Un bon économiste est d’abord un bon écologiste. C’est la raison principale pour laquelle la confrontation entre économie orthodoxe et économie hétérodoxe est un faux débat. Illustration :
Alice Raybaud : Des économistes dits « hétérodoxes », membres de l’Association française d’économie politique, appellent à une remise en question de l’enseignement de leur matière, jugé « trop monolithique », voire daté. La discorde agite les départements d’économie des universités. L’enseignement de l’économie serait trop monolithique et libéral, reproche une partie des enseignants, généralement qualifiés d’« hétérodoxes » (postkeynésiens, marxistes…). Ces derniers regrettent la « domination » des théories néoclassiques, fondées sur l’idée d’une efficience des marchés et de leurs mécanismes d’autorégulation. On donne lune place prépondérante aux mathématiques, les cours sont peu ouverts à la pluridisciplinarité. Maëliss, doctorante en économie écologique : « La volonté est de faire croire que l’économie est neutre, que, parce qu’elle utiliserait des maths, elle délivrerait un savoir apolitique. Alors qu’elle est traversée de valeurs et de courants idéologiques. » En 2015, la création d’une nouvelle section « économie et société » est proposée. Jean Tirole, alors Prix « Nobel » d’économie depuis peu, s’y oppose fermement. Il craint un risque de « relativisme des connaissances » et tance ce qu’il appelle « une antichambre de l’obscurantisme ». La section est enterrée.
Le point de vue des éconologistes
Le débat est daté entre croyants au marché et croyant au keynésianisme/marxisme. Un bon économiste est d’abord un bon écologiste. Et rien dans cet article ne le dit. Pourtant, avec les défis que pose notamment la crise écologique, on a plus que jamais besoin d’un croisement des disciplines. La théorie économique dominante considère les activités humaines uniquement comme un circuit économique d’échange entre la production et la consommation. Pourtant il y a une continuelle interaction entre ce processus et l’environnement matériel. Non seulement les ressources naturelles se raréfient, mais les économiste oublient une loi écologique fondamentale, l’entropie : toute activité économique est en soi un processus de dégradation de l’énergie.
Économie et écologie sont-elles définitivement irréconciliables ? Oui, si l’on entend par économie la croissance et la négation que les ressources de cette planète sont limitées ; mais non, si l’on envisage un autre modèle à la fois économique ET écologique, conscient des limites planétaires.
Y’a pas débat, l’approche économique est dépassée
Gazlozer : Parler économie sans sciences sociales pour aborder le comportement humain, c’est ridicule et vide de sens.
Seb@Montpellier : L’économie est une science humaine. Il y a une impossibilité ABSOLUE à faire la moindre prévision concernant l’évolution de l’état d’un système économique au cours du temps. Il ne s’agit pas de systèmes thermodynamiques ou de sciences exactes. Rares sont les économistes reconnaissant ce fait, et pourtant penser l’inverse équivaut à se bercer d’illusions. Illusions dont le prix est toujours payé par la population.
Helgoland : L’économie orthodoxe est un dogmatisme dont le seul moteur est la croissance permanente et accélérée ; elle ne tient absolument pas compte de la finitude des ressources ; dans ce sens capitalisme et communisme sont tous deux des systèmes productivistes avec le même moteur, la croissance ; seuls les bénéficiaires de la plus-value changent !
Libido sciendi : Si l’économie était une science, c’est à dire une discipline dans laquelle à partir d’observations, d’expériences on peut établir des lois qui s’appliquent et qui donc produisent un résultat conforme à la théorie, cela se saurait. Cette science saurait voir venir les dysfonctionnements et éviterait ainsi les « crises » qui nous affectent régulièrement depuis plus d’un siècle. Non l’économie, en dépit des modèles économétriques qui voudraient nous faire croire le contraire, est une science humaine (donc aux résultats marqués par l’aléa) dans laquelle la justice, l’équité, la décence occupent une part plus ou moins centrale. Comme l‘économie régit en grande partie les rapports sociaux, elle est donc essentiellement politique.
Moussila : Les économistes orthodoxes s’agrippent bec et ongles à leur théorie pour des raisons essentiellement politiques. Si on intègre dans l’économie les externalités négatives en les faisant supporter au producteur et non au reste de la population, les limites planétaires et le rôle fondamental de l’énergie (qui représente bien plus que le % du secteur dans le PIB), le néolibéralisme devient intenable, purement et simplement. Il faut lier l’économie et le vivant. Repasser sous la courbe de l’overshoot et tangenter la limite. Meadows ne disait pas autre chose. Optimiser sous contrainte.
M.d Allemagne : Une étude menée par des universitaires suédois a prouvé l’idéologie libérale des économistes et de leurs idées. Une théorie très marquée à gauche avait été présentée à différents économistes enseignants à l’université : l’une signée soit-disant par des économistes réputés libéraux, l’autre- la même, signée par des économistes tendance très gauche. Les économistes ont qualifié la première théorie d’excellente et la deuxième de catastrophale. C’était la même. Le prisme idéologique politique déforme toute pensée honnête.
DexterzLab : Les hétérodoxes se croient généralement dispensés de s’appuyer sur une quelconque forme de factuel quand les orthodoxes se basent sur des hypothèses qu’ils savent fausses… on pourrait en rester là mais la question demeure : comment modéliser l’incertitude et l’irrationalité des agents ?
DalF : Econométricien de formation, 25 ans à modéliser les marchés, que reste-t-il des prospectives ? RIEN ! Sous couvert d’hypothèses extrêmement réductrices – en particulier sur le comportement des agents – toute analyse se fait sous contrainte d’un espace idéalement convexe. Parce que l’économie ne dispose que d’un marteau (qui date de la fin du XIXème siècle) elle s’entête à attaquer toute difficulté comme un clou.
Laurent1837 : Rien n’est neutre, et surtout pas les « sciences économiques », qu’on appelait autrefois à juste titre « économie politique », donc relativiste.
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2024. Écologie / Économie, les frères ennemis
extraits : Les « réalités économiques » se heurteront aux réalités biophysiques qu’elles engendrent… Nier l’obstacle n’est ni le résoudre ni même le contourner, c’est un aveuglement injustifiable. N’en déplaise aux gouvernements et aux consommateurs, la lutte contre le réchauffement ne pourra passer que par la décroissance. Comme on ne veut pas la planifier, elle sera terriblement subie….
2023. La Société francophone d’économie écologique
extraits : Nos modèles de production et de consommation outrepassent en effet les limites de la biosphère de façon irréversible. Les analyses économiques libérales continuent pourtant de considérer la nature comme un simple facteur de production. C’est ailleurs que dans l’économie – au sein des sciences biophysiques et de la société civile – que naissent des références, des constats et des alternatives à même de nourrir des transformations sociales et politiques à la mesure des enjeux actuels
2013. l’économie comme succursale obligée de l’écologie
extraits : L’économie orthodoxe s’est transformée en religion de la croissance, une chose abstraite dénuée de fondements matériels. Cette croyance est relayée politiquement aussi bien par la droite ou la gauche. Sarkozy voulait aller chercher la croissance avec les dents, Hollande n’a que le mot croissance à la bouche. Il est difficile de changer mentalement de paradigme quand une période s’achève. Mais avant 1750, il n’y avait pas de croissance. Les progrès de ces 250 dernières années, principalement basés sur l’abondance relative des hydrocarbures, touche à sa fin… On observe des signes d’affaiblissement de la rationalité. Il est tellement plus facile de changer notre raison que de changer notre comportement. Les sans-limites ont donc continué à changer les raisons pour ne pas changer de comportement….
2011. bioéconomie : l’économie comme sous-partie de l’écologie
extraits : D’un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), publié le 12 mai 2011, il ressort qu’une croissance mondiale viable, impliquant un retour aux consommations de ressources naturelles de l’année 2000, exigerait une division par trois des consommations actuelles de ces ressources pour les pays industrialisés, et une stabilisation pour les autres. Les auteurs de l’étude soulignent eux-mêmes que cela ne pourrait être obtenu que moyennant une quantité de contraintes qui « peut être difficilement envisagée ». Il nous faut réhabiliter les économies de proximité, assurer le droit des peuples à satisfaire par eux-mêmes leurs besoins fondamentaux. En un mot, réinventer le monde dans un temps limité. « There is no alternative… »…
2008. l’économie, filiale de l’écologie
extraits : Le New Green Deal d’Obama ne fonctionnera pas si l’on se contente par exemple de remplacer des voitures à essence par des voitures qui roulent aux carburants renouvelables. L’économie doit être pensée comme une filiale à 100 % de l’environnement. Le prix que nous donnons aux choses doit être réévalué. Si nous prenions en compte les coûts véritables de l’eau et des carburants nécessaires à la fabrication et au transport des biens, nous constaterions que les déplacer autour du monde comme nous le faisons coûte très cher, trop cher. C’est ainsi que s’exprime Jacqueline McGlade, directrice de l’Agence européenne pour l’environnement…
Pour sortir du fétichisme consacré au PIB
extraits : En 2005, Gadrey et Jany-Catrice publiaient un livre sur les nouveaux indicateurs de richesse. Le livre démarre sur une critique du PIB (simplement égal à la consommation + l’investissement) pour aborder ensuite les indicateurs alternatifs comme l’empreinte écologique, l’IPV (indicateur de progrès véritable) ou l’IBED (indicateur de bien-être véritable). Ces indicateurs sont par nature complexes, ainsi cette formule : IBED = consommation marchande des ménages + services du travail domestique + dépenses publiques non défensives + formation de capital productif (investissement) – (dépenses privées défensives + coûts des dégradations de l’environnement + dépréciation du capital naturel). Les dépenses défensives sont définies par les dépenses (et la production correspondante) qui servent à réparer les dégâts provoqués par des activités humaines de production ou de consommation. Certains analystes estiment que la moitié des dépenses publiques sont de type défensif, ce qui diminue d’autant le bien-être véritable.
Lire Les nouveaux indicateurs de richesse de Gadrey et Jany-Catrice (édition La Découverte, 2005)
En tant qu’ancien étudiant en économie j’ai remarqué deux problèmes dans l’enseignement de cette matière :
– le fait que l’on négligeait (mais c’était assumé et expliqué) les richesses de la nature (in fine seules sont considérées comme richesse ce qui relevait du travail direct ou indirect des hommes). Une autre mesure de la « valeur » étant donné par le résultat des confrontation sur le marché de l’offre et de la demande
– le fait qu’idéologiquement tout était traité dans une optique marxiste, c’était quasi obligatoire.
Par contre l’enseignement était de bon niveau et les maths me semblaient intéressantes, l’enseignement n’est pas seulement une préparation à une fonction précise (d’ailleurs dans les entreprises on raisonne rarement selon les règles apprises à l’université notamment sur les problèmes d’optimisation) mais c’est aussi un entraînement intellectuel et c’est sans doute là l’essentiel.
Dans une optique marxiste… tiens donc !
À moins que vous n’ayez fait vos études à l’Université de La Havane…
Serais-je le seul, encore une fois, à être inspiré par le sujet ? Bizarre que notre champion en économie, entre autres, grand spécialiste la Dette et du Crédit, ne soit pas encore venu nous éclairer de sa science. Plus sérieusement, juste deux mots de plus :
– « Neutre, l’économie ? Plutôt idéologique… » (titre)
– « La volonté est de faire croire que l’économie est neutre […] Alors qu’elle est traversée de valeurs et de courants idéologiques. » (Maëliss, doctorante en économie)
Pour moi le dogmatisme est la pire forme d’idéologie (système d’idées, façon de penser).
– Le dogmatisme en économie, voilà l’ennemi (Les Echos 18 mai 2006)
– Dogmatisme, conflits d’intérêts, la science économique suspectée (Le Monde 02 avril 2012)
– Peut-on enseigner l’économie sans dogmatisme ? Les sciences économiques et sociales en débat. (France culture 1 nov 2015)
– Les ravages du dogmatisme économique (La Tribune 22 Avr 2024)
Là encore ON pourrait compter les bouquins sur le sujet, et comparer le poids de nos bibliothèques, juste pour dire qui dit vrai. Et relancer ce vieux «débat» avec les Orthos d’un côté et les Hétéros de l’autre. Ceux qui pensent comme il faut, suivant la Doxa et qui se tiennent donc bien droits, CONTRE les tordus qui osent remettre en question les idées reçues.
Non là non plus le DÉBAT, y’en a pas ! Tiens la Preuve… qui se souvient des Éconoclastes ?
Ce collectif d’étudiants en économie qui en 2000 osaient critiquer l’enseignement de l’économie, le qualifiant d’«autiste», coupé des réalités. Qui se souvient de Bernard Maris, qui l’a lu, qui n’a toujours pas compris que l’Argent c’est du vent ?
Et John Kenneth Galbraith (1908-2006) il vous parle, non ?
Et Jean Passe prix Nobel d’Économie vous le connaissez pas lui non plus ?
« TOUS de misérables gauchos ! » brairont les Orthos.
Et là encore choisis ton camp camarade, économiste… de cirque !
Écoutons plutôt les gens sérieux, ceux qui connaissent leur sujet :
– « Pendant près de soixante-dix ans, j’ai consacré ma vie professionnelle à l’économie […] Cet essai se propose de montrer comment, sur la base de pressions financières et politiques et des modes du moment, la théorie et les systèmes économiques en général cultivent leur propre version de la réalité. Une version qui n’entretient aucune relation nécessaire avec le réel. Personne n’est particulièrement coupable : on préfère, et de loin, penser ce qui arrange chacun. C’est un phénomène dont doivent avoir conscience tous ceux qui ont appris l’économie, qui sont aujourd’hui étudiants ou qui s’intéressent à la vie économique et politique [etc.] »
(Les mensonges de l’économie. Vérité pour notre temps. J.K Galbraith 2004)
Et là encore, d’un côté la Réalité, la Vérité… et de l’autre ce qu’ON ne veut pas voir, entendre etc. Bref ce qu’ON a envie ou besoin de croire. ON est un con !
Et l’écologie là-dedans… se demanderont certains.
Justement, dans «Le mot de la fin» J.K Galbraith en touche deux mots.
Pas plus ? Et à quoi bon en dire plus, puisque tout le monde le SAIT !
Même ceux qui ne veulent (peuvent) pas en entendre parler.
Quoi donc ? Que l’écologie prime sur l’économie.
Que l’écologie c’est la Connaissance, la Science.
Et l’économie la Gestion… de la «Maison».
Et qu’il est donc ABSURDE de prétendre bien la gérer (la tenir, l’entretenir) en se foutant complètement de la Réalité.