post-covid, dette économique/dette écologique

 Le monde de demain tel qu’on le voit aujourd’hui : « Les immenses plans de soutien à l’économie lancés depuis le début de la pandémie liée au coronavirus sont en train de faire entrer les pays occidentaux dans une nouvelle ère de dettes colossales… La France passerait d’une dette de 101 % à 141 % du PIB. » On se rassure à bon compte : « En France, le ratio atteignait 270 % en 1944, avant de chuter à 15 %, vingt-cinq ans plus tard. Ce recul impressionnant est venu d’une forte inflation, qui a rendu les taux d’intérêt réels négatifs, et d’une forte croissance (les « trente glorieuses »). »*

Malheureusement, le monde occidental ne peut pas utiliser aujourd’hui la recette de l’après-guerre. A l’époque, une large partie des capacités de production avaient été détruites, les investissements étaient très productifs, il était facile d’identifier les besoins, la croissance allait de soi. Aujourd’hui c’est différent, l’accumulation de capital technique est à son maximum possible, l’investissement productif a fait place à une financiarisation de l’économie depuis plusieurs années et à des mouvements spéculatifs hors sol. L’autre différence avec la sortie de la guerre mondiale, c’est que l’Etat, les entreprises et les ménages son extrêmement endetté alors qu’en 39/45 , l’endettement global était très limité. Le déficit budgétaire des USA en 2012 était de 1300 milliards de dollars, le seul paiement des intérêts de la dette était d’environ 360 milliards de dollars par an, soit 15 % des recettes fiscales. Pour soutenir une croissance économique défaillante on a usé et abusé depuis cinquante ans des moyens de gestion d’une crise conjoncturelle (faibles taux d’intérêt et déficits publics ), et maintenant face à une crise structurelle, il ne nous reste plus rien, les taux d’intérêt sont devenus négatifs et les niveaux d’endettement sont déjà à un niveau insupportable. Et puis on oublie un paramètre incontournable, la dette écologique se rajoute à la dette monétaire.

Le fait de puiser davantage que la part renouvelable des ressources naturelles au sein d’un écosystème à l’équilibre délicat crée une dette écologique. Le créancier, c’est celui qui prête le capital emprunté. Pour le  capital naturel, le créancier est donc la Terre, ou la biosphère ou la nature, peu importe le nom. D’où une dette écologique des humains envers la Terre. Le fait par exemple de pêcher une espèce de poisson plus que ce qui permet son renouvellement est bien un découvert vis-à-vis des richesses de la mer. Ce découvert, on est normalement obligé de l’acquitter, par exemple en fixant un moratoire sur la pêche, sinon nos contemporains et successeurs seront appauvris. C’est comme si on avait brûlé notre maison… plus d’héritage possible ! Ce n’est pas parce qu’on remplira des brouettes de papier-monnaie qu’on évitera le fait qu’on vit déjà à crédit par rapport aux ressources naturelles comme l’indique l’empreinte écologique. En 2008, notre planète était entrée le 9 octobre dans le rouge. Chaque année, on calcule la date à laquelle la consommation des ressources de la planète dépasse la capacité de renouvellement. Cette date anniversaire a été baptisée Jour de la dette écologique ou Jour du dépassement (Overshoot day). Passée cette date, on est en situation d’épuisement des réserves. Depuis vingt ans, cette date intervient chaque année de plus en plus tôt, ce qui signifie que les ressources disponibles pour une année sont consommées de plus en plus vite. En 1987, l’humanité était passée dans le rouge un 19 décembre. En 2009, ce sera sans doute en septembre. Ce n’est pas durable, on consomme le capital naturel.

Une seule solution, en finir avec les distributions d’argent gratuit aux États, aux entreprises et aux particuliers ; place à une politique d’austérité, de sobriété partagée, de condamnation des inégalités criantes ou ordinaires. Rappelons qu’entre le repas du soir pour le Nouvel An et le 2 janvier, une famille américaine aura déjà consommé, par personne, l’équivalent en combustible fossiles des besoins d’une famille tanzanienne pour toute l’année ! Selon Andrew Simms, un des directeurs de la New economics foundation de Londres, « à moins que les riches ne s’acquittent de leur dette écologique, il ne s’écoulera guère de temps avant que les huissiers du climat ne frappent à toutes nos portes. » Le monde tel qu’il sera demain: d’abord l’essence devint rare et chère, et maintenant il n’y en a plus. L’âge de l’automobile est terminé. L’électricité aussi. Aucun ordinateur ne fonctionne. Les grandes entreprises n’existent plus. L’argent papier ne vaut plus rien. Des villes ont été détruites. Il n’y a plus de gouvernement…

sur notre blog biosphere : 18 mars 2012, Définitions de la dette écologique

17 juin 2009, endettés jusqu’au cou

5 décembre 2008, dette écologique

* https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/02/apres-la-pandemie-le-monde-face-a-une-montagne-de-dettes_6035326_3234.html

2 réflexions sur “post-covid, dette économique/dette écologique”

  1. Je suis parfaitement d’accord sur (au moins) deux points :
    – « Malheureusement, le monde occidental ne peut pas utiliser aujourd’hui la recette de l’après-guerre.»
    – « Rappelons qu’entre le repas du soir pour le Nouvel An et le 2 janvier, une famille américaine aura déjà consommé, par personne, l’équivalent en combustible fossiles des besoins d’une famille tanzanienne pour toute l’année !»

    1. Si une famille américaine ça ne se produit qu’1 jour par an sa consommation extravagante d’énergies fossiles, et ben rien de bien grave en comparaison d’un footballeur qui crament quotidiennement des énergies fossiles dans des proportions encore plus extravagantes…. (et peu importe sa nationalité, car il faut bien dire des voitures de luxe sont alcooliques en énergies fossiles)

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