Né en 1937, décédé brutalement d’une crise cardiaque en 1973, le déroulé de la brève existence de Pierre Fournier offre une excellente approche de ce qu’il faudrait connaître des origines de l’écologie. Son milieu familial fréquente le milieu hygiéniste ou « naturiste, le courant conservateur précurseur de l’écologie qui condamne une modernité destructrice des équilibres naturels. Célestin Freinet (le tâtonnement expérimental) est un ami de la famille, Fournier découvre à 12 ans l’amour de la terre avec « Regain » de Jean Giono, « La Vie claire », le journal des premiers magasins bios en France est une de ses références, il lit dès sa sortie en 1963 « Printemps silencieux » de Rachel Carson, devient co-fondateur de la lutte contre l’atome avec Jean Pignero (Bugey-Cobayes). Il deviendra LE porte-parole de l’écologie en devenant en janvier 1967 un collaborateur permanent de Hara-Kiri. Il décrit la première marée noire après le naufrage en mars 1967 du Torrey Canyon, condamne la prospection immobilière des stations de ski. il défend les paysans et admire Lanza del Vasto qui a fondé la communauté de l’Arche ; de son côté il fera de multiples tentatives pour instaurer une communauté villageoise. Dès 1969 sa conviction est faite, l’humanité court au suicide faute de prendre en considération son environnement. A partir de 1971, il sera à l’avant-garde de la lutte contre les centrales nucléaires. Peu avant sa mort, il fonde le journal qui annonce la fin du monde, véritable sous-titre prémonitoire du mensuel écologique « La Gueule ouverte » (parution du n°1 en novembre 1972). Son éditorial est incisif, extrait : « Pendant qu’on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s’engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l’homme est en train, à force d’exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieures. Le paradis concentrationnaire qui s’esquisse et que nous promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l’œuf. La catastrophe, beaucoup plus prochaine que vous ne l’imaginez, ne pourrait être évitée que par une réforme des habitudes mentales encore plus radicale encore que celle jadis opérée par les rédacteurs de la Grande Encyclopédie. »
La postface de Diane Veyrat* offre une très bonne synthèse de l’état actuel de l’écologisme. De 1973 à 2019, on dirait qu’on n’a rien su tirer des avertissements de Fournier. Difficile de changer toute une civilisation suicidaire. Ce livre nous offre aussi en annexes plus de 70 pages qui montrent la profonde pugnacité des écrits de Pierre Fournier. Il manquait une biographie actualisée de Pierre Fournier, voici chose faite grâce à Diane Veyrat.
* « Fournier, face à l’avenir » de Diane Veyrat (Les cahiers dessinés, 2019)
PS : une recension a déjà été publiée que le site JNE, association à laquelle Pierre Fournier avait adhéré il y a bien longtemps
pour en savoir plus sur notre blog biosphere :
Pierre Fournier, précurseur de l’écologie par Danielle Fournier et Patrick Gominet (2011)
Éditorial de La Gueule ouverte (périodique, 1972-1980)
2 février 2014, la mort de Cavanna ne vaut pas celle de Pierre Fournier
3 novembre 2011, Pierre Fournier décrit LE MONDE
29 octobre 2011, Pierre Fournier et la décroissance démographique
Eh oui, Pierre Fournier, lui aussi il faut le connaître. Et aussi Henry David Thoreau, et Léon Tolstoï, et Elisée Reclus, et Jean Passe. Sans oublier le saint Patron des écolos, François d’Assise, qui prêchait aux oiseaux, eh oui. 😉