anthropisation

Le Monde belliciste, une erreur stratégique !

LeMonde, militariste, résolument belliqueux. Le titre de l’éditorial du 3 juillet est sans ambiguïté : « Aux armes, citoyens européens ! » Mais il ne suffit pas de chialer sur l’Europe qui désarme car « C’est dangereux. » Nous ne connaissons aucun raisonnement capable de défendre l’idée de défense nationale armée. Il faudrait selon LeMonde être apte à « projeter sa puissance sur des théâtres éloignés où se joue une partie de son avenir économique et pouvoir s’interposer sur un autre continent. » S’il s’agit de forces légitimes d’interposition, alors les casques bleus suffisent à la tâche. La Charte des Nations Unies adoptée le 26 juin 1945 prévoyait déjà des mesures pratiques pour  imposer la paix dans le monde ; il suffit que l’Europe donne enfin à l’ONU les moyens nécessaires. S’il s’agit de « projeter sa puissance », alors nous ne pouvons accepter un tel slogan qui ressemble aux impérialismes d’autrefois. Nous sommes aujourd’hui confrontés à des problèmes planétaires (tsunamis financiers, pics énergétiques, réchauffement climatique, etc.) qui demandent une concertation internationale et non une volonté de puissance. L’échec de Copenhague a montré que l’Union européenne n’a pas besoin de s’armer davantage, mais de faire enfin preuve de consistance politique sur le plan international !

                Quant à la France ! Depuis le début du XIXe siècle, l’histoire de la France offre une impressionnante série d’échecs de sa défense militaire. Cinq agressions contre le pays (1814, 1815, 1870, 1914, 1940) se sont soldés par quatre échecs indiscutables et par une guerre de 1914-18 qui a nécessité l’intervention étrangère, tout le Nord-Est du pays ravagé et près de 1,4 millions de morts et 740 000 mutilés. Si l’on ajoute les deux revers subis en Indochine et en Algérie, il est légitime de se demander si la confiance dans l’option militaire ne relève pas de l’illusion collective. Dans l’article complémentaire p.9, LeMonde nous indique que les économies budgétaires ne touchent pas la dissuasion, « l’assurance-vie de la nation ». Rappelons que la bombe atomique, force de frappe dite « dissuasive », est uniquement un moyen d’agression, et, fait nouveau par rapport aux guerres traditionnelles, elle est destinée aux populations civiles ; ce qui devrait poser un problème de conscience aux militaires eux-mêmes. Exterminer l’ennemi de façon massive, de loin et sans même l’avoir vu, adultes et enfants indistinctement, c’est le contraire de toute guerre juste, de tout honneur et de toute gloire. La possession de l’arme nucléaire par la France et autres « grandes puissances » devrait entraîner une réprobation unanime.

                Il est évident que tant que les humains penseront à se faire la guerre, ils ne penseront pas assez aux moyens de rendre notre planète plus vivable, et donc plus pacifique…

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corrigé dissertation bac SES (22 juin 2010)

Sujet de dissertation : Comment la solidarité s’exerce-t-elle en France aujourd’hui ?

Analyse du sujet : Nous sommes dans un contexte de crise financière durable. Après la crise des subprimes (endettement immobilier privé), qui débute aux Etats-Unis et entraîne une récession mondiale, l’UE est maintenant confrontée à une crise de l’endettement public qui risque là aussi de faire effet domino : d’abord la Grèce, puis la Roumanie, l’Espagne, la Grande Bretagne et pourquoi pas la France. Or le système  de solidarité repose principalement sur la redistribution financière par l’Etat : moins de rentrées fiscales et difficulté de remboursement des emprunts antérieurs veut dire difficulté de financer la solidarité. Cette solidarité est multiple, qu’il s’agisse de solidarité entre les actifs occupés et les chômeurs, entre les bien-portants et les malades, entre les actifs et les retraités. Pourtant cette solidarité oublie d’autres solidarités dont il faudrait aussi s’occuper, la solidarité avec les autres pays, la solidarité avec les générations futures (pour leur laisser des ressources naturelles suffisantes), la solidarité avec les autres formes du vivant (protection d’une biodiversité en déconfiture).

La pratique de la solidarité est donc à un tournant historique, il va falloir faire des choix. On voit déjà tous les problèmes posés par le nouveau plan de financement des retraites en France, avec grèves à répétition. Pourtant le sujet posé regarde l’ampleur de la question solidaire par le petit bout de la lorgnette : « Comment » et « aujourd’hui »

Analyse du  document 1 : le « comment » est posé par ce document : solidarité publique qui passe par l’Etat ou solidarité privée qui passe par la famille ou par l’individu ? Nous sommes arrivés aux limites d’un Etat Providence devenu non seulement « bureaucratique », mais super-endetté. Alors, est-ce le moment de revenir aux anciennes solidarités, dites de proximité ? Est-ce le moment d’aller jusqu’au bout de la logique du libéralisme économique, dégraisser le mammouth étatique pour faire confiance à la responsabilité individuelle ? Le document exprime le fait qu’une telle solution entraînerait une expansion des inégalités et suggère une coexistence nécessaire de la solidarité privée et publique. Notons que l’auteur du document, Serge Paugam, est connu pour avoir affirmé que l’assistance ne peut constituer une solution globale à la pauvreté : il y a différentes formes de pauvreté, intégrée, marginale ou disqualifiante.

Nous pourrions ajouter que la réactivation des solidarités de proximité ne peut vraiment être efficace que si les différents territoires deviennent plus autonomes et prennent en charge leur sécurité énergétique et alimentaire. Notons que ce sont déjà les conseils généraux, au niveau des départements, qui gère le RSA et autre forme de solidarité.

Analyse du  document 2 : Pour 100 consacré aux dépenses de protection sociale, il y a 38,3 qui va au poste vieillesse. La retraite constitue donc la principale dépense, à 10 points au-dessus du poste maladie. Le papi-boom n’a pas du tout été anticipé en France, l’âge légal de la retraite est au contraire passé de 65 ans à 60 ans avec l’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981. De plus l’essoufflement durable de la croissance et la montée structurelle du chômage ne peut que faire augmenter plusieurs autres postes de dépenses.

Les gouvernements successifs ont fait preuve d’imprévoyance, d’un manque de courage politique flagrant, surtout du côté de la gauche malheureusement.

Analyse du  document 3 : constat sur les inégalités des solidarités de proximité selon les milieux sociaux. Qu’est-ce qu’on attend pour instaurer un revenu maximal admissible ? Quand le patron de la FIFA touche 4 millions de dollars par an, quand les parachutes dorés se multiplient, la société devient obscène et la solidarité se limite à faire payer les moins riches, les plus riches étant protégés par le bouclier fiscal.

Analyse du  document 4 : il est intéressant de constater que les syndicats ne jouent  aucun rôle dans l’aide aux jeunes salariés !

Analyse du  document 5 : on préfère des associations à but particulariste (sport, la belote au club du 3e âge, loisir et fêtes) plutôt que les associations à but universaliste comme les syndicats.  Comme le document ne donne qu’une image de l’engagement associatif à un moment donné, il faut donc ajouter que le capital social, base des solidarités de proximité se délite au fil du temps au profit de l’individualisme (particulariste).

Analyse du  document 6 : Nous retrouvons dans ce document la logique du XIXe siècle, une solidarité limitée à l’assistance aux plus démunis. Nous tournons la page de l’Etat-providence instauré en France après la seconde guerre mondiale, l’assistance du berceau à la tombe pour tout le monde. Le document laisse une question sans réponse, la question de l’avenir de la solidarité, ce qui peut former l’ouverture du sujet en conclusion.

Nous pensons qu’il faut regarder la réalité en face, la prépondérance de l’Etat central dans une économie qui se disloque non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour des raisons écologiques (pic pétrolier, réchauffement climatique, chute de la biodiversité, dégradation des sols, etc.) est derrière nous. Le lien de solidarité, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, ne se situera pas simplement au niveau des solidarités publiques (sécurité sociale), individuelles (resto du cœur, charité…) ou familiales (en argent ou en nature), mais dans des solidarités de proximité retrouvées (voisinage, territoire d’appartenance, communautés diverses).

NB: nous répondrons directement sur ce blog à toute question pertinente sur ce sujet de dissertation.

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NOUS PREPARONS LA GUERRE

Les ventes d’armes n’ont pour finalité que de semer la souffrance et la mort. Pourtant les dirigeants de l’industrie d’armement ne se cachent pas, ils tiennent même salon du 14 au 18 juin au parc des expositions de Paris à Villepinte. Depuis 1967 où il se tenait dans la ville éponyme de Satory, ce supermarché de la mort n’a cessé de se réunir tous les deux ans et de croître. A Eurosatory, le client avisé peut se procurer l’attirail complet de l’assassinat de masse, depuis l’arme de poing jusqu’au char d’assaut.

LeMonde du 15 juin s’inquiète d’une possible diminution des budgets de recherche pour l’armement en ces temps de sacrifice ! Heureusement que les marchés à l’exportation restent porteurs, + 10 à 20 % hors de la zone euro ! Il faut bien troquer son essence contre des tanks avec l’Arabie saoudite ou le Qatar. Et puis la vente des équipements destinés à la surveillance aux frontières a fait un grand bond en avant ! LeMonde n’a pas d’état d’âme, le journaliste Dominique Gallois pleure même sur les difficultés de rapprochement Thales-Safran dans l’optronique (mariage de l’optique et de l’électronique) militaire.

LeMonde devrait au contraire exprimer une protestation étayée contre le commerce des armes et réclamer la fermeture d’Eurosatory. En 1998, des protestataires venus d’Angleterre avec CAAT (Campaign Against Arms Trade), d’Italie avec le groupe VERDI (jeunes verts), des Pays Bas avec l’association d’objecteurs AMOK avaient rejoint les groupes français COT, APOC, CLOC, MOC et CNT ainsi que quelques représentants du MAN et de l’Union Pacifiste. Mais en 2010, les pacifistes sont muets ou presque, le Mondial tient les médias et nous fait oublier que les armes servent à tuer et que ceux qui les vendent planifient des massacres.

En l’an 2000 le collectif pour fermer Eurosatory était composé de plus de 50 groupes. Le 15 juin 2010, un petit rassemblement contre les Profiteurs de guerre et les Marchands d’armes était prévu à 18h à Paris au Mur de la Paix (Champ de Mars). Dans un monde qui prépare la guerre, comment penser à sauvegarder les équilibre écologiques ?

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quelle éthique pour les fonctionnaires ?

Une pétition s’exclame, « Non au contrôle de moralité des futurs enseignants » (LeMonde du 4 juin). De quoi  s’agit-il ? Une nouvelle épreuve au concours se propose de mesurer si le professeur connaît… « les textes relatifs à la sécurité des élèves et à la sûreté » ou « les règles de fonctionnement de l’école ou de l’établissement ». Prenons une application officiellement précisée dans un exemple : « Dans l’établissement scolaire où vous exercez vos fonctions, lors d’un intercours, vous remarquez deux élèves en train de se battre dans le couloir. Questions : 1/ Pensez-vous qu’il faille considérer que la surveillance des élèves durant les intercours, relève exclusivement de la compétence des surveillants de l’établissement ? 2/ Qu’évoque pour vous l’appellation communauté éducative ? »

La position des pétitionnaires, c’est de supposer qu’une telle question relève d’une dérive : « Nous ne pouvons accepter qu’un certificat de bonne moralité soit désormais requis pour accéder aux fonctions d’enseignant. » En fait, il s’agit pour eux de défendre un enseignant qui ne soit reconnu que pour son contenu cérébral devant une classe: « Les concours de recrutement ne sauraient évaluer que les compétences disciplinaires et les aptitudes pédagogiques des candidats. » Or beaucoup d’enseignants de l’époque actuelle se lavent les mains des problèmes de comportement des élèves d’aujourd’hui. La communauté éducative, ils n’en ont rien à cirer. Y’a des gens qui sont payés pour assurer la discipline dans les couloirs, pensent-ils ; l’enseignant, lui, il a sa propre  « discipline » à enseigner, point barre. Pourtant la « moralité » dont il est question ici ne consiste pas à afficher sa religion ou à dénoncer le surveillant qui ne fait pas son travail. Il s’agit d’une éthique professionnelle. Il ne s’agit pas de l’avènement d’une « société de contrôle », il s’agit de réagir par rapport à une société qui enferme tous les individus dans une spécialisation forcenée des tâches, une division du travail qui en arrive à nous faire oublier le sens de la communauté. Alors, il faut multiplier le nombre de flics et de contrôleurs des contrôleurs.

Notre position sur ce blog, c’est que nous faisons partie d’une communauté humaine et même d’une communauté biotique. Si des intervenants extérieurs arrivent pour matraquer des élèves, un enseignant à le devoir de s’interposer si possible. Si la pollution  de la planète devient une réalité, un enseignant doit faire tout son possible pour qu’il en soit autrement. L’éthique du fonctionnaire, c’est comme la morale pour n’importe quel citoyen, il faut se sentir concerné et responsable dans tous les évènements de sa communauté.

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la France 7ème ? Mauvais calcul !

Après le PIB (produit intérieur brut), après l’IDH (indicateur de développement humain), voici venu le temps des indicateurs de bien-être de l’humanité et de la planète ! Nous avons déjà oublié à quoi pouvait bien aboutir la commission Stiglitz nommée par Sarko sur la « mesure de la performance économique et du progrès social ». Le petit dernier vient de sortir, l’indice final de performance environnementale (LeMonde du 30-31 mai). Il paraît que la France est septième, qu’est-ce que ça doit être dans les autres pays ! Il est vrai que la France exporte ses déchets nucléaires en Russie et importe son uranium de l’étranger, utilise huile de palmes et soja grâce aux surfaces gagnées sur les forêts des pays « émergents », sans compter tous les biens de consommation importés de pays où il n’y a pas de protection environnementale : le monde est notre poubelle.

De plus, si on rentre dans les détails de cet « indice final », on ne peut que rester perplexe. En effet, il ne faudrait pas faire comme avec le PIB, compte en positif ce qui est négatif. En quoi la lutte contre les maladies liées à l’environnement serait-il un signe de bonne santé ? En quoi la lutte contre le changement climatique serait-il un signe de sobriété énergétique ? Et ces deux postes font déjà la moitié de la pondération de l’indice. En France, l’idée de taxe carbone a été abandonnée et, pour la vitalité des écosystèmes, nous n’avons pas entendu dire que ce pays était particulièrement au clair avec ses objectifs Natura 2000.

De toute façon, un bon état environnemental doit être lié à l’absence de cancers liés à un milieu pollué, à l’absence de réchauffement climatique causé par la combustion d’énergies fossiles, à l’absence d’une perte de biodiversité, à l’absence de pesticides dans les eaux et les sols, etc. La France n’est pas septième en réalité car, comme tous les pays développés, elle exploite au maximum la nature au niveau mondial et détériore chaque jour davantage l’avenir des générations futures.

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Avatar et les Indiens du Pérou

Le film Avatar est une douce plaisanterie : les peuples indigènes ont toujours été expropriés par l’expansionnisme de la société thermo-industrielle, et cela très rapidement quand ils possèdent des ressources naturelles directement utilisables. Violer les droits les plus élémentaires des peuples indigènes a été une constante de la mondialisation. Le fait qu’Alberto Pizango, chef du premier collectif d’Indiens d’Amazonie, ait été poursuivi par la justice péruvienne après une manifestation massive et pacifiste à Bagua, le 5 juin 2009, contre une série de décrets ouvrant leurs territoires aux compagnies étrangères n’était donc pas une surprise : on ne discute pas avec les autochtones, ils doivent suivre la loi du plus fort. Il est bien clair aussi que, contrairement au film de James Cameron, les communautés particulières ne peuvent vaincre par les armes, elles seraient exterminées.

Mais le retour d’exil d’Alberto et sa mise en liberté conditionnelle (leMonde du 29 mai) marque peut-être un tournant. En effet, les deux principes fondamentaux de la convention 169 de l’OIT signée en 1993 par le gouvernement de Lima sont la consultation et la participation des peuples indigènes et tribaux. Alors que beaucoup de participants aux discussions ayant précédé l’adoption de la convention ne pouvaient accepter le contrôle de leurs terres par les peuples indigènes et tribaux, cette partie de la convention prévoit un niveau de participation significatif à la gestion des terres et des ressources, plus élevé même que celui dont jouissent les citoyens de la plupart des pays. Le contrôle sur les terres est bien sûr un élément indispensable à l’obtention de la pleine reconnaissance du droit à l’auto-gouvernement.

Les tribus « indigènes » d’aujourd’hui n’ont sans doute aucun trait commun avec les Na’vi, les autochtones fictifs de la planète Pandora. Elles ont assimilé les principes de base du capitalisme depuis longtemps et savent faire négoce de leur « ethnicité » : il s’agit seulement de savoir comment va se répartir les royalties des ressources minières. Il faudra attendre l’implosion de la société thermo-industrielle, quand elle sera allée au bout de l’exploitation facile de la nature et qu’elle connaîtra des blocages énergétiques et climatiques, pour qu’on s’intéresse enfin à la seule  solution durable aux problèmes contemporains : la constitution mondialisée de communautés territoriales suffisamment indépendantes au niveau énergétique et alimentaire. Cela se fera encore une fois dans l’affrontement, mais cette fois par le rejet du mode de développement occidental. Sur ce point, James Cameron voyait juste, la diversité économique et culturelle peut être un rempart contre les forces du marché.

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DSK, Stiglitz, les dévots de la croissance

La volonté de croissance économique a ceci de funeste qu’elle est devenue une véritable religion pratiquée par nos élites qui pensent. Alors que le culte du PIB est à l’origine ancré dans l’idéologie de droite (l’accumulation du capital est corrélée avec le profit et l’expansion), la gauche a enfourché le même credo. Quand le socialiste Dominique Strauss-Kahn estime que « si l’Europe va mal, c’est surtout parce que la croissance économique y est trop faible », il ne parle pas en tant que directeur général du FMI, mais en tant que socio-démocrate. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, ex-conseiller de Bill Clinton et ex-chef économiste de la Banque mondiale croit critiquer la pensée unique monétariste, mais c’est pour émettre un acte de foi croissanciste : « Aujourd’hui, l’UE veut un plan coordonné d’austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre. Nous savons, depuis la Grande Dépression des années 1930, que ce n’est pas ce qu’il faut faire. L’Espagne ne s’en sortira que si la croissance européenne revient. C’est pour cela qu’il faut soutenir l’économie en investissant et non en la bridant par des plans de rigueur. » (
LeMonde 23-24 mai)

Voici, sur lemonde.fr, quelques commentaires intelligents sur l’article de Stiglitz :

– Le désastre de l’endettement irraisonnable mène à l’austérité.

– On peut faire de la rigueur intelligemment.

– La Suède a mené une politique d’austérité qui l’a sauvée et qui ne l’a menée à aucun désastre.

– Si votre ménage est endetté de manière énorme, peut-on continuer à se dire :  » Je consomme encore, c’est bon pour la croissance  » ?

– C’est la croissance pour la croissance qui nous a emmenés au déficit. Les arbres ne montent pas au ciel.

– L’Espagne a construit à tour de bras et pas forcément à bon escient. Et les Amish, ils ont traversé la crise comment ?

– Tant qu’on ne nous propose pas un modèle où tout le monde arrive à s’en sortir convenablement SANS croissance, c’est pas sérieux.

– Mettons en place un modèle qui pourra durer à long terme, pas une chaîne de Ponzi de l’économie mondiale (aujourd’hui, il nous faut de la croissance pour un fonctionnement « normal »).

– Il faut cesser de se crucifier au nom de la croissance et de la paix des marchés.

http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2010/05/22/joseph-stiglitz-l-austerite-mene-au-desastre_1361520_3234.html

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le FMI, le peuple et la nature

Qui faut-il défendre ? La nature ? Le peuple ? Les banques ? La réponse est difficile car tout est lié, c’est l’idée générale de ce blog. Comme les banques exploitent le peuple qui exploite la nature, nous nous mettons bien sûr du côté du plus exploité, la nature. Car la nature donne au peuple les moyens de vivre et le peuple demande aux banques les moyens de consommer la nature. Et si la nature est surexploitée, elle ne pourra pas donner à manger au peuple qui ne pourra pas engraisser les banques. Cqfd.

Prenons un exemple, le FMI, cette banque de refinancement. Sans le FMI qui donne des liquidités aux Etats en difficulté de paiement, le commerce international risque d’en souffrir. Donc si le FMI n’existait pas, le peuple devrait se contenter des ressources qui sont dans son propre pays, il ne pourrait plus mettre à sa disposition les ressources de la Terre tout entière, il serait obligé de  sauvegarder durablement la richesse de son territoire. Le FMI est lié au libre-échange qui est lié à la surexploitation de la nature. Il faut donc supprimer le FMI, mettre au chômage DSK, et tout ira mieux pour le peuple. Si nous changeons de mode de vie !

Les politiques de rigueur appliquées aujourd’hui dans les pays développés ne sont pas nouvelles. Le FMI avait déjà imposé des purges (appelées plans d’« ajustement structurel ») dans les années 1980 aux pays du tiers-monde surendettés à cause d’un commerce mondial déséquilibré, d’une consommation à crédit, d’un Etat dispendieux. Pourtant cela fait plus de trente ans que Paris se permet de ne pas présenter un budget de l’Etat à l’équilibre ! Le FMI craint alors que la crise de l’euro se mue en une crise mondiale des dettes publiques. Les économistes ont peur que ce qui se passe dans l’UE ne soit que la pointe d’un iceberg de dettes et de déficits publics dont ni le Royaume-Uni, ni les Etats-Unis, ni le Japon ne sont exclu. Alors on tape sur le petit peuple, comme d’habitude. Le FMI impose au gouvernement roumain de diminuer les salaires dans la fonction publique de 25 % et les retraites de 15 % (LeMonde du 20 mai). Supprimons donc le FMI pour venir en aide aux Roumains, mais alors supprimons ce qui rend le FMI nécessaire, un commerce mondial déséquilibré, une consommation à crédit, un Etat dispendieux.

Aux humains de savoir quoi faire de leurs élites corrompues ou inconscientes, nous ne pouvons pas décider à la place des peuples. Mais si le peuple tout entier se met à la diète, il n’aura plus besoin des banques et la nature pourra respirer.

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au-dessous du volcan, réfléchissons

La planète vient d’offrir un grand coup de frein au tourisme européen. Nous mesurons qui est le plus fort entre une humanité qui se veut possesseur et maître de la nature et une Nature qui a précédé l’espèce humaine et lui trouvera des successeurs. L’éditorial du Monde du 20 avril admet : « L’homme n’est pas voué à ne rencontrer que lui-même : ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. » L’éditorial se réfère aussi au livre d’Hartmut Rosa sur l’accélération du temps : il faudrait prendre le temps de se reposer et de réfléchir.

Non seulement il y a accélération technique par la vitesse (l’avion par exemple) et compression de l’espace (pour les touristes), mais aussi accélération du rythme de vie (fast-foods, speed dating, habitude nouvelle de faire plusieurs choses à la fois). Nous changeons de métiers, de conjoints et d’orientation politique beaucoup plus souvent qu’autrefois et de façon trop souvent contrainte. Face à cette frénésie croissante, il existe des stratégies de décélération, des éloges de la lenteur ou de la décroissance. Mais Hartmut Rosa est pessimiste. Son scénario le plus noir est le plus probable : celui d’une course effrénée à l’abîme emportant avec elle un monde impuissant. Envisager un avenir sombre et une histoire sans lendemain est un effet induit par le processus d’accélération. En produisant des individus sans avenir et des gouvernants réactifs plutôt qu’actifs, le noyau de la modernisation s’est en définitive retourné contre le projet de la modernité. Les processus politiques permettant l’articulation et la synthèse démocratique des intérêts prennent trop de temps et deviennent de plus en plus difficiles. A moins que des régimes autoritaires ne parviennent à arrêter la vitesse. Catastrophe et barbarie ?

Plus vite les avions repartiront, plus vite arrivera le prochain choc qui tuera la civilisation thermo-industrielle. Nous ne prenons pas le temps de réfléchir à l’ombre des volcans.

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Jacques Séguéla est-il con ?

Jacques Séguéla, publicitaire, lors d’une confrontation avec Yvan Gradis, fondateur de R.A.P. (Résistance à l’agression publicitaire) et initiateur des barbouillages d’affiches (France-info du 11 mars 2010) : « Je répondrai pas à une imbécillité telle que de traiter la publicité de violence. La publicité, elle est marchande de bonheur, ça n’a rien à voir ! C’est la pub qui est le sponsor de la démocratie. On vivra pas sans pub ! Elle fait partie des mœurs. Qui crée des emplois ? C’est pas les destructeurs de pub ! On peut tout critiquer sauf le moteur de l’économie (la pub). Je dis la vérité avec de l’amour. L’antipub sème la haine. Il faut être alter, pas anti. Vous croyez qu’on n’a pas assez de haine dans ce pays de misère ? Vous croyez pas qu’il faut se tenir la main pour essayer de sortir de la crise plutôt que d’aller barbouiller des affiches ?! Vous pensez que ça fait avancer le schmilblick que de barbouiller des affiches ?! »

Ou bien Jacques Séguéla est un con, et ça m’étonnerait quand même un peu ; ou bien Jacques Séguéla n’est pas un con, et ça m’étonnerait quand même beaucoup ! (Desproges en 1982, cité par LeMonde du 7 avril 2010)

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des déchets en héritage

Avec l’explosion démographique, le carcinome de l’urbanisme désordonné, les eaux d’égout et les déchets formant désormais de véritables couches géologiques, il est certain qu’aucun créature autre que l’homme n’a jamais réussi à souiller son nid en un temps aussi court. Si l’humanité disparaissait, combien de temps faudrait-il pour rendre à l’Eden l’allure et les parfums qui étaient les siens à la veille de l’apparition d’Adam ? La végétation recouvrirait le bitume et le béton, tout ce qui fait les routes et les villes, les maisons et les usines disparaîtraient du regard. Ce processus ne prendrait que quelques centaines d’années. Mais les métaux lourds comme le plomb, le mercure ou le cadmium mettraient des millénaires à être recyclés et la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère ne retrouverait des niveaux pré-humains que dans au moins 100 000 ans.

Un espace emplis de déchets plastiques et grand comme le Texas a été découvert récemment dans l’Atlantique nord : ils se rassemblent dans une gyre, là où les courants aboutissent  et dont les objets ne s’échappent jamais. Le plastique est très résistant, aucun micro-organisme n’est capable de le dégrader complètement. Même transformé en poudre, tous les plastiques produits depuis que l’homme les fabrique sont encore présents à l’état de trace dans l’environnement. Il faudra attendre que les processus géologiques refaçonnent la surface de la Terre pour que soit anéanti le plastique de la poupée Barbie.

Les humains ne seront à leur place dans la biosphère que s’ils utilisent uniquement ce qui est biodégradable, que ce soit pour leurs habitations ou leurs consommations. Ce n’est pas les pyramides d’Egypte qui importent, elles sont seulement significatives de la démesure de ceux qui nous gouvernent. Les humbles paysans du temps des pharaons n’ont laissé aucun trace, et cela est bon.

Source documentaire :

The Historical Roots of Our Ecologic Crisis de Lynn White Jr. (1966)

Homo disparitus d’Alan Weisman (2007)

LeMonde du 6 mars 2010

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un animal débile (suite)

Sommes-nous prêt à électrocuter un inconnu pour les besoins d’un jeu télévisé ? Oui, d’après les résultats d’une expérience ingénieuse. Pour cette variante de l’expérience de Stanley Milgram, réalisée en 2009, 80 volontaires sont recrutés pour un pseudo-nouveau-jeu, « La zone Xtrême ». Encouragé par l’animatrice Tania Young (« Nous assumons toutes les conséquences ») et un public frétillant (« Châ-ti-ment ! Châ-ti-ment ! »), chaque candidat doit électrocuter un inconnu, invisible mais audible, à chaque erreur commise lors d’une épreuve de mémoire verbale. Le voltage augmente au fil des décharges électriques. Aucun des tortionnaires ne sait que sa victime est en réalité un comédien. 82 % des candidats du jeu télévisé iront jusqu’au bout, à la stupéfaction des scientifiques. Que l’émission soit présentée comme destinée au grand public ou uniquement réservée à des directeurs de programmes, les résultats sont identiques. Les candidats sont tiraillés entre l’obéissance à la règle (« je me suis engagé à jouer ce jeu ») et leurs valeurs morales (« Je ne peux pas faire souffrir cet homme »). Pour l’écrasante majorité, la docilité prime. Pour le téléspectateur, ce constat est aussi une forme d’électrochoc. (Jusqu’où va la télé, série documentaire en deux parties, présentée par Sciences humaines de mars 2010)

Pour la biosphère, ce tortionnaire blotti en chacun de nous est une mauvaise nouvelle. Comme les humains sont prêts à faire n’importe quoi les uns par rapports aux autres, autant dire que la planète, ils s’en foutent complètement…

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l’illusion de l’aide au « développement »

Selon Alain Faujas, il faut s’en persuader, « le développement, c’est long, c’est compliqué et c’est urgent » (LeMonde du 19 février)… donc il faut aider les pays pauvres. Mais après des décennies d’aide publique ou privée au développement, après le slogan « trade, not aid », il faut se rendre à l’évidence, le développement n’est toujours pas au rendez-vous. Car le « développement » est un leurre agité par les puissances occidentales pour mondialiser leur propre système.

Cela commence avec l’article 22 du pacte de la Société des nations (1919) : « Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de la civilisation. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle des ces peuples aux nations développées. Le degré de développement… » Ce texte utilise pour la première fois dans la littérature internationale la notion de « degré de développement » pour justifier un classement des nations, tout en affirmant qu’il existe, au sommet de l’échelle, des nations « développées ». La colonisation acquiert ses lettres de noblesse !

Cela se poursuit en 1949 avec le point IV du discours d’investiture de Truman. Pour la première fois l’adjectif « sous-développé » apparaît dans un texte destiné à une pareille diffusion. Cette innovation terminologique introduit un rapport inédit entre « développement » et « sous-développement ». Jusqu’alors les relations Nord/Sud étaient largement organisées selon l’opposition colonisateurs/colonisés. A l’ancienne relation hiérarchique des colonies soumises à leur métropole se substitue un monde dans lequel tous les Etats sont  égaux en droit même s’ils ne le sont pas encore en fait. Dans ces conditions, une accélération de la croissance apparaît comme la seule manière logique de combler l’écart. Non seulement on évacue les effets de la conquête, de la colonisation, de la traite, du démantèlement de l’artisanat en Inde, de la  déstructuration des sociétés, etc., mais encore on fait comme si l’existence des pays industriels ne transformait pas radicalement le contexte dans lequel évoluent les candidats à l’industrialisation. Ainsi, à partir de 1949, plus de deux milliards d’habitants de la planète ne seront plus Aymaras, Bambaras, Berbères, Mongols ou Quechuas, mais simplement « sous-développés ».

L’esprit est conditionné au sous-développement lorsqu’on parvint à faire admettre aux masses que leurs besoins se définissent comme un appel aux solutions occidentales, ces solutions qui ne leur sont pas accessibles. Car en cessant d’être un processus endogène et autocentré d’évolution spécifique à chaque société, le développement ne pouvait plus être une dimension de l’histoire humaine, seulement une imposture que « l’aide au développement » permet d’enraciner dans les consciences.

(argumentaire de Gilbert Rist)

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la planète n’a pas besoin de nous

Nous raisonnons à l’inverse de ce qu’il faudrait. Selon Sylvie Brunel, il faudrait sauver les paysans pour sauver la planète (LeMonde du 10 février). Mais, contrairement à ce que croit ce professeur des universités, la nature existe indépendamment de l’homme. En affirmant cela, nous ne faisons pas preuve d’une « vision fausse et passéiste », mais d’un simple constat de réalité. L’épuisement des poches de pétrole, le réchauffement climatique, la désertification des sols, tout cela laisse complètement indifférent la biosphère qui sait inventer des formes de vie pouvant résister à des chocs bien plus importants. Mais si nous voulons sauver les paysans, c’est le « développement durable » qu’il faut remettre en question au lieu de l’encenser comme le fait Sylvie Brunel. Car c’est le développement techno-industriel qui vide les poches de pétrole, émet des gaz à effet de serre et détruit le substrat biophysique nécessaire à la richesse des sols et des paysans. Une agriculture durable n’est pas faite pour le productivisme, les engrais tirés du pétrole ou du phosphate, l’élevage hors sol et la culture hydroponique. On ne peut prétendre à la fois que les paysans doivent continuer à suivre le même modèle, croissanciste et « écologiquement intensif » et appeler au respect de nos paysans.

Sortons enfin du prisme franco-français qui nuit à une bonne perception des choses. Aujourd’hui sur la planète 28 millions de paysans travaillent avec un tracteur, 200 millions travaillent avec la traction animale et plus d’1,3 milliards travaillent à la main. Le modèle agricole français n’est pas généralisable, il doit donc être profondément remis en question. Nous avons besoin de moins de citadins et de plus de paysans, de moins de machines et de plus d’investissement humain, de moins d’universitaires et de plus de permaculture. Au vrai, on peut se demander si homo sapiens tel qu’il raisonne actuellement n’est pas une sorte d’accident de l’histoire évolutive de la vie. De toute façon il y aura encore après nous des ronces, des taillis, des genêts et ces orties qui font si peur à Sylvie Brunel.

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identité nationale et nombrilisme

Un drapeau national n’est qu’un chiffon coloré qui n’a de valeur que celle qu’on veut bien lui donner. C’est pourquoi le premier bilan du  débat franco-français sur l’identité nationale qui a fait se réunir des ministres (LeMonde du 9 février) ne peut déboucher que sur des symboles rebattus et  dépassés : faut-il chanter la Marseillaise uniquement avant les matchs de foot, ou toutes les compétitions sportives, le tennis, le scrabble, la belote, etc. ? Faut-il chanter la Marseillaise une fois par mois ou la disséquer en cours de Français une fois dans une carrière scolaire ? Faut-il créer une commission en plus du Haut Conseil à l’intégration qui existe déjà ? L’ineffable Eric Besson n’a même pas entendu la suggestion du journaliste qui l’interrogeait à la radio : Quid de l’identité européenne ? Car tel est le débat de fond : sur quel support territorial devrait se fomenter le processus artificiel d’identification ?

De son côté « Urgence climatique, justice sociale », expression de la société civile qui pense plus vite que nos gouvernants, estime qu’il faut mettre en œuvre un paradigme universel : « L’universel, c’est le local ! Mais sans s’y enfermer !! » Cela passe par la relocalisation des activités comme par la territorialisation des citoyens. De façon condensée, nous dirions glocal, penser globalement, vivre localement. Alors il n’y aurait plus de drapeaux à encenser et de chansons sacralisées à réciter en cœur, il y aurait un territoire à aimer, une nature à respecter, un lieu de vie à aménager de façon conviviale.

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la liberté parisienne

Un réfugié iranien en France se pose une seule question : « Que vais-je faire de cette liberté maintenant que je ne cherche plus à savoir ce que les autorités pensent de moi ? » Bienvenu Afshin Ghaffarian en France, le pays où on ne sait plus quoi faire de sa liberté. Dans un monde normal, on sait toujours ce qu’on doit faire. Dans la société industrialisée, on ne sait plus si on doit utiliser plutôt son iPod, son iPhone ou son prochain achat, l’iPad. La liberté dans le monde occidentalisé, ce n’est plus de danser ou de travailler à son rythme, c’est de choisir comment se brancher à la prise électrique pour surfer dans un monde virtuel et jouir des programmes numériques.

 

Il devrait y avoir des pays normaux qui puissent permettre de vivre collectivement le juste milieu entre le pays totalitaire comme l’Iran, où on peut pendre haut et court pour « manifestation » des personnes qui étaient déjà en prison le jour de cette manifestation, et la France « libérale » qui se drogue au gadget électronique…

 

NB : pour connaître toute l’histoire du danseur iranien, LeMonde du 29 janvier

 

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repenser le développement

Il faut se méfier des apparences. Une burqa peut cacher une femme exquise et raisonnée. Le « développement » cache une réalité sordide. Survolons LeMonde (quelques titres du 26 janvier) pour en être persuadé : suicide au travail, lutte contre le stress au travail, moral des ménages allemands en baisse, gouvernement portugais qui lutte pour maintenir la crédibilité financière, président américain affrontant une situation économique de plus en plus difficile, une tragédie en Grèce, l’Egypte qui peine à faire reculer la pauvreté, une militarisation de la société au Sri Lanka, la crise énergétique qui amplifie le mécontentement à Caracas. Vu le résultat, il faut donc « repenser le développement ».

Le livre de Gilbert Etienne s’attelle à cette tâche pour conclure que les idées sur le développement ne durent souvent que le temps d’une mode. Mais son diagnostic ne peut s’empêcher de courir les idées à la mode : « L’extrême pauvreté est plus aiguë dans les campagnes que dans les villes et l’un des défis du XXIe siècle consiste encore et toujours à nourrir des centaines de millions de paysans pauvres. » Gilbert Etienne a oublié que la richesse fondamentale est crée par ceux qui nous nourrissent, les paysans. Dans les pays « développés », le secteur primaire (agricole) vient historiquement en premier, le secteur secondaire (l’industrie) ne prospère qu’en enlevant le surtravail des paysans. Ne parlons pas du secteur des services qui vit aux crochets de l’ensemble du système marchand. Le « développement » du Tiers-Monde n’a été que la poursuite de la colonisation par d’autres moyens : aide financière, transfert de technologie, exode rural, urbanisation, expansion du tertiaire (le secteur informel) et de l’Etat. On retrouve toujours le même modèle de « développement » par le déracinement des paysans et la culture hors-sol des urbains.

Le « développement durable », qui nous promet maintenant le « développement » pour l’éternité, participe de la même toxicité, il nous enlève toute perspective de sortie. Mais ce système mondialisé s’effondrera un jour, victime de ses échecs et de l’épuisement des ressources naturelles. Que faisait l’an dernier la Chine face au tsunami financier ? Elle renvoyait ses mingong (paysans devenus ouvriers) dans leur campagne. Qu’une crise un peu plus profonde touche la civilisation thermo-industrielle, et la moitié de la population mondiale qui désormais habite les villes ne songera plus qu’à retourner sur des terres qui leur permettront peut-être de manger.

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to help or not to help Haïti

Il s’agit d’aider Haïti, pas d’occuper Haïti. That’s the question. Or ce qui intéresse le monde occidental, c’est d’abord le monde occidental, c’est le spectacle télévisuel d’un événement lointain, dont l’intérêt s’accroît quand il s’agit de l’adoption d’un enfant haïtien. Depuis le tremblement de terre du 12 janvier, les médias sont submergés par l’omniprésence de l’Aide internationale. On présente les secouristes de tous les pays, le rôle des banques de développement, la présence des Nations unies, les sommes récoltées par les pays donateurs, etc. Le président de la république René Préval ne devient audible que dans LeMonde du 21 janvier…pour réclamer une Aide internationale sur le long terme. Comme si l’aide aux sinistrés n’était pas d’abord le fait des Haïtiens eux-mêmes ! Comme si ce n’était pas les voisins qui commençaient à dégager des survivants ! Comme si ce n’était pas les proches qui faisaient preuve de solidarité !

Ce n’est pas de financements extérieurs et de personnels  étrangers dont Haïti a besoin en premier lieu, mais de la volonté de son peuple. Reconstruire durablement Haïti ne peut passer principalement par l’Aide internationale et des troupes d’occupation. Il est vrai que la misère de ce peuple est largement due à ceux qui font aujourd’hui étalage de leur Aide. L’Occident est responsable de la faiblesse actuelle d’Haïti : prédation coloniale, exploitation des ressources par la France bien après l’indépendance, soutien apporté par l’Ouest aux dictatures corrompues. Mais l’occident s’est paré de bonnes intentions. Rappelons l’article 22 du pacte de la Société des nations (1919) : « Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de la civilisation. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle des ces peuples aux nations développées. »  On est alors parvenu à faire admettre aux pays du Tiers Monde que leurs besoins se définissent comme un appel aux solutions occidentales, ces solutions qui ne leur sont pas accessibles. Et l’instrument le plus efficace du colonialisme économique a résidé et réside encore dans l’Aide aux pays en développement. Une Aide qui est apparue très efficace pour  endetter le pays qui la reçoit, mais aussi  pour lui enlever ses capacités de self-reliance.

NB : C’est le secrétaire d’Etat français à la coopération qui a dit : «  J’espère que les choses seront précisées quant au rôle des Etats Unis. Il s’agit d’aider Haïti, pas d’occuper Haïti. » (LeMonde du 21 janvier)

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agriculture en péril, humanité en sursis

– L’équilibre alimentaire mondial est fragile et la sécurité alimentaire n’est acquise par personne.

– Nous aurons à nourrir neuf milliards d’habitants en 2050 et à réduire fortement le nombre de personnes souffrant de la faim, plus d’un milliard en 2009.

– Personne n’a oublié les récentes émeutes de la faim. (Bruno Le Maire, ministre français de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche)

– Nous savons d’ores et déjà que nous ne saurons nourrir neuf milliards d’habitants en 2050.  (Bruno Le Maire)

– Les plantes et les animaux pourront moins produire dans certaines régions en raison du stress hydrique et climatique.

– On a voulu voir dans la production agricole des matières première comme les autres, d’où la volatilité des cours.

– Cette volatilité est accentuée par la faiblesse des volumes échangés sur le marché international, qui détermine le prix mondial : à peine 10 % de la production !

– En deux ans, les exploitants agricoles ont perdu la moitié de leurs revenus.

– Les simulations qui servaient d’appui aux négociations internationales en maitère agricole étaient toutes fondées sur des modèles industriels.

– Votre œuf affiche un 3 imprimé sur la coquille ? Cela signifie que l’animal l’ayant pondu a été élevé en batterie (90 % de la production française), c’est-à-dire en cage dans un hangar, à la lumière artificielle, avec 18 poules par m2.

– Les agriculteurs et les pêcheurs s’interrogent sur leur place au  sein de nos sociétés urbaines. (Bruno Le Maire)

– Nous perdons l’équivalent d’un département en surface agricole tous les dix ans ! (Bruno Le Maire).

– Comment développer les circuits courts autour des villes s’il ne reste plus de terres ? (Bruno Le Maire).

– Certes le phénomène du « consommer local » est encore balbutiant. Toutefois la demande explose, les initiatives se multiplient.

– Des collectivités locales créent ou recréent des marchés locaux dans l’esprit « circuits courts ».

Source de ces citations : Les cahiers  de la compétitivité, spécial Agriculture et alimentation (LeMonde du 20 janvier)

NB : Comme les rédacteurs du blog « biosphere » ne sont pas des fans de la publicité, nous faisons remarquer que ce supplément sous forme de publi-reportages est conçu par une société de communication. Ils forment un cahier distinct du quotidien. Comme il s’agit de publicité, la présentation est forcément enthousiaste quant à la « compétitivité ».

A plusieurs reprises, la Société des rédacteurs fut saisie par les journalistes du Monde. Mention fut donc ajoutée pour rappeler aux lecteurs que la rédaction du Monde n’était pas impliquée dans les propos publiés par ces cahiers de la compétitivité, et c’est tout. Il faut dire que ce produit publicitaire rapportait (chiffre à actualiser) bon an mal an 1 % des recettes. Comme dans toute chose,  c’est donc à chaque lecteur de trier le bon grain et l’ivraie ; ce que nous avons fait en sélectionnant et classant les citations.

Nous pensons fortement que l’alimentation ne peut en aucun cas entrer dans un schéma de compétitivité…

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Haïti et la duplicité occidentale

Haïti, des millions de sinistrés avant le séisme, des millions de sinistrés après. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on espérait agir sur les causes du « sous-développement ». Aujourd’hui on se résout à multiplier conjoncturellement les aides palliatives, que l’on qualifie d’aide « humanitaire ». Haïti était déjà sous perfusion, bien avant le tremblement de terre. Si la secousse a été aussi dévastatrice et meurtrière, c’est parce qu’elle frappe un pays d’une très grande vulnérabilité dans ses constructions, ses infrastructures et ses moyens de secours. La Minustah, ou Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti, composé en majorité de militaires et de policiers, était le seul organisme encore cohérent dans ce pays. Sans lui, les scènes de violence pouvaient se multiplier dans les bidonvilles de Port-au-Prince comme dans les ruines d’aujourd’hui.

Nous versons face à cette catastrophe les sanglots de l’homme blanc, l’expression de cette mauvaise conscience de ceux qui profitent de l’abondance, alors que meurt habituellement l’autre moitié de monde. D’où cette solidarité automatique, issue à la fois du christianisme et du marxisme. Le FMI a annoncé une aide financière à Haïti de 100 millions de dollars, les Etats-Unis débloquent la même somme, on en appelle aux contributions privées, « même d’un ou deux dollars ». On achemine par avion des troupes de sauveteurs, les télés sont saturés d’images de désolations, des page entières de photos dans les quotidiens qui n’apportent aucun autre message que celui du voyeurisme.

D’un côté, on a contribué à déstabiliser les Etats qui deviennent incapables de maintenir l’ordre public et d’assurer leurs tâches redistributives, ouvrant ainsi toutes grandes les portes du conflit et de la misère ; de l’autre on pallie au coup par coup les effets négatifs en accroissant les efforts dits humanitaires. Avant comme après le séisme d’Haïti, les deux moitiés de la planète se séparent de plus en plus et le Nord continue de construire patiemment le mur par lequel il espère tenir à distances les nouveaux barbares. Pour la pensée ordinaire, le scandale se trouve toujours du côté des pauvres, que l’on console de temps en temps à leur accordant une aide. Alors que l’on pourrait affirmer qu’un monde qui tolère une richesse excessive de la part d’une minorité sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres.

NB : Les informations de cette synthèse sont issue du Monde du 16 janvier, la trame narrative est proposée par Gilbert Rist, Le développement, histoire d’une croyance occidentale..

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