Croissance incontrôlée, cancer de la société

En 1972, répondant à une commande du Club de Rome, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiaient The Limits to Growth, un rapport montrant que la croissance économique ne pouvait se poursuivre indéfiniment dans un monde aux ressources finies. Il prévoyait que la population ainsi que la production industrielle et alimentaire finiraient par ralentir puis reculer, contraintes par les limites de la planète.

À lire, résumé du texte de 1972

Voici ce que pense en 2022 Dennis Meadows, coauteur de ce rapport :

Dennis Meadows : « En 1972, nous avions encore une chance de garder la démographie et la consommation à des niveaux soutenables. Mais pendant cinquante ans, nous n’avons pas agi. Imaginez une voiture qui roule vers un mur. Elle peut s’arrêter de deux façons, soit en freinant, soit en heurtant le mur. Nous sommes au-delà de la capacité de la Terre à nous soutenir, le déclin de notre civilisation à forte intensité énergétique et matérielle est inévitable. Lors de la réédition de notre ouvrage, en 2004, il était encore possible de ralentir par une action humaine. Maintenant, je pense que c’est trop tard. La question n’est plus de savoir SI la croissance va s’arrêter, mais COMMENT. Le niveau de vie moyen va baisser, la mortalité va augmenter. Cela signifie-t-il l’effondrement ? Si vous allez aujourd’hui en Haïti, au Soudan du Sud, au Yémen ou en Afghanistan, vous pourriez conclure qu’il a en fait déjà commencé. Il y a eu tellement de civilisations, les Phéniciens, les Romains et, plus récemment, les Américains. Elles se développent et puis c’est leur fin. Le développement durable n’est plus possible. Le terme de croissance verte est utilisé par les industriels pour continuer leurs activités à l’identique, c’est un oxymore. Si les objectifs d’une société sont d’exploiter la nature, d’enrichir les élites et de faire fi du long terme, alors elle développera des technologies dans ce sens. La limitation du changement climatique est utile, mais revient à donner une aspirine à quelqu’un atteint d’un cancer. Cela l’aidera seulement à se sentir mieux temporairement. Il faut mettre fin à la croissance incontrôlée, le cancer de la société. Il n’y a pas de solution sans une réduction drastique de nos besoins en énergie.

Quand tout le monde comprendra que la croissance ne peut pas continuer, les changements nécessaires seront impossibles car ceux qui s’attendent à obtenir moins y feront obstacle. Or si les gens doivent choisir entre l’ordre et la liberté, ils abandonnent la seconde pour le premier. Je pense que nous allons assister à une dérive vers des formes de gouvernement autoritaires ou dictatoriales. Tous les systèmes politiques – démocraties, dictatures, anarchies – échouent à résoudre les problèmes de long terme, comme le changement climatique, la hausse de la pollution ou des inégalités. Ils ne le peuvent pas, à moins qu’il y ait un changement dans les perceptions et valeurs personnelles, se soucier vraiment les uns des autres, des impacts sur le long terme et dans des endroits éloignés. »

Lire, Les limites de la croissance (1972-2012), quarante ans de perdus

Quelques réactions d’Internautes :

M. Maurice : Meadows a réalisé en 1990 et en 2002 la mise à jour du rapport en intégrant les nouvelles connaissances. Le rapport est basé sur une modélisation systémique et non sur une approche discursive. La prospective (il s’agit bien de prospective et non de prédiction) s’aggrave à chaque mise à jour. Les problématiques vont bien au-delà du changement climatique, elles concernent également la disponibilité de l’énergie et des matières premières qui passent les pics de production une après l’autre. Toute personne au contact des viticulteurs, arboriculteurs, pêcheur, toute personne comme moi au contact des réassureurs peut vous assurer qu’il ne s’agit en aucun cas d’une légende.

Yallayalla : Merci Monsieur Meadows. Voilà quelqu’un qui pense clairement. Et qui sait de quoi il parle (une rareté). Un bémol: La décrue qui s’annonce ne pourra être que violente. L’Ukraine, en comparaison, ce sera une petite virgule dans l’Encyclopédie. La Grande Guerre, 10 millions de morts. La seconde, 55 millions de morts. La troisième, larvée, établira un record qui défiera l’entendement. L’ère des murs a débuté et va prendre une ampleur extraordinaire. Qu’il s’agisse de la ceinture médiane de l’Afrique, de pays quasi condamnés comme le Bengladesh ou ….

Danmer : Les idéologues de la décroissance se sont toujours trompés . Si par malheur nous européens ou français serions touchés par ces idées , d autres zones du monde prendront notre place et se développeront.

Michel SOURROUILLE : Danmer, plus les pays se développent selon le modèle occidental, à la fois productiviste et thermo-industriel, plus ils accélèrent l’arrivée d’une crise profonde, ce qu’on peut appeler aussi décroissance économique du PIB. Tous les chocs pétroliers nous en donnent déjà un bon avant-goût ! Et le rapport de 1972 sur les limites de la croissance n’a jamais été démenti. Dire le contraire, c’est-à-dire aller contre des réalités biophysiques, c’est de la pure idéologie, c’est une pensée hors sol, voulant occulter le choc climatique, l’extinction des espèces, le stress hydrique, l’épuisement halieutique, etc. Il est vrai aussi que si la Chine et autres pays émergents continuent à vouloir imiter le modèle occidental, la planète deviendra invivable encore plus rapidement.

Alain Sager : Sur le fond, tout le monde sait parfaitement que la machine continuera à s’emballer jusqu’au dernier gramme de charbon, à la dernière goutte de pétrole, à la dernière émanation de gaz. Cela fait trois siècles environ que le système fonctionne de cette manière au-delà de toutes ses contradictions. Et puis, au fond, est-il souhaitable et nécessaire, que sur notre insignifiant globule, des êtres prétendument raisonnables continuent à s’agiter et à se propager ? Bien des sages n’en étaient pas certains jadis. Alors aujourd’hui !!

Nos textes antérieurs sur Meadows :

8 juin 2012, la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit

4 juin 1012, 2/4) croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande

30 mai 2012, Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows

6 réflexions sur “Croissance incontrôlée, cancer de la société”

  1. Selon moi, la surconsommation est un crime contre l’humanité ! En effet, beaucoup de gens veulent des gens mais ne se soucient pas de savoir s’il y aura assez de ressources naturelles pour assurer leurs besoins essentiels ! (logement, nourriture, santé). Actuellement on dilapide à grande vitesse toutes les ressources naturelles; et quand je dis toutes c’est sans exception, pas une seule ressource n’échappe à gloutonnerie ! (énergies fossiles, uranium, espaces, poissons, etc). On dit que la démocratie est le meilleur système politique, c’est faux ! C’est le commerce qui s’empare de tous les résultats des élections, les industries les banques, les assurances, les services en général et les commerçants qui veulent orienter les politiques pour vendre plus et l’ensemble des électeurs pour acheter plus à travers le sujet du pouvoir d’achat.

    1. Quant aux élus, ils se laissent séduire tant par les uns que par les autres pour se faire réélire et obtenir leurs planques et autres gamelles roses. Le problème majeur étant que les élus ne sont pas mandatés pour gérer les ressources naturelles à très long terme ! Histoire d’assurer des stocks pour les générations futures. Selon moi, les gisements de pétrole, de gaz, de poissons, etc ne devraient pas appartenir au domaine privé, et les pouvoirs publics devraient pouvoir dire, on ne sortira pas plus de ressources sous terre lors de cette décennie, on devra faire avec telle quantité pour la décennie à venir. Évidemment, il faudrait que les élus se mettent d’accord sur le plan international, histoire à ce que les marchands ne contournent pas les plafonds.

    2. Il faudrait aussi que les élus légifèrent sur la taille des véhicules par exemple, et mettent en œuvre le dé-voiturage et installer plus de transports en commun. Mais ils ne le font pas parce qu-eux mêmes veulent s’empiffrer de grosses bagnoles ! Alors s’ils ont de grosses bagnoles mais pas le reste de la population, alors cette dernière va se dire pourquoi eux ont le droit d’en avoir de grosses et pas nous, donc pour ne pas être embêté par ce dilemme, les élus autorisent à tous d’obtenir des véhicules au-delà des besoins réels. Bref, le libéralisme aura surtout été la liberté de faire n’importe quoi ! (à tous les niveaux). Conclusion, le bon sens aurait été d’installer des institutions qui aient la responsabilité de gérer les ressources naturelles sur plusieurs siècles afin qu’elles ne se tarissent pas et que la planète ait le temps d’épurer la pollution engendrée.

    3. Mais la démocratie et le libéralisme plaisent à tout le monde pour optimiser le pouvoir d’achat sans se soucier des conséquences sur l’environnement ainsi que sur les espèces. Avec la démocratie seul le commerce et pouvoir d’achat comptent ! Autrement dit la démocratie est le pire des régimes politiques que l’homme ait inventé, de même que la démocratie peut aussi être totalitaire, puisqu’on a atteint le totalitarisme marchand ! Les commerçants et les électeurs ont le pouvoir, ils ne déplacent pour voter que pour obtenir plus de pouvoir d’achat. Ils repèrent les candidats politiques qui pourront les goinfrer le plus ! Et seuls les candidats trop complaisants avec le système marchand parviennent à se faire élire…

  2. Didier BARTHES

    Puisque nous sommes jour d’élection, je vote Alain Sager:
    « Sur le fond, tout le monde sait parfaitement que la machine continuera à s’emballer jusqu’au dernier gramme de charbon, à la dernière goutte de pétrole, à la dernière émanation de gaz. Cela fait trois siècles environ que le système fonctionne de cette manière au-delà de toutes ses contradictions. Et puis, au fond, est-il souhaitable et nécessaire, que sur notre insignifiant globule, des êtres prétendument raisonnables continuent à s’agiter et à se propager ? Bien des sages n’en étaient pas certains jadis. Alors aujourd’hui !!« 

    1. – “ Et puis, au fond, est-il souhaitable et nécessaire, que sur notre insignifiant globule, des êtres prétendument raisonnables continuent à s’agiter et à se propager ? “ ( Alain Sager )
      Nécessaire, en effet je ne saurais dire. Mais souhaitable… quand même !
      Cette question illustre parfaitement le nihilisme actuel.

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