Texte du 17 novembre 2021 en provenance de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) :
En 2001, le Conseil national suisse (chambre basse du Parlement) confirmait, par un vote, que l’assistance au suicide était possible dès lors qu’elle n’avait pas un mobile égoïste. Cette assistance au suicide, humaniste et compassionnelle, est celle que nous connaissons encore aujourd’hui, de l’autre côté des Alpes. Le 1er avril 2002, les Pays-Bas ont été les pionniers du soin ultime, en légalisant l’aide médicale à mourir ; le décret sur la fin de vie sur demande et le suicide assisté est entré en vigueur un peu plus tard. Ce texte de loi mettait fin à dix années d’une pratique jurisprudentielle qui définissait les « critères de minutie » à observer par tout médecin acceptant d’aider un malade, à sa demande, à mourir. Alors que la très grande majorité des pays du monde ignoraient tout de la démocratie sanitaire et que la médecine était toute puissante – même si les droits des personnes malades commençaient à être une revendication légitimement affirmée – les Néerlandais bénéficiaient déjà du droit à disposer de leur corps jusque dans la mort, dans un cadre strict et dès lors que la vie n’était plus que de la survie.
En mai 2002, la Belgique emboîtait le pas aux Pays-Bas en votant une loi relative à l’euthanasie, puis, en 2009, avec le vote de la loi luxembourgeoise sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, les peuples du Benelux étaient réunis dans une même reconnaissance du droit individuel à rester maîtres de leur propre fin de vie.
Depuis pourtant, beaucoup de pays se sont emparés de ce sujet de société pour légiférer en matière de fin de vie. Aux Etats-Unis, comme en Australie, de nombreux états ont voté des lois de légalisation de l’aide active à mourir. Le Québec puis le Canada dans son ensemble ont adopté ce soin ultime. La péninsule ibérique (Espagne et Portugal) a légalisé l’aide active à mourir. L’Angleterre et l’Ecosse ont voté des textes en première lecture et ont lancé des consultations citoyennes qui plébiscitent l’aide active à mourir. Chili, Colombie, Nouvelle Zélande… Près de chez nous, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie ont été enjoints, par leur juridiction suprême (respectivement la Cour constitutionnelle, le Tribunal constitutionnel fédéral et la Cour constitutionnelle) de légaliser l’aide active à mourir, y compris au nom du respect au droit à la vie (article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme). L’aide médicale active à mourir est devenue – à juste titre et heureusement – la norme…
En France, malgré l’émotion provoquée par le drame vécu par le jeune Vincent Humbert – qui demandait au président de la République, Jacques Chirac, le droit de mourir et d’être délivré de son corps inerte – et par sa mère, Marie Humbert – qui mit fin à son agonie le 24 septembre 2003 – le Gouvernement français, sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin, confiait le soin à Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes, le soin d’explorer une troisième voie entre acharnement thérapeutique et aide active à mourir : la fameuse exception française… La sédation (c’est-à-dire la déshydratation et la dénutrition, jusqu’à l’insuffisance rénale sévère qui emporte le malade sans certitude qu’il ne souffre pas) apparaissait dans notre pays, renforcée et confirmée par les trois lois Leonetti qui se sont succédé (2005, 2010 et 2016). La plus réductrice de nos libertés en fin de vie, la loi du 2 février 2016, ne s’applique que dans les dernières heures voire les derniers jours de la vie et laisse de côté les malades atteints de maladies neurodégénératives (Charcot, Alzheimer, Parkinson…).
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Pas un pays – pas un seul – ne s’est engagé dans la voie mortifère de la sédation, dont nous mesurons chaque jour les drames qu’elle porte en elle-même au regard des protocoles retenus par la France et sa Haute autorité de santé. Pas un pays n’a souhaité se distinguer en ne respectant pas la volonté des personnes en fin de vie et en leur imposant une mort « à petit feu ». La voie choisie par la France est une impasse. Jusqu’à ce jour, pas un gouvernement n’a eu le courage de reconnaître l’erreur originelle commise en 2005 – par orgueil et par dogmatisme – en inventant un entre-deux devenu insupportable. Les élections (présidentielle et législatives) du printemps prochain seront l’occasion de repenser notre loi sur la fin de vie, de remettre la décision de celui qui est dans le lit au cœur de toute décision le concernant, de respecter sans condition la parole de la personne arrivée au terme de sa vie, de légaliser l’aide médicale active à mourir et, enfin, de mettre un terme à la triste expérimentation et exception qui fut celle explorée par notre pays, provoquant tant de drames…
La preuve que le sujet est délicat, même dans les pays où elle se pratique on n’ose pas nommer la chose. Le mot euthanasie veut dire «mort bonne». Que souhaiter de plus et de mieux ?
Les mentalités sur le sujet avancent, pour une fois dans le bon sens, la loi aussi, laissons le temps au temps.
– « M2 : Ouais, c’est complexe, quand même !
– I1 : Oui, c’est complexe. »
Telle est la conclusion d’un échange entre un médecin (M2) et une infirmière (I1) confrontés à la réalité de sédation en fin de vie. ‘Sédation à domicile : mythes et réalités . N°81 Avril 2008 . sur pratiques.fr)