L’OPEP « possède » environ 70 % des réserves prouvées de pétrole, soit 1215 milliards de barils. À 100 millions de barils par jour, moyenne actuelle, soit 36,5 milliards par an, cela fait seulement 33,3 années de production. Ajoutons quelques pays hors OPEP, et l’off shore très très profond, de toute façon l’échéance est proche : plus du tout de pétrole = effondrement de la société thermo-industrielle.
Sachant que les nuisances du réchauffement climatique nous imposent de laisser sous terre une grande partie des ressources fossiles, nous avons très très peu de temps pour nous sevrer des énergies faciles, les énergies fossiles. Comme les magnats du pétrole veulent leurs royalties et que le consommateur lambda reste accro à sa voiture et son confort, nous ne voudrons rien faire de sérieux à court terme. On voudra attendre le dernier moment et il sera alors trop tard pour s’adapter en douceur. Nos générations futures vont souffrir, c’est cela les perspectives du long terme.
Adrien Pécout : Du côté des quantités, le poids de l’OPEP dans la production mondiale de pétrole (brut, sables bitumineux, schiste, condensats) a déjà décliné : il est passé de 43,2 % en 2012 à 36,3 % en 2022, sur désormais plus de 93 millions de barils par jour. La part des Etats-Unis a grimpé : elle s’est élevée à 18,9 % en 2022, contre 9,6 % dix ans auparavant, c’est-à-dire avant la « révolution » texane des pétroles de schiste. L’euphorie américaine sera de courte durée, elle est portée entièrement par le shale oil (pétrole de schiste) dont le déclin inéluctable débute en 2025 selon l’AIE).
Du côté des prix, les restrictions de quotas ont maintenu jusqu’à présent les prix à un niveau élevé : le baril de brent, référence en Europe, a tourné à 83 dollars en moyenne (environ 76 euros) durant toute l’année 2023. Moins qu’en 2022 (101 dollars), sur fond de guerre en Ukraine, mais davantage qu’en 2021 (71 dollars). Parce qu’ils redoutent de perdre des parts de marché, plusieurs membres de l’OPEP rechignent aujourd’hui à baisser leurs quotas de production.
Le point de vue des écologistes
L’affrontement fait rage, l’OPEP d’un côté, la demande mondiale de l’autre et l’AIE qui veut servir d’arbitre… mais les réalités géo-physiques sont les plus fortes.
L’AIE (Agence internationale de l’énergie), créée en 1974 en réaction au premier choc pétrolier, représente les grands pays consommateurs d’énergie – Etats-Unis, Europe, Japon… La publication par l’AIE en mai 2021 du rapport « Net Zero by 2050 » pour la décarbonation du secteur de l’énergie comporte plusieurs préconisations chocs : arrêt des nouveaux investissements dans les énergies fossiles, division par quatre de la demande de pétrole… L’utilisation d’un baril de pétrole c’est l’émission de 400 kg de CO2. 1700 milliard de baril de pétrole en réserve c’est potentiellement 680 milliard de tonnes de CO2. Pour rester sous les 1,5 degrés il faut émettre moins de 250 milliard de tonnes. Pour éviter la catastrophe climatique, une très grande partie de ces réserves prouvées doit donc rester sous terre.
Du point de vue de l’OPEP, le point de vue des climato-réalistes est une déclaration de guerre. L’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) regroupe 12 pays producteurs dont le Venezuela, l’Iran ou encore les Emirats arabes unis. Elle compte aussi une dizaine de pays alliés menés par la Russie, dans le cadre d’une union informelle, l’OPEP+. « Aujourd’hui, ce qui est clair, c’est que le pic de demande pétrolière n’apparaît dans aucune prévision fiable et robuste à court et moyen terme », réagit le secrétaire général de l’OPEP. « Le pic pétrolier et gazier ne sera probablement pas atteint avant un certain temps, et encore moins en 2030 », a lancé le directeur général de Saudi Aramco.
Mais il ne faut pas confondre le pic du pétrole en termes géophysiques, le maximum de pétrole qu’on peut extraire de terre, et le pic de la demande qui est une variable socio-économique. Le pic du pétrole conventionnel a été atteint en 2008, depuis on force la terre à produire 100 Mb/j. Ce n’est pas durable et il y aura un jour ou l’autre le choc pétrolier ultime, la rareté fera exploser le prix et la demande s’effondrera. Ce scénario est inéluctable…
En savoir plus grâce à notre blog biosphere
Le pic pétrolier et le choc qui lui succède
extraits : Le pic pétrolier est ce point de retournement à partir duquel la production de pétrole commence à baisser inéluctablement. Le géologue américain King Hubbert avait annoncé en 1956 que les États-Unis connaîtraient ce pic vers 1970. A l’époque la majorité des experts s’était montrée incrédule. Pourtant le pic de Hubbert a été atteint aux Etats-Unis entre 1971 et 1972. De nos jours, la problématique du réchauffement climatique et de l’extinction de la biodiversité ont occulté la prévision d’une pénurie énergétique à venir faite par l’ASPO. Il faudrait d’urgence réintégrer cette donnée dans nos raisonnements car la pénurie inéluctable de ressources fossiles donnera le signal de la mort de la civilisation thermo-industrielle….
– « pour rester en deçà de 1,5 °C […] le pic des émissions en CO2 doit avoir lieu avant 2030 dans les quatre scénarios détaillés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat dans son dernier rapport. Pourtant, dans son scénario prenant en compte les nouvelles politiques publiques de l’énergie jusqu’en 2040, l’AIE prévoit une légère augmentation en continue des émissions de CO2 liées à l’énergie. » (Le MONDE 12 déc 2018)
– « Dans le scénario central, qui se base sur les engagements déjà annoncés des gouvernements […], les émissions mondiales de CO2 plafonneraient ainsi à 37 milliards de tonnes en 2025, puis descendraient à 32 milliards de tonnes en 2050. Mais malgré ces efforts, les températures moyennes augmenteraient d’environ 2,5 degrés d’ici 2100 […] » (l’Agence internationale de l’énergie prévoit un pic mondial des émissions du CO2 liées à l’énergie en 2025- francetvinfo.fr 27/10/2022)
En 2018 ON disait donc une chose, et en 2022 ON en disait une autre.
On dira qu’entre temps les connaissances ont bien avancé…
Une chose est certaine : 36,8 milliards de tonnes CO2 en 2023 !
Maintenant qu’ON semble avoir atteint ce pic, celui des émissions de CO2 (rien à voir avec le Peak-Oil)… nous voilà donc bien avancés.
En attendant, l’AIE roule à fond pour la Transition. Et semble n’avoir rien trouvé de mieux que l’épouvantail des +2,5° pour nous y faire adhérer.
Et en même temps, nous ON montre l’exemple ! Et devinez grâce à quoi :
– Les émissions de gaz à effet de serre reculent en France en 2023 (francebleu.fr 21 mars 2024)
Je suis étonné de ce chiffre de 30 ans, il y a 10 ans nous étions à 40 ans mais aujourd’hui avec les nouveaux gisements découverts le temps évoqué est de 50 ans.
À vérifier
– « L’Âge de Pierre ne s’est par terminé faute de pierres, et l’Âge du pétrole se terminera bien avant que le monde ne manque de pétrole ». (Ahmed Zaki Yamani, alors ministre saoudien du pétrole, en septembre 2000 lors du 40e anniversaire de l’OPEP)
30 ans… ou alors 50, voire 6 ou 150 … à part pour le climat, qu’est-ce que ça change ?
En considérant bien sûr que le Pétrole ait un rapport avec le climat… ce que moi je crois !
– « Le pic de la demande d’énergies fossiles est en vue, mais pas celui du déni climatique »
( Le MONDE 18 septembre 2023 )
Esprit critique, juste pour discuter, je suis étonné que vous employiez le terme « croire » pour une question scientifique.
Je pense que l’effet de la combustion sur le réchauffement de l’atmosphère ne peut être une question de croyance.
Il faut savoir et je peux prouver que le CO2 produit par la combustion n’a aucun effet sur le réchauffement de l’atmosphère et n’a aucun effet sur le pH des mers.
Cordialement
Tout n’est que croyance(s). Nous sommes là sur un très vieux sujet (croire et savoir) : «Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien.» (Socrate)
Cependant je n’hésite pas quand il s’agit d’affirmer que la Terre est ronde (qu’elle n’est pas plate) et autres genres de vérités scientifiques.
Je vous grâce de votre «démonstration», je préfère écouter les gens sérieux, les sachants comme ON dit.
Beurk !!!! => Je vous FAIS grâce … 🙂
Là encore, c’est comme avec le Nombre, les gens sérieux se reconnaissent à certains indices.
Là encore, seule Madame Irma peut se permettre d’affirmer (titrer) «Pétrole, nous en avons pour moins de 30 ans». Et pourquoi pas 100 ans ? Là bien sûr ON va de suite me soupçonner de penser que nous en aurions ad vitam aeternam. Comme pour le reste, quand ON essaie de me faire dire que la Terre pourrait en supporter 100 milliards. Misère misère !
Alors dans l’autre sens, et pourquoi pas 20 ans ? Voire 6 comme le pensent certains :
– « Ça pourrait se produire au tournant de 2030, selon les prévisions les plus crédibles, dont celles de BP et de l’Agence internationale de l’énergie.» ( Le début de la fin du pétrole – 5 juin 2023 – lapresse.ca )
Mais là c’est autre chose. ON ne nous dit pas qu’il n’y en aura plus… mais que le monde n’en voudra plus… nuance ! Plus besoin quoi. ( à suivre )
( Suite ) Rien d’autre que le fumeux tandem de l’Offre et la Demande (la Poule et l’Œuf).
Dans ce scénario 2030 ON ne pourra donc pas dire qu’ON en manque… mais ON pourra quand même dire que c’est la fin du Pétrole. Voire le début de la fin du Pétrole. En tous cas pas celle des haricots. Mais j’avoue quand même avoir quelques doutes…
– « Depuis les années 1970, la fin du pétrole est régulièrement annoncée. Elle devrait être précédée par un pic dans la production (appelé le « peak oil ») [etc.] Donner une date pour la fin du pétrole semble donc particulièrement difficile. »
( Quand commencera-t-on à manquer de pétrole ? Le MONDE 12 décembre 2018 )
Là encore notons la prudence, le temps du conditionnel. Certes le «peak oil» nous donne une indication, mais ne nous avance guère plus.
Finalement il n’y a que Madame Irma pour nous éclairer. 🙂
Tous les étudiants en économie doivent être surpris d’apprendre qu’un pays développé (les USA) se spécialisent aujourd’hui dans l’exportation de matières et même de celle dont ils auront le plus besoin demain pour maintenir un peu plus longtemps leur appareil industriel et leur consommation en l’état.
On ne peut mieux illustrer les dérives de nos sociétés qui privilégient le court terme.
Juste une remarque, l’expression » il n’y en a plus que pour 30 ans » finit par être un piège car, bien qu’évidemment un stock fini débouche toujours sur une pénurie, la phrase ouvre la porte à l’éternelle réplique » ça fait 60 ans qu’on en a plus que pour 30 ans » et certains ajoutent malicieusement « alors même que nous consommons beaucoup beaucoup plus qu’il y a 60 ans ».
Pour ma part je préfère dire que l’essentiel des réserves de gaz et de pétrole sera épuisé au cours du siècle.
Didier, ce qui est effectivement important, c’est d’avoir conscience que les énergies fossiles sont une ressource sans renouvellement par définition. Leur création s’est faite du devonien au carbonifère et leur formation a pris des millions d’années.
Il faut donc envisager l’après énergétique même si les sociétés humaines sont très mauvaises pour gérer le futur.
C’est important de rappeler ces évidences car certains nient étonnamment la fin des resources fossiles.
J’ajoute qu’il est
Didier Barthès, je ne dirais pas qu’un stock fini débouche toujours sur une pénurie.
Car, comme le dit très bien Ahmed Zaki Yamani (cité À 15:04) « L’Âge de Pierre ne s’est par terminé faute de pierres [etc.] »
Par contre je suis d’accord avec vous, l’expression « il n’y en a plus que pour 30 ans » finit par être un piège. Car, le temps passant, ce genre de prédiction a bien plus de chances de se révéler fausse que vraie. Et là, comme vous dites, c’est la porte ouverte au déni et au Grand N’importe Quoi.
Parce que les pierres avaient des substituts que les énergies fossiles n’ont pas, parce que les pierres ne sont pas totalement détruites dans le processus, parce que la masse des pierres sur la Terre est sans commune mesure avec la masse du pétrole.
L’Âge de Pierre était principalement celui du Silex. Nos ancêtres allaient, paraît-il, très loin pour s’en procurer. Et bien sûr pas en Bagnole.
Je suis d’accord pour les substituts, après la pierre ce fut le bronze, puis le fer.
Et plus tard le plastoc, le carbone et j’en passe.
Hier À 13:58 je disais avoir quelques doutes… quant à cette date 2030 qui marquerait la fin de notre dépendance à cette «merde du diable».
Ahmed Zaki Yamani voulait probablement dire qu’après l’Âge du Pétrole viendrait l’Âge de Atome (centrales, piles, bagnoles et avions, sans oublier les bombes), et/ou celui de l’Hydrogène, voire du Cosmogol.
En attendant, cette fumeuse Transition, la pierre est toujours utilisée. Et beaucoup plus qu’à la Préhistoire. Ben oui, ON va quand même pas loger tout ce joli monde dans des grottes, si ? Bref, je suis d’accord avec vous, avec Ahmed et en même temps, de la pierre il nous en reste pour des siècles amen. 🙂