Détechniciser le surdéveloppement technique

Il nous faut construire, du latin dis-, indiquant la séparation ou même la négation. Il nous faut tous devenir adepte de la Déconstruction du système thermo-industriel , il nous faut pratiquer toute la palette des «  », consommation, mobilité, mondialisation, nucléariser, surbaniser, voiturer… pour lutter contre le règne des SUR (surabondance, surcommunication, surconsommation, surdéveloppement, suremballage, surendettement, suréquipement, surmédicalisation, surpâturage, surpêche, surproduction…). En d’autres termes, il nous faut réduire nos besoins et reconsidérer nos pratiques. Rajoutons aujourd’hui à notre liste le terme techniciser. faire perdre son caractère sur-technique à notre environnement matériel.

Le terme « Détechnicisation » n’est pas encore connu du journal LE MONDE. Cette expression a été proposé par D. Wolton : «  détechnicisation de la communication au profit de la relation », c’est-à-dire moins d’outils et plus de temps consacré au face à face. L’information est du domaine de la transmission des données, du sens unique A vers B ou B vers A. La communication doit donner confiance, transmettre un message construit, pensé, pesé ; on se situe dans l’ouverture à l’autre, la possibilité du dialogue et de l’explicitation. L’information est caractérisée par l’instantanéité, la communication par la longue durée. Les mails ne peuvent plus arriver à gérer des situations complexes. D’autant moins que l’avalanche des mails nous oblige à instaurer des filtres qui trop souvent reposent sur notre propre système de valeurs, sur notre propre vision du réel. Faire cohabiter l’ensemble de nos perceptions est devenu impossible avec l’usage des techniques numériques. La moindre pensée écologiste déposée sur la toile se retrouve dans un fouillis innommable de remises en cause diverses depuis les climato-sceptiques jusqu’aux ayatollahs du progrès technique adeptes du croissancisme. Détechnicisons nos pensées et nos actions.

Le terme détechniciser n’était pas employé au début des années 1970, on parlait plutôt de techniques douces contre les techniques dures. Dans une société vernaculaire, la technique est « enchâssée » dans les relations sociales, elle est socialement contrôlée et écologiquement appropriée. Quand les Portugais ont introduit le mousquet dans le Japon du XVIe siècle, son emploi fut désavoué et il fallut attendre longtemps avant qu’il soit autorisé à remplacer les armes traditionnelles. Son efficacité en tant qu’instrument de guerre n’était pas mise en doute. Mais il ne  correspondait pas à la tradition culturelle japonaise, pour laquelle l’utilisation d’un engin permettant à un gamin de tuer un samouraï chevronné était tout à fait inadmissible. Le mixer électrique extrait les jus de fruits en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Quelle merveille ! Mais il suffit de jeter un coup d’œil sur le fil électrique pour s’apercevoir qu’on est en face du terminal domestique d’un système mondialisé. L’électricité arrive par un réseau de lignes alimenté par des centrales nucléaires dont l’approvisionnement en uranium dépend principalement du Niger. L’ensemble de la chaîne ne garantit un approvisionnement adéquat et rapide que si chacun des maillons de cette chaîne de production est encadré par des bataillons d’ingénieurs reliés aux administrations quand ce n’est pas à l’armée. En mettant le mixer en marche, on n’utilise pas simplement un outil, on se branche sur tout un réseau de systèmes interdépendants. Le passage de techniques simples à l’équipement moderne avait impliqué la déstructuration des sociétés traditionnelles, la technicisation impliquera une construction des infrastructures actuelles et une Relocalisation des activités humaines. Le mieux que nos techniciens puissent faire aujourd’hui, c’est mettre au point des techniques moins destructrices, dont l’impact sur l’environnement soit minimes et le recours aux énergies fossiles marginal.

A ceux qui pourraient craindre que technicisation compromette notre capacité de résoudre les problèmes socio-économiques, rappelons que la technologie, malgré la multitude de ses usages, est incapable de résoudre les problèmes sociaux et écologiques auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. Aucune technologie ne peut recréer une forêt tropicale, aucun artifice ne peut reconstituer une communauté disloquée. A chacun de nos lecteurs de pratiquer les à son rythme… mieux vaut se préparer à l’effondrement civilisationnel en prenant de l’avance.

14 réflexions sur “Détechniciser le surdéveloppement technique”

  1. Réponse à BGA à 16:01 :
    – « ITER c’est une promesse de paix. […] c’est une promesse de confiance dans la Science […] c’est précisément un acte de confiance en l’avenir […] En latin, ITER veut dire le chemin [et blablabla] »

    Tout y est, il ne manque rien. Ou presque. Après avoir montré le «chemin », il aurait pu juste rajouter «en marche ». Bref, à moins qu’il ne fasse semblant… Macron croit au Dieu Progrès. Bon courage alors pour le convertir. Et même le converDir. Quant à le faire marcher vers les Dé, faut pas rêver. C’est au dessus de ses moyens.
    Ce discours de propagande mérite en effet d’être entendu et analysé. Il est un bon exemple pour le sujet d’hier, dans lequel nous avons vu que «Le progrès technique n’est qu’une économie de la promesse. »
    Macron est un marchand de promesses. Mot pour mot, sauf pour la marque de la camelote, ce discours pourrait servir à nous vendre le Cosmogol. Voire la Téléportation.

  2. Esprit critique

    L’exemple du mousquet me fait penser aux drones, utilisés après le 11 septembre 2001 par les Américains pour combattre Al-Qaïda. Ceux-là aussi considéraient que ces nouvelles armes ne correspondaient pas à leur tradition culturelle, ils ne voyaient là que la lâcheté de ceux qui les utilisaient. Chacun sait que ces drones sont pilotés à distance, parfois depuis les USA, par des sortes de gamins qui jouent avec un joystick.
    Et aujourd’hui Daesh utilise des drones. Ceux-là n’ont évidemment rien à voir avec la technologie et les coûts de ceux d’en face. Ce sont des petits drones du genre de ceux avec lesquels jouent les gamins, des engins pas chers, parfois ou souvent fabriqués artisanalement, et sur lesquels ils ont juste à fixer des explosifs. Et face à ça, ceux qui se croient puissants avec leurs gros machins, semblent bien démunis. Comme quoi c’est pas la taille qui compte. 🙂

    .

    1. – «Tu sais que, depuis l’invention de la poudre, il n’y a plus de places imprenables » (Montesquieu).
      Autrement dit, depuis qu’on a inventé la poudre, il n’y a plus d’hommes forts.

      1. Et oui les armes à feu ont même pu établir l’égalité homme-femme…. Une femme qui tire une balle sur une armoire à glace, le résultat est le même, ça fait un troisième œil puis l’homme tombe comme une mouche…

  3. J’ai trouvé une vidéo très intéressante sur yutube, il s’agit d’une publication de Greg De Temmerman travaille dans le domaine de la fusion nucléaire depuis plus de 15 ans (Depuis 2014 il est coordinateur scientifique sur le projet international ITER)

    Et ses propos sont plutôt rares et même à contrecourant de l’engouement des médias et des politiciens à propos d’ITER pour qui on pourrait obtenir de la croissance illimitée avec la fusion (voir vidéo de Benoît Odile « La croissance infinie : ça ne va pas plaire aux collapsologues). En effet, en conclusion de ce que Greg Temmerman pense d’ITER étant que ça ne sera pas suffisant pour remplacer les énergies fossiles et qu’il faudra tout de même de la décroissance matérielle car on aura jamais assez de métaux.

    1. D’autant que, il ajoute que ça ne sera même pas certain qu’on réussira par produire de l’électricité par la fusion nucléaire, qu’au stade d’aujourd’hui on ne sait pas si ça sera réalisable, et qu’il faille poursuivre les recherches dans ce sens, mais que si les résultats sont négatifs alors il faudra probablement prendre la décision d’arrêter. Mais que dans tous les cas, même si on parvient à produire de l’électricité ça ne sera pas suffisant pour maintenir notre de vie actuel.

      D’ailleurs à un moment de la vidéo il dit aussi que l’opinion publique des médias et des politiciens sont exagérés de ce que l’on pourrait faire avec Iter. Et selon moi, il faudrait faire écouter l’avis de Greg Temmerman auprès des zinzins de la croissance infini et d’Iter, histoire de leurs remettre les pieds sur Terre… Et qu’il y aura bien décroissance matérielle AVEC ou sans ITER…

    2. Ah oui, pour la vidéo yutube de Greg Timmerman sur la fusion nucléaire le titre c’est = Adrastia ITER Fusion Nucléaire: Utopie ou Futur Possible ?

      1. ITER et la Fusion c’est pas trop le sujet du jour.
        Je sais que tout est lié, mais faut peut-être pas trop Déconner !

    1. Oui, on peut aussi rajouter Dénatalité. On peut en rajouter tout plein tout plein.
      L’idée ici est de Détechniciser le surdéveloppement technique. Et pour moi ça ne peut passer que par la Décolonisation des imaginaires. Ceci vaut pour tous, les Déboulonneurs, les Déménageurs, les Démagos etc. Et même pour certains Décroissants et autres Dénatalistes. 😉

    2. « Bravo, mais il manque en bonne place dans les listes : dénatalité et surpopulation. »

      Exact ! Les écologistes ne le disent pas assez souvent et pas assez fort ! Voir même les escrolos qui sont des écolos à faux nez encouragent la croissance de population et font généralement du green-washing

  4. Faut pas trop en vouloir au journal LE MONDE, je ne connaissais pas moi non plus le verbe «détechniciser». Comme quoi on en apprend tous les jours, merci Biosphère. 😉

    – Biosphère : « Il nous faut Déconstruire, du latin dis-, indiquant la séparation ou même la négation. Il nous faut tous devenir adepte de la Déconstruction du système thermo-industriel, il nous faut pratiquer toute la palette des « Dé » […] »
    – Esprit critique (Mézigue) hier 26 février 2021 à 14:11 : « D’où l’intérêt de décoloniser les imaginaires (comme dit Latouche), de déconstruire (comme Derrida), même à coups de marteau (comme Nietzsche) […]»

    1. Jusque là nous sommes donc d’accord. D’où l’intérêt et l’urgence. Et donc il nous faut, il faut.
      Autrement dit YACA. Déconstruire, Déboulonner, Démonter, Démolir, Décoloniser, Détechniciser etc. ce ne sont pas les Dé qui manquent. En avant toutes pour la Déconstruction !
      En marche pour la Détechnicisation ! Justement ce ne sont pas non plus les marcheurs qui manquent. Je verrais bien Manu devant. Derrière je mettrais Serge, le Décolonisateur d’imaginaires, ensuite José, le Déboulonneur de Mc Do, et puis Greta et Caetera. Au diable nos divergences, tous ensemble tous ensemble ouai ouai ! Nous laisserons seulement de côté toutes celles et ceux qui font seulement SEMBLANT de combattre le Système pour mieux le renforcer et le Défendre. Allons z’enfants de la Patri-i-yeue marchons marchons qu’un sang impur abreuve nos sillons.

    2. Blague à part. Je disais en suivant qu’on ne Déboulonne pas comme ça les idoles. Que le Système n’a aucun intérêt à nous donner les outils pour le Démolir. Bref, que le Système est bien ficelé.
      Pour dire à quel point il est bien ficelé, il nous permet même de Déblatérer et de le Dénigrer. Et d’en remplir des pages et des avenues. C’est ce que nous faisons ici, nous faisant croire ainsi que nous agissons. C’est ce que font tous ces marcheurs et marcheuses bien discipliné(e)s, ainsi que tous ces penseurs et autres philosophes parfois revendiqués de la Déconstruction. N’oublions pas que nous faisons partie du Système, que nous sommes aussi le Système.
      En attendant, on peut taper sur le Système, Déconstruire ses valeurs, ses dogmes etc. Mais comme pour tout dans une certaine mesure seulement. Et justement, nous voyons où sont ces limites.
      Posons-nous la question : Voulons-nous réellement Déranger l’Ordre Établi ?

Les commentaires sont fermés.