Entre imaginaires contradictoires, que choisir ?

Alors que la transformation écologique en Europe nourrit le doute et la montée des contestations, il n’a jamais été aussi utile d’avoir les idées claires sur le chemin à emprunter pour surmonter les défis climatique, énergétique, etc. Que choisir entre des imaginaires contradictoires ?

Thèse : Mythes et légendes écologistes

Benoît Rittaud : « Ce qui change à travers les âges, c’est l’objet qui excite l’imagination : un jour un dieu, le lendemain un empereur, le surlendemain une idéologie… Aujourd’hui c’est la planète dont il conviendrait de restaurer le règne injustement interrompu. Tout indique pourtant que la fin du monde n’est pas pour demain. Force est de constater les prodiges accomplis par les penseurs du progrès comme Condorcet et les inventeurs de la filière nucléaire. Nous n’avons plus jamais froid, nous n’avons plus jamais faim, nous nous éclairons à volonté, nous communiquons avec nos proches à tout moment, on craignait l’arracheur de dents, personne n’a peur de son dentiste.… Quel homme de l’époque médiévale n’écarquillerait pas les yeux devant les prodiges d’un tel quotidien ? Si l’esprit de Malthus venait aujourd’hui à l’emporter sur celui de Condorcet, d’immenses souffrances en résulteraient pour le plus grand nombre, sans le moindre profit pour l’espèce humaine ou pour le monde naturel… »

(éditions L’Artilleur, 2023)

Antithèse : La Révolution obligée. Réussir la transformation écologique sans dépendre de la Chine et des Etats-Unis 

David Djaïz et Xavier Desjardins : « L’alternative n’est pas entre le mouvement et l’immobilisme, elle est entre une révolution écologique obligée mais maîtrisée, gouvernée démocratiquement de bout en bout, ou bien, au contraire, des bouleversements planétaires incontrôlables, désordonnés, aux effets potentiellement bien plus dévastateurs, y compris sur le bien-être individuel. Avec la « civilisation écologique » à la chinoise ou la « réindustrialisation verte » aux Etats-Unis, la question climatique est bien incorporée à l’imaginaire national, au contrat social, à l’économie politique et aux relations internationales. Si cette démarche n’offre aucune garantie de succès, elle a le mérite de proposer un récit à leurs populations respectives, condition indispensable à l’acceptation des efforts à fournir. Ce nouveau contrat social reposerait sur trois piliers : un nouvel imaginaire de la solidarité étendu à la nature ; un nouveau pacte de production et de consommation conjuguant choc industriel et accompagnement des plus modestes ; un nouveau mode de gouvernance doté d’une boussole écologique…. »

(éditions Allary, 2024)

synthèse biosphèrique : Vers un imaginaire partagé décroissanciste

Un mythe constitue un récit fondateur, situé hors du temps, qui raconte la création du monde, justifie les relations entre les sexes, règle les rapports humains avec la nature… On chercherait en vain, dans le grand réservoir des mythes, un récit qui justifierait la croissance infinie. Pourtant le mythe moderne de la croissance baigne aujourd’hui notre imaginaire, il constitue le fondement de cette nouvelle religion en tant qu’ensemble de croyances communes qui scellent l’unité du groupe. Le grand récit religieux moderne passe désormais par les objets plutôt que par les mots. La preuve de la croissance et du progrès, ce sont les navettes spatiales, les robots intelligents, les voitures sans chauffeur, les smartphones, etc. Cet imaginaire doit changer puisqu’il y a rupture écologique.

Un changement culturel d’ampleur ne peut arriver en un jour, il se forge par étapes successives contre le règne des SUR : surcroissance, surconsommation, suremballage, surabondance, suractivité, surpâturage, surpêche, sur-communications, surendettement, surmondialisation, sur-mobilités, sur-tourisme, suréquipement, surmédicalisation, surpuissance technologique, etc. Le résultat final se conjugue en DÉ : décroissance, démondialisation, désurbanisation, dévoiturage, dépopulation, dé-technicisation, démilitarisation, décentralisation, etc.

Bien sûr un tel récit collectif est inaudible actuellement… pourtant quand nous n’aurons plus de pétrole mais le réchauffement climatique en prime, nécessité fera loi. Il y aura planification du rationnement si tout se passe bien, c’est-à-dire de façon maîtrisée, sans nous concocter une grosse guerre par exemple….

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Notre imaginaire sur nos besoins se modifie (2023)

extraits : Dans un monde où six des neuf limites planétaires ont déjà été dépassées, nous devons reconsidérer nos priorités. Comment ignorer aussi que l’approvisionnement de l’Europe en pétrole risque de devenir problématique tant certains pays producteurs s’approchent de leur pic de production, voire l’ont dépassé ? Il est urgent de se questionner sur les besoins que nous définirons comme essentiels. Quelle place souhaitons-nous accorder à la 5G, à la 6G, à l’ordinateur quantique ? Doivent-elles être considérées comme nos priorités ?….

L’imaginaire technologique de nos présidents (2021)

extraits : Nos présidents se font un point d’honneur de glorifier la technique dite « de pointe ». De Gaulle inaugure le sous-marin Le Redoutable (1967), Pompidou vole en Concorde de Paris à Toulouse (1971), Giscard visite la centrale nucléaire de Gravelines (1980), Mitterrand inaugure le TGV (1981), Emmanuel Macron adoore « le TGV, Ariane, le Concorde et le nucléaire. »….

L’utopie écologique, un imaginaire à vivre (2019)

extraits : L’utopie « techno-libérale » décrit une société hyper-individualiste organisée pour une croissance forte tirée par la science et la technologie, avec le transhumanisme comme point d’horizon. L’Utopie « écologique » dépeint une organisation de l’économie et de la société tendue vers la sobriété, le « moins mais mieux ». L’Utopie « sécuritaire » renvoie à une société nostalgique d’un passé révolu, attachée à la morale et à la tradition, soucieuse de préserver son identité face aux influences étrangères. Notre enquête d’opinion a mesuré le degré d’adhésion des Français à ces trois modèles de société idéale….

Perdre l’imaginaire de la nature nécessite de le retrouver (2014)

extraits : Dans notre imaginaire, le monde naturel bat en retraite. Il s’amenuise et s’appauvrit. Dans l’univers merveilleux de Disney, les décors naturels sont moins présents : ils occupaient en moyenne 80 % du temps dans les films produits dans les années 1940, contre environ 50 % dans les années 2010. De plus, lorsque des environnements naturels sont représentés, il s’agit de plus en plus de paysages anthropisés (zones agricoles, jardins, etc.). Surtout, le nombre d’espèces animales apparaissant dans chaque film baisse continuellement avec les années. Les enfants jouent moins dans la nature et, lorsqu’ils deviennent scénaristes, tendent à moins la représenter dans les histoires qu’ils écrivent… contribuant à leur tour à forger chez les enfants un imaginaire toujours plus éloigné des beautés du vivant….

contre les frontistes, l’imaginaire collectif écolo ! (2013)

extraits : Tout mouvement existe avant toute action comme discours, mais les différences conceptuelles entre partis traditionnels s’effritent. La gauche se dit « sociale », mais la droite libérale se veut « populaire ». Pour le reste, la vulgate reste identique, marché, concurrence, compétitivité internationale, progrès technologique, croissance économique sans freins. Face à ce duopole, le Front national véhicule depuis sa création en 1972 une conception du monde qui se veut particulière : décadence, nostalgie d’un âge d’or révolu, théorie du complot et appel au chef messianique….

10 réflexions sur “Entre imaginaires contradictoires, que choisir ?”

  1. Qui est Michel C.?

    Modération du blog à Mack
    Bonjour
    Nous ne savons pas qui est Michel C. et même si nous le savions, nous respecterions son anonymat.
    Tout ce qu’on sait, c’est un retraité, et c’est un fidèle de ce blog, souvent répétitif mais parfois judicieux…

  2. La thèse de Benoît Rittaud s’appuie sur une évidence :
    – « Ce qui change à travers les âges, c’est l’objet qui excite l’imagination : un jour un dieu, le lendemain un empereur, le surlendemain une idéologie… »
    Aujourd’hui Dieu est mort, en tous cas «chez nous» il n’est plus à la mode. Ce qui est à la mode c’est l’écologie. Entre autres. Une idéologie donc. Une mode, voire un luxe et en même temps. En tous cas une mode récupérée et entretenue par le Système.
    – Pourquoi l’écologie est-elle à la mode ? (oceanium.org)
    – « L’écologie est un luxe réservé aux riches » Épisode 2 (ritimo.org)
    Pour moi l’intérêt de cette thèse s’arrête là. Finalement elle ne repose que sur cette foi dans le Progrès (Dieu) et cet amour des prodiges (sic) qui, probablement, nourrissent l’optimisme naturel de Benoît Rittaud. Qui n’est finalement qu’un cureton comme un autre, à chacun son Dieu, et/ou chacun sa came. ( à suivre )

    1. Pour moi l’autre thèse (David Djaïz et Xavier Desjardins) est du même acabit. Elle ne vaut donc pas mieux que la précédente. Cette «révolution écologique obligée mais maîtrisée, gouvernée démocratiquement [etc. etc.]» qu’ils appellent de leurs vœux… n’est rien d’autre que «l’objet qui excite l’ (leur) imagination» (B. Rittaud). Autrement dit là encore un objet de culte. Les révolutionnaires sont eux aussi des sortes de curés. S’ils n’ont pas la foi, s’ils n’y croient pas, fortement, viscéralement, au Grand Soir… alors ils font autre chose. Voire ils restent au lit. Mais comme nous sommes ici chez les écolos, nous devons faire avec toutes sortes de tartuffes. Dont les révolutionnaires en charentaises.
      La synthèse biosphérique valide l’évidence du début. La Croissance et le Progrès (mais aussi la Compétition, la Vitesse et tout ce qui alimente et fait Le Système) sont bien les dieux modernes les plus idolâtrés. ( à suivre )

      1. (et fin ) Ce sont là encore ces objets qui excitent (et nourrissent) l’imagination.
        Le mot «objet» doit être pris ici dans son sens philosophique, il ne désigne pas seulement les choses concrètes, genre navettes spatiales, robots, smartphones etc.
        Ceux là peuvent évidemment être des objets de cultes (ex. culte de la Bagnole), mais je ne suis pas convaincu que «le grand récit religieux moderne» passe plus par eux que par les mots. Les mots ne font que traduire des idées, personne ne peut s‘en passer, l’homme vit en société, il a continuellement besoin de communiquer etc.
        Le problème c’est quand les mots perdent leur sens. Quand «robot» devient synonyme de «progrès», qu’un cercle devient un carré, le mensonge la vérité etc. etc.
        Ceci dit moi aussi je fais la guerre aux SUR. Et puis moi aussi je prêche pour les Dé (Décroissance, Décolonisation des imaginaires etc.). Mais bon… plutôt une guéguerre et des prêches en charentaises. 🙂

    2. François Diebolt

      Ce qui excite l’imagination, c’est l’adversité. S’en remettre à un dieu, à un empereur ou à une idéologie est un aveu d’impuissance, une capitulation devant un ou des obstacles insurmontables. Prendre soin de notre environnement est devenu une question de survie et pas simplement un luxe ou une mode, à l’heure où les territoires habitables et cultivables rétrécissent comme une peau de chagrin.

  3. La croissance infini est un concept d’économiste que je n’ai jamais compris. Il me semble qu’ici ce mythe est bien démonté mais il me semble comprendre que la croissance économique n’est que le résultat de 3 moteurs, l’expansion du marché par la croissance de la demande surtout le nombre d’humains, la croissance de la production relié au nombre d’humains et la croissance technologique qui développe l’offre donc la demande.
    Ce cercle de croissance n’est pas infini par définition, il faudra un jour que la population arrive à son maximum physique et que la production arrive à son maximum. L’innovation continuera.
    Mais les 2 premiers facteurs à l’arrêt bloqueront majoritairement la croissance, l’innovation ne sera qu’un moteur marginal et lent.
    La question est pourquoi continuer à courir après une croissance voué à s’arrêter un jour? Le fric pour ceux qui en profites aujourd’hui. L’avenir et les conséquences, ils s’en foutent.

    1. A partir du moment où il y a croissance démographique, alors mécaniquement il y a croissance des besoins matériels en parallèle !
      +1 naissance = + 1 consommateur-pollueur
      +1 million de naissances = + 1 million de consommateurs-pollueurs
      +1 milliard de naissances = + 1 milliard de consommateurs-pollueurs

      Vous ne pouvez pas décorréler croissance matérielle et croissance démographique et croissance de pollution, les 3 sont liés !

      On a déjà du mal à mettre tout le monde d’accord sur le partage des ressources en période de croissance économique et matérielle… Alors comment pensez vous mettre tout le monde d’accord sur le partage avec de moins en moins de ressources et plus en plus de monde sur Terre ? Il n’y a que des idéologues pour croire en de telles bêtises !

      1. Bga80
        Bien d’accord. C’est pourquoi il faut limiter le nombre d’humains. La contraception marche bien, la preuve en Europe.

      2. T’as raison, c’est comme avec les chats. Peu importe qu’ils soient petits ou gros, jeunes ou vieux, que l’un bouffe et chie 10 ou 100 fois plus que l’autre etc. un con (sot-mateur) reste un con ! Et 1 million de naissances = 1 million de cons (sots-mateurs) .
        T’as raison ON est trop nombreux. Surtout les Autres. Parce que «chez nous» c’est pas pareil. Ben oui faut bien réarmer le pays ! Aux aaaarmes citoyens !
        Et Toi… qu’est-ce que t’attends pour montrer l’exemple, hein ?

        1. Ben je montre l’exemple, je n’ai pas d’enfant !

          Tu as beau braire, personne ne t’écoute ! Alors comment veux tu convaincre 8 milliards d’habitants à moins consommer dans ces conditions ? Sur 8 milliards d’habitants, tu n’as même réussi à raisonner 1 seul individu à réduire sa consommation ! Alors tes leçons de moral que personne ne veut, y compris toi-même car tu n’as même pas réussi à te convaincre toi même de baisser ta consommation…. tu sais où les mettre !

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