La chaise vide n’est jamais une bonne attitude. J’ai milité pendant 25 ans pour la cause écologique, c’est-à-dire pour rendre possible l’impossible. Voici un aperçu de mes engagements politiques qui vous permettront, je l’espère, de mieux apprécier la situation présente et d’envisager l’avenir.
Petit rappel historique.
Le premier candidat à la présidentielle s’appelle René Dumont, en 1974. Mais le parti des Verts n’a été créé qu’en 1984. Il s’est transformé en mouvement EELV (Europe Écologie Les Verts) en 2011. Il a regroupé le parti des Verts stricto sensu et une coopérative ouverte aux sympathisants, même appartenant à un autre parti. Je fais un constat d’échec de cette nouvelle formule, la coopérative est un mort-vivant. Fin 2011, la coopérative comptait 17 500 adhérents, et le parti 14 500 adhérents, soit 32 000 adhérents à EELV. Fin 2020, la coopérative ne compte plus que 250 adhérents avec une cotisation à 10€ ou 20€, et le parti environ 10 000 adhérents avec une cotisation libre à partir de 1€. La perte de militants écologistes est énorme pour le Mouvement et surtout pour la coopérative qui n’est pas devenue le socle espéré de plusieurs dizaines de milliers d’adhérents qui aurait fait d’EELV comme le voulait Daniel Cohn-Bendit un mouvement écologiste de masse. Dans la lignée de Cécile Duflot et Jean Vincent, la « firme » au pouvoir n’a jamais aimé ni soutenu la coopérative, au contraire. Ils ont fait le choix du pire.
Aujourd’hui encore la nomenklatura des Verts ne se rend pas compte que le parti EELV est en bout de course, il a fait son temps, et la coopérative était la seule solution pour élargir son impact médiatique. Les succès verts aux élections locales ne sont pas redevables au parti, mais aux divers conglomérats qui se sont formés au nom de l’écologie. Il y a eu des alliances gagnantes comme le Printemps Marseillais, ou le groupement citoyen Poitiers Collectif. Il s’agit de catalyseurs comme en chimie, où un additif (l’écologie) permet de décupler la vigueur d’une réaction. Quelle peut être la place d’un individu dans ce collectif mouvant qui constitue l’écologie politique ? Personnellement j’ai essayé d’ouvrir dans et hors de ce parti beaucoup de chemins, je ne suis apparemment arrivé à aucun résultat.
J’ai tout essayé.
J‘étais chez les Verts dans les années 1990, mais il faisaient de l’auto-blocage avec leurs statuts rigides et un acoquinement avec le PS qui les empêchait de présenter électoralement une écologie de rupture. J’ai alors tenté pendant dix ans l’entrisme au PS car je croyais en 2002 que l’urgence écologique était devenue telle qu’un parti dit « de gouvernement » allait se saisir de cette thématique. J‘étais membre de leur commission nationale environnement, j’ai été en charge officiellement d’un suivi de la politique de la droite en matière d’écologie, périodique envoyé à tous les députés et sénateurs socialistes. J’ai aussi participé activement à la motion du congrès de Reims en 2008, « Pour un parti socialiste résolument écologique » : 1,58 % des voix seulement, il n’y a pas eu débat d’idées, c’était la lutte à couteaux tirés pour savoir qui allait être premier secrétaire du parti, Ségolène ou Bertrand, Martine ou Benoît. Un parti politique ne réfléchit pas, il s’épuise dans les affrontements de pouvoir (le bal des ego), ce n’est pas une particularité du parti EELV ! J’ai organisé un colloque en janvier 2011 dans les locaux de l’Assemblée nationale « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » ; plusieurs spécialistes à la tribune, la salle de réunion du PS pleine à craquer, des députés dans la salle. On n’en a retenu aucune leçon.
De toute façon le vieux PS de François Hollande n’était pas mûr pour parler « écologie ». Une fois arrivé au pouvoir, leur optique croissanciste a constitué leur mantra. J’ai donc rejoint EELV en 2011 avec le statut (nouvellement créé) de coopérateur qui me permettait la double appartenance partisane, socialiste ET écologiste. J’ai co-animé en 2011 aux JDE de Clermont-Ferrand un atelier qui a permis la création d’une commission accueil-formation, structure sans résultats malgré plusieurs WE de rencontres à Paris. Cette commission s’est enlisée dans les méandres de GIRAF (groupe interrégional accueil/formation)….
J’ai continué d’essayer. Je me suis encarté à EELV pour participer aux décisions de congrès. Je voulais une écologie de rupture, j’ai soutenu la motion Avenir Ecolo. Pour le congrès suivant, on est devenu « Pôle Ecolo » après union avec objectif Terre ; j’ai été co-administrateur de la liste de diffusion. Mais nous avons été écarté du congrès par les partisans de la firme résultant des initiatives politiciennes de Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé.
J’ai continué d’essayer, y compris par des livres en libraire. J’ai coordonné un livre paru début 2014 avec comme auteurs Yves Cochet, Pablo Servigne, Alain Hervé… et intitulé « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) ». J’ai monté la même année, après plusieurs ateliers aux JDE sur cette thématique, un groupe de travail « démographie » qui a été officialisé par le BE mais qui n’a eu aucun écho chez nos dirigeants. Je suis aussi cofondateur du groupe de travail « imaginer une économie écologique », une instance adoubée par le CF en 2014. Pour préparer la présidentielle de 2017, j’ai rédigé un livre synthèse de 370 pages, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », présentant tous les programmes politiques possibles. Au JDE de 2016, on a refusé un atelier autour de mes thématiques et ma séance de dédicace n’a eu aucun succès. Entre les deux tours de la présidentielle de 2017, j’ai donc pris contact étroit avec le (futur) député « en marche » de ma circonscription, très ouvert apparemment à l’écologie. Mais dans la mouvance du groupe local, autant la plupart des adhérents de base avaient la fibre écolo, autant les orientations nationales allaient à l’inverse. Au bout de deux ou trois mois, j’ai compris (comme plus tard Nicolas Hulot) que Macron n’était pas compatible avec l’écologie. Mon livre anti-Macron « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » est sorti en libraire en octobre 2018. Je suis (re)devenu coopérateur EELV à plein temps. J’ai mis en place officiellement en 2019 lors des JDE de Toulouse un collectif « Formation de formateurs à l’écologie ». J’ai rassemblé tout un groupe, mais il n’y avait que moi qui était actif pour rédiger fiches de formation et rapports de conférences. Qui sait que le BE actuel compte un membre dédié à la formation ? Mais il ne faut pas se décourager, il faut toujours chercher le chemin le plus propice à promouvoir l’écologie politique.
J’ai presque tout essayé. La structure « économie écologique » était devenue en 2017 une commission thématique « post-croissance ». J’en suis récemment devenu membre… mais il n’y a aucune organisation interne à cette commission, on discutaille à perdre haleine sans vouloir que cela débouche sur une orientation du parti. J’ai même testé sans illusion beaucoup d’autres tentatives d’ouverture du mouvement ; à une époque j’étais au conseil d’orientation politique, et récemment avec le groupe de travail sur la « réinvention du Mouvement »…
Aucune de ces structures, groupes de travail ou commission, n’est arrivé à donner un résultat durable, les militants préfèrent se contester entre eux plutôt que de rechercher la symbiose. On peut d’ailleurs généraliser à toutes les commissions thématiques, elles existent théoriquement pour réfléchir et éclairer le parti sur les orientations à prendre, elle ne servent à rien. La seule commission qui arrive à se faire connaître, c’est la commission féminisme, mais on n’y parle pas d’écologisme ! Grâce à Denis, j’ai obtenu une place de coopérateur auprès du Conseil Fédéral que j’abreuve de mes analyses ; elles ne sont jamais suivies d’effet, mais au moins je peux les proférer.
En conclusion, ce n’est pas parce que je passe personnellement d’un échec à un autre qu’il ne faut pas tenter l’impossible… René Dumont, notre figure de proue écologique, disait dès 1974 que l’utopie, c’est ce qui n’est pas encore réalisé. A mon avis il faudra au moins un siècle pour que l’urgence écologique devienne l’éthique commune de l’humanité. D’ici là le mouvement écologiste aura connu beaucoup de schismes et opéré beaucoup de mutations avant de convaincre nos peuples que l’humanité doit s’obliger à une coopération durable avec la planète qui entretient la vie de tous les espèces (dont homo sapiens/demens). D’ici là je serai mort depuis longtemps, mais il faut par principe faire confiance aux générations futures. Pour arriver à une humanité moins anthropocentrée, elles seront aidées par mon partenaire préféré, la biosphère.
Ce sont les craquements de notre mère la Terre et ses dysfonctionnements provoqués par notre espèce qui nous obligent à penser autrement. Notre constat politique est commun, toutes les études scientifiques le prouvent, l’urgence écologique est omniprésente : épuisement halieutique, stress hydrique, surpopulation ET surconsommation, raréfaction des ressources renouvelables ET non renouvelables, pic pétrolier ET pic des métaux, réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, stérilisation des terres agricoles et disparition des forêts primaires, bidonvillisation de l’habitat et morgue des super-riches du haut de leurs yachts et de leurs avions, gaspillage des ressources alimentaires et obsolescences programmées, aliénation du peuple par la société du spectacle, conformisme des consommateurs formatés par l’emprise publicitaire, foi aveugle dans le progrès techno-scientifique et ses solutions-miracle, montée de l’individualisme exacerbé d’un côté et explosion des intégrismes de l’autre, militarisation de l’existence, en bref dépassement des limites dans tous les domaines.
Reconnaître cela, lutter contre des tendances mortifères, c’est vouloir nécessairement la coopération, c’est chercher le meilleur chemin, c’est tenter l’impossible.
Michel Sourrouille
Perso, je ne suis que rarement embarrassé d’intervenir « au national » sauf pour du concret comme les projet de bassines.
Puis depuis dans un groupe eau qui a réussi en 2023 à avoir un atelier et une plénière aux JDE. Et à organisé début 2024 la campagne de tests PFAS…
J’ai toujours été adhérent, c’est plus simple. Et concrètement actif. Cela me semble le plus efficace et au moins les responsables nationaux m’ont toujours reconnus pour ça…
Bon courage et bravo pour ta persévérance malgré les difficultés…