Contre le « droit individuel à la mobilité »

En 2018, on pouvait parcourir 90 kilomètres avec un véhicule à essence en dépensant l’équivalent d’une heure de travail payée au Smic, soit une distance trois fois plus longue qu’en 1970. Mais, aujourd’hui, avec la hausse du prix des carburants, la distance est passée sous les 80 kilomètres. En 2020, une voiture particulière essence a parcouru en moyenne 9 882 kilomètres, tandis que pour une voiture particulière diesel cette distance était de 11 628 kilomètres. En 2004, c’était respectivement 10 143 km et 17 531 km.

Le moment est venu de nous poser franchement la question : que devient le droit à la mobilité avec un changement climatique qui nous impose la sobriété énergétique ?

Sophie Fay : Jusqu’à présent, les politiques publiques avaient pour but d’encourager, de faciliter les mobilités. Elles doivent maintenant amener progressivement les citoyens à les envisager comme un bien commun, qu’il faut économiser, préserver, plutôt que comme un droit sans limites. La nuance est de taille. Un droit est individuel ; un bien commun donne la priorité à l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Son usage est régulé et tarifé, comme on le fait pour l’eau. Les outils existent. Ils peuvent être réglementaires : ZFE (zones à faible émission qui régulent l’entrée des véhicules dans les métropoles), normes d’émission, limites de vitesse… Ou financiers : taxes sur les carburants, péages, stationnement payant… Une famille qui s’est installée loin de la ville où elle travaille doit être consciente que ses trajets quotidiens ont un impact climatique et vont coûter plus cher. Longtemps, l’Europe s’est construite sur la liberté de mouvement des biens et des personnes avec cette idée que la concurrence – le low cost dans l’aérien notamment – devait faciliter les déplacements. Même pour les Européens, attachés depuis toujours à l’effacement des frontières, la mobilité devient un bien commun, dont il ne faut pas abuser. Le Conseil d’orientation des infrastructures s’apprête à remettre un rapport à la première ministre.

Le point de vue des écologistes

Démobilité, je crie ton nom. La croissance contemporaine des mobilités nous était présenté comme l’incarnation de libertés nouvelles, c’est en fait une puissante menace environnementale. En 1968, 2 % seulement de l’humanité franchissait une frontière, 60 millions de personnes. Aujourd’hui 20 %, soit un milliard et demi. Face à ce bougisme pendulaire (on part d’un endroit pour revenir au même endroit), voici le temps venu de l’immobilité. Le problème de la nécessaire rupture écologique, c’est qu’elle demande une complète déconstruction de nos structures matérielles et mentales actuelles. Il nous faut aller moins vite, moins loin et moins souvent. Dur, dur, cela ne va pas être facile de changer d’imaginaire.

On entend déjà les mécontents, « encore une fois des interdictions et des obligations… cette perspective relève du cauchemar… donc les gens qui n’ont pas envie de vivre en ville vont devoir y revenir… Il y a beaucoup de montagne en Ardèche… un monde orwellien… je voterai uniquement désormais en fonction des positions des candidats face aux libertés individuelles…. voilà qui promet des milliers de voix supplémentaires à Mme Le Pen… »

Malheureusement ces personnes opposées à la démobilité ont tout faux pour ce qui concerne le long terme maintenant que nous amorçons la grande descente énergétique qui va sans doute nous pousser sur un toboggan. Nous tremblons par avance de tous ces automobilistes en colère, rejoints par les pêcheurs, les chauffeurs routiers et autres roulants, qui agresseront leurs députés et tout ce qui ne va pas dans leur sens, toujours plus de mobilité. Mais le prix du baril va augmenter, inexorablement, sans qu’aucun populistes ou Gilets jaunes ne puissent décider du contraire : il n’y a rien d’autres à faire que la sobriété partagée quand on a outrepassé les limites bio-physiques…

pour en savoir plus, sur notre blog biosphere

6 juin 2022, La Démobilité face à la SUR-mobilité

25 janvier 2021, Transports : 2020, année de la « démobilité »

15 mars 2021, Entrons en résistance, « Dé »construisons

15 novembre 2020, Voici venu le temps de l’immobilité…

30 juillet 2018, Le futur de la mobilité, sans voitures c’est mieux !

4 avril 2015, La mobilité géographique, un mythe contemporain

30 mai 2011, le culte de la mobilité, irrationnel

17 septembre 2009, écolomobilité, non électrique

9 réflexions sur “Contre le « droit individuel à la mobilité »”

  1. Si les français se déplacent beaucoup moins depuis 2004; ce n’est pas parce qu’ils sont devenus plus écolos et raisonnables mais c’est parce que les importations globales de pétrole ont chuté depuis 2001 ! En 2001 nos importations de pétrole ont chuté pour la première fois, et vous avez eu Le Pen en 2002. Bref, à l’heure d’aujourd’hui nos importations de pétrole ont chuté de 35% minimum depuis 2001, soit 1/3 en moins de pétrole en seulement 22 ans ! En gros nos importations de pétrole chute de 1,5% par an ! Et la vitesse de la chute va s’accélérer depuis qu’on est entré en conflit avec la Russie, à partir du 1 er février 2023 on n’importera plus de carburant de Russie, alors la chute va passer de 1,5% à 3% par an minimum facilement !

    1. En outre, le pétrole de schiste américain aussi va se tarir rapidement, on a contenu notre chute d’approvisionnement grâce au schiste américain, mais ça ne sera que de courte durée ! Durée de vie moyenne d’un puits de pétrole conventionnelle 50 ans et pétrole de schiste seulement 18 moins ! Quant aux pays d’Afrique et du Moyen Orient qui continuent de nous approvisionner, il faut savoir qu’ils ont tous franchi leur pic pétrolier, autrement dit ils nous en fourniront de moins en moins de pétrole, voir ne nous approvisionnera plus du tout, puisqu’ils garderont leurs dernières réserves pour eux-mêmes !
      Alors vous pouvez voter autant de lois que vous voulez pour le droit à la mobilité, et l’égalité de tous devant la mobilité, mais ça ne restera que des incantations stériles ! Avions, navires et voitures iront en déplétion ! Ceux qui habitent les îles seront de plus en plus isolés !

    2. Si la France importe moins de pétrole, ce n’est pas parce que les bagnoles roulent moins ou consomment moins. Le pétrole ne sert pas non plus qu’à faire rouler les bagnoles.
      Et si en 2020 les voitures ont roulé moins qu’en 2004, ce n’est certainement pas parce qu’en 2020 les pompes ne parvenaient pas à fournir (l’Offre et la Demande). Sauf bien sûr pendant quelques épisodes liés aux grèves ou autre, ce qui reste anecdotique.
      C’est le Covid qui explique en partie cette baisse. Moins de déplacements, moins de ventes de bagnoles, moins de mariages etc. Si aujourd’hui les voitures roulent moins, c’est déjà parce que le carburant commence à coûter cher. Et peut-être aussi parce que les gens commencent à comprendre que c’est pas bon pour la planète.
      D’autre part il faut regarder l’évolution du parc, depuis 2004 justement.
      (statistica.com : Nouvelles immatriculations de voitures particulières en France de 2004 à 2021 )

      1. Non non, il faudrait que je retrouve les chiffres officiels, que j’avais présenté aux gilets jaunes sur leurs forum Facebook, mais oui les importations en volume baissent en France depuis 2001, soit bien avant la crise du Covid ! J’avais présenté les chiffres année par année depuis la fin des années 90 jusqu’en 2018 lors de la crise des gilets jaunes, et à ce moment là, les volumes importés avaient déjà baissé autour de 25% par rapport à 2001 ! J’avais même montré les chiffres d’autres pays européens, comme l’Espagne Italie et Portugal, ainsi que quelques autres, et les volumes de ces 3 pays ont baissé quelques années avant la France, ce qui explique que ces pays d’appauvrissement et voient leurs dettes explosées ! Si tu ne me crois pas, recherche par toi-même et tu verras que je n’exagère rien et que je suis bien factuel !

      2. D’ailleurs ces chiffres je les avais aussi publié avec sources à l’appui sur un sujet sur ce blog biosphère il y a de cela quelques années au moment du mouvement des gilets jaunes. Le seul bémol étant qu’il y a eu un petit rebond d’importation avec le pétrole de schiste c’est tout, mais ça ne permet pas pour autant de ré obtenir les volumes d’avant 2001. Et le schiste va vite être perdu en compensation puisque la durée de vie moyenne d’un de ces puits est de 18 mois ! Mais fais des recherches tu verras que je suis dans le vrai ! Ça serait intéressant que Biosphère publie les chiffres des volumes importés des pays évoqués depuis les années 90. On percevrait clairement que nos pays d’Europe sont déjà en crise d’approvisionnement depuis ces années là ! D’ailleurs Jancovici aussi explique dans certaines de ces conférences que les approvisionnements ont déjà diminué pour des pays d’Europe, il confirme mes propos !

  2. Si on ne voit le «citoyen» que comme un consommateur atteint de bougisme, tout autant que d’oniomanie (consumérisme compulsif) … il faut alors le voir comme une victime du Système. Et c’est comme ça que je le vois. Même s’il participe (déjà en votant) à ce qu’il en soit ainsi, en tous cas ce n’est pas lui qui a voulu cette société du Tout Bagnole. Ni lui qui demande ou exige des bagnoles toujours plus grosses, plus sophistiquées et donc plus chères. Ce n’est pas lui qui a inventé cette «mode» de la mobilité, notamment professionnelle. Ce n’est pas lui qui a centralisé les emplois dans les grandes villes, ni démantelé les transports en commun en milieu rural etc. Cette famille qui s’est installée loin de la ville où elle travaille (sic) sait évidemment ce qui lui en coûte en transports, impôts locaux etc. Seulement elle ne sait pas où elle travaillera et vivra demain. C’est pareil pour ce citadin qui se déplace en transports en commun ou à vélo.

    1. En 2020 l’automobiliste français a donc moins roulé qu’en 2004, ce qui va évidemment dans le bon sens. Maintenant il serait intéressant de voir sur quoi porte cette économie de km, et donc de tonnes de carburants et de CO2.
      On sait bien qu’il y a des mobilités indispensables, voire contraintes, et d’autres qui ne sont évidemment que superflues. Force est de constater que ce sont toujours les mêmes, les plus précaires en premier, qui doivent renoncer à ce superflu, voire «superflu». Et ça… ça commence à bien faire.

      1. On ne peut pas… d’un côté continuer à construire et vanter (Pub) des bagnoles surdimensionnées, fussent-elles «propres», «vertes» (hybrides ou électriques) et de l’autre demander au «citoyen» bagnolard d’être sobre.
        On ne peut pas le taxer, le ponctionner, le traire toujours plus, alors qu’à côté on fait des cadeaux scandaleux à ceux qui n’en ont pas besoin. Et c’est pour tout pareil, pas seulement pour la Bagnole et/ou la Mobilité.
        Ben non on ne peut pas. Seulement ils le font !
        Qui «ils» ? Les Macron et Compagnie, pardi !
        Macron soutenu aujourd’hui, comme par hasard… par Elon Musk.
        Et nous… les zécologistes… on passe notre temps à ranger d’un côté les bons «citoyens» et de l’autre les mauvais. On culpabilise les Gilets Jaunes, les opposants à la réforme des retraites, les pêcheurs, les chauffeurs routiers etc. Bref, on joue le jeu des Macron-Musk et Compagnie.

  3. Arrêtons de culpabiliser les citoyens. Le déplacement est un besoin essentiel de l’être humain, vous la détresse en période Covid. L’Ardèche, il n’y a plus une seule ligne de train ! N’oublions pas,aussi, les habitants des Outremers. Pour eux l’avion est souvent une nécessité… Parlons aménagement du territoire (relocaliser les emplois partout sur le territoire) et lutte contre la spéculation immobilière (pour que tout le monde puisse se loger à côté de son travail).

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