Denis Cheynet : « Alors qu’elle était de moins de 30 ans en 1800, l’espérance de vie mondiale moyenne est aujourd’hui de plus de 72 ans. Mais ce « progrès » ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur l’énergie que nous sommes prêts à mobiliser pour améliorer une espérance de vie que nulle autre civilisation sur Terre n’avait jamais ne serait-ce qu’approché. La corrélation entre la quantité d’énergie mobilisée par chaque être humain et l’espérance de vie est frappante. Malgré de très fortes inégalités, ce chiffre global n’a cessé d’augmenter. Aurait-ce était possible si notre consommation d’énergie primaire moyenne par habitant n’avait pas été multipliée par trois en 200 ans. On pourrait même mettre un chiffre sur l’année d’espérance de vie : environ 25 litres de pétrole et par an. Notre espérance de vie moyenne se puise sous terre sous forme de charbon et de pétrole. Parce que cette énergie abondante et bon marché est une anomalie de l’histoire humaine, on peut en déduire que notre espérance de vie l’est aussi. La France dépense un peu plus de 11 % de son PIB dans le domaine de la santé, c’est-à-dire plus de 200 milliards d’euros. Nous aimerions faire perdurer cette opulence coûte que coûte, mais en oubliant que la vie se nourrit de la mort, comme les plantes se nourrissent de l’humus. Certains comme Jean-Luc Mélenchon aimeraient pourtant vaincre la mort, ce qui signifierait purement et simplement refuser de laisser de la place pour les générations suivantes. Accepter le finitude de nos existences, savoir tirer notre révérence et laisser quelques ressources énergétiques aux suivants, cela fait aussi partie du mouvement de la décroissance. »*
Serge Latouche : « La montée en puissance du refus de la mort qui s’est manifestée dans le fantasme de guerres zéro morts et se révèle aussi dans les recherches chimériques des transhumanistes transparaît dans la complicité implicite entre le pouvoir médical, la puissance gouvernementale et l’opinion publique. Je crains que certains en soient encore à la position infantile d’une illimitation de leurs désirs et de leur egos qui me semble le principal fondement de la foi dans la Croissance. Faire envisager une absence de maladie dans le monde idyllique qu’on nous promettait est une forme de messianisme qui me fait peur. Les dépenses de santé sont rentrées dans une logique exponentielle immaîtrisable de médecine de pointe. Il est tout à fait remarquable qu’on ait régressé de « l’économie coûte que coûte » à « la santé coûte que coûte ». Le curseur s’est déplacé, il faut échapper à la mort quel que soit le prix à payer en terme de renoncement aux libertés, et même s’il faut quelque peu sacrifier l’économie et à plus forte raison l’écologie. Il y a quelque chose de pathétique dans la course mondiale de masques de protection dont la fabrication ne nécessite ni terres rares, ni haute technologie… »**
sur notre blog biosphere :
5 mai 2020, Covid, la trouille politique devant la mort
18 avril 2020, Covid, regardons sans ciller la mort en face
15 avril 2020, Covid-19, le droit à la vie et à la mort
24 février 2020, Covid-19, bientôt 5 millions de morts ?
14 février 2020, Aux mains des « labo de la mort »
1er juillet 2019, Droit à la vie ou droit à une mort digne ?
* La décroissance, mai 2020, L’espérance de vie ? C’est du pétrole ! (extraits)
** La décroissance, mai 2020, coronavirus et décroissance (extraits)
Michel C, tout à fait OK avec toi.
Mais que pouvons nous faire pour ne pas participer à ce monde où nous serons tous sous très haute surveillance et réduits à l’état d’esclaves, de robots ou de zombies ? Remarque, on a de la chance, le parfait humanoïde capable de totalement nous remplacer n’ a pas encore vu le jour, sinon que feraient-ils de nous?
Merci Onzelune. En parlant ici de robots, je ne pense pas là spécialement aux machines, humanoïdes ou pas, je veux parler d’êtres humains qui n’en auraient plus que l’apparence et la contenance disons naturelle. Et pareil par esclaves et zombies. J’évoque seulement ces êtres humains décrits dans les dystopies «Le Meilleur des mondes» ou «1984».
Quant à la question (que pouvons-nous faire ?) j’essaie tant bien que mal d’y répondre dans mes divers commentaires. Dernièrement je disais encore qu’il était trop tard pour sauver notre monde (notre civilisation, notre modèle…), que nous devrions seulement songer à tenter de sauver ce qu’il nous reste d’humanité, afin justement de ne pas devenir des sortes de zombies. Je reste convaincu que même s’il advenait, ce monde de robots (ce monde de décérébrés, de surveillance, de flicage généralisé, de high-tech, etc.) ne ferait que précéder l’effondrement général et le retour à des modes de vies moyenâgeux. A choisir je préfèrerais encore le Moyen-Age au monde de Mad-Max. Seulement je ne crois pas que nous aurons ce genre de choix. Tant qu’il nous reste encore une certaine marge de liberté (et donc de choix) faisons alors en sorte que ce nouveau Moyen-Age soit le plus humain possible, qu’il permette ainsi une autre Renaissance, qu’il permette à l’Homme d’évoluer, de s’élever et non pas de régresser au stade bestial.
Quand on voit comment l’humanité se laisse effrayer par une maladie qui a tué une personne sur 20 000 (fragile dans 95 % des cas) on mesure en effet comme la mort nous apparaît incongrue,.
Comment réagirons-nous quand de vraies catastrophes surviendront ?
Le pétrole a aussi faussement éloigné la mort et nous en a donnée une image bien trompeuse, car contrairement à nos rêves elles est toujours là, inéluctable.
Assez d’accord avec les propos de Serge Latouche.
Serge Latouche dit : «Il est tout à fait remarquable qu’on ait régressé de «l’économie coûte que coûte» à «la santé coûte que coûte». Le curseur s’est déplacé, il faut échapper à la mort quel que soit le prix à payer en terme de renoncement aux libertés, et même s’il faut quelque peu sacrifier l’économie et à plus forte raison l’écologie. »
Autant je suis totalement d’accord avec le reste, et notamment avec la phrase qui précède, autant sur ces deux-là pas trop.
Je ne pense pas que le curseur se soit déplacé, pour moi il reste calé sur l’économie. Plus exactement sur le Business et le Pognon. Je pense tout simplement que la santé, comme le fameux «bien-être», étroitement liés à la «super forme», à «l’éternelle jeunesse» etc. est devenu un marché (un business) très juteux. Et de même les Ehpad ou les funérailles. Quel est l’intérêt de vivre longtemps dans un Ehpad, surtout lorsqu’on y mal traité ? Derrière tout ça nous retrouvons donc, comme partout, le Business et le Pognon.
L’épisode actuel nous amène, là encore, à nous poser certaines questions légitimes. Par exemple, pourquoi cette affaire (d’Etat) autour du Professeur Raoult et de la Chloroquine ? Pourquoi nous faire ainsi peur, nous rabâcher que nous allons devoir vivre avec ce coronavirus tant que nous n’aurons pas de vaccin ? Pour moi c’est clair, là encore les lobbies, le Pognon. Serge Latouche rajoute d’ailleurs ensuite :
– «Il y a quelque chose de pathétique dans la course mondiale de masques de protection dont la fabrication ne nécessite ni terres rares, ni haute technologie…»
Là encore nous savons que cette affaire de masques n’est qu’une misérable affaire de Pognon. Cette fois, croyant faire des économies de bouts de ficelles on a décidé qu’on n’en avait pas besoin. Quelques années plus tôt, on avait pensé qu’on aurait besoin de 95 millions de doses de vaccin pour lutter contre la grippe du H1N1. Et en même temps on continuait, et on a continué depuis, à démolir l’Hôpital public. Et pas que l’Hôpital d’ailleurs. Toutes ces incohérences nous montrent qu’en haut lieux on se fout pas mal de la santé (physique, mentale ou morale) des populations, tout comme de leur longévité. Business as usual !
D’autre part cette épidémie (crise sanitaire) tombe à pic dans un contexte de crise très profonde. Crises économique, énergétique (pétrolière) et bien sûr écologique. Quel est l’intérêt d’arrêter l’économie durant quelques semaines ? Pas de sauver des vies en tous cas. C’est exactement comme quand on décide d’une guerre, casser pour reconstruire après. Reste à voir ce qu’on cherche à reconstruire ou plutôt à construire, après. Cette crise aura été une opportunité pour le monde des GAFAM qui laminent toujours plus nos libertés ainsi que la vérité (la véritable information), une opportunité pour booster la fameuse Créativité dans les secteurs de ces nouvelles technologies et activités commençant par télé (télé-travail, télé-achats, télé-enseignement, télé-médecine et bien sûr télé-surveillance). Une formidable opportunité pour tous ceux qui en font leur Business bien sûr, mais en résumé pour tous ceux qui vouent un culte démesuré à ce sacro-saint Ordre Etabli, ainsi qu’à tous ses dieux (Croissance, Progrès, Innovation, Pognon, Compétition, Vitesse et j’en passe). Cette crise aura été une formidable opportunité pour expérimenter de ce monde qu’on nous prépare, avec notre consentement plus ou moins éclairé, en tous cas avec notre complicité. Un monde où nous serons tous sous très haute surveillance et réduits à l’état d’esclaves, de robots ou de zombies.
Résumé : 1) Business as usual ! 2) Il faut absolument sauver l’Ordre Etabli !
Modération du blog biosphere à Michel C.
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Comme celle du taux de CO2 dans l’atmosphère, celle des températures, celle du niveau des océans, celle des divers «progrès» techniques, médicaux, celles bien sûr de la sacro-sainte Croissance économique et de la croissance démographique… nul doute que la courbe de l’espérance de vie suit celle de notre consommation de pétrole (tep).
Ainsi semble t-il … «On pourrait même mettre un chiffre sur l’année d’espérance de vie : environ 25 litres de pétrole et par an.» Je ne peux pas dire si ce chiffre est juste ou pas, j’imagine qu’il n’est pas des plus faciles à obtenir. Par contre le chiffre de 500 «esclaves» 24/24 (calculé par Jancovici) est facilement vérifiable, là il n’y a même pas lieu de discuter, ce chiffre parle de lui-même.
L’espérance de vie n’a donc fait que progresser. Pour autant n’allons pas croire que nous pourrions devenir tous centenaires, surtout pas que nous pourrions vivre 500 ans, voire vaincre la mort, ceux qui croient ça ont un grave problème avec les limites. En 2020 l’espérance de vie semble approcher ou avoir atteint la limite. Elle continue à augmenter en Afrique, où elle est passée de 52,33 ans en 1995-2000 à 62,66 ans en 2015-2020 (Source: ONU-Division Population), toutefois elle reste la plus basse au monde.
Cette progression de l’espérance de vie a évidemment modifié notre vision du monde. Notre vision du fameux Progrès (qui progresse pour des siècles et des siècles, amen), nos visions de la jeunesse et de la vieillesse, nos rapports au plaisir (parce que je le veau bien), à la santé, au temps, et bien sûr à la mort (nous en avons déjà parlé ces jours-ci).
Cette peur de la mort est particulièrement forte dans ces pays qui depuis longtemps (trop longtemps ?) n’ont pas vécu de grandes catastrophes, ces pays qui constituent principalement le monde Occidental, ce vieux monde fatigué, frileux, qui a peur de tout, qui refuse le moindre risque. Et qui en même temps joue avec le feu. Et qui en attendant, vit dans la confusion et le déni de réalité.