énergie

Peut-on se passer du nucléaire… et de carbone ?

thèse : Dans une tribune publiée le 3 décembre, quatre climatologues parmi les plus titrés de leur discipline – James Hansen, Ken Caldeira, Tom Wigley et Kerry Emanuel – précisaient qu’« en tenant compte du développement des pays les plus pauvres ainsi que de l’augmentation de la demande due à la démographie » il faudrait construire « 115 réacteurs [nucléaires] par an d’ici à 2050 pour décarboner entièrement la production mondiale d’électricité ». Ces spécialistes du climat (et pas du nucléaire) tablent sur le développement de réacteurs de quatrième génération, dits « à neutrons rapides », du même type que le célèbre Superphénix français, arrêté en 1996.
antithèse : Deux semaines plus tard, l’historienne des sciences Naomi Oreskes affirmait que « de nombreuses études de qualité montrent que nous pouvons passer à une économie décarbonée sans développer l’énergie nucléaire, en se focalisant sur l’éolien, l’hydroélectrique, le photovoltaïque, cela couplé à l’intégration des réseaux, à l’efficacité énergétique et à la gestion de la demande ». Elle allait jusqu’à assimiler la prise de position des quatre chercheurs à une « nouvelle forme de déni climatique ».
synthèse du journaliste Stéphane Foucart* :
«Déployer, à un rythme de plusieurs dizaines par an, des réacteurs à neutrons rapides un peu partout à la surface de la planète est, un projet parfaitement irréaliste : immaturité de la filière, risques d’accident plus grands qu’avec les réacteurs actuels, coût exorbitant, disponibilité très insuffisante des compétences scientifiques et techniques nécessaires, instabilité dans de nombreuses régions du monde, etc. Par ailleurs le « 90 % d’électricité renouvelable » est possible s’il y a une diminution… de 50 % de l’ensemble de la consommation énergétique nationale ! Cela représente un effort énorme et une volonté politique d’airain – il faudrait par exemple trouver les financements pour isoler plus les logements au rythme effréné d’un demi-million par an –, des changements profonds dans notre rapport à l’énergie – aujourd’hui abondante, toujours disponible, gaspillable, etc. Une grande part de la question ne se résume donc ni à une question technique ni à un débat économique, mais à savoir s’il est politiquement possible de faire changer radicalement nos comportements. »
conclusion de biosphere : la présidentielle 2017, c’est pour bientôt. Votons pour le candidat qui aura le courage de demander d’intenses efforts de sobriété énergétique (et partagée) aux électeurs.
* LE MONDE du 5 janvier 2015, Pourra-t-on se passer du nucléaire ?

Peut-on se passer du nucléaire… et de carbone ? Lire la suite »

l’exemple de notre avenir énergétique, Cuba

Les Soviétiques fournissaient autrefois à Cuba 90 % de son pétrole et 60 % de sa nourriture. Mais l’effondrement de l’Etat soviétique en 1991 et l’embargo imposé par les Etats-Unis laissèrent Cuba sans carburant pour ses tracteurs, sans engrais et sans pesticides pour ses cultures de sucre et de tabac. Cette nation passa à une diète extrême. L’apport calorique passa de 2600 calories par jour à 1000 calories. La plupart des Cubains perdirent jusqu’à 15 kg. Des milliers d’entre eux perdirent même la vue sous l’effet de la malnutrition.

L’Etat se tourna alors vers les petits agriculteurs et les petites parcelles urbaines pour combler son déficit alimentaire. Une parcelle de 7000 m2 peut employer jusqu’à 25 personnes à temps plein. Privés d’engrais et de pesticides à base de pétrole, les Cubains créèrent 170 centres de compostage et mirent sur pied des centres de production de pesticides naturels, comme le verticillium et le champignon Beauveria bassiana. Les bœufs remplacèrent les tracteurs, et les gens se mirent à élever des lapins et des poules sur leurs toits. En peu de temps ces actions mirent fin à la crise. Le régime alimentaire cubain, autrefois dominé par le riz, le haricot et le porc, devint plus varié et plus riche en légumes.

G.K.Chesterton, qui avait pris fait et cause pour la production alimentaire à petite échelle dès les années 1920, écrivait : « La chose la plus rapide et la plus économique pour celui qui vient de cueillir un fruit sur un arbre est de le porter à sa bouche. Le suprême économiste, c’est celui qui ne perd pas d’argent en transports ferroviaires. Il est tellement efficace qu’il n’a même pas besoin d’organisation. Et quoiqu’il soit un cas extrême et idéal de simplification, cette simplification est aussi irréfutable que l’existence même du pommier. »

Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

l’exemple de notre avenir énergétique, Cuba Lire la suite »

Une société vouée à l’esclavage, humain ou énergétique

Alfred North Whitehead se demanda un jour pourquoi il avait fallu attendre si longtemps pour parvenir à l’abolition d’une chose aussi cruelle et injuste que l’esclavage. Pourquoi des milliers d’années s’étaient-ils écoulés avant qu’un mouvement anti-esclavagiste organisé n’apparaisse au XVIIIe siècle ? Pourquoi des philosophes aussi éminents qu’Aristote ou Sénèque n’avaient-ils aucune objection à l’asservissement de la force humaine ? Pourquoi les chrétiens contestaient-ils les abus des propriétaires d’esclaves, mais non l’institution elle-même ? Pourquoi les lois hindoues, hébraïques, islamiques et africaines approuvaient-elles toutes l’esclavage ?

En 1933, A.N.Whitehead émit cette hypothèse : « Il peut être impossible de concevoir une réorganisation de la société qui permette de supprimer un mal admis et reconnu, sans détruire l’organisation sociale qui en dépend… Il n’existe pas de moyens connus de supprimer un mal sans amener des maux pires, d’un autre genre. » Au moment où James Watt bricolait ses premiers moteurs, peu d’intellectuels remettaient en question l’esclavage. L’économiste Adams Smith estimait même que « l’amour de la domination et de l’austérité sur les autres l’aura probablement rendu perpétuel. »

Si les nouveaux esclaves mécaniques à base de carbone ne remplacèrent pas tout de suite leurs équivalents humains – ils empirèrent même souvent leurs conditions pour des décennies -, ils changèrent néanmoins les mentalités. Ils firent passer la force musculaire des esclaves pour archaïque, comme l’automobile folklorisera les chevaux. C’est l’énergie produite par la machine à vapeur qui rendit l’esclavage obsolète. Les navires à vapeur pouvaient remonter les rivières beaucoup plus facilement que n’importe quelle galère actionnée par des esclaves.

Quelqu’un prône-t-il aujourd’hui un mouvement pour rayer la voiture de la surface de la Terre ? Or, c’est exactement ce que les abolitionnistes firent avec l’esclavage : changer l’opinion courante.

Source : L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

Une société vouée à l’esclavage, humain ou énergétique Lire la suite »

Est-ce la fin du pétrole ? Oui pour nous, non pour…

Manoelle Lepoutre : « Si on regarde en tant que géologue les ressources, bien sûr elles sont finies. La planète a une dimension finie et personne ne peut le contredire. Par contre, les volumes en place sont gigantesques. Donc, toute la question c’est de savoir à quel rythme on sera capable, ou on pourra mettre ces hydrocarbures en production ou pas »

Philippe Manière : « Ce qu’on ne sait pas, c’est quelle part des ressources on a trouvé. Premier point. Il est possible qu’on en trouve d’autres. Je me souviens qu’on parlait déjà d’un peak oil imminent, dans les 10, 15, 20 ans et puis on a retrouvé des tas de ressources pétrolières car tout simplement la technique a évolué : qui aurait imaginé dans les années 80 qu’on irait chercher du pétrole à des dizaines de milliers de mètres sous les mers ?… Ensuite il y a la question du prix. Pour aller chercher du pétrole dans ces conditions là… c’est du pétrole (je ne suis pas un spécialiste) qui est à 80, 150, 200 $. Mais si la planète veut du pétrole, à ce prix là, elle peut probablement en avoir pendant assez longtemps »

Matthieu Auzanneau leur répond : « On aura probablement une limite des capacités mondiales d’extraction du pétrole à un horizon situé autour de 2020. 2030 étant l’hypothèse la plus optimiste… Nous autres Européens on devrait être délibérément pessimistes par rapport à cette question là, puisque on a sous les yeux le cas d’école d’un déclin irréversible… (les réserves pétrolières de) la mer du Nord »*

Nous, sur ce blog, nous ajoutons que le débat sur les réserves potentielles ou prouvées est devenu un vieux truc dépassé. En effet nous savons que pour enrayer le réchauffement climatique, il faudrait laisser sous terre 80 % des réserves prouvées de combustibles fossiles. Les politiques auraient donc du programmer la fin du pétrole lors de la COP21… ils n’ont jamais abordé le problème. L’économie et la politique se foutent complètement des limites biophysiques de la planète. C’est notre aveuglement qui devrait être le principal objet du débat actuel !

* http://www.politiques-energetiques.com/petrole-peut-vivre-sans

Est-ce la fin du pétrole ? Oui pour nous, non pour… Lire la suite »

Toujours plus de CO2 avec de moins en moins de pétrole

« Avec la hausse de la température moyenne planétaire, nous aurons une multiplication des mauvaises récoltes, des dommages aux infrastructures, des ruptures d’approvisionnement, l’instabilité politique… Mais le jour où nous aurons à la fois un climat de plus en plus hostile et de moins en moins de gaz et de pétrole, que ferons-nous ? Aujourd’hui les ouragans abattent maisons et infrastructures ? Qu’importe, les cimenteries tourneront à plein régime, les engins de travaux publics aussi, et nous reconstruirons tout cela. Que deviendra la situation quand le pétrole des engins de travaux publics et le charbon des cimenteries sera moins disponible ? En fait nous aurons un jour de moins en moins d’énergie fossile à notre disposition, cela est absolument certain quand on tape dans un stock de départ qui est donné une fois pour toutes. Il est fort possible que notre continent connaisse un soubresaut économique majeur dans les années à venir. Il faut espérer qu’il se produise avant les prochaines présidentielles pour éviter une élection sur un malentendu.

D’autre part, la combustion de l’ensemble des réserves prouvées de gaz, de pétrole et de charbon conduirait à 3000 milliards de tonnes de CO: quatre fois plus que la limite physique pour rester en dessous des 2°C ! Il va donc falloir en laisser sous terre. Mais le vrai débat commence alors : laisser quoi ? Quel doit être le rythme de baisse ? Toutes les régions du monde vont-elles être logées à la même enseigne ? La consommation de pétrole devrait baisser de 2% par an. La Chine augmente sa consommation de pétrole de 5 % par an. Les pays dits riches vont avoir des problèmes économiques croissants pour cause d’accès de plus en plus difficile au pétrole alors que les pays dits pauvres vont leur demander d’accroître leur aide financière pour gérer les conséquences du changement climatique.

Pour la déforestation, il est évident qu’avec 1500 milliards de tonnes de carbone contenues dans les écosystèmes terrestres, nous pourrions en supprimant toutes les forêts viser des émissions qui augmentent jusqu’en 20100. Le déterminant premier de la déforestation est la croissance démographique, qui engendre des besoins accrus en terre agricole, mais aussi la consommation de viande puisqu’il faut 10 fois plus de surface cultivée pour manger du bœuf que des lentilles. Dans les pays à forte couverture forestière, c’est donc la limitation de la croissance démographique qui est l’objectif à viser. Comment, par quels moyens, avec quelles contreparties ? Si l’énergie fossile commence à faire défaut à partir de 2050, et que l’humanité se met à vivre en récession perpétuelle, au surplus dans un contexte de changement climatique de plus en plus intense, est-il encore logique d’imaginer que cette même humanité devienne sans cesse plus nombreuse, n’ait comme seul objectif que de couper des arbres pour créer des surfaces agricoles et vive en paix ? Il semble plus rationnel d’imaginer qu’un nombre croisant de « catastrophes » se chargera de mettre en cohérence une planète de plus en plus mitée et une humanité qui devra suivre le même chemin. Aucun modèle de climat n’avait dans son cahier des charges de simuler l’effet en retour du changement climatique sur l’humanité, quand le changement climatique pourrait limiter la taille de la population ou nos activités. On aurait pu imaginer que les modèles intègrent l’effet de la diminution de la production agricole sur la population, en en faisant mourir une partie de famine. »

Source : Dormez tranquilles jusqu’en 2100 (et autres malentendus sur le climat et l’énergie) de Jean-Marc Jancovici

Odile Jacob 2015, 204 pages pour 19,90 euros

Toujours plus de CO2 avec de moins en moins de pétrole Lire la suite »

BIOSPHERE-INFO… Pétrole, la merde du diable !

L’énergie des esclaves (le pétrole et la nouvelle servitude) d’Andrew Nikiforuk. Extraits ci-dessous de ce livre dont nous vous conseillons la lecture. Une présentation plus large est faite dans notre bimensuel BIOSPHERE-INFO. Pour s’abonner, il suffit d’envoyer un mail à biosphere@ouvaton.org

« Ce qui stupéfia le sociologue F.Cottrell en observant la rapide injection d’énergie fossile dans la société nord-américaine fut la façon dont elle atomisait la famille et renforçait l’Etat. Après avoir forcé les gens à entrer à l’usine pour y produire des marchandises bon marché aux côtés d’esclaves énergétiques, les gouvernements offrirent des écoles, hôpitaux et aide sociale pour compenser la perte des services familiaux. L’augmentation délirante des capitaux provoquée par cette dépense effrénée d’énergie exigea une surveillance par les banques d’Etat, les percepteurs d’impôts et des directeurs financiers. En somme, l’afflux massif d’énergie n’avait pas seulement accru la complexité de la société, mais le pouvoir de l’Etat pour contrôler cette éruption volcanique. Mais le pétrole fit beaucoup plus que cela. Chaque automobiliste nord-américain, en achetant du pétrole étranger, contribua involontairement aux révolutions, à la corruption et à la mise en place de gouvernements autocratiques un peu partout dans le monde. le Vénézuélien Juan Pablo Pérez Alfonso, fondateur de l’OPEP : « Regardez autour de vous. Gaspillage, consommation, effondrement de nos services publics… Nos conditions de vie ne sont pas meilleures… Nous nous noyons dans les excréments du diable. Le pétrole nous conduira à la ruine. »

Partout le pétrole réduisait la diversité économique, aggravait les inégalités et parrainait des gouvernements autocratiques. C’est ce qu’on appelle maintenant la « malédiction des ressources ». Les Etats pétroliers tirent tant d’argent du pétrole qu’ils deviennent de véritables nids d’opportunistes. La corruption définit la vie quotidienne. Le pétrole concentre trop de richesses entre les mains d’une petite élite. En Libye, le pétrole a maintenu au pouvoir le colonel Kadhafi pendant 42 ans. L’Alberta au Canada est un Etat à parti unique depuis plus de 41 ans. Au Royaume-Uni, la manne pétrolière assura le succès de Margaret Thatcher, doyenne du conservatisme et « pétroliste » appliquée. La Dame de fer accéda au pouvoir dix ans après la découverte du brut léger en mer du Nord. La stagnation frappa les secteurs manufacturiers et agricoles pendant que l’industrie bancaire prospérait. Mais Margaret n’épargna pas un sou pour l’avenir. George W.Bush a reçu plus de soutien financier de l’industrie du pétrole que n’importe quel autre président et a nommé au moins 30 cadres de cette industrie à des postes clés du gouvernement. L’extrémisme religieux est un autre vigoureux compagnon de la ressource pétrolière. Les politiques délaissent tout l’art de gouverner, c’est-à-dire la faculté d’utiliser de façon judicieuse, au nom de l’intérêt général, des ressources limitées. Trouver un Etat pétrolier compétent serait aussi miraculeux que de découvrir un ours polaire en Arabie Saoudite.

Plus les hydrocarbures dominent les exportations, et plus l’économie nationale se vide de l’intérieur. Bourré d’argent grâce aux rentes et aux redevances, un Etat pétrolier baisse presque immédiatement ses impôts. Du Texas à l’Alaska, des Emirats arabes unis à l’Arabie saoudite, les impôts sur le revenu sont au plus bas. Ce faisant on tourne en dérision l’un de plus anciens slogans de la démocratie : No taxation without representation (pas d’imposition sans représentation). Les pétro-citoyens font preuve d’une apathie et d’une indifférence saisissante à l’égard des questions politiques, et d’une loyauté déconcertante envers les pétro-maîtres. Les Koweïtiens travaillent en moyenne 8 minutes par jour. On construit dans le Golfe le plus grand gratte-ciel du monde. Mais partout où les écoles, les routes et les hôpitaux ont été construits avec des pétrodollars, ces services se ratatineront ou disparaîtront avec la chute des revenus pétroliers.

La logique implacable du pétrole se réduit à une vérité élémentaire : il est tellement plus facile et rapide de construire un oléoduc qu’un Etat efficace et représentatif ! »

Editions Ecosociété 2015, 282 pages, 20 euros

Edition originale 2012 (The Energy of Slaves : Oil and the New Servitude)

BIOSPHERE-INFO… Pétrole, la merde du diable ! Lire la suite »

L’ennemi principal n’est pas le diesel, c’est le pétrole

La ministre de l’écologie Ségolène Royal avait estimé le 4 octobre dans l’émission « C politique » sur France 5, « qu’un jour ou l’autre, il faudra en terminer avec le diesel ». Elle se trompe de cible, ce qu’il faut supprimer c’est l’utilisation de tous les carburants d’origine fossile.

Actuellement, le différentiel sur la fiscalité du diesel et de l’essence est de 15 centimes d’euro. Pour l’alignement entre diesel et essence, Mme Royal évoque l’échéance de 2020. Mais comme elle n’a aucune vision globale du problème du réchauffement climatique, elle propose de baisser celle sur l’essence pour éviter une augmentation des charges fiscales pesant sur les Français : « Je veux que cela soit neutre, que la fiscalité écologique ne se traduise pas par des impôts en plus ».* Toujours le refus d’une soi-disant écologie « punitive ». Pour l’intérêt de la biosphère et de nous tous, l’écologie n’est ni « positive » ou « punitive », elle se doit tout simplement d’être réaliste. Le dernier résumé à l’usage des décideurs du GIEC est clair : la stabilité et la sécurité dans le monde sont menacés à moyenne échéance. Dans ce contexte, il faudrait que Ségolène explique qu’il faudra émettre moins d’émissions de gaz à effet de serre. Cela veut dire aussi instituer une taxe carbone sur tout ce qui nous permet aujourd’hui de gaspiller l’énergie fossile.

Le 23 septembre, dans son premier meeting de campagne, la tête de liste EELV en Ile-de-France Emmanuelle Cosse était beaucoup plus percutante que la ministre de l’écologie : « Plus aucune subvention au diesel en cinq ans ! ; suppression de la niche fiscale pour le diesel ; Une interdiction du diesel dans l’ensemble du pays d’ici 2025 ». C’est encore trop mou. Aucune ambition dans ces propositions « vertes » alors qu’à l’heure du réchauffement climatique c’est toutes les utilisations du pétrole qui doivent être remises en question : les dénominations différentes du diesel (gasoil des poids lourds et des poids légers, fuel du chauffage domestique), mais aussi l’essence et tous ses taux d’octane. L’écologie politique ne peut pas se contenter de mesures partielles, mais voudrait un complet chambardement des modes de déplacement.

Nous avons déjà perdu plus de 40 ans. Dans son programme pour les présidentielles 1974, l’écologiste René Dumont écrivait déjà : « Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons par exemple contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… »

* LE MONDE du 6 octobre 2015, Le rattrapage de la fiscalité du diesel sur l’essence pourrait intervenir d’ici à 2020

L’ennemi principal n’est pas le diesel, c’est le pétrole Lire la suite »

Les forages pétroliers, incompatibles avec la COP21

La France accorde trois permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux et en prolongent deux autres*. C’est inadmissible, même si on nous assure qu’il ne s’agira pas de gaz de schiste. Le président François Hollande l’avait lui-même rappelé dans son allocution d’ouverture du Sommet des consciences pour le climat : « Un accord pour le climat signifie renoncer à utiliser 80 % des ressources d’énergie fossiles facilement accessibles dont nous disposons encore. » Cherchez la contradiction !

« Que valent les promesses de François Hollande et des négociateurs d’obtenir un “accord historique” à Paris et de “tout faire” pour rester en deçà des 2 °C [de réchauffement], si c’est pour entretenir cette fuite en avant extractiviste ?« , questionnent aujourd’hui les associations environnementales . Il ne s’agit plus de forer, il faut obligatoirement laisser sous terre une grande partie de ce qu’on sait déjà extraire. Selon les études, pour avoir 50 % de chances de maintenir le réchauffement climatique en dessous de deux degrés, le monde doit laisser 66 % des réserves connues de charbon, de pétrole et de gaz dans le sous-sol. Pour que cette probabilité soit de 80 %, nous devons nous abstenir de toucher à 80 % de ces réserves. (page 122 du livre** Crime climatique STOP !)

Nous sommes à la croisée des chemins. Nous ne voulons pas nous retrouver contraint.e.s à survivre dans un monde devenu à peine vivable. Par l’acidification des océans, par la submersion des îles du Pacifique Sud, par le déracinement de réfugiés climatiques en Afrique et dans le sous-continent indien, par la recrudescence des tempêtes et ouragans, l’écocide en cours violente l’ensemble des êtres vivants, des écosystèmes et des sociétés, menaçant les droits des générations futures. Concrètement, les gouvernements doivent mettre un terme aux subventions qu’ils versent à l’industrie fossile, et geler leur extraction en renonçant à exploiter 80% de toutes les réserves de combustibles fossiles.

Pour signer cet appel :
http://crimesclimatiquesstop.org/
ou http://350.org/climate-crimes-fr/

* Le Monde.fr | 02.10.2015, En prélude à la COP21, la France autorise… de nouveaux forages pétroliers
** Crime climatique STOP ! L’appel de la société civile
livre coordonné par Attac France et 350.org, publié aux éditions du Seuil.
éditions Anthropocène Seuil, 316 pages, 15 euros

Les forages pétroliers, incompatibles avec la COP21 Lire la suite »

Bientôt la descente énergétique, préparons la résilience

Nous ne reviendrons plus jamais à la situation « normale » que nous avons connue au cours des décennies précédentes. Nous nous plaçons dans la perspective d’un effondrement inévitable. L’ère des énergies fossiles bon marché touche à sa fin. Les systèmes naturels sont irrémédiablement perturbés. Les systèmes hautement complexes qui nous fournissent alimentation et eau exigent de tels apports croissants d’énergie qu’ils se trouvent au bord de l’implosion. Nous en sommes aux premiers stades de la descente énergétique. Face à ce déclin, il faut se préparer à sélectionner des technologies appropriées et à les diffuser dès à présent au sein de la société. Par exemple :

– Le jardinage biologique intensif, reposant sur la restauration des sols et sur des méthodes culturales qui requièrent peu d’espace, pas d’intrants exogènes sinon locaux, des outils manuels et la force musculaire.

– Le solaire thermique – plutôt que le photovoltaïque -. Le rendement de cette technique est bien plus efficace que lorsqu’elle sert à produire de l’électricité, d’autant plus qu’elle ne nécessite pas de matériaux rares ni de technologie industrielle de pointe.

– Des soins de santé requérant moins d’énergie qu’actuellement, et pratiquées en famille et par des praticiens locaux.

– La radio à ondes courtes : la capacité à communiquer à une plus grande vitesse que la course d’un cheval est l’une des plus grandes réalisations des deux derniers siècles et devrait conduire à la fabrication manuelle de postes qui devraient continer à fonctionner à base de low-tech au-delà de la fin de l’âge industriel.

source : extraits du Petit traité de résilience locale d’A.Sinaï, R.Stevens, H.Carton et P.Servigne

éditions Charles Leopold Mayer 2015, 118 pages, 9 euros

Bientôt la descente énergétique, préparons la résilience Lire la suite »

Bientôt des coupures de courant, préparons la résilience

Pour la COP21 à Paris, les Etats fournissent leurs intentions de baisser leurs propres émissions de gaz à effet de serre. Or les promesses n’engagent que ceux qui les recoivent et même si les gouvernements disaient vrai, les engagements actuels seraient de toute façon insuffisants pour que la température moyenne du globe reste en dessous de 2°C. C’est pourquoi il faut se préparer à l’effondrement et bâtir la civilisation postcarbone. Un petit livre pas cher* donne quelques indications dont celles, iconoclastes, sur la pénurie d’électricité à venir. En voici quelques extraits.

… C’est en 2005 que l’Agence Internationale de l’Energie publiait la première édition du rapport « Economiser l’électricité en urgence ». L’AIE présentait des études de pays ayant mis en oeuvre des stratégies d’économies d’énergie pour limiter les conséquences des coupures de courant. Ces programmes mobilisaient une gamme d’outils, tels que rationnement, signaux prix et campagnes de sensibilisation. Les pays concernés ont pu réaliser entre 5 % (France) et 20 % (Brésil) d’économies d’énergie…

… Depuis ce premier rapport, d’autres coupures électriques se sont produites. Celle du Japon à la suite du séisme du 11 mars 2011 ayant été une des plus sévères qui ait jamais affecté un pays industriel. Le rapport Saving Electricity in a Hurry (2011) insiste : « Les coupures d’électricité vont continuer à se produire dans le monde, en raison des difficultés politiques et financières auxquelles les gouvernements vont être confrontés… Les gouvernements ont intérêt à développer des programmes de réduction d’urgence de la demande pour s’assurer contre les ruptures de fournitures. »… Pour éviter un face-à-face direct entre autorités, founisseurs et utilisateurs parfois exaspérés, l’AIE note que la désignation d’un groupe multi-acteurs chargés de résoudre la crise, impliquant des représentants des usagers et toutes les parties concernées, peut s’avérer bénéfique… Le rationnement par la distribution de quotas aux ménages et aux entreprises se révèle bien accepté car il assure l’équité…

Il apparaît que c’est à l’échelle locale que les conditions de la résilience peuvent être le mieux organisées, plutôt que dans les grandes métropoles, dont la soutenabilité, à terme, risque d’être condamnée par les effets du réchauffement et de la fin des énergies fossiles.

* Petit traité de résilience locale d’A.Sinaï, R.Stevens, H.Carton et P.Servigne

éditions Charles Leopold Mayer 2015, 118 pages, 9 euros

Bientôt des coupures de courant, préparons la résilience Lire la suite »

Pétrole et effet de serre, les jumeaux hydrocarbures

Fin novembre 2005, le gouvernement suédois a nommé une « Commission contre la dépendance pétrolière » qui était chargée de présenter un programme stratégique d’ici à l’été 2006. Car, si les Suédois ont investi, comme la France, dans le nucléaire après la première crise pétrolière, il a toujours été clair que ce n’était pour eux qu’une solution de court terme.

Lors du référendum de 1980, les Suédois ont en effet voté à 58 % pour l’abandon de l’atome. La conversion de l’économie aux énergies renouvelables a donc commencé très tôt ; en 2004, elles apportent 35 % de l’énergie produite en Suède, mais 41 % des ressources proviennent toujours du pétrole. C’est particulièrement dans le secteur des transports que réside le plus grand défi, plus de 95 % du parc automobile fonctionne toujours au diesel ou à l’essence. Pourtant le pays est parvenu à généraliser l’E5 (95 % d’essence et 5 % d’éthanol), à faire rouler les bus aux biocarburants et à booster les ventes de « voitures propres », qui représentaient 15 % des nouvelles immatriculations en mars 2006. Dans l’habitat, la consommation de pétrole a diminué de 80 % depuis 1970. Aujourd’hui, 14 % seulement des maisons individuelles sont chauffées au fuel, contre 70 % en 1978. On compte aussi supprimer le chauffage électrique d’ici 5 ans. Mais les Suédois ne devront pas seulement se convertir aux biocombustibles et autres systèmes plus ou moins solaires, il faudra aussi qu’ils réduisent leur consommation totale d’énergie : s’il s’agit de conserver encore le mode de déplacement individuel motorisé et le chauffage central, le pari de l’indépendance pétrolière est irréaliste.

Le seul réalisme, du point de vue de la Biosphère, consiste à limiter ses besoins, à aller vers la simplicité volontaire. Car qui dit baisse de la consommation de pétrole dit diminution de gaz à effet de serre…
(écrit le 24.07.2006 par Michel Sourrouille) Ere post-pétrolière en Suède ?

Pétrole et effet de serre, les jumeaux hydrocarbures Lire la suite »

GES, la France n’a toujours pas de politique crédible

La France se fixe un objectif de réduction de 40 % en 2030 des émissions de gaz à effet de serre et une division par quatre en 2050, par rapport au niveau de 1990*. Mi-octobre 2015 sera publié par décret des « budgets carbone », c’est-à-dire des plafonds d’émissions à ne pas dépasser. Mais pour l’heure, il n’existe encore qu’un document de travail de 89 pages, élaboré par les différents ministères concernés (écologie, transports, agriculture…) ! La ministre de l’écologie Ségolène Royal préfère s’attaquer au nutella et Laurent Fabius fait semblant de s’occuper du climat. De toute façon ce scénario de transition vers une économie moins carbonée ne précise pas les mesures qui permettront de la mettre en place. La taxation du carbone reste par exemple indéfinie. Voici quelques mesures qui rentreront, peut-être, en application à Pâques ou à la Trinité alors qu’elles sont connues depuis 1936 :

Transports : renforcement de l’efficacité des véhicules routiers » (généralisation de la voiture consommant 2 litres aux 100 km et développement des modèles électriques). On reste encore dans le tout voiture, sans considérer le bridage des moteurs, le coût de fabrication de l’électricité et encore moins le dévoiturage ou sortie de la voiture individuelle. Notons que la « promotion de la marche à pied et du vélo » ne peut aller qu’avec de profondes modifications par la localisation des lieux de travail et de consommation près des domiciles. Ah qu’il était bon le temps où, avec les premiers congés payés en 1936, les couples partaient en tandem en vacances !

Bâtiments, « plus dense et très sobre en énergie ». C’est une antienne depuis des années sans qu’on note d’avancées véritables. On devrait expliquer aux ménages qu’une maison passive, c’est une maison qu’on ne chauffe pas… comme en 1936.

Industrie, « amélioration de l’efficacité ». On parle toujours d’efficacité énergétique, qui est un problème technique, et non de la réduction des besoins en énergie, et donc de la fin de la civilisation du tout jetable. On prône pour ainsi dire les valeurs de 1936, Recyclage, Récupération, Réparation…

Agriculture et élevage, vers le « projet agroécologique » avec une moindre artificialisation des sols « limitée à 10 000 hectares par an », six fois moins qu’aujourd’hui. En 1936 on ne connaissait pratiquement que l’agriculture biologique et les villes n’étaient encore que des bourgs, sans autoroutes ni supermarchés.

* Le Monde.fr | 16.06.2015, La France dévoile sa stratégie bas carbone

GES, la France n’a toujours pas de politique crédible Lire la suite »

Les sénateurs, bien plus anti-écologistes que les députés

Chassez le nucléaire, il revient au galop*… Le Sénat a prévu de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité », mais « sous réserve de préserver l’indépendance énergétique de la France » et de « maintenir un prix de l’électricité compétitif ». Immobilisme ! Si l’objectif de 50 % de nucléaire dans la production totale d’électricité est encore présent, l’échéance de 2025 a disparu, la nouvelle rédaction « visant à terme » cet objectif. A terme, c’est-à-dire jamais. De plus le texte indique que ce but devra être « poursuivi »… ce qui n’implique pas qu’il doive être atteint. Explication sénatoriale : « Il est irréaliste de décréter le niveau qu’atteindra cette consommation en 2050 » ! Il est vrai qu’en 2050, ces sénateurs seront tous morts ! Le communiqué du 10 février de France Nature Environnement recense les autres errements du Sénat.

Une obligation de rénovation…sauf pour les bâtiments les plus énergivores !
Les Sénateurs ont également adopté en commission un amendement visant à amoindrir le niveau de performance énergétique à atteindre lors de la rénovation des bâtiments, en partant du principe que les bâtiments les plus anciens présentent des particularités empêchant une rénovation ambitieuse. Pour Adeline Mathien, coordinatrice du réseau énergie: « C’est au contraire ces bâtiments anciens qu’il faut rénover en priorité car ce sont les plus consommateurs et tous ne sont pas classés. Se priver de ce gisement d’économie, revient à ne pas faire de transition énergétique et à se priver de milliers d’emplois.»

Une réforme de la mobilité au service du véhicule électrique
Les dispositions visant à réformer les modes de transports et à améliorer la qualité de l’air ont également été rabotées. Si les mesures très dispendieuses pour favoriser les véhicules électriques se multiplient, celles pour développer les alternatives, comme l’obligation pour les entreprises de faire des plans de mobilité pour aider leurs salariés à se déplacer moins et mieux, ont été supprimées. Pour Michel Dubromel, responsable transports à FNE : « cette contrainte concernant les plans de mobilité compte particulièrement pour nous car c’est une des rares mesures concrètes et efficaces à faible investissement pour améliorer la consommation d’énergie du secteur des transports et la qualité de l’air.»
Denez L’Hostis, président de FNE : « Le texte des Sénateurs n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée par le président de la République à quelques mois de la conférence internationale consacrée au climat.»
* Le Monde.fr | 09.02.2015, Le Sénat fait revenir en force le nucléaire dans la loi de transition énergétique

Les sénateurs, bien plus anti-écologistes que les députés Lire la suite »

La voiture électrique de Ségolène Royal est très sale

Mme Royal a annoncé la mise en place d’un bonus prétendu « écologique » de 10 000 euros pour doper les achats de voitures électriques. Cela signifie que des lourdes sommes publiques vont être offertes pour une absurdité qui consiste à remplacer des voitures polluantes (thermiques) par d’autres voitures polluantes (électriques, et en réalité nucléaires puisque rechargées sur le réseau ErDF, à 75% alimenté par le nucléaire)
D’autre part, c’est un programme totalement antisocial car l’argent de tous va être offert aux constructeurs automobiles, au lobby nucléaire, et aux ménages aisés qui constituent 99% des acheteurs de voitures électriques. Cette annonce est à relier à celle de la multinationale Bolloré qui a récemment été sélectionnée par le ministère de l’Économie pour déployer en France 16 000 bornes de charge pour véhicules électriques.
Présentée comme vertueuse par les pouvoirs publics et par l’industriel, cette folie en faveur de la voiture électrique est en réalité inopérante sur le plan écologique et gravement nuisible pour les finances publiques.

Un programme totalement injustifié sur le plan écologique
La première erreur grossière de ce plan est de prétendre que le développement de la voiture électrique serait bénéfique pour l’environnement. Pour mémoire, l’Observatoire du nucléaire a contraint les principaux constructeurs de voitures électriques à retirer les mots « propre » ou « écologique » de leurs publicités, en particulier parce que le rechargement des batteries est effectué en France à 75% par de l’électricité nucléaire.
Par ailleurs, l’Ademe a montré que, même pour les émissions de CO2, la voiture électrique n’est pas plus vertueuse que la voiture thermique. D’autre part, la ville de Berlin a considérablement assainit son air en imposant des conditions draconiennes aux voitures thermiques et non en tentant vainement de remplacer la peste (voitures thermiques) par le choléra (voitures électriques).
Les bonus prétendus « écologiques » sont de fait injustifiables tant sur le plan écologique que sur celui de la justice sociale. Quant au financement des bornes de rechargement par les communes et autres collectivités territoriales, il va sous peu faire l’objet d’un scandale de la plus grande ampleur.
Communiqué du 4 février 2015, Observatoire du nucléaire

La voiture électrique de Ségolène Royal est très sale Lire la suite »

Produire plus, polluer moins : l’impossible découplage

C’est un petit livre* qui traite d’une question clef de l’écologie, le lien entre la production économique et son impact environnemental. L’économiste Gaël Giraud met en lumière le lien structurel entre énergie et l’activité économique telle que mesurée par le PIB, et explique la nécessité de refonder les modèles économiques pour prendre en compte les flux physiques. Philippe Roman présente les indicateurs de flux de matières, et démontre qu’une bonne part des progrès attribués aux pays riches en matière de réduction de leur empreinte écologique sont attribuables aux délocalisations vers les pays du Sud. La contribution de Thierry Caminel concerne les aspects physiques, comme la nécessité de consommer toujours plus d’énergie pour extraire les ressources naturelles, qui constituent des freins à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Enfin Philippe Frémeaux et Aurore Leduc concluent l’ouvrage en s’interrogeant sur la notion de richesse, et en posant les bases d’un nouveau contrat social-écologique.

Le synopsis du livre résume bien l’enjeu :

« Produire plus en dégradant moins l’environnement : telle est la perspective incarnée par le concept de découplage. En des temps où la crise écologique s’aggrave et où la croissance économique fait défaut, il accompagne l’espoir d’une « croissance verte » qui associerait retour au plein emploi, progression du pouvoir d’achat et réponse aux défis environnementaux.
Tout le problème est que ce miracle, nous expliquent les auteurs, ne s’est encore produit nulle part à ce jour. En outre, à étudier les ressorts de la croissance passée, on constate qu’elle a été étroitement dépendante d’une énergie abondante et bon marché.
Si nous voulons éviter une décroissance brutale, imposée par les pénuries de ressources ou la dégradation des écosystèmes, provoquant chômage de masse, aggravation des inégalités, menaces pour la paix et la démocratie, il faut sans attendre mettre en oeuvre un nouveau modèle d’économie et de société, économe en énergie et en matières
. »

Espérant que le sujet de ce livre retienne votre attention…

* livre de  Thierry Caminel, Philippe Frémeaux, Gaël Giraud, Aurore Leduc et Philippe Roman

aux éditions Les Petits Matins. (80 pages, 10€)
http://www.lespetitsmatins.fr/collections/produire-plus-polluer-moins-limpossible-decouplage/

Produire plus, polluer moins : l’impossible découplage Lire la suite »

Stop à l’exploitation des ressources fossiles ?

Pour éviter la catastrophe climatique, nous savions déjà qu’il faudrait diviser par quatre d’ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre, ce qui voulait dire diviser par deux notre consommation d’énergie. Mais cela restait abstrait. Un article récent du MONDE* précise qu’en fait il faudra arrêter de pomper du pétrole ou d’extraire du charbon :

« Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a prévenu : pour conserver au moins une chance sur deux de contenir la hausse des températures à la fin du siècle sous la barre de 2°C par rapport à la période préindustrielle – seuil de danger retenu par la communauté internationale en 2009 –, les émissions mondiales de CO2 ne devront pas dépasser, entre 2011 et 2050, une fourchette allant de 860 à 1 180 milliards de tonnes, ou gigatonnes (Gt). Or, les réserves fossiles du globe représentent un stock d’environ 2 900 Gt de CO2 – près de trois fois plus que les émissions tolérables. La conclusion s’impose : il faut, jusqu’à 2050, s’abstenir d’extraire et de brûler la plus grande partie des réserves fossiles. Un tiers des réserves de pétrole, la moitié de celles de gaz et plus de 80 % de celles de charbon devront rester inexploitées, si l’on veut éviter la surchauffe de la planète. Pour ce qui est du cas particulier des hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux), les auteurs concluent qu’une hausse de leur production actuelle est incompatible avec la volonté de juguler le réchauffement. C’est la thérapie de choc que prescrivent deux chercheurs britanniques dans une étude publiée dans l’édition de la revue Nature du jeudi 8 janvier. Mais on voit mal en effet comment – et l’étude n’apporte pas la réponse – convaincre un pays producteur, riche ou pauvre, ou une compagnie pétrolière ou gazière, de renoncer à la rente des hydrocarbures, sans la mise en place de mécanismes tels qu’un marché mondial du carbone. »

La Biosphère fonctionne selon un système d’autorégulation très complexe. Les humains ont cru qu’il suffisait de s’appuyer sur les mécanismes autorégulateurs du marché et la variation des prix pour compenser la détérioration dont ils sont la cause. ERREUR ! Maintenant les Etats devraient intervenir pour augmenter structurellement les prix des énergies fossiles, et cela ne pourra se faire que par une gouvernance mondiale, une OME (organisation mondiale de l’environnement)… qui sera créée lorsqu’il sera beaucoup trop tard… Les raffineries de pétrole et les centrales à charbon mériteraient peut-être qu’on les fasse sauter : cela constituerait-il aussi un terrorisme ?

* LE MONDE du 9 janvier 2015, Des réserves fossiles rationnées pour éviter la surchauffe

Stop à l’exploitation des ressources fossiles ? Lire la suite »

Ségolène Royal s’enflamme contre les feux de bois

« L’interdiction des feux de cheminée en Ile-de-France est excessive », s’enflamme Ségolène Royal. « On est dans le ridicule, je vais faire changer cette décision*. » Pour une ministre de l’écologie, faire comme si le plan de protection de l’atmosphère était ridicule semble vraiment ridicule. Seuls les inconditionnels de la flambée d’agrément, les ramoneurs de Paris et la filière bois-forêt sont d’accord avec Ségolène. Tout au contraire l’ensemble des poumons de la région parisienne respirent déjà mieux : l’émission en particules fines d’un feu de cheminée [à foyer ouvert] durant quelques heures équivaut à celle d’une voiture classique roulant pendant plusieurs milliers de kilomètres.

Si Ségolène ne change pas la donne, il sera totalement interdit à Paris au 1er janvier 2015 de brûler la biomasse, mais seules 500 cheminées sont encore en état de marche. Pour les zones sensibles en périphérie, on conseille la cheminée à foyer fermé qui peut avoir un rendement supérieur ou égal à 70 % (10 % pour un foyer ouvert ) et un taux de CO inférieur ou égal à 0,12 %**. Au-delà des chiffres de la pollution, il faudrait s’interroger sur les causes profondes du désastre écologique en marche. Plus nous sommes nombreux, plus les gens s’agglutinent dans des villes immenses, plus il est impossible de recourir aux énergies renouvelables. Le chauffage au gaz pollue beaucoup moins que la combustion de bois, mais que ferons-nous quand il n’y aura plus d’énergies fossiles dans un « Grand Paris » de plus de 11 millions d’habitants ? Athènes nous montre le chemin. Dopé par la crise, le chauffage au bois couvre Athènes de particules. Frappées par les baisses de salaires et de retraites et des augmentations d’impôts, les familles, souvent touchées par le chômage, se tournent de plus en plus vers le bois, meilleur marché, avec des conséquences écologiques dévastatrices : les coupes sauvages déciment les forêts et la concentration des particules dépasse le niveau d’urgence fixé à 50 microgrammes par mètre cube (µg/m3). Il est monté jusqu’à 150 µg/m3 fin décembre 2012 à Athènes.

Donc la seule solution durable, outre la baisse de la fécondité et la désurbanisation, sera un jour de ne pas se chauffer. Il nous faut questionner nos besoins, la température de nos appartements. Si la moyenne recommandée pour la classe globale (celle qui possède un véhicule) est de 19° dans la maison, ce n’est pas un idéal : les esquimaux dans leur igloo étaient capable de faire bien mieux, c’est-à-dire beaucoup plus bas, zéro degré celsius au ras du sol. La Ségolène Royal du futur nous fera admettre qu’il suffit d’enfiler un polaire pour se réchauffer. C’est certes moins agréable, mais tellement plus simple d’isoler les corps plutôt que de se chauffer au bois, au gaz ou au nucléaire…

* Le Monde.fr avec AFP 9 décembre 2014, Interdiction des feux de cheminée : Royal veut « faire changer cette décision » en Ile-de-France

** http://sosconso.blog.lemonde.fr/2013/10/02/bientot-la-fin-des-feux-de-cheminee-a-paris

 

Ségolène Royal s’enflamme contre les feux de bois Lire la suite »

Climat et pétrole nous entraînent vers l’état de guerre

« Une perturbation importante du climat serait source de guerre ». Cette déclaration de François Hollande au sommet du G20 n’est qu’une minuscule ébauche d’une prise de conscience politique de la gravité de la situation actuelle. En effet il est déjà clair que les guerres du climat ont déjà commencé. Stéphane Foucart dans sa chronique planète* envisage cette explication pour la Syrie et l’Irak, sécheresse et explosion démographique se conjuguent pour aviver les tensions. Harald Welzer, dans Les guerres du climat montrait que c’était le cas au Darfour : « Une étude de l’UNEP (United Nations Environment Programme) de juin 2007 résume ainsi la situation au Darfour : les problèmes liés à l’environnement, combinés avec un accroissement exorbitant de la population, créent les conditions-cadre de conflits violents qui éclatent le long de frontières ethniques. C’est-à-dire que des conflits qui ont des causes écologiques sont perçus comme ethniques. Le déclin social est déclenché par un effondrement écologique, mais la plupart des acteurs ne le voient pas. »

                Il y a de fortes chances que cet effondrement ne va pas seulement toucher des pays périphériques, mais aussi ce qu’on appelle aujourd’hui les « grandes puissances » ; il sera certainement civilisationnel, nous faisant aller vers des âges obscurs. Harald Welzer envisage le blocage de nos démocraties centralisées face à une menace future : « La diffusion mondiale d’un modèle de société fondé sur la croissance et l’épuisement des ressources font apparaître comme irréaliste qu’on limite à deux degrés seulement le réchauffement d’ici le milieu du siècle. Et c’est là un résumé qui s’appuie seulement sur l’aspect linéaire des choses, sans tenir compte des processus non linéaires susceptibles d’aggraver radicalement le problème climatique – si, par exemple, le dégel du permafrost dégage du méthane en quantités énormes. Il peut y avoir des effets de dominos encore insoupçonnables… De même la logique des processus sociaux n’est pas linéaire. » De toute façon d’autres éléments vont entrer en jeu bien avant que les perturbations climatiques ne deviennent critiques.

Dès 2005, Yves Cochet pouvait parler de pétrole-apocalypse : « La hausse du cours des hydrocarbures ne sera pas un simple choc pétrolier, ce sera la fin du monde tel que nous le  connaissons… Dans les pays industrialisés, l’alimentation du consommateur est le dernier maillon d’une chaîne agroalimentaire dominée par la délocalisation et la désaisonnalisé… Suite au pic pétrolier, les pays importateurs souffriront de pénurie, ce qui les entraînera vers l’effondrement économique et social. Où aller pour trouver à boire et à manger ? Nous n’avons plus de parents fermiers à la campagne chez lesquels nous réfugier comme nous l’avons fait au cours de la débâcle de 1940. Nous n’avons plus un ailleurs inexploré comme l’avaient jadis quelques hordes, émigrant massivement lorsque la pression démographique sur le territoire traditionnel dépassait sa capacité de charge écologique. Que nous restera-t-il hormis la violence ? Il n’existe qu’une demi-solution : la sobriété immédiate… »

* LE MONDE du 18 novembre 2014, Le climat et la guerre

Climat et pétrole nous entraînent vers l’état de guerre Lire la suite »

Christophe de Margerie est mort, le kérosène l’a tué

De l’inconvénient de voler en avion : Christophe de Margerie est mort en pleine gloire. La ministre limogée Delphine Batho ne le regrettera pas, elle qui écrivait dans son livre* : « C’était le 14 mai 2014. Considérant que tout ce qui était fait dans le débat national sur la transition énergétique était insignifiant, Jean-Marc Ayrault a décidé d’organiser un dîner de patrons. Christophe de Margerie, le PDG de Total, arrive avec une heure de retard, mauvaise manière de montrer ostensiblement que le plus important autour de la table, c’est lui ! Il arrive, commande un whisky et plombe littéralement la discussion en monopolisant la parole. Lui et Henri Proglio accomplissent ensuite en duo un parfait petit numéro anti-transition énergétique. A l’un le pétrole, à l’autre le nucléaire. A aucun moment le Premier ministre ne procède ne serait-ce qu’un rappel des objectifs du gouvernement et des engagements du président de la République. Margerie pousse même jusqu’à me prendre comme tête à claque, avec ce sens de l’humour pinçant dont il s’est fait une spécialité… A la fin du dîner, Ayraut n’est pas plus avancé sur le fond du dossier. Cette rencontre ne servait à rien. » Et Delphine de titrer ce chapitre « le dîner de cons ». Bien vu !

Ayrault et Margerie sont des cons qui n’ont rien compris au monde qui nous attend, ligoté dans son expansion par l’épuisement des ressources naturelles. Christophe de Margerie a oublié qu’il a été élève des jésuites. Il cite l’Evangile de saint Matthieu et sa parabole des talents. Etre bien né, cela crée des devoirs… « Il faut rendre ce que l’on nous a donné ». Or le pétrole nous est donné par la Terre en quantité limitée et nous ne rendons à la Terre que perturbations climatiques et démolition des écosystèmes. Tombé dans le baril en 1974, au moment du premier choc pétrolier, il pense que le brut est « la plus belle des sources d’énergie ». Il devient expert dans la manipulation des pays producteurs de pétrole et oublie qu’on est voué à aller d’un choc pétrolier à un autre. La maison brûle ? s’exclamait Chirac à un sommet de la Terre. Haussement d’épaules de Margerie : « Je suis foncièrement optimiste et je ne suis pas inquiet pour l’avenir. »

Il est vrai qu’il a investi plusieurs milliards de dollars sur les huiles lourdes du Venezuela et les sables bitumineux du Canada, des pétroles non conventionnels extrêmement polluants. Il est vrai qu’il croyait que le groupe Total se lancerait un jour ou l’autre dans l’aventure risquée du nucléaire. Il est vrai qu’il croyait à l’avenir du charbon… propre ! De Margerie est un illusionniste qui a mis le gouvernement socialiste dans sa poche au détriment d’un avenir durable et de décisions politiques axées sur une véritable transition énergétique. Il est bon que Margerie se soit rendu compte très brutalement que nous sommes tous mortels : la biosphère est bien plus forte que notre volontarisme productiviste.

* Insoumise aux éditions Grasset, le livre de l’ex-ministre de l’écologie et de l’énergie Delphine Batho que nous recommandons instamment

Christophe de Margerie est mort, le kérosène l’a tué Lire la suite »

Transition énergétique, l’oubli des combustibles fossiles

Il est très étonnant que la question essentielle de la disponibilité des combustibles carbonés fossiles (charbon, pétrole et gaz) dans l’avenir n’ait même pas été effleurée dans la loi  sur la transition énergétique (DNTE) qui est en débat en France. Ils sont pourtant depuis 150 ans les principaux moteurs de l’économie mondiale. Ils représentent encore plus de 80 % de l’approvisionnement énergétique de l’humanité malgré les efforts faits pour développer de nouvelles sources d’énergie. Ils ont joué un rôle majeur dans les progrès matériels et humains des pays dits «développés», ainsi que dans la croissance de la population mondiale.

Très préoccupant pour les pays développés est le pétrole, principal moteur de leur activité économique, car son déclin semble très proche. Un élément aggravant pour les pays qui comme les pays de la Zone Euro et particulièrement la France sont dépourvus de ressources et dépendent donc entièrement du marché international, est que les quantités qui en seront mises sur ce marché déclineront avant la production mondiale et plus vite qu’elle, car les pays exportateurs en consomment des quantités croissantes pour assurer leur développement tout en faisant face à l’accroissement de leur population. La France et la Zone Euro devront aussi y affronter la concurrence des grands pays émergents comme la Chine et l’Inde, et seront très vulnérables à une rupture d’approvisionnement ou à une flambée des prix qui seraient dus à une crise politique. Ils ont donc un fort intérêt à faire décroître le plus vite possible leur consommation de pétrole.

En effet la disponibilité des combustibles carbonés fossiles ne va pas de soi et pose problème à terme bien plus bref qu’il n’est généralement imaginé. Dans beaucoup de pays, les productions sont déjà en déclin et pour certains, en particulier en Europe, les quantités récupérables sont proches de l’épuisement. Une analyse prospective montre que la probabilité est forte pour que la production mondiale de pétrole commence à décliner pour des causes géologiques vers 2020, et celle de gaz vers 2030, et cela malgré le développement du pétrole et du gaz dits de schistes (en fait de roches-mères) qui occupe tant à l’heure actuelle les médias. La production de charbon devrait plafonner à partir de 2025-2030, mais décliner seulement en 2070. Au total la quantité d’énergie mise à disposition de l’humanité par les combustibles fossiles devrait décliner rapidement après 2025. Le déclin de la quantité moyenne disponible par habitant devrait connaître un déclin encore plus rapide, du fait de l’augmentation de population de la planète.

Les combustibles fossiles donneront donc le tempo de la transition énergétique…

(texte résumé de Bernard DURAND)

Transition énergétique, l’oubli des combustibles fossiles Lire la suite »