient qu’au Commencement était le mythe : « Avant il n’y avait pas de séparation entre la femme et l’homme, ni entre l’eau et la terre. Puis il y eut le temps fondateur qui définit les choses et les êtres, et donna aux aborigènes leur place dans le cosmos ». En s’imprégnant de l’esprit de ce mythe, les Aborigènes ont mobilisé toute leur énergie mentale et organisé leurs activités pour laisser le monde dans l’état où il était. Par contre les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de leur présent. Biosphère nous dit : « Il y a un avenir pour le mode de pensée des Aborigènes, pas pour le niveau de vie des Blancs. »

* http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/02/19/atomique-en-australie-un-aborigene-dejoue-les-projets-de-mines-duranium-dareva/

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La Grèce, démonstration de ce qui nous attend demain

C’est épouvantable, il n’y a pas de solution à la descente énergétique. Aujourd’hui en Grèce la pénurie résulte des contraintes financières, demain elle découlera internationalement de la hausse du prix du baril, inéluctable. A lire pour se préparer au pire, voici un résumé de deux articles :

1) En Grèce, on vole du bois pour se chauffer (LE MONDE du 20 Novembre 2012)

Dans les campagnes et les bois grecs, les coupes illégales font ravage. Ici, une grosse douzaine d’arbres – des pins, des cyprès, des acacias – ont été coupés et emportés. Un immigré albanais, plisse les yeux : « Cela me rappelle Tirana après la chute du régime communiste, quand les gens avaient coupé tous les arbres pour se chauffer et survivre… »

En 2011, dans une énième tentative d’accroître ses rentrées fiscales, le gouvernement a remonté à 80 % la taxe sur le fioul domestique, largement utilisé en Grèce, pour l’aligner sur celle appliquée au carburant pour voiture. Le prix du litre a doublé à 1,40 euro ; trop pour une population paupérisée. Les écoles d’une dizaine de municipalités du nord du pays ont prévenu qu’elles fermeraient leurs portes lors des grands froids. Les vendeurs de bois n’avouent une seule crainte : le risque de pénurie. Car si les températures venaient à passer sous les 0°C, comme ce fut le cas l’hiver dernier, le bois pourrait bien manquer.

2) Dopé par la crise, le chauffage au bois couvre Athènes de particules (LE MONDE du 10 janvier 2013)

Le ministre des finances a refusé d’accroître l’aide pour permettre aux familles les plus pauvres de se chauffer. « Je souhaiterais que nous ayons la possibilité budgétaire de le faire », a commenté le ministre, en expliquant que cela n’était pas possible. » La crise crée un nouveau type de pollution dans les grandes villes grecques : celle liée aux feux de cheminée. Le prix du fioul domestique est en forte hausse en raison de l’augmentation de 40 % de la taxe sur le mazout, qui a été mise au même niveau que celle sur l’essence. Cette augmentation est destinée à empêcher la contrebande de fioul. Moins cher, celui-ci était utilisé par des stations-service qui le convertissaient en carburant.

Frappées par les baisses de salaires et de retraites et des augmentations d’impôts, les familles, souvent touchées par le chômage, se tournent de plus en plus vers le bois, meilleur marché, avec des conséquences écologiques dévastatrices : les coupes sauvages déciment les forêts et la concentration des particules dépasse le niveau d’urgence fixé à 50 microgrammes par mètre cube (µg/m3). Il est monté jusqu’à 150 µg/m3 fin décembre 2012 à Athènes.

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fin de l’Etat-providence, retour au minimum vital

Les élèves de sciences économiques et sociales en lycée apprennent les bienfait de l’Etat-providence… et aussi le déficit structurel du budget social. Comment concilier avantages et inconvénients ?

Historiquement la solidarité est le fait du groupe familial ou du groupe d’appartenance. La montée des Etats-nations au XIXe siècle n’aboutira à une prise en charge collective généralisée qu’à partir de la fin  de la seconde guerre mondiale. En décembre 1942, William Beveridge produisit un rapport : la Sécurité sociale et ses services. Il est considéré comme l’ouvrage fondateur de l’Etat-providence, même si l’expression « Welfare State » n’y est pas mentionnée une seule fois. Beveridge identifie « les cinq géants » à terrasser : « Pauvreté, Maladie, Ignorance, Insalubrité, Chômage ». Il propose de financer la protection sociale par des cotisations sur salaire. Plusieurs pays européens, dont la France, s’en inspireront pour mettre en place leur Sécurité sociale.

Ce que les enseignants de SES ne disent pas à leurs élèves, c’est que Lord Beveridge est plus proche de l’idée de simplicité volontaire que des familles assistées avec écran plat dans la chambre des enfants (comme l’exprime le journaliste du MONDE*) : la vision de l’austère économiste, qui prenait un bain glacé tous les matins, était assimilée au minimum vital. L’assistance offerte par l’Etat, préconisait Beveridge, ne devait pas être « généreuse » mais « permettre de survivre », afin de ne pas supprimer l’incitation à la recherche de travail. Or la croissance des Trente Glorieuses et différents plans de relance à la keynésienne ont entraîné une démesure des besoins et la création d’un gouffre financier. La part des dépenses publiques de protection sociale dans les PIB européens a atteint 27,2 % en moyenne dans l’UE en 2005, et 33,8 % en 2010 pour la France. Ce modèle n’est ni généralisable, ni durable. La croissance est derrière nous, il va falloir apprendre ce qu’austérité et rigueur veulent dire en période de descente énergétique.

Après avoir détruit les mécanismes de solidarité de proximité, les politiques vont avoir une lourde tâche devant eux : les reconstruire ! Cela ne pourra se faire sans violences que si les citoyens comprennent pourquoi les contraintes écologiques et financières de notre temps obligent à la simplicité volontaire et à l’entraide locale. Obligation et volontarisme ne sont pas en soi des opposés, il n’y a liberté véritable que dans la mesure où on sait discerner personnellement le meilleur chemin pour arriver à la plénitude. Revenir à une conception du minimum vital chère à Beveridge et à Gandhi est une piste à approfondir.

* LE MONDE du 11 décembre 2012, Ces pays émergents qui jouent l’Etat-providence

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Michel Rocard souffre de dissonance cognitive, toi aussi !

Michel Rocard a 82 ans, cela n’excuse pas tout. Michel Rocard confond la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste (non conventionnel) et le gaz naturel de Lacq qui sortait tout seul ou presque. Michel Rocard est pour le nucléaire, pour le gaz de schiste, pour la compétitivité internationale, pour la relance budgétaire de type keynésien (« la dépense publique est l’un des moteurs de l’activité »), pour la fuite en avant. Michel Rocard n’est pas écolo.

Pourtant Michel Rocard se dit très écolo. Il connaît le syndrome du Titanic, nous allons au désastre. Il trouve dangereux que le PS ait fait une campagne présidentielle en tenant pour acquis qu’on aurait chaque année une croissance de 2,5 % : « C’ est évidemment impossible. » Il aurait été un président de la République bien plus convaincant que Mitterrand II en 1988. Michel Rocard a signé Global Zero, un mouvement international qui travaille sur l’élimination des armes nucléaires à l’échelle mondiale. Bien. Michel Rocard a cosigné un rapport sur la taxe carbone qui aurait amélioré bien des choses s’il avait été suivi. Très bien. Il sait que « Nous sommes partis pour des années de croissance faible et même de récession. Il faut le dire clairement… ». Il sait que « le pic pétrolier sonne le glas de notre modèle de prospérité. » Il sait que « Le monde de demain sera une société moins marchande, moins soumise à la compétition, moins cupide. »** Nous aimons bien Michel Rocard.

Michel Rocard est un cas emblématique de dissonance cognitive. Le psychosociologue Leon Festinger a appelé « dissonance cognitive » la situation de notre psyché lorsque se mettent à l’habiter deux croyances contradictoires. De ce sentiment d’inconfort, nous tendons inconsciemment vers un état de stabilité, d’apaisement, vers un état dans lequel cette tension puisse être résolue. Nous choisissons alors la voie de la facilité, même si c’est pour nous leurrer. L’individu actuel se caractérise par la maximisation du rapport entre l’internalisation des commodités (vive le confort) et l’externalisation des nuisances (oublions ce qui fâche). Nous croyons à la croissance, nous n’en voyons pas les conséquences négatives : dissonance. La plupart des économistes et des politiques ne reconnaissent aucune limite à la croissance économique dans un monde fini. Les gens croient absolument impossible de pouvoir se passer de bagnole un jour puisqu’ils veulent ignorer le pic pétrolier. Dissonance. On peut aussi qualifier ce processus mental de « problème hors contexte » : la réalité à venir est si éloignée de l’expérience des gens qu’ils ne peuvent comprendre les informations disponibles. Michel Rocard est donc un homme ordinaire, mais les journalistes aiment bien l’interroger. Ils feraient mieux de me demander mon avis !

* LE MONDE du 11-12 novembre 2012, Michel Rocard : « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux »

** LE MONDE du 26-27 février 2012, La société de demain sera moins marchande et moins cupide

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LE MONDE, ami des pêcheurs, organe de désinformation ?

Le problème des médias, même ceux qui se veulent « de référence » comme LE MONDE, c’est que la recherche du lectorat entraîne des dérives. Ainsi ce titre, « Les scientifiques notent un rétablissement inattendu des populations de thon rouge ». Bravo, un miracle sans rien faire, divine surprise…

Pourtant dès la première phrase de l’article de Martine Valo le doute s’instaure : « Les populations de thon rouge semblent amorcer un redressement. » Tout le reste est  à l’avenant : « incertitudes quant à l’état réel des stocks… scientifiques démunis pour évaluer la vitesse de la hausse… trop d’imprécisions dans les statiques… trop de déclarations de pêche sous-évaluées… trop d’incertitude sur l’animal lui-même…. Confusion d’origine des thons qui fausse à la hausse les comparaisons… absence de la prise en compte de la pêche illégale… » Comme disait Coluche, quand on en sait si peu, on ferme sa gueule ! Hasard ou coïncidence, nous notons que Martine Valo est une journaliste du MONDE amie des pêcheurs. Est-ce la politique du journal LE MONDE que d’être du côté des producteurs et pas des amis des poissons ? Est-ce un coup de pouce donné à la renégociation par les Etats des quotas de pêche en novembre prochain ?

L’article se termine par la mise en place d’un dispositif électronique apposé sur les poissons. Non seulement on nous ment dans la présentation des données pour cacher les turpitudes de tous ceux qui exploitent les richesses naturelles, mais on nous fait croire que plus de technique va nous permettre de résoudre les problèmes causés par la technique. Car tous les moyens sont bons pour traquer les poissons, y compris l’utilisation de satellites !

* LE MONDE du 13 octobre 2012, Les scientifiques notent un rétablissement inattendu des populations de thon rouge

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Hugo Chavez, la merde noire a gagné au Venezuela

Hugo Chavez a été réélu ce dimanche à la tête du Venezuela avec 54 % des voix. Corruptions et violences n’ont pas fini de s’y donner la main… d’autant plus que son adversaire électoral, Henrique Capriles, n’avait pour but que de « faire de PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) une entreprise efficace et bien gérée ». Comme Chavez, le candidat de l’opposition voulait doubler la production de brut d’ici à 2019. Comme Chavez, Capriles promettait de « Semer le pétrole » et industrialiser ainsi le pays*. Neuvième producteur de brut mondial et cinquième exportateur, le Venezuela vit de la rente pétrolière. Or les ressources du sous-sol sont devenues de véritables malédictions, dégâts écologiques, émissions de gaz à effet de serre, déstructuration des populations, etc. En réalité il faudrait surnommer le pétrole « la merde du diable ».

Hugo Chavez devrait connaître l’histoire de Nauru, l’île dévastée alors qu’elle avait d’immenses ressources en phosphate. A partir de l’indépendance en 1968, l’argent du phosphate se mit à couler à flot dans le micro-État. Une entrée d’argent massive joue un rôle incroyablement déstabilisateur : un peu comme ces gagnants du loto qui finissent par perdre la tête. Les Nauruans cessèrent de travailler et se comportèrent en rentiers. Un bref instant historique, Naurutopia a pu se définir comme une sorte de socialisme parfait où chaque citoyen récolte les fruits du sous-sol, tel le rêve d’Hugo Chavez. Mais évidemment, les choses se gâtent avec les premiers signes d’épuisement des mines de phosphate au début des années 1990 ; l’économie de Nauru s’est alors tout simplement effondrée. Le sort de Nauru préfigure non seulement l’avenir du Venezuela, mais celui de toute la civilisation thermo-industrielle, bâtie sur l’exploitation des ressources en hydrocarbures du sous-sol.

Le pétrole au Venezuela fournit 95 % des recettes à l’exportation et la moitié du budget de l’Etat. L’entreprise publique finance directement les programmes sociaux. Paradoxalement l’exploitation du pétrole au Venezuela n’est pas néfaste parce qu’exproprié par les puissances d’argent, mais parce que ses recettes sont distribuées pour l’éducation, la santé, l’alimentation, le logement…comme à Nauru. Au pouvoir depuis 1999, Hugo Chavez a mis PDVSA au service de la « révolution bolivarienne ». C’est se moquer effrontément de la révolution bolivienne qui dit le contraire. La Bolivie a emprunté son nom à Simon Bolivar, général et homme politique vénézuélien. Ce pays est indissociablement lié à l’exploitation minière. Les immenses mines d’argent de Potosi, pillées à partir du XVIe siècle, ont servi de berceau au capitalisme en Europe. Les Boliviens se souviennent. Les mouvements sociaux boliviens manifestent aujourd’hui : « Laissez le pétrole sous le sol et le charbon dans les mines. » Maristella Svampa nous invite aujourd’hui à déconstruire l’imaginaire extractiviste. Car le bien-vivre d’un peuple ne peut être issu durablement de ressources non renouvelables.

* LE MONDE | 05.10.2012, La manne du pétrole, enjeu de la présidentielle au Venezuela

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Aujourd’hui 22 août 2012, le jour du dépassement

Mauvaise nouvelle pour la planète, ce mercredi 22 août l’humanité a déjà épuisé son crédit annuel de ressources naturelles. Nous avons déjà atteint le « Global Overshoot Day » ou « jour du dépassement ». En d’autres termes, nous vivrons à crédit jusqu’à la fin de l’année. Autrement dit, nous puisons dans le capital naturel : le réchauffement climatique s’accentue parce que le poids de l’humanité a dépassé les capacités de recyclage du CO2 par les écosystèmes, les stocks de poissons dans les mers sont en diminution, les nappes phréatiques baissent, etc. Notre dette écologique s’accentue.

Le processus d’épuisement des ressources naturelles, calculé par le Global Footprint Network s’accélère : en 2001, la limite fut atteinte le 27 septembre, en 2000 le 1er novembre, en 2005 le 20 octobre. Cette année, leur système de calcul a été affiné et a permis de publier de nouveaux chiffres, plus précis, pour les cinquante dernières années. Une seule planète ne suffit plus pour subvenir à nos besoins et absorber nos déchets. Principaux responsables du déficit, les rejets de dioxyde de carbone constituent 55 % de l’empreinte écologique mondiale. Le reste revient à l’exploitation des milieux naturels. Désormais les besoins de l’humanité dépassent de 50 % les ressources disponibles, lesquelles ont quasiment diminué de moitié depuis 1961.

Rappelant que les risques de pollution (chimique, radioactive, etc.) ne sont pas comptabilisés dans cette étude, le président de GFN Mathis Wackernagel prévient : « La dégradation des milieux naturels se traduit inévitablement par une baisse des surfaces productives et notre dette, qui s’alourdit, condamne aux dépens les générations futures. » Pour M. Wackernagel, ni l’austérité ni la croissance n’éviteront la faillite du système, le défaut de régénération de la Terre sera le facteur limitant de notre économie. « Car la tendance finira par se renverser, que ce soit à dessein ou par désastre. »

Source : Le Monde.fr | 22.08.2012 + les écrits antérieurs de BIOSPHERE

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les socialistes, amis des pêcheurs, pas des poissons

Droite ou gauche, les amis des pêcheurs ont le pouvoir. La commissaire européenne à la pêche voudrait « suspendre » le chalutage profond dans l’Atlantique du nord-est. Michel Barnier, commissaire au marché intérieur et aux services, a d’abord bloqué le texte, « compte tenu des répercussions économiques, sociales et humaines, que pourrait avoir une telle mesure ». C’est la lutte inégale des amis des poissons contre les lobbies des pêcheurs. Les ONG accusaient Michel Barnier d’être le « VRP » d’Intermarché, qui détient la principale flotte française de pêche profonde. Le Comité national des pêches maritimes français accuser la commissaire chargée de la pêche d’être « inféodée aux ONG ».

Pour un gouvernement socialiste, le « social » l’emporte toujours sur le raisonnement écologiste. Le ministre socialiste français chargé de la pêche, Frédéric Cuvillier, a fait valoir qu’une « éventuelle interdiction de certains engins de pêche » ne serait « pas acceptable ». L’adoption de la proposition d’interdiction par le collège des commissaires, en dépit de l’opposition française, entraîne une réponse collective : la délégation socialiste française au Parlement européen dénonce dans un communiqué « le caractère idéologique et irrationnel de la position de la Commission sur ce sujet », position « dévastatrice pour l’emploi et dénuée de tout fondement scientifique ».

Pourtant le chalutage profond, qui ne fait vivre qu’un nombre limité de pêcheurs, notamment en France, bénéficie d’importantes subventions pour subsister. Pourtant, pour l’écologie scientifique, c’est la pêche la plus destructrice des écosystèmes marins : elle se traduit par le bouleversement des fonds marins et des écosystèmes qu’ils abritent, raclés par les chaluts. Pêchés entre 500 et 1500 mètres de profondeur, la lingue bleue, le grenadier de roche et le sabre noir, aux cycles de reproduction très lents, sont désormais menacés. Cette pêche s’est développée pour compenser la diminution des stocks de poissons en surface ; « Selon les dernières statistiques disponibles, près de 30 % de ces stocks sont surexploités (…), 57 % sont pleinement exploités (c’est-à-dire que les prises atteignent ou avoisinent le rendement constant maximal) « , précisait récemment la FAO. Les principales menaces « dérivent essentiellement de la gestion inefficace et d’une mauvaise conservation des habitats », concluait la FAO, appelant la communauté internationale « à miser sur une utilisation réellement durable et responsable des ressources aquatiques afin de satisfaire aux besoins présents tout en garantissant ceux des générations futures ».

Le chalutage profond est symptomatique d’une société minière, qui dilapide les stocks naturels, ce n’est pas une pêche durable. Tant que le socio-politique étouffera les réalités écologiques, nos générations futures seront sacrifiées. Le fait que les socialistes soient au pouvoir n’implique pas une amélioration pour la gestion du long terme, ce serait plutôt le signe d’une dégradation… La lecture des contributions pour le prochain Congrès socialiste ne font que confirmer nos craintes.

Sources : LE MONDE du 20.07.2012, Pêche profonde : Bruxelles tient tête à la France

LE MONDE du 14.07.2012, La pêche en eaux profondes divise l’Europe

Le Monde.fr avec AFP du 09.07.2012, Pêche : 30 % des stocks halieutiques sont surexploités

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La décroissance au programme de terminale SES

Que vont apprendre en 2012-2013 les élèves de Terminales économiques et sociales (ES) avec le nouveau programme ? Des mots horribles comme fluctuations économiques, crise, dépression, déflation, soutenabilité faible, etc. C’est la marque d’une rupture avec des programmes centrés jusqu’à présent sur la croissance économique.

C’est en 1999 que la notion de crise disparaissait avec un nouveau programme restructuré autour de ce questionnement économique : travail et emploi… investissement, capital et progrès technique… Ouverture internationale et mondialisation. On s’interrogeait seulement sur les relations entre croissance, développement et changement social, exit l’existence possible d’une crise.

C’est pourquoi le programme en application pour 2012-2013 constitue un véritable bouleversement. La partie sciences économiques s’intitule « Croissance, fluctuations et crise ». Après « les sources de la croissance », on s’interroge « Comment expliquer l’instabilité de la croissance ».Les notions de dépression et déflation sont explicitement au programme. Dans Economie et développement durable, les deux sous-titres abordent la question écologique : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ? Quels instruments économiques pour la politique climatique ? Un manuel va encore plus loin avec la présentation du courant décroissant…

Un autre manuel donne pour exemple de sujet de dissertation : La recherche d’un développement durable implique-t-elle l’arrêt de la croissance ? L’enseignement donné aux lycéens nous paraît bien en avance par rapport à la politique gouvernementale actuelle, arc-boutée sur le croissancisme.

Extraits du monde.fr, « Idées », 18 juillet 2012, Le nouveau programme de SES et la croissance économique (par Michel Sourrouille)

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3/4) psychanalyse de la croiiiiiiiiiiiissance hollandiste

La tendance à persévérer dans son idée même quand elle est fausse a été explicitée dès 1947 par le psychologue américain Kurt Lewin, le théoricien de la dynamique de groupe. C’est l’effet de gel : la décision de se comporter de telle ou telle manière étant prise, elle va en quelque sorte geler l’univers des options possibles et conduire quelqu’un à rester sur son opinion première. Une personne comme François Hollande, connu pour faire plaisir au peuple, croit que le choix de la croissance est le bon. Il s’est engagé sur cette voie vis-à-vis de lui-même et de son parti. Malgré les dettes financières et écologiques qui devraient commander l’austérité, il persévère dans l’erreur pour ne pas se renier. Ensuite il rationalise ses contradictions. Enfin il se justifie en voyant que d’autre dirigeants l’accompagnent dans son délire croissanciste. Car cet effet de gel se double du mécanisme de l’interaction spéculaire.

Hollande ne fait que répéter en boucle ce que le parti socialiste répète depuis longtemps : seule la croissance économique sauve le peuple et ses emplois. En termes savants, on dit qu’il y a interactions spéculaire, on agit comme devant un miroir. Toute société dépend des perceptions croisées entre individus : je me représente comment les autres se représentent les choses et moi-même. L’individu soumis à la volonté de croissance ne se demande pas s’il veut pratiquer la frugalité joyeuse puisque la pensée unique se veut croissanciste. La gauche veut de la croissance, la droite aussi, et l’extrême droite, et l’extrême gauche. L’hypothèse de l’interaction spéculaire nous permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu et de la société. L’un et l’autre se forment mutuellement. Les politiciens comme François Hollande ne disent pas autrement que la vulgate des économistes et le sens commun des citoyens. L’erreur est partagée, elle est assumée.

Mais la réalité écologique est plus dure que les idées humaine, la planète a ses limites physiques et nous avons déjà franchis plusieurs garde-fous. Alors récession et décroissance, pénuries et hausse des prix vont scander notre condition humaine. Il y aura un peuple écolo quand il y aura effet boule de neige : tu fais des économies d’énergie parce que j’en fais et parce qu’il faut que nous fassions tous de même. Encore une interaction spéculaire, mais à l’opposé du croiiiiiiiiiiiissancisme.

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2/4) croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande

Les grandes aventures humaines ont toujours eu pour objectif de dépasser les limites. Les expéditions de Marco Polo, Vasco de Gama, Magellan, Colomb… ont toutes un point commun : aller voir ce qui se passait au-delà de la limite connue. La Lune est à 400 000 kilomètres de la Terre, séparée par le vide. Qu’à cela ne tienne, un peuple entier se mobilise pour parvenir à y faire une promenade. L’ère industrielle a fait de la technique le terrain de jeu favori pour tutoyer la limite. Aujourd’hui, que l’on soit grand sportif, grand drogué, grand patron ou grand artiste, on est « grand » quand on a dépassé une limite.

Dans le livre The limits to Growth – The 30-year update (2004), il est presque uniquement question des limites, non point pour les dépasser, mais au contraire pour s’en accommoder. L’idée de base qui a nourri ce livre est d’une simplicité biblique : pour que les hommes puissent produire, qu’il s’agisse de nourriture ou de la fusée Ariane, il leur faut des ressources naturelles. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique perpétuelle », nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par « effondrement », il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, de la production industrielle et alimentaire par tête. En 1972, The limits to Growth soulignait que la seule manière d’éviter cette issue était de stabiliser le PIB mondial au niveau de 1975 et d’affecter tout progrès technique à venir à « faire plus propre à consommation constante », et non à favoriser une consommation croissante. Ce n’est pas le chemin que nous avons suivi depuis.

Une question lancinante, devenue plus urgente que jamais, n’a toujours pas trouvé d’enceinte où être débattue à son juste niveau : si la croissance doit, à relativement court terme, devenir un simple souvenir, comme organiser un avenir qui soit désirable ?

Préface résumée de Jean-Marc Jancovici au livre Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers(éditions Rue de l’échiquier, 2012, première édition en anglais 2004)

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Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows

Contre le rapport de 1972, Limits to Growth, Christian Gerondeau s’esclaffe : « Les auteurs ont commis une erreur classique : ils ont simplement prolongé les tendances du passé. Ils n’avaient pas tenu compte de la capacité d’adaptation des hommes et des potentialités du progrès. De nouvelles ressources énergétiques furent découvertes, la démographie mondiale s’effondra, les rendements agricoles firent des progrès insoupçonnés et le développement technique atteignit une ampleur que personne n’avait imaginée. »*

Un des auteurs du rapport de 1972, Dennis Meadows, lui répond indirectement lors d’un entretien récent avec le quotidien LE MONDE : « Tout scientifique comprend qu’il y a des limites physiques à la croissance de la population, de la consommation énergétique, du PIB, etc. Pourtant, l’idée commune est, aujourd’hui encore, qu’il n’y a pas de limites. Pour les économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc à un besoin de croissance. Or la croissance va s’arrêter en partie en raison de la dynamique interne du système et en partie en raison de facteurs externes, comme l’énergie. L’énergie a une très grande influence. La production pétrolière a passé son pic et va commencer à décroître. Or il n’y a pas de substitut rapide au pétrole pour les transports, pour l’aviation… La Chine a considérablement détérioré son environnement, en particulier ses ressources en eau, et les impacts négatifs du changement climatique sur ce pays seront énormes. Certains modèles climatiques suggèrent ainsi qu’à l’horizon 2030 il pourrait être à peu près impossible de cultiver quoi que ce soit dans les régions qui fournissent actuellement 65 % des récoltes chinoises…

Les politiciens sont élus pour peu de temps. Leur but est de paraître bons et efficaces pendant leur mandat; ils ne se préoccupent pas de ce qui arrivera ensuite. Supposons que je sois un magicien : la première chose que je ferais serait d’allonger l’horizon de temps des hommes politiques. Pour qu’ils ne se demandent pas quoi faire d’ici à la prochaine élection, mais qu’ils se demandent : « Si je fais cela, quelle en sera la conséquence dans trente ou quarante ans ? » Si vous allongez l’horizon temporel, il est plus probable que les gens commencent à se comporter de la bonne manière. »**

* Christian Gerondeau, Ecologie, la fin (édition du toucan, 2012)

** interview par LE MONDE du 26 mai 2012, La croissance mondiale va s’arrêter

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« Ecologie, la fin » : Christian Gerondeau fait l’idiot

Dans  Ecologie, la fin (2012), Christian Gerondeau redéploie son « paradoxe » déjà énoncé dans CO2 : un mythe planétaire (2009) : vouloir la réduction des émissions de gaz à effet de serre est idiot car l’homme utilisera inexorablement toutes les énergies fossiles, les besoins des pays émergents faisant loi. Il est vrai que Gerondeau est contradictoire, croyant au progrès mais fataliste puisqu’il n’y aurait rien à faire contre nos émissions de gaz à effet de serre. Le problème, c’est qu’un tel discours incite à ne rien faire contre le réchauffement climatique.

Soyons clairs, ses livres ne sont pas crédibles, ses propos sont dangereux. Une ministre française de l’Environnement s’adressait ainsi à Christian Gerondeau après une émission télévisée : « Vous n’êtes pas dans le rôle du méchant, vous êtes le méchant. » Une autre ministre, de l’autre bord politique, a demandé à Gerondeau au cours d’une émission radiophonique s’il aimait ses petits-enfants pour oser affirmer que nous ne pouvions rien à l’accroissement des émissions planétaires de CO2. Mais Gerondeau nous apparaît imperméable à toute remise en cause. Il est vrai que son âge (il est né le 23 mars 1938) et ses diplômes (Polytechnique et Pont et Chaussées) ne le préparent pas à un questionnement sur les limites de la société thermo-industrielle. Il a été même président de la Fédération française des automobiles clubs, donc intoxiqué par la voiture et la nécessité du pétrole.

Il appartient à la secte climatosceptique qui pratique la religion du progrès et de ses illusions. Il n’a aucun sens des limites de la planète, aucune conscience de l’épuisement des ressources du sol et du sous-sol. Il croit que son dernier livre marquera la fin de l’écologie alors que l’écologisme sera la grande nécessité du XXIe siècle. Comme les autres écolosceptiques, il attaque dans « Ecologie, la fin » aussi bien Rachel Carson que le Club de Rome, les malthusiens, les éoliennes et surtout le GIEC. Gerondeau est un marchand de doute au service du capitalisme libéral, pro-nucléaire bien entendu et baignant dans un positivisme sans faille contre ceux qui ont une « vision négative » de l’avenir de la planète. En fait il veut nous mener au désastre puisque son discours peut se résumer ainsi : « Dormez, braves gens, dormez, il n’y a rien à faire contre le réchauffement climatique, nous avons beaucoup de gaz de schiste et de sables bitumineux, c’est l’abondance pour un siècle ». Gerondeau n’est pas capable de se projeter plus loin dans le temps, après lui le déluge !

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le peak oil tend à devenir le peak all

Quarante ans après sa publication, le fameux rapport Meadows du Club de Rome est réédité aux éditions Rue de l’Echiquier, sous le titre « Les limites à la croissance (dans un monde fini) ». A l’occasion de cette réédition, Agir pour l’Environnement a pu poser trois questions à Dennis Meadows.

 Question n° 1 – Le « peak oil » tend à devenir un « peak all ». Selon vous, aurons-nous encore le temps de choisir la sobriété ou va-t-elle s’imposer à nous ?

 Réponse de Dennis Meadows – Bien sur, notre étude sur « les limites à la croissance » ne mentionnait pas le pic pétrolier en tant que tel. En effet, dans notre modèle, le secteur des ressources non-renouvelables ne se distinguait pas des ressources fossiles. J’ai commencé à m’intéresser au pic pétrolier seulement au cours de ces dernières années en tant qu’exemple de ce qui pourrait être une limite à la croissance. Dans cette configuration, le pic pétrolier produit les mêmes effets que le changement climatique, l’érosion des terres agricoles ou la pollution des eaux souterraines. Ce « peak all » a été popularisé par Richard Heinberg dans son livre « Peak Everything ». Il y indique que la production de nombreuses ressources commencera à décliner à la même période que le « peak oil ».

La plupart des gens qui vivent sur notre planète souffrent déjà de privation extrême.

Je ne décèle encore aucun signe me permettant de constater que les riches seraient prêts à adopter, de façon proactive, des mesures visant à éviter ces problèmes de privation.

 Question n° 2 – Qu’attendez-vous du sommet de Rio+20 ? Que faut-il entendre par la notion de « croissance verte » ?

Réponse de Dennis Meadows – D’après le site Internet de la conférence de Rio+20, « Les dirigeants mondiaux ainsi que des milliers de participants issus des gouvernements, du secteur privé, des ONGs ainsi que d’autres groupes, vont se rassembler afin de prendre des décisions en vue de réduire la pauvreté, augmenter l’équité sociale et assurer la protection environnementale sur une planète toujours plus peuplée afin de pouvoir choisir le futur que nous voulons. »

D’un côté, cette conférence est une farce, et cela pour deux raisons :

– le Sommet ne va pas s’attarder sur le problème de la croissance de la population, problème suffisamment vaste pour occuper à lui-seul les trois jours de Sommet. Si je peux me permettre cette image, cette conférence semble vouloir débattre du choix de la meilleure aspirine à administrer en cas de mal de tête causé par un cancer. La croissance de la population est dans ce cas un cancer. Faute de diagnostique adéquat, le choix du médicament ne fera pas de grande différence sur le résultat.

– le but affiché dans le cadre de la préparation de ce Sommet indique clairement que la solution à la pauvreté repose sur une croissance économique soutenable partagée par toutes les nations. Or, les principaux bénéficiaires de cette croissance sont et seront une fois encore les pays riches. Le Sommet de Rio+20 va adopter des solutions qui, faute de ruptures avec le cadre idéologique et politique dominant, va proroger les problèmes actuels. Une fois encore, le fait d’appuyer sur l’accélérateur ne vous conduira pas dans un nouvel endroit mais va vous amener plus vite à franchir le mur écologique.

 D’un autre côté, ce Sommet sera utile. Car l’important ne se situe pas nécessairement à l’intérieur de ce vaste cirque mais à l’extérieur, en dehors des réunions officielles et des déclarations. Bien sûr, les représentants des gouvernements officiels viennent principalement pour s’assurer que leurs positions, quelles qu’elles soient, sont soutenues ou du moins, pas contredites par les résultats du Sommet. Mais plusieurs milliers de personnes sont présentes et la conférence est une très bonne opportunité pour eux de rencontrer d’autres personnes de différentes cultures, de se faire de nouveaux amis et collègues, d’échanger et développer de nouvelles idées pour des actions communes dans le futur. Ainsi, la conférence de Rio+20 sera un autre petit pas dans l’évolution de la conscience globale.

Je m’attends à ce que des résolutions creuses soient adoptées durant ce Sommet. Pire, je crains que ces résolutions ne soient pas suivies d’effets. Peut être qu’un certain type d’institution sera proposé pour une coordination mondiale. Cependant, tant que les problèmes sous-jacents à la croissance économique sur une planète dont les ressources ne sont pas illimitées, ne sont pas reconnus et abordés, les Sommets de ce type ne peuvent pas avoir d’influence majeure sur le futur de notre espèce.

                Quant à l’économie verte, je crois que quand quelqu’un s’en préoccupe, il est plutôt intéressé par « l’économie » que par le « vert ». Tout comme les termes « soutenabilité » et  « développement durable », le terme d’ « économie verte » n’a pas vraiment de sens. Je suis sûr que certaines personnes qui utilisent cette expression sont très peu concernées par les problèmes globaux. Cependant, la plupart du temps, l’expression est utilisée pour justifier une action qu’ils voulaient de toute façon mettre en place pour d’autres raisons. Je ne connais pas une seule agence gouvernementale ou une seule entreprise qui mettrait en place une action très coûteuse au profit de « l’économie verte » qu’ils ne voudraient pas mettre en place pour d’autres raisons.

 Question n° 3 – La première édition de votre livre date de 1972 et il est toujours d’une brûlante actualité. Rien n’a donc changé en 40 ans ?

Réponse de Dennis Meadows – Certains secteurs technologiques se sont améliorés et nous disposons de données plus précises nous permettant de mieux comprendre certains sujets comme celui du changement climatique par exemple. Dans les pays riches, des progrès politiques ont été réalisés en faveur des biens communs. Une action locale peut maintenant engendrer des effets bénéfiques localement, notamment sur la pollution de l’eau, le bruit en zone urbaine et la lutte contre l’érosion de la terre. Des progrès modestes ont été réalisés également au niveau global. 

Dans d’autres domaines importants, nous avons cependant régressé. Aujourd’hui, il n’y a plus une seule ressource naturelle qui ne soit gérée de manière soutenable au niveau d’un continent. Quand nous avons publié notre premier rapport en 1972, la société utilisait environ 85 % de l’énergie et de ressources qui pouvaient être produites de manière soutenable sur Terre. Désormais, notre taux d’utilisation est de 150 %.

Interview réalisée par Agir pour l’Environnement et diffusée le 15 mai 2012

http://www.agirpourlenvironnement.org/blog/trois-questions-dennis-meadows-auteur-du-livre-les-limites-la-croissance-d-3441

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Pic du poisson, lié au pic du pétrole

Par analogie au peak oil, le peak fish ou pic de production des pêcheries, est dépassé. En 1995, la capture de poissons a atteint son tonnage maximum avec 95 millions de tonnes. Depuis, la pêche mondiale plafonne autour de 90 millions de tonnes*. Les ressources halieutiques sont  renouvelables, mais la surpêche a détérioré les chaînes trophiques grâce au pétrole à bas prix. Pour Reg Watson, l’humanité est au maximum de l’exploitation des ressources mondiales de pêche : « Nous pourrions avoir atteint un pic pour les poissons au même moment où nous pourrions connaître la même situation avec les réserves de pétrole … Il semble que nous consacrons de plus en plus d’énergie et de ressources pour saisir le même tonnage de poissons voire moins. »** Il est vrai que pétrole et pêche ont partie liée. On consomme en moyenne 1 litre de gazole pour pêcher un kilo de poisson. En 2006, il a fallu utiliser 1,7 milliard de watts d’énergie (environ 22,6 millions de chevaux) pour l’ensemble de l’industrie de la pêche mondiale.

Cette évolution néfaste est renforcée par la bêtise des Etats : les énormes aides publiques consenties dans l’Union européenne (4,3 milliards d’euros entre 2007 et 2013, notamment des exemptions de taxes sur le carburant) favorisent la surexploitation des ressources halieutiques : « Les subventions ont alimenté la surpêche en réduisant artificiellement les coûts d’exploitation, tout en augmentant la capacité des captures des flottes » ***. Les bateaux européens travaillent au large des côtes ouest-africaines, moyennant une redevance payée à 90 % par l’Union européenne ! Des opérateurs impliqués dans des activités de pêche illégale continuent de toucher des aides publiques malgré leurs condamnations !! On subventionne le désastre environnemental à la fois avec les aides à la pêche et les subventions aux énergies fossiles.

Le poisson compte aujourd’hui pour 12 % des calories consommées per capita dans le monde comparé à environ 20 % pour la viande. Le désastre alimentaire se profile avec la baisse des prises liées à l’inéluctable descente énergétique : le peak oil du pétrole conventionnel a eu lieu en 2006. La solution ? Des chalutiers plus petits, sortant moins souvent, laissant aux stocks de poissons le temps de se régénérer. Vivement le retour à la marine à voile… et au régime tendance végétarienne !

* Plus un poisson d’ici 30 ans ? (surpêche et désertification des océans) de Stephan Beaucher

** Source AFP : intervention de Reg Watson en février 2011 lors de la conférence annuelle l’Association américaine pour la promotion de la science (AAAS), chapitre « Des terres et des océans » (Land and Oceans)

*** LE MONDE, 13-14 mai 2012 Les aides publiques européennes encouragent la surpêche

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Peak all, pénurie de tout, énergie et minerais

Un excellent dossier de Science & Vie, « Alerte à la pénurie »* dont voici un résumé :

« Depuis deux siècles, cornucopiens et malthusiens s’affrontent. D’un côté les éternels optimistes de la corne d’abondance qui pensent que sous l’effet de l’économie de marché, de la technologie et du génie humain le spectre du manque sera toujours repoussé. Mais cuivre, phosphore, uranium, or…, des éléments toujours plus nombreux connaissent des signes annonciateurs de pénurie. Nous entrons dans une nouvelle ère, celle des malthusiens. Le pétrole, qui a connu son pic de production en 2006, n’est que la première d’une longue liste de matières premières appelées à nous manquer. L’humanité ne pourra plus pomper longtemps la croûte terrestre au rythme exponentiel de sa consommation sans se heurter aux limites de la géologie.

Premier signe annonciateur, la maigre liste des gisements nouvellement découverts. Ensuite, l’épuisement des grands gisements. Troisième indice, la flambée des prix ; l’explosion de la demande concentre les inquiétudes. Enfin, le dernier symptôme malthusien se cache dans l’énergie qu’il faut désormais déployer pour récupérer une même quantité de matière. L’industrie minière dévore déjà entre 4 et 10 % de la production d’énergie primaire mondiale. La fin du pétrole bon marché mettra hors d’atteinte nombre de minerais. Voici le nombre d’années de réserves compte tenu des stocks connus et du rythme de production : Antimoine (11 ans) ; Indium (17 ans) ; Zinc (20 ans) ; Or (20 ans) ; Hélium (23 ans) ; Cuivre (38 ans) ; Uranium (46 ans) ; Rhénium (50 ans) ; Rhodium (100 ans) ; Phosphore (340 ans).

On ne peut pas fabriquer du cuivre. Et la croyance en une substitution perpétuelle est naïve, la Terre a été explorée de long en large. De plus la dissémination des métaux dans différents produits marchands rend difficile leur récupération. Le choc promet d’être rude : il en va ni plus ni moins du maintien de notre mode de vie. Bienvenue dans l’ère de la rareté, du manque et des carences… »

* Science & Vie n° 1136, mai 2012, Cuivre, or, uranium, phosphore… Alerte à la pénurie

article complémentaire, demain le peak all :

« Les énergies renouvelables, en particulier l’éolien et le solaire, sont très dépendantes de métaux rares dont l’accès pourrait devenir de plus en plus incertain, a fortiori si ces formes d’énergie doivent être massivement développées. Exemple : le dysprosium et le néodyme, deux terres rares produites presque exclusivement par la Chine, laquelle a d’ores et déjà fait savoir que ses gisements actuels étaient en déclin. Une voiture hybride contient un kilogramme de néodyme, une éolienne presque une tonne ! »

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