L’art de tuer… de la naissance à la mort

L’espèce humaine est championne dans l’art de trucider. Les autres espèces ne sont qu’une de ses cibles privilégiées, les humains adorent aussi s’entre-tuer. Il existe sans doute peu de verbes qui aient autant d’occurrences et synonymes que le fait de faire passer son prochain de vie à trépas : abattre, achever (un blessé), asphyxier, assassiner, avorter, bousiller, brûler, buter, crever, décapiter, décimer, démembrer, descendre, écarteler, électrocuter, égorger, empaler, empoisonner, envoyer ad patres, étouffer, étrangler, étriper, euthanasier, éventrer, éviscérer, exécuter, exterminer, féminicide, fusiller, garrotter, guillotiner, immoler, infanticide, lapider, lyncher, massacrer, mettre à mort, noyer, occire, ôter la vie, parricide, passer par les armes, pendre, poignarder, refroidir, sacrifier, saigner à mort, supplicier, supprimer, tordre le cou, trucider, tuer, zigouiller, et j’en passe.

Pourtant le « pas tuer, c’est mal » est le mantra des pro-life au niveau de l’avortement et l’amour de l’acharnement thérapeutique quant à la fin de vie. Nonobstant les rétrécis du cerveau, catholiques et protestants pourraient tenir un langage commun à propos de l’interruption volontaire de vieillesse.

Corinne Vaysse-van Oost, catholique : En 2002, la Belgique s’est dotée d’une loi dépénalisant l’euthanasie, avec des conditions très strictes. Exerçant comme médecin de soins palliatifs depuis trente-cinq ans, j’ai accepté, avec les équipes de soins, d’accompagner les personnes qui expriment cette demande. Nous n’avons pas exclu les malades dont le décès n’était pas attendu à brève échéance, vu la difficulté des patients face à certaines pathologies neurologiques ou psychiatriques. D’autre part, ce sont certes les médecins en Belgique qui décident d’accepter de délivrer l’aide demandée. Mais contrairement à ce qui est prévu pour la France, le médecin concerné accompagne son patient jusqu’au bout. Il assume l’impuissance de la médecine à soulager, c’est lui qui porte la responsabilité de la mort évitant la culpabilité des proches. Il y va de l’honneur de nos professions dans le respect des souhaits de nos contemporains. En soins palliatifs, la sédation n’est pas demandé par les personnes qui n’en voient pas le sens ; quant aux équipes médicales, elles savent la complexité de sa mise en œuvre qui s’avère quasi impossible ailleurs qu’à l’hôpital. Si les maladies en cause sont surtout des cancers, les pathologies multiples des personnes âgées représentent la deuxième cause. Nous parlons parfois de souffrance existentielle, devant le non-sens de la fin de vie. La mort fait partie de la vie. Ainsi notre société devient plus humaine.

Le Dieu auquel je crois en tant que catholique n’abandonne pas la personne dans sa souffrance. Si le patient ne veut pas mourir en sédation, ou qu’il a plus de quinze jours à vivre encore (rendant impossible la sédation continue), l’euthanasie me paraît un acte de compassion non contraire à ma foi.

Olivier Abel, théologien protestant : Le projet français de loi sur l’« aide à mourir » doit être replacé dans son contexte global. D’abord, nous sommes des sociétés où il y a eu beaucoup de naissances et nous aurons, à terme, forcément, beaucoup de morts. Ce basculement pose un problème inédit qui n’est pas seulement celui du vieillissement : comment allons-nous faire pour mourir si nombreux ? Il nous faut apprendre des manières de mourir plus sobres, à l’encontre des acharnements thérapeutiques dispendieux. Ensuite, nous devons avoir conscience que nul ne peut prendre soin de soi tout seul d’un bout à l’autre de la vie. Cette question est aggravée par le vieillissement de la population qui augmente la proportion de solitaires. Le troisième problème est que l’augmentation de nos capacités techniques n’a cessé d’élargir la sphère de ce que nous pouvons et devons choisir. Ce dernier point a pris hélas le dessus et occulte les deux autres. Là, justement, est le tragique : le mourant est entre d’autres mains que lui et dépend de ce que nous faisons de lui. Le juriste Jean Carbonnier écrivait : « Entre deux solutions, préférez toujours celle qui exige le moins de droit et laisse le plus aux mœurs et à la morale. »

En dernière instance, la volonté du patient est prioritaire, il faut l’assister lorsqu’elle est formulée avec conscience et constance. Je ne comprends pas l’opposition qui s’est installée entre les tenants de l’euthanasie et ceux des soins palliatifs. Leur horizon commun, leur véritable ethos, qui leur donne leur sens et leurs limites, c’est de toute façon d’aider à mourir le moins mal possible, ce qui suppose d’élargir le sens du soin. La mort n’est pas un possible parmi d’autres, c’est juste quelque chose qui nous arrive nécessairement.

Le point de vue des stoïciens écolos face à la mort

XBG : On subit à nouveau le débat interminable qui a eu lieu sur la liberté d’avorter. Le même scénario à lieu pour l’euthanasie, avant qu’on ne l’introduise dans quelques années dans la constitution, au milieu des vivats de l’opinion qui se félicitera de cette avancée substantielle. Il y aura toujours des opposants, pour des motifs et des croyances diverses, qui relèvent d’un fanatisme idéologique. Qu’on donne libre accès aux substances létales en pharmacie, chacun est libre de son sort. Poussez les gens à un suicide horrible avec les moyens du bord est une ignominie.

Épi-Logos : Cet projet de loi français sur la fin de vie est bancal, parce que il ne fait pas confiance a celui qui veut mourir dignement. On ne demande pas à « naître », mais on peut demander l’aide au suicide. Arrivés a une certaine age, tout se dégrade et rien ne sert à essayer de survivre. Et d’ailleurs, une Société bien géré devrait comprendre que dépenser des millions (des milliards globalement) pour des vieux cacochymes est illogique. Je suis un vieux de 81 ans, prêt a mourir « quand je le déciderais« . La mort n’est RIEN, l‘idée d’une âme « transcendante » est pure entéléchie.

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« Tu ne tueras point »… Justifiez votre point de vue

extraits : Sauf rarissime exception, les autres animaux ne se tuent pas à l’intérieur d’une même espèce. Mais l’humain est cet animal étrange dont le cerveau sur-développé permet toutes les atteintes aux lois de la bienséance envers autrui. Ne pas tuer » est une règle bien établie depuis la bible, et si bien contournée dans la pratique. Aujourd’hui l’intelligence artificielle ChatGPT pond des idées peu novatrices, d’autant plus qu’elle possède des verrous : « il ne faut pas tuer les humains, c’est mal ». C’est du blabla, la relation à l’autre peut aller à tuer sans sourciller, à tuer par amour, à tuer pour le plaisir, à tuer pour se défendre, à tuer pour manger, à tuer pour abréger les souffrances. Les humains ont une imagination à toute épreuve pour se disculper et ne pas culpabiliser….

Fin de vie, Macron invite encore les religions

extraits : Dîner à l’Élysée le 8 février 2024. Une nouvelle fois étaient conviés les représentants des cultes pour échanger sur le sujet de la fin de vie. Macron a prévu de présenter un « plan décennal pour le développement des soins palliatifs » et indiqué son espoir de parvenir à proposer « un espace qui ne soit ni une liberté ni un droit, mais un possible qui serait un moindre mal »….

Fin de vie, le choix de Jacqueline Jencquel

extraits : Jacqueline Jencquel a choisi la « liberté ultime » en mettre fin à ses jours en mars 2022, à 78 ans, sans souffrir d’aucune pathologie incurable. Défenseuse radicale du suicide assisté, elle expliquait en 2018, sur le site Konbini, vouloir en finir avant d’échouer « dans un mouroir », à savoir un Ehpad. Jacqueline Jencquel a été une cheville ouvrière de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD)….

Fin de vie, le lobbying religieux

extraits : Conforme à leurs préjugés, il y a unanimité religieuse contre une loi sur la fin de vie. Étonnant qu’il n’y ait pas la même unanimité pour faire entendre raison aux Juifs et aux Palestiniens. Étonnant que leur amour de la vie que « seul Dieu peut reprendre » ne soit pas repris par les croyants pour pourfendre toutes les guerres et faire l’apologie des objecteurs de conscience opposé à l’usage des armes. Bien sûr ils peuvent parler de leurs dogmes, mais vouloir empêcher la légalisation d’une nouvelle loi en France sur la fin de vie n’est pas de leur compétence. Ils ont déjà été reçu par Macron, ils devraient bientôt revoir Macron. Ce chef d’État sort de sa compétence qui est de faire vivre la laïcité dans notre pays et non d’hésiter sur la fin de vie….

Tu ne tueras point… les requins

extraits : D’un côté les requins. Rien que pour la demande internationale en squalane, substance hydratante couramment utilisée en cosmétique, trois millions de requins sont tués chaque année. Au niveau mondial, 60 morsures de requins environ chaque année pour moins de 10 morts par an, c’est-à-dire presque rien. Les crocodiles en font 400, les scorpions 4500 et les moustiques 830 000. De l’autre côté le nombre de meurtres perpétrés chaque année par les humains sur les vaches, cochons et poulets pour les manger. Cela se chiffre en milliards….

6 réflexions sur “L’art de tuer… de la naissance à la mort”

  1. La mort n’est pas l’apanage de l’humain. Le loup est un modèle dans le genre et les romains disaient bien « l’homme est un loup pour l’homme ».
    Par contre mettre en vente libre des pilules de cyanure va faire quelques ravages. Une façon idiote de régler le problème de la surpopulation.
    La question de la fin de vie est un problème réel et il faut pouvoir aider les gens à vivre dignement comme il faut pouvoir les aider à mourrir dignement.
    Mais encore une fois, ce sujet n’est qu’un écran de fumée lancé par macrelle. On le voit avec sa volonté affichée de nous faire entrer en guerre. Ce mec perd les pédales. Il n’a plus la maîtrise de son quinquennat et il fait n’importune quoi. Quand et qui va l’arrêter? Le parlement? Le sénat ? Son entourage ? Allô Brigitte…

    1. Plus exactement, les romains auxquels vous pensez (Plautre, Pline l’Ancien) disaient «Homo homini lupus est». Par la suite la formule a été reprise, approuvée ou critiquée, ou seulement commentée. Voilà donc plus de 2000 ans que la «nature humaine» est sur le tapis.
      En attendant, de résoudre l’énigme, j’aime bien la version de serge Bouchard (1947-2021) :
      – « L’homme est un loup pour l’homme, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas très gentil pour le loup. »
      D’autant plus quand cette idée vient d’un pays dont la mythologie raconte que son existence repose sur une… louve (Romulus et Rémus). En ce qui me con cerne je refuse cette idée pessimiste. Pour moi l’homme (surtout les mâles) est con. Nuance ! Et je ne pense pas que le loup le soit. Le loup (comme les lions, les crocodiles et j’en passe) ne me dérangent absolument pas. Et pour cause… je n’y suis pas confronté. 🙂

      1. Esprit critique (Michel C)

        Quant au reste, le menu du jour, c’est quoi « mourir dignement » ?
        Et « vivre dignement », tant qu’ON y est.
        ( Sauf que la philo c’est pas la biolo. 😉 )
        Con cernant «macrelle», je le répète, je pense qu’il doit se mordre les doigts d’avoir promis ça. Mais je pense aussi qu’il va s‘en démerder, comme il sait si bien le faire, et en même temps. Et donc laissons-lui le temps.
        – « Donc je plaide coupable pour être tout à la fois, en même temps, trop lent et trop rapide ! » (Macron 10 mars 2024)
        Sacré Manu va ! Allez va, soyez stoïcien. Dites-vous qu’il ne vous reste que trois ans à le supporter, et que trois ans ça passe vite. Et puis pensez au pire. Le comble serait qu’un jour vous regrettiez votre cher «macrelle» 🙂

  2. – « L’espèce humaine est championne dans l’art de trucider [etc.] »
    Comme je l’ai déjà sur “« Tu ne tueras point »… Justifiez votre point de vue” (mars 2023) l’espèce humaine est championne dans bien des domaines : Trucider, aimer, copuler, cuisiner, fabriquer, imaginer, peindre, sculpter, chanter, écrire, rigoler etc. etc.

    Qu’est-ce que l’Homme ? Selon l’anthropologue Françoise Héritier :
    – L’Homme est « La seule espèce dont les mâles tuent les femelles » (Sciences et Avenir)
    Je n’ai approfondi le sujet, mais admettons. En tous cas l’Homme n’est pas la seule espèce dont les femelles tuent les mâles. Je pense de suite à la mante religieuse. D’autre part :
    – Le cannibalisme chez les animaux est plus courant que ce l’on pense (National Geographic)

    Bref, la vie, la mort … font partie de la nature. Voire de la Nature.
    Et l’Homme n’échappe pas à cette règle. (à suivre)

    1. Sauf que la question n’est pas ici d’essayer de savoir ce qu’est l’Homme, ou cette fameuse «nature humaine» … mais encore une fois de nous vendre cette fumeuse «aide à mourir». Bouffer du curé et en même temps.

      – « Le point de vue des stoïciens écolos face à la mort »
      L’écologie étant partout… admettons qu’il existe des stoïciens écolos. Seulement, encore une fois, n’en faisons pas une généralité. Ce n’est pas parce que certains stoïciens sont POUR, que l’euthanasie ou le suicide sont des actes stoïciens.

      – « Le suicide, un acte stoïcien? Tous les philosophes de cette école de pensée ne s’accordaient pas sur le sujet. Bertrand Quentin, philosophe et spécialiste de l’éthique, revient sur ce paradoxe pour éclairer les questions contemporaines sur l’euthanasie. »
      ( LES STOÏCIENS ET LES FINS DE VIE D’AUJOURD’HUI – chaire-philo.fr )
      Vidéo 1H53 : Ceux qui n’ont pas le temps… peuvent au moins écouter la conclusion.

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