où sont les traîtres ?

Quelqu’un qui quitte les Verts pour adhérer au parti socialiste est-il un traître ? Quelqu’une qui préfère militer à l’UMP est-elle traître à l’écologie ? Les Verts français se disaient à l’origine « ni droite-ni gauche ». En 1980, une multitude de mouvements citoyens donne naissance aux Verts allemands, un « parti antipartis ». Mais de 1997 à 2002, les Verts français ont participé au gouvernement avec le parti socialiste (la gauche plurielle). Mais de 1998 à 2005, les Verts allemands ont participé au gouvernement avec les sociaux-démocrates. Cela n’empêche pas des ministres de droite comme Serge Lepeltier, NKM ou Chantal Jouanno d’être vraiment des écologistes. Et le maire Vert de Tübingen prône une alliance au niveau fédéral entre son parti et les chrétiens-démocrates  (LeMonde du 27 janvier). L’UMP Nathalie Kosciusko-Morizet  peut même écrire dans son livre : « Nous avons besoin aujourd’hui d’entendre les prophètes, y compris les prophètes de malheur. L’écologie se nourrit de prophéties. Il faut discerner dans les ténèbres le risque de se retrouver, bientôt, perdus et défaits au milieu d’une planète devenue malade et hostile. »

Ce ne sont pas les différents régimes de propriété des moyens de production qui déterminent les modalités d’exploitation de la nature mais bien la mentalité de ceux qui prennent des décisions importantes. C’est avec sagacité qu’André Gorz avait subsumé l’économie contemporaine capitaliste et socialiste sous un concept plus large, l’industrialisme (le productivisme). La vieille séparation entre droite et gauche s’effrite, les anti-capitalistes peuvent être de farouches productivistes.

Il y a des traîtres à l’écologie qui composent actuellement la majeure partie du parti socialiste comme du parti de Sarkozy. L’avenir séparera ceux qui ont conscience des limites de la biosphère et ceux qui n’ont aucune conscience.

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repenser le développement

Il faut se méfier des apparences. Une burqa peut cacher une femme exquise et raisonnée. Le « développement » cache une réalité sordide. Survolons LeMonde (quelques titres du 26 janvier) pour en être persuadé : suicide au travail, lutte contre le stress au travail, moral des ménages allemands en baisse, gouvernement portugais qui lutte pour maintenir la crédibilité financière, président américain affrontant une situation économique de plus en plus difficile, une tragédie en Grèce, l’Egypte qui peine à faire reculer la pauvreté, une militarisation de la société au Sri Lanka, la crise énergétique qui amplifie le mécontentement à Caracas. Vu le résultat, il faut donc « repenser le développement ».

Le livre de Gilbert Etienne s’attelle à cette tâche pour conclure que les idées sur le développement ne durent souvent que le temps d’une mode. Mais son diagnostic ne peut s’empêcher de courir les idées à la mode : « L’extrême pauvreté est plus aiguë dans les campagnes que dans les villes et l’un des défis du XXIe siècle consiste encore et toujours à nourrir des centaines de millions de paysans pauvres. » Gilbert Etienne a oublié que la richesse fondamentale est crée par ceux qui nous nourrissent, les paysans. Dans les pays « développés », le secteur primaire (agricole) vient historiquement en premier, le secteur secondaire (l’industrie) ne prospère qu’en enlevant le surtravail des paysans. Ne parlons pas du secteur des services qui vit aux crochets de l’ensemble du système marchand. Le « développement » du Tiers-Monde n’a été que la poursuite de la colonisation par d’autres moyens : aide financière, transfert de technologie, exode rural, urbanisation, expansion du tertiaire (le secteur informel) et de l’Etat. On retrouve toujours le même modèle de « développement » par le déracinement des paysans et la culture hors-sol des urbains.

Le « développement durable », qui nous promet maintenant le « développement » pour l’éternité, participe de la même toxicité, il nous enlève toute perspective de sortie. Mais ce système mondialisé s’effondrera un jour, victime de ses échecs et de l’épuisement des ressources naturelles. Que faisait l’an dernier la Chine face au tsunami financier ? Elle renvoyait ses mingong (paysans devenus ouvriers) dans leur campagne. Qu’une crise un peu plus profonde touche la civilisation thermo-industrielle, et la moitié de la population mondiale qui désormais habite les villes ne songera plus qu’à retourner sur des terres qui leur permettront peut-être de manger.

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minijupe et burqa

            La société française n’a pas de mémoire. Il devrait être loin le temps où les lycéennes devaient se revêtir obligatoirement d’une blouse, le temps où les cheveux longs des garçons étaient interdits d’entrer dans les établissements scolaires, le temps où les naturistes étaient enfermés dans des camps. Une société n’a pas à imposer de tenue vestimentaire car il n’y a aucun dommage envers autrui ; être nu, en minijupe ou en burqa, cela relève de la liberté personnelle. Quand on voit qu’une mission sur le voile intégral a été codirigé par un communiste qui s’emporte contre la talibanisation de la société et un UMP qui dénie la liberté d’expression d’un prix Goncourt (LeMonde du 24-25 janvier), on se rend compte que la patrie des droits de l’Homme n’a encore rien compris. Les valeurs républicaines ne peuvent pas condamner les pratiques communautaristes car le respect de la diversité des cultures est le principe même d’une république laïque.

Abdennour Bidar exprime une réalité sociologique : le port de la burqa est une expression, inconsciente ou non, d’un ressentiment contre le modèle occidental. Car qu’apporte ce modèle si ce n’est l’uniformité et l’uniformisation redoutables des consciences, des attitudes et des discours. La modernité n’est pas l’ère de l’individu car la société de la consommation et du spectacle a réduit l’expression du moi à quelque chose de dérisoire où le paraître interdit d’être. Quand il n’y a plus de projet d’existence, certains ne peuvent que se réfugier dans une communauté reconstruite alors que la plupart s’oublient devant leur écran de télé ou d’ailleurs.

Comme l’écrit Grégory Bateson, notre civilisation semble préférer l’interdiction à l’exigence positive, et par conséquent, c’est par la loi que nous essayons de défendre les libertés civiles. Il est trop facile de promulguer des lois qui règlent les détails les plus épisodiques et les plus superficiels du comportement humain. Ce serait beaucoup mieux d’encourager les individus à prendre conscience de leur propre liberté et de leur potentiel de souplesse. Le but de l’écologiste est d’accroître la souplesse de notre société. Cela relève de la formation du caractère, pas du législatif.

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syndicats-patronat, même combat

Syndicats-patronat, même combat, anti-écolo. Après un Grenelle-débat il y a deux ans et demain, le parlement a voté le Grenelle I, catalogue de bonnes intentions. Maintenant on repousse à plus tard la mise en musique par un Grenelle II (le moment de légiférer sur les vraies solutions). Car quand on est un élu, il ne faut jamais prendre des décisions qui fâchent avant un rendez-vous électoral ; on verra, après les régionales, peut-être… La démocratie telle qu’elle est instituée est l’ennemi des prises de responsabilité en matière écologique et Borloo  vient de s’expliquer sans rire sur ce retard du Grenelle : « En dictature, ce serait plus simple ! » (LeMonde du 23 janvier)

Le problème de nos démocraties, c’est que les personnes qui sont  nos représentants raisonnent à court terme puisque la population raisonne à  court  terme. L’écologie peut amoindrir la compétitivité, le patronat est donc contre l’écologie. Les salariés sont confrontés à une  crise de l’emploi, l’écologie peut attendre. Que le grand hamster soit menacé de disparition par la construction d’une autoroute n’a aucune importance, place aux vrais problèmes ! Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser beaucoup quand le réchauffement climatique pèsera financièrement autant que le rapport Stern le prévoyait (c’est-à-dire comme la crise de 1929). Pourtant l’emploi et la compétitivité ne vont pas peser bien lourd quand le temps de l’énergie bon marché sera révolu (le pic pétrolier, c’est en ce moment-même). Ce n’est pas très « sexy » de tenir ce blog biosphere, et souvent nous aimerions écrire autre chose que ce que nous écrivons. Mais la réalité de bientôt ne sera pas du tout sexy, et il faut savoir affronter la réalité en face.

L’éditorial du Monde estime qu’après le « magie » du Grenelle », le  « retour au réel » est revenu. Mais le Grenelle préparait le réel de bientôt-demain, et attendre de réagir aux menaces écologiques, c’est faire en sorte que la réalité de demain soit encore plus sinistre que tout ce qu’on pourrait imaginer. La dictature ? Les inégalités ? Les conflits armés ? L’épuisement total de la biosphère ? Tout cela en même temps ?

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Haïtiens assignés à résidence

Aujourd’hui Haïti est un cas d’école de l’interdiction d’émigrer. Washington et son intervention massive après le tremblement de terre a surtout pour but d’empêcher un exode qui jetterait des centaines de milliers de d’Haïtiens vers la Floride. Si les Etats-Unis ont décidé d’accorder une protection temporaire aux Haïtiens présents sur leur sol avant le 12 janvier, ils ont prévenu qu’ils n’accueilleront aucun boat people. En Europe, l’attribution d’un statut de protection temporaire permettant d’accueillir des réfugiés est du ressort du Conseil de l’UE ; son application aux victimes du séisme n’est pas à l’ordre du jour. Actuellement il n’y a pas de statut pour les réfugiés victimes de catastrophes naturelles ; il y a de fortes chances pour que ce non-droit perdure.

Alain Supiot constate une réalité : « La doxa libérale actuelle prône le démantèlement de toute frontière pour les marchandises et les capitaux, tandis que de nouvelles barrières sont érigées chaque jour contre la circulation des hommes. Les frontières doivent être, à l’échelle des grandes régions du monde, ouvertes ou fermées en fonction des impératifs sociaux qui leur sont propres. » (LeMonde des livres du 22 janvier). D’un point de vue biosphèrique, la relocalisation des activités est absolument nécessaire pour amortir les chocs écologiques qui ont commencé ; cela exige à la fois la territorialisation des marchandises, des  capitaux et des humains. Comme l’exprimait déjà Malthus à la fin du XVIIIe siècle, « l’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée ». Les produits textiles importés, la nourriture qui fait des milliers de kilomètre, la fuite des capitaux, les flots d’immigrés, tout cela appartiendra bientôt au passé.

L’opposition à l’immigration incontrôlée est souvent assimilée à tort à la xénophobie anti-immigrés. Mais dans une perspective écologique, l’immigration n’est pratiquement jamais souhaitable. Lorsqu’elle se fait massivement, elle ne fait que mondialiser le problème de surpopulation. De plus, ce n’est que lorsque les groupes humains se sont enracinés dans une zone particulière, au fil de plusieurs générations, qu’ils développent un sens des limites en termes de ressources.

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to help or not to help Haïti

Il s’agit d’aider Haïti, pas d’occuper Haïti. That’s the question. Or ce qui intéresse le monde occidental, c’est d’abord le monde occidental, c’est le spectacle télévisuel d’un événement lointain, dont l’intérêt s’accroît quand il s’agit de l’adoption d’un enfant haïtien. Depuis le tremblement de terre du 12 janvier, les médias sont submergés par l’omniprésence de l’Aide internationale. On présente les secouristes de tous les pays, le rôle des banques de développement, la présence des Nations unies, les sommes récoltées par les pays donateurs, etc. Le président de la république René Préval ne devient audible que dans LeMonde du 21 janvier…pour réclamer une Aide internationale sur le long terme. Comme si l’aide aux sinistrés n’était pas d’abord le fait des Haïtiens eux-mêmes ! Comme si ce n’était pas les voisins qui commençaient à dégager des survivants ! Comme si ce n’était pas les proches qui faisaient preuve de solidarité !

Ce n’est pas de financements extérieurs et de personnels  étrangers dont Haïti a besoin en premier lieu, mais de la volonté de son peuple. Reconstruire durablement Haïti ne peut passer principalement par l’Aide internationale et des troupes d’occupation. Il est vrai que la misère de ce peuple est largement due à ceux qui font aujourd’hui étalage de leur Aide. L’Occident est responsable de la faiblesse actuelle d’Haïti : prédation coloniale, exploitation des ressources par la France bien après l’indépendance, soutien apporté par l’Ouest aux dictatures corrompues. Mais l’occident s’est paré de bonnes intentions. Rappelons l’article 22 du pacte de la Société des nations (1919) : « Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de la civilisation. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle des ces peuples aux nations développées. »  On est alors parvenu à faire admettre aux pays du Tiers Monde que leurs besoins se définissent comme un appel aux solutions occidentales, ces solutions qui ne leur sont pas accessibles. Et l’instrument le plus efficace du colonialisme économique a résidé et réside encore dans l’Aide aux pays en développement. Une Aide qui est apparue très efficace pour  endetter le pays qui la reçoit, mais aussi  pour lui enlever ses capacités de self-reliance.

NB : C’est le secrétaire d’Etat français à la coopération qui a dit : «  J’espère que les choses seront précisées quant au rôle des Etats Unis. Il s’agit d’aider Haïti, pas d’occuper Haïti. » (LeMonde du 21 janvier)

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agriculture en péril, humanité en sursis

– L’équilibre alimentaire mondial est fragile et la sécurité alimentaire n’est acquise par personne.

– Nous aurons à nourrir neuf milliards d’habitants en 2050 et à réduire fortement le nombre de personnes souffrant de la faim, plus d’un milliard en 2009.

– Personne n’a oublié les récentes émeutes de la faim. (Bruno Le Maire, ministre français de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche)

– Nous savons d’ores et déjà que nous ne saurons nourrir neuf milliards d’habitants en 2050.  (Bruno Le Maire)

– Les plantes et les animaux pourront moins produire dans certaines régions en raison du stress hydrique et climatique.

– On a voulu voir dans la production agricole des matières première comme les autres, d’où la volatilité des cours.

– Cette volatilité est accentuée par la faiblesse des volumes échangés sur le marché international, qui détermine le prix mondial : à peine 10 % de la production !

– En deux ans, les exploitants agricoles ont perdu la moitié de leurs revenus.

– Les simulations qui servaient d’appui aux négociations internationales en maitère agricole étaient toutes fondées sur des modèles industriels.

– Votre œuf affiche un 3 imprimé sur la coquille ? Cela signifie que l’animal l’ayant pondu a été élevé en batterie (90 % de la production française), c’est-à-dire en cage dans un hangar, à la lumière artificielle, avec 18 poules par m2.

– Les agriculteurs et les pêcheurs s’interrogent sur leur place au  sein de nos sociétés urbaines. (Bruno Le Maire)

– Nous perdons l’équivalent d’un département en surface agricole tous les dix ans ! (Bruno Le Maire).

– Comment développer les circuits courts autour des villes s’il ne reste plus de terres ? (Bruno Le Maire).

– Certes le phénomène du « consommer local » est encore balbutiant. Toutefois la demande explose, les initiatives se multiplient.

– Des collectivités locales créent ou recréent des marchés locaux dans l’esprit « circuits courts ».

Source de ces citations : Les cahiers  de la compétitivité, spécial Agriculture et alimentation (LeMonde du 20 janvier)

NB : Comme les rédacteurs du blog « biosphere » ne sont pas des fans de la publicité, nous faisons remarquer que ce supplément sous forme de publi-reportages est conçu par une société de communication. Ils forment un cahier distinct du quotidien. Comme il s’agit de publicité, la présentation est forcément enthousiaste quant à la « compétitivité ».

A plusieurs reprises, la Société des rédacteurs fut saisie par les journalistes du Monde. Mention fut donc ajoutée pour rappeler aux lecteurs que la rédaction du Monde n’était pas impliquée dans les propos publiés par ces cahiers de la compétitivité, et c’est tout. Il faut dire que ce produit publicitaire rapportait (chiffre à actualiser) bon an mal an 1 % des recettes. Comme dans toute chose,  c’est donc à chaque lecteur de trier le bon grain et l’ivraie ; ce que nous avons fait en sélectionnant et classant les citations.

Nous pensons fortement que l’alimentation ne peut en aucun cas entrer dans un schéma de compétitivité…

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la nucléocrate Lauvergeon

Le problème avec les technocrates qui gèrent nos entreprises, c’est qu’ils intériorisent les objectifs de leur entreprises comme si c’était leur propre raison d’être. Ainsi Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva, vit et rêve nucléaire. Bien sûr elle n’est pas prête à tout pour conquérir un marché et c’est pour cela qu’elle ne construira pas de centrales à Abou Dhabi : elle ne se voyait pas s’engager pour les soixante ans de vie des réacteurs, « ce n’est pas le métier d’Areva » (LeMonde du 19 janvier). Ce qui est le plus étonnant dans son  attitude, c’est qu’elle commence à avoir un prisme écolo, genre générations futures : « Je crois au nucléaire et je me sens responsable vis-à-vis de mes enfants et de leurs enfants. » Il est vrai qu’elle ne se mouille pas, raisonner sur deux générations, c’est pas beaucoup plus durable que la durée de vie d’un réacteur. Elle oublie simplement ceux qui vont se coltiner les déchets radioactifs pendant quelques siècles. Madame Lauvergeon plaide aussi pour un débat « objectif » : « Le nucléaire n’est pas LA solution ». Il faudrait donc de l’efficacité énergétique et un « mix » avec les énergies renouvelables. Mais la technocrate d’Areva ne peut être objective, son entreprise doit vendre, donc elle se situe uniquement sur des choix de second rang, sur une problématique d’offre d’énergie. Madame Lauvergeon pense comme Areva qu’il faut « produire deux fois plus d’électricité d’ici à 2050 ».

Nous attendons de plus en plus désespérément qu’un responsable d’une grande entreprise énergétique tienne un discours digne de sa haute responsabilité et mette en avant les priorités de premier rang, c’est-à-dire la maîtrise de la demande d’énergie. Réduire la consommation, une décision qui choque ? Peu importe, un décideur digne de ce nom pense d’abord aux générations futures et condamne politiques et économistes scotchés à l’idée qu’il faut toujours plus et gagner plus.

Que Lauvergeon-Areva glisse en passant qu’il faut diviser par deux les émissions de CO2 d’ici à 2050 montre aussi la duplicité de la technocratie régnante. Nous mettons au défi Lauvergeon-Areva de prouver qu’on peut produire deux fois plus d’électricité tout en divisant par deux les émissions de gaz à effet de serre.

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1000 articles et rien ne change

Il y a cinq ans c’était un tsunami dans le Pacifique, aujourd’hui un tremblement de terre en Haïti. Et c’est le moment d’écrire notre millième article ! L’acte fondateur de ce blog résulte en effet d’un évènement relayé par les télévisions du monde entier, le tsunami. Aujourd’hui presque autant de morts à Haïti. Notre article du 13 janvier 2005 mettait alors en parallèle le traitement sur-médiatisé des conséquences du tsunami sur les humains et d’autre part une information isolée (dans LeMonde du 1/1/2005, nos plus proches cousins sont en péril) sur la disparition prochaine des primates :

« D’un côté le tsunami pourrait faire aujourd’hui 150 000 victimes humaines, de l’autre chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D’un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d’humains, de l’autre l’activité de ces mêmes humains élimine complètement  leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D’un côté les aides publiques d’urgence en faveur de l’Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l’autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l’irrésistible baisse des populations de primates.

L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète… »

Cette première contribution « Solidarité avec les bonobos » a été suivie par une analyse de plus en plus régulière de l’information véhiculée par LeMonde, jusqu’à pouvoir écrire presque chaque jour un article, et rien ne change : janvier 2010, un tremblement de terre en Haïti, les médias se déchaînent ; 2010 année mondiale de la biodiversité, tout le monde s’en fout. La même conclusion s’impose aujourd’hui comme hier, il y a quelque chose d’absurde sur cette planète.

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Haïti peut être aidé, mais après?

Les écologistes profonds sont quasiment les seuls à se poser les vraies questions à propos des souffrances en Haïti : « Que se passera-t-il dans un monde aussi inégal qu’aujourd’hui, quand les catastrophes liées au changement climatique se multiplieront ? » La réponse est déjà en cours d’exécution, ce sont des guerres du climat. « Pourra-t-on supporter des aides d’urgence de plus en plus répétées ? » La réponse est NON. D’autant plus que les victimes du climat ne seront pas la seule source des difficultés géopolitiques. La raréfaction du pétrole va par exemple bloquer matériellement et financièrement les pays anciennement industrialisés, ces donateurs en dernier recours qui sont déjà si endettés. Bien entendu, il vaudrait mieux prévenir les catastrophes. Mais cela suppose d’en terminer avec la civilisation thermo-industrielle. Cela n’est pas à l’agenda des décideurs de ce monde, on l’a bien vu à Copenhague.

Alors on engage aujourd’hui des actions humanitaires, on décide des interventions militaires pour étendre la démocratie. Il se pourrait qu’un jour ce modèle occidental, avec toutes ses conquêtes en matière de démocratie, de libertés, de tolérance, de créations artistiques, apparaisse aux yeux d’un historien du XXIIe siècle comme un vestige incongru. Si du moins il y a encore des historiens au XXIIe siècle.

Ce modèle de société, si implacablement efficace qu’il ait été pendant 250 ans, parvient maintenant à une limite de son fonctionnement, une limite que personne ou presque n’avait soupçonnée si proche et si nette. Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de moyens pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins  évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine.

Sur le questionnement d’Hervé Kempf (LeMonde du 17-18 janvier), les réponses d’Harald Welzer (les guerres du climat)

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Haïti et la duplicité occidentale

Haïti, des millions de sinistrés avant le séisme, des millions de sinistrés après. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on espérait agir sur les causes du « sous-développement ». Aujourd’hui on se résout à multiplier conjoncturellement les aides palliatives, que l’on qualifie d’aide « humanitaire ». Haïti était déjà sous perfusion, bien avant le tremblement de terre. Si la secousse a été aussi dévastatrice et meurtrière, c’est parce qu’elle frappe un pays d’une très grande vulnérabilité dans ses constructions, ses infrastructures et ses moyens de secours. La Minustah, ou Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti, composé en majorité de militaires et de policiers, était le seul organisme encore cohérent dans ce pays. Sans lui, les scènes de violence pouvaient se multiplier dans les bidonvilles de Port-au-Prince comme dans les ruines d’aujourd’hui.

Nous versons face à cette catastrophe les sanglots de l’homme blanc, l’expression de cette mauvaise conscience de ceux qui profitent de l’abondance, alors que meurt habituellement l’autre moitié de monde. D’où cette solidarité automatique, issue à la fois du christianisme et du marxisme. Le FMI a annoncé une aide financière à Haïti de 100 millions de dollars, les Etats-Unis débloquent la même somme, on en appelle aux contributions privées, « même d’un ou deux dollars ». On achemine par avion des troupes de sauveteurs, les télés sont saturés d’images de désolations, des page entières de photos dans les quotidiens qui n’apportent aucun autre message que celui du voyeurisme.

D’un côté, on a contribué à déstabiliser les Etats qui deviennent incapables de maintenir l’ordre public et d’assurer leurs tâches redistributives, ouvrant ainsi toutes grandes les portes du conflit et de la misère ; de l’autre on pallie au coup par coup les effets négatifs en accroissant les efforts dits humanitaires. Avant comme après le séisme d’Haïti, les deux moitiés de la planète se séparent de plus en plus et le Nord continue de construire patiemment le mur par lequel il espère tenir à distances les nouveaux barbares. Pour la pensée ordinaire, le scandale se trouve toujours du côté des pauvres, que l’on console de temps en temps à leur accordant une aide. Alors que l’on pourrait affirmer qu’un monde qui tolère une richesse excessive de la part d’une minorité sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres.

NB : Les informations de cette synthèse sont issue du Monde du 16 janvier, la trame narrative est proposée par Gilbert Rist, Le développement, histoire d’une croyance occidentale..

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tout a une fin

La culture occidentale centrée sur le développement nie cette évidence : même les civilisations sont mortelles. Toute chose naît, grandit et dégénère pour mourir à la fin. L’enfant voit le jour pour mourir un jour, comme les autres animaux, les plantes, la terre, le soleil. Mais le jeunisme incite à effacer les rides et à cacher les fins de vie ; le progrès technique loue les nouvelles inventions, mais oublie toutes les techniques obsolètes et les friches industrielles ; la croissance économique se veut sans fin sur une planète finie. La culture occidentale célèbre le développement, le culte du toujours plus, et nous obtenons un trop plein, une démesure : Suractivité, surdéveloppement, surproduction, surabondance, surpêche, surpâturage, surconsommation, suremballage, surendettement, surmédicalisation… Or, après l’exubérance de la vie, il y a le déclin. Après la consommation de masse, il y a les pénuries. Tout à une fin. Image anxiogène ?

            L’émission Globalmag, désormais diffusée du lundi au jeudi sur Arte, veut raconter de belles histoires, aborder l’écologie de manière positive avec lucidité sans être sinistre et cul-pa-bi-li-sant. C’est là un refus manifeste de la réalité à venir. La fin du pétrole accompagnera la fin de la civilisation thermo-industrielle, la fête est finie. Mais ce n’est pas de la morosité de reconnaître que les temps vont être durs, c’est de la lucidité, du réalisme, une attitude responsable. Puisqu’il y a une incompatibilité entre les croyances actuelles en une croissance sans fin et les limites biophysiques de l’économie, alors soyons heureux de vivre autrement, plus simplement. Nous allons mourir un jour ? La belle affaire ! Faisons de notre vie un amour de la vie toujours renouvelé, un amour de notre planète si belle dans le soleil couchant. Faisons vite tant qu’il est encore temps. La vie est si courte !

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la fin de la bagnole

La mode du « développement » est une croyance contemporaine qui affecte aujourd’hui des milliards de croyants, même s’ils habitent Haïti. Au niveau du vocabulaire, cette croyance mondialisée au « développement » repose sur le point IV du discours du président Truman en 1949. La mise en pratique précède la théorie, elle débute avec la Ford T, née en 1908 et dont le 10 millionième exemplaire sort des usines en 1924. L’ère de la production et de la consommation de masse débute avec cette voiture moins chère qu’un cheval et destinée à tous dans un maximum de pays. LeMonde du 15 janvier titre de façon justifiée (mais sans doute  inconsciente) « le rêve renouvelé de la voiture mondiale » ; cette grande aventure motorisée va bientôt se terminer. Car ce n’était qu’un rêve et la mondialisation de la Focus ou la fabrication de la  Tata Nano ne va rien changer, tout au contraire, cela accélère la fin inéluctable de la bagnole. Les Indiens ou les Chinois n’atteindront jamais les niveaux d’équipement du monde occidental.

En effet, le déplacement d’une voiture gaspille une ressource fossile mise par la nature gratuitement à disposition de la civilisation thermo-industrielle. Mais, contrairement à l’usage d’un cheval, cette source d’énergie n’est pas renouvelable : plus on fabrique de voitures, plus on accroît l’imminence du pic pétrolier, ce moment où la production de pétrole va diminuer inexorablement. Alors nous nous rendrons compte que la voiture pour tous n’était qu’un rêve, entretenu par une pression médiatique et publicitaire absurde dont même LeMonde se fait régulièrement l’écho. Absurde ? Comme nos infrastructures, nos modes de production et de loisirs, nos modes de consommation et même notre alimentation dépendent du pétrole, la fin du pétrole ne sonnera pas seulement le glas de la bagnole, mais l’effondrement d’une civilisation.

Pour de plus amples informations, lire le livre de Richard Heinberg, The Party’s Over. War and the Fate of Industrial Societies, (2003) traduit en français par Pétrole : la fête est finie ! (2008).

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la fin de la mondialisation

Au cours de la décennie 2000 qui vient de s’écouler, quels sont les événements fondateurs du XXIe siècle ? Certainement pas le 11 septembre 2001 qui a plus ressemblé à un jeu vidéo qu’à un mouvement durable et généralisé. Le fait que le terrorisme international va s’amplifer ne fera que renforcer l’appareil répressif du monde occidentalisé, il ne change rien fondamentalement. Al Qaida est un bouton de fièvre, pas une maladie grave. Certains pensent que l’ampleur des menaces financières et écologiques poussera obligatoirement à la recherche de solutions à l’échelon supranational. Mais l’échec de Copenhague est durable, les nations n’abandonneront pas de sitôt la défense des intérêts de leurs ressortissants, même au détriment des équilibres de la planète. Non seulement il ne poussera pas des ailes à l’ONU, mais un machin planétaire est forcément incapable de réguler la complexité des activités humaines sur une planète dévastée. Le monde est solidaire en apparence, quelques sauveteurs  envoyés en ce moment à Haïti, profondément égoïste en réalité, chacun pour soi : nécessité fait loi.

C’est donc une démondialisation que le XXIe siècle connaîtra. En fait Obama, Sarkozy, Attac, Transition Towns poursuivent le même combat, qui va à l’inverse de la centralisation. Chacun en effet appelle aujourd’hui les entreprises à rentrer au bercail. Si certains surfent sur le patriotisme économique, d’autres imaginent déjà une nouvelle économie décarbonée et proche des consommateurs. Pour éviter la désindustrialisation forcenée qui alimente le chômage et fait grimper l’extrême droite, il faudra en effet régionaliser les économies. Pour éviter les chocs écologiques, il faudra relocaliser les productions. La self-reliance (l’autonomie territoriale) s’imposera à tous ceux qui ne peuvent plus rêver bénéficier de l’impossible prospérité promise à tous par le « développement » (la croissance) et le marché. Ils seront de plus en plus nombreux. La self-reliance est liée à l’économie de guerre et à la pénurie, mais le XXIe siècle sera un siècle de guerres et de pénuries. Le système mondialisé ne pourra survivre à son effondrement.

Cet article est une réponse au dossier du Monde (14 janvier 2010) « Ce siècle avait dix ans » qui conclut : «  C’est la force et la fragilité de nos sociétés que de n’être désormais rien sans les autres, des mondes forcément solidaires plutôt que clos par nécessité. »

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la fin des migrations

Berlusconi en Italie soutient tacitement les violences faites contre les immigrés à Rosario. L’éditorial du Monde (13 janvier) constate : « Un parti anti-immigrés multiplie les provocations sans que personne ne s’émeuve, le racisme assumé gangrène la  société italienne ». LeMonde s’interroge : « C’est l’occasion d’une réflexion sur une société multiethnique ». Mais cette analyse ne peut porter sur l’Italie seulement. La France de Sarko durcit constamment les lois sur l’immigration, l’UE a créé une « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne », le sénat américain a approuvé l’installation d’une clôture de 1123 km le long de la frontière du Mexique, les Australiens rejettent à la mer les réfugiés climatiques, etc.

Harald Welzer (les guerres du climat) pense que les conflits d’espace vital et de ressources auront, dans les décennies à venir, des effets radicaux sur la forme que prendront les sociétés occidentales. Comme les conséquences climatiques les plus dures frappent les sociétés disposant des possibilités les plus réduites d’y faire front, les migrations mondiales augmenteront dramatiquement au cours du XXIe siècle et pousseront à des solutions radicales les sociétés où la poussée migratoire est perçue comme une menace. Welzer n’est pas optimiste sur le nombre de réfugiés climatiques (qui vont s’ajouter aux autres) : « Les processus de rattrapage du retard industriel dans les pays émergents, l’insatiable appétit énergétique des pays tôt industrialisés et la diffusion mondiale d’un modèle de société fondé sur la croissance et l’épuisement des ressources font apparaître comme irréaliste qu’on limite à deux degrés seulement le réchauffement d’ici le milieu du siècle. » Dans ce contexte, l’interrogation ne peut plus porter principalement sur les questions d’intégration multiethnique quand la réalité porte déjà aujourd’hui sur les moyens mis en place par le Nord de limiter les flux d’immigrés venus du Sud.

 Il faut donc nous préparer internationalement à la fin des migrations, que ce soit  celle des immigrés du Sud ou des touristes occidentaux qui croient encore que tout est possible. Cela suppose un changement total de civilisation. A ceux qui lui demandaient comment sortir de la crise, Teddy Goldsmith répondait en souriant : « Faire l’exact contraire  de ce que nous faisons aujourd’hui, et ce en tous les domaines ».

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la fin de notre monde est proche

La fin de notre monde va surtout avoir lieu parce que nous ne nous posons pas la question « A quelle nécessité obéit l’espèce humaine en proliférant depuis de début de la révolution industrielle ? » Nous pouvons tous nous mettre d’accord en constatant que notre espèce prolifère simplement parce qu’elle a éliminé des facteurs de régulation naturelle. »  Mais Alain Hervé précise cette question dans le dernier numéro de l’Ecologiste : « Pourquoi ? Pour qui ? Pour quoi faire ? ». La question véritable est donc : quel sens, quelle valeur donner à l’existence d’un enfant de plus sur notre Terre ? C’est apparemment une question d’ordre culturel. Du moins à l’heure actuelle puisque les énergies fossiles ont permis de nourrir artificiellement un surplus de population.

Mais fondamentalement une considération éthique découle des nécessités écologiques (il faut nécessairement répondre à la question : que va-t-on manger demain ?). Par exemple les Bochimans, peuple archaïque du sud-ouest africain, qui vivaient de chasse et de cueillette comme avant le néolithique, étaient les derniers en Afrique à représenter la civilisation de l’arc. La plus grande partie de la nourriture est récoltée par les femmes : pour une journée de récolte, elles parcourent jusqu’à 45 kilomètres. Les enfants sont choyés, mais les familles nombreuses sont rares, car les femmes n’acceptent pas d’avoir un second enfant avant que le premier ne puisse suivre sa mère à la marche pendant les longs déplacements : deux enfants à porter rendrait la récolte impossible. Les femmes se résignent donc à l’infanticide de leur propre autorité, la régulation des naissances est volontaire mais conditionnée par la survie du groupe social. La situation dans les pays riches est beaucoup plus complexe, mais le nombre de naissances dépend aussi du contexte économique en général et de la situation de l’emploi en particulier : en France, les chutes les plus brutales de la natalité ont été enregistrées en 1975 et en 1983, deux périodes qui correspondent à une récession économique. La raison qui justifie l’interruption volontaire de grossesse pour la loi française repose sur la « situation de détresse », dénomination assez floue pour permettre toutes les interprétations. Mais l’essentiel est formulé, ce qui compte c’est le droit de l’enfant à vivre dans un milieu prêt à le recevoir.

Or le milieu naturel au XXIe siècle va être beaucoup moins généreux pour l’espèce humaine que pendant la révolution industrielle… Nous changerons de civilisation car le problème de survie de la société thermo-industrielle est posé ; le malthusianisme reviendra à la mode.

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bientôt la fin du monde

Un de nos plus fidèles commentateurs nous écrit : « ce blog biosphere tente lamentablement de justifier, sous prétexte d’une urgence écologique qui n’existe que dans ses rêves, la mise en place de structures totalitaires. » Sur l’idée de totalitarisme, notre commentateur serait bien en peine de trouver sur ce blog une justification de ses dires. Notre philosophie se veut conforme à l’esprit de non-violence et adepte du sens de la responsabilité inhérente à chaque individu.

Sur l’urgence écologique, nous pensons avec beaucoup d’autres analystes que le XXIe siècle va être totalement différent de ce que l’humanité a connu jusqu’à maintenant ; les modifications des écosystèmes et de la culture des peuples ne seront pas lentes, mais très (trop ?) rapides. La rupture prônée par Sarkozy aux présidentielles n’est qu’un euphémisme par rapport à ce qu’il faudrait réellement faire : préparer l’humanité à la fin du pétrole et à l’augmentation brutale de son prix, préparer l’humanité à affronter des perturbations et des guerres du climat, essayer d’enrayer la baisse inéluctable des rendements agricoles et la perte de biodiversité, dépasser un système  capitaliste qui va être remis en question dans ses fondements (la publicité, le crédit et la division exacerbée du travail), dépasser les égoïsmes nationaux et le sociocentrisme dominant, affronter la gouvernance de 9 milliards de personnes en 2050, etc. Que ce soit clair, ce n’est pas la prochaine génération qui connaîtra des guerres civiles et des problèmes aux frontières, c’est déjà la notre. Le mouvement d’autodestruction de notre société thermo-industrielle ne va que s’amplifier au cours de ce siècle.

            Nous savons aussi, avec Serge Latouche, que la ruse de l’histoire serait qu’un pouvoir autoritaire se targue de la nécessité écologique pour faire accepter la restriction des libertés sans avoir à toucher aux inégalités. La gestion des épidémies, les accidents nucléaires, la gestion des réfugiés climatiques sont autant de motifs qui faciliteraient la restriction des libertés. On passerait ainsi du totalitarisme rampant de la ploutocratie actuelle, qui conserve encore un semblant de démocratie formelle, à un écofascisme musclé qui imposerait des restrictions draconiennes à une population affolée et apathique. L ‘« écologie » peut très bien être intégrée dans une idéologie néo-fasciste. Nous faisons tout notre possible, sur ce blog et ailleurs, pour qu’il n’en soit pas ainsi.

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démocratie et écologie

quelques exemples des relations complexes entre démocratie et écologie :

1/4) la démocratie comme perception des limites

La démocratie moderne était inséparable des possibilités en apparence infinies de la puissance des technologies et du marché. Tout nous paraissait donc possible. La démocratie à venir devra en revanche accorder cette même puissance à un monde fini, bondé et fragile. Il va donc nous falloir apprendre à borner le pouvoir de faire par la sagesse de l’autolimitation. Ce sera d’autant plus difficile que l’histoire nous a malheureusement enseigné que seul le pouvoir est capable d’arrêter le pouvoir.

2/4) la force des traditions joue contre notre futur

C’est à cause de notre cerveau tout puissant qui fomente les idées les plus baroques que nous arrivons trop souvent à l’impasse la plus totale. Bertrand Méheust  l’exprime dans son livre, La politique de l’oxymore : « Je suis convaincu qu’une catastrophe est en gestation, mais je ne partage pas la conviction que les démocraties modernes possèdent les ressorts nécessaires pour la prévenir et l’affronter. Je crains que la métamorphose espérée n’intervienne trop tard pour enrayer la crise écologique, et ne manifeste ses effets que pendant et après la catastrophe, un peu comme le pacifisme n’empêche pas les guerres mais se développe dans leur sillage. En effet toute société cherche à persévérer dans son être. Mais comme nous vivons dans un monde fini, sa saturation globale est inéluctable, ou, pour dire les choses de façon plus brutale, la saturation se traduira pour l’humanité par une véritable descente aux enfers. Chaque instant qui passe nous éloigne davantage du moment où un autre avenir serait encore possible. »

3/4) la démocratie et le choc du futur

Dieter Birnbacher posait, dans son livre La responsabilité envers les générations futures (1994), la question de savoir si la démocratie moderne était en mesure d’être le lieu d’une éthique du futur. Ce n’est pas évident car une conscience prévoyante, centrée sur le long terme, est synonyme de renoncements. Elle entre donc en conflit avec les aspirations immédiates des individus, leur préférence pour le présent. Renoncer à la voiture ? Mais nous sommes bien obligés d’avoir une voiture !

Nous sommes dans une démocratie du spectacle et de la compassion, pas du raisonnement froid des climatologues ou de l’Aspo (qui prévoit pour bientôt le pic pétrolier). Les politiques pensent d’abord à l’acceptabilité sociale d’une taxe carbone, pas à sa nécessité. Il faudra donc que la catastrophe serve de pédagogie. Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’une succession de crises. Par exemple, pendant la crise du prix du pétrole de septembre à décembre 2008, il s’est répété que le système libéral occidentalisé était dangereux et non durable. Cela a servi de choc psychologique faisant avancer la perception révolutionnaire de la structure crisique de notre société thermo-industrielle. Le baril de pétrole atteignant 150 dollars était un signal prix fort qui a laissé des traces, qui a modifié la perception des personnes. L’état d’esprit qui accueillera une nouvelle crise du pétrole, avec une perception plus aiguë des limites de notre planète, sera donc notablement différent de ce qu’il était précédemment.

4/4) démocratie et acteurs-absents

Rosanvallon décrivait récemment la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. »

Il faudrait donc que chaque citoyen (en position de décision délibérative) se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui ne sont pas invités à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Il faut d’ailleurs remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles (et perturber le climat) uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix du pétrole s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. Cela ne pourra changer que quand chacun d’entre nous pourra se projeter dans le temps long et l’espace infini, y compris sur ce blog.

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démocratie Internet et écologie

Sharp nous a écrit : «  RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne doit entraver la liberté individuelle et la démocratie. A partir du moment ou on trouve des justification a ces entraves, ça s’appelle du fascisme. Pente sur laquelle ce blog glisse un peu plus tous les jours… »

Notre analyse : La démocratie est une avancée extraordinaire de l’époque contemporaine. Un décision résulte du libre débat entre les citoyens, le pouvoir à la base remplace les arguments d’autorité qui conditionnaient les gens au nom d’une religion ou d’un dictateur. Il faut pourtant attendre en France la loi de 1881 pour mettre un terme à la censure a priori. Aujourd’hui, Internet est un vecteur formidable de la démocratie. Tout le monde peut créer son blog ou commenter les discours et événements. Les moteurs de recherche mettent à notre disposition toutes les réponses à telle ou telle question qu’on peut se poser. RIEN, ABSOLUMENT RIEN, ne devrait donc entraver la liberté individuelle et la démocratie.

En vérité, l’idée d’un discours sans aucun contrainte n’est pas soutenable. Le web, c’est aussi le coma éthylique assuré ! On l’appelle la Toile, et c’en est une. Toile d’araignée et labyrinthe. Le propre du Web correspond au refus de statuer, de théoriser, de hiérarchiser les informations. Internet est le scandale d’une mémoire sans filtrage, où l’on ne distingue plus l’erreur de la vérité. Nous risquons alors le risque d’une incommunicabilité complète. Au final, cela produit aussi l’impossibilité d’un choix politique, l’incapacité à décider quoi que ce soit. Le filtrage sur Internet est donc un gros problème. Car ce qui importe dans une démocratie, c’est le résultat  du débat, arriver à un savoir partagé par tous, élaborer une culture qui relie. Ce qui forme une culture n’est pas la conservation de tous les discours, mais le filtrage. C’est pourquoi les organes de presse et les maisons d’édition pratiquent une forme d’autocensure, journalistes et comités de lecture trient informations et écrits, ce qu’il faut dire et ce qu’on ne peut pas exprimer publiquement. Un blog est contrôlé par ses modérateurs qui peuvent modifier ou supprimer un commentaire. Le blog lui-même peut être interdit par les modérateurs lemonde.fr. Le site de débat sur l’identité nationale censure à peu près 25 % des messages qui sont envoyés.

Alors, comment déterminer, dans un monde libre d’information, ce qui mérite d’être montré au public ? Sur quels critères conférer ou ôter à un discours sa visibilité ? Ce blog, centré sur l’écologie, ne fait pas mystère de ses choix : privilégier ce qui fait avancer la cause écologique, pour le bien de notre planète, pour le bien des générations futures. En gardant clairement à l’esprit la difficulté de déterminer comment rechercher ensemble la voie du bonheur. Certains commentateurs de ce blog devraient prendre garde à la pente glissante qui les mène à dénaturer l’idée de fascisme en simplifiant à l’extrême la complexité de la réalité. En Suisse, la démocratie référendaire est devenue un canal d’expression des peurs : halte aux minarets !

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l’illusion de la compensation carbone

Il n’y a pas que Claude Allègre dans la vie. Il y a aussi le problème de la compensation carbone. Deux informations sur la même page du Monde (8 janvier 2009) :

– un livre d’Augustin Fragnière se demande si cette compensation est une illusion ou une solution : contrebalancer ses propres émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets destinés à en réduire d’autres est-il cohérent ?

– le Medef demande non seulement le report de la taxe carbone, mais la compensation intégrale de cet impôt pour toutes les entreprises. Est-il cohérent de prendre de l’argent d’un côté pour le redonner de l’autre ?

La compensation carbone pour s’assurer une « neutralité carbone », c’est du vent, ce n’est que du greenwashing. Prenons l’exemple d’une personne en partance pour un long voyage, en plein dilemme, seule face à sa conscience d’écocitoyen. Cet individu doit partir en Amérique Latine : prend-t-il ou ne prend-t-il pas l’avion ? Mais oui, bien sûr, il suffit de s’acheter une indulgence : compenser son émission excessive de gaz à effet de serre en payant quelques arbres, en contribuant à la reforestation de pays dévastés. Ce genre de « compensation carbone » est un luxe que seuls les très riches peuvent se permettre et cela n’a pas d’impact immédiat, ni même réellement efficace sur l’absorption de CO2 (analyse d’Yves Cochet). Autre exemple, pour s’installer au volant d’un véhicule de plus de 9 CV, il suffirait de débourser 70 euros en achetant auprès des magasins Nature & Découvertes une carte de compensation carbone (cf. LeMonde du 4 janvier 2008). On nous explique que l’association Climat Mundi, va participer avec l’argent récolté au financement d’un projet hydroélectrique en Chine. Même si ce principe est reconnu par l’ONU, il ne reste que très théorique et ne permet pas de transformer un véhicule polluant en citrouille.

Les ménages veulent une compensation, les entreprises veulent une compensation, on veut le beurre et l’argent du beurre. Ce n’est pas comme cela que le système climatique fonctionne. Nous ne pensons pas que Claude Allègre dirait le contraire…

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