Technôlatrie à l’œuvre à VivaTEch

Espérer que des technologies futures, comme une super-IA, puissent résoudre les problèmes du changement climatique, de l’accès à la santé ou à l’éducation, de la surpopulation n’est que technolâtrie. Tous ces milliardaires grisés par leur agent en oublient raison garder : jamais nous ne deviendrons des centenaires toujours en bonne santé, jamais nous ne coloniserons l’espace de manière à y survivre, jamais une intelligence artificielles ne dispensera les humains de devenir plus intelligents qu’ils ne sont. Le fond du problème, c’est que leurs discours confortent l’état d’esprit du citoyen moyen qui croit que la technique va nous sauver alors qu’elle est en train de nous noyer. Il faudrait au contraire que chacun de nous, à commencer par notre Macron National, sache différencier techniques douces à l’usage et à la planète contre des high tech qui ne sont que mirages.

De toute façon, ne nous leurrons pas : le blocage énergétique qui commence à tomber sur nous avec nos factures de gaz, d’essence et d’électricité va briser dans l’œuf toutes les innovations énergivores. Mais ça, c’est un discours qui ne passe pas à VivaTech :

Alexandre Piquard : L’intelligence artificielle, un des sujets stars du salon VivaTech. Chantre de la « start-up nation » depuis 2017, le président Macron a arpenté le 14 juin 2023 les allées du plus grand salon européen consacré à cette discipline, VivaTech : « nous devons faire émerger cinq à dix clusters, à hauteur de 500 millions d’euros, pour avoir deux ou trois pôles d’excellence de niveau mondial. »Mais la vraie star du salon cette année sera sans doute Elon Musk, le patron de Twitter, Tesla et SpaceX, qui s’offre le dôme du Palais des sports et ses plus de 4 000 places pour un discours très attendu, la France espérant notamment être choisie pour une future usine Tesla. Fondé par Elon Musk, Neuralink a ainsi marqué les esprits fin mai en obtenant le feu vert pour tester sur des humains ses implants cérébraux permettant de piloter un ordinateur « par la pensée ». L’objectif, thérapeutique, vise à restaurer les capacités des personnes atteintes de paralysie ou aveugles, a expliqué M. Musk en 2019. Mais ces implants – dont il compte s’équiper – pourraient aussi permettre aux humains d’éviter de se faire doubler par les machines en « réussissant la symbiose avec l’intelligence artificielle ». Dans un tout autre domaine, des magnats du numérique se sont lancés dans la fusion nucléaire, beaucoup plus prometteuse – et incertaine – que la fission des centrales actuelles. Des ambitions presque sans limite : Elon Musk veut faire de l’humanité une « espèce multiplanétaire » en colonisant Mars, et Jeff Bezos imagine un « trillion d’humains » – soit « mille Mozart, mille Einstein, mille de Vinci » – vivant dans des stations cylindriques en orbite.

« Nous avons perdu notre sens de l’optimisme à propos de l’avenir… le seul moyen que je connais pour le raviver, c’est d’utiliser la technologie pour créer l’abondance. » Ce credo a été formulé par Sam Altman, le PDG d’OpenAI moins de six mois après avoir lancé le robot conversationnel ChatGPT. Une profession de foi en faveur du techno-optimisme : « Nous pouvons bâtir une intelligence artificielle générale. Nous pouvons coloniser l’espace. Nous pouvons faire marcher la fusion nucléaire et massifier l’énergie solaire. Nous pouvons guérir toutes les maladies. Nous pouvons construire de nouvelles réalités ». Nick Bostrom, directeur du Future of Humanity Institute en rajoute : « Une superintelligence permettrait l’élimination du vieillissement, de la maladie et de la pauvreté, une durée de vie indéfinie ». Nick a cofondé en 1998 la World Transhumanist Association, il est donc une figure de proue du transhumanisme, mouvement visant à « améliorer » les capacités humaines par la technologie.

Le point de vue des écologistes les pieds sur Terre

le sceptique : C’est occidental et teinté de la culture chrétienne messianique voulant à tout pris créer un paradis (sur Terre, sur Mars ou ailleurs).

Olivier de B : Nous sommes à deux doigts de la sixième extinction de masse ; alors imaginer que l’on va pouvoir vivre mille ans grâce à la technologie…

DouceBrise : Tout ce beau monde ne doit son business qu’à l’énergie abondante et au déni face à l’épuisement des ressources planétaires. Au déni de la difficulté croissante qu’on aura à les obtenir (par extraction ou par recyclage) à mesure que nos formes d’énergies seront plus diluées et moins simples d’utilisation et de stockage que le pétrole. Il seront très vite rattrapés par notre réalité physique. L’humain ne sait pas apprécier une courbe exponentielle, dites-vous? Sans réaliser que la croissance infinie qu’il prône en est une belle, de courbe exponentielle. Je ne suis ni écologiste ni même responsable par mon bilan carbone, loin de là, mais j’ai la décence de dénoncer une escroquerie lorsque j’en vois une.

Jean.ne Monde : Ces choses arriveraient à un trop prix élevé. s’il faut parier, on ne décarbonera pas assez vite, la ruée vers les métaux spatiaux pour nourrir notre économie ne sera pas belle à voir, des millions d’espèces vont disparaître et des pans importants de la planète deviendront inhabitables. Des humains continueront à se battre pour du statut, du temps, des ressources, certains en grattant la terre, d’autres en fabricants des robots.

Le paraméen : L’ IA sera très utile aux dictatures qui vont se mettre en place avec les conséquences du réchauffement climatique. Il faudra mater les peuples qui subiront les catastrophes naturelles répétitives et de plus en plus intenses afin d’éviter le chaos. La Chine montre l’exemple de ce qu’il est possible de faire avec cette « merveilleuse » technologie. Bienvenue en enfer.

Jacques Testard : Qui peut croire que la situation matérielle des gens, en butte à des privations, des maladies et des violences dans un système capitaliste agonisant serait compatible avec leurs désirs de dépasser la condition humaine qu’ils viennent de perdre ? Affairés à trouver de quoi se nourrir, se soigner, se défendre, nos enfants (oui, c’est déjà pour eux…) réclameraient de guérir de maladies dégénératives ? Puisque la catastrophe environnementale ne dépend déjà plus de nous, elle devrait bientôt apparaître comme telle et ruiner les promesses des transhumanistes. Car si la qualité de l’environnement nous est vitale, nous n’avons aucun besoin de dépasser les limites de notre espèce.

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2 réflexions sur “Technôlatrie à l’œuvre à VivaTEch”

  1. L’ IA au service de l’homme reste dans l’idée du Progrès qui progresse et des innovations qui innovent pour des siècles et des siècles amen. Même en déclin cette idée reste profondément ancrée chez beaucoup d’entre nous. Ce qui permet à ceux qui nous gouvernent (manipulent, enfument, exploitent etc.) de continuer sur leur lancée (toujours plus), même s’ils n’y croient qu’à moitié. Chez ces gens-là les nouvelles technologies (IA etc.) sont associées à deux choses auxquelles ils ne peuvent absolument pas renoncer.
    D’abord le Business, les parts de marché etc. Ensuite un formidable moyen de contrôle des populations. Je rejoins là ce que dit Le paraméen. On voit aujourd’hui que l’épisode Covid aura permis d’accélérer la numérisation de l’existence et l’atomisation sociale, allant jusqu’à des restrictions de libertés inouïes, l’obligation du port d’un QR code, etc.
    ( “Des soignants désintégrés“ – La Décroissance juin 2023)

  2. Arrêtons de parler d’intelligence artificielle, cette expression est trompeuse, les ordinateurs n’ont que l’intelligence qu’on veut bien leur prêter. ChatGPT par exemple ne fait que reproduire le discours moyen qui résulte de la compilation de ce qui a déjà été dit. Et quand on voit le niveau d’intelligence qui suinte du n’importe quoi des réseaux sociaux et même des « idées » de nos « grands » intellectuels, la messe est dite.
    Ce n’est que du marketing et il n’y a rien que les technolâtres n’aiment davantage que de vendre du rêve, l’idée que leur innovation va changer le monde. Il n’y a pas si longtemps, c’était les algues bleues et le moteur propre…

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