épuisement des ressources

des mineurs bientôt sans charbon

Il fut un temps où on envoyait les mineurs au charbon. Métier ingrat, dangereux pour la santé (silicose…), dangereux pour la vie (coup de grisou…). Pourtant les mineurs veulent continuer à creuser les flancs de notre mère la terre. Ils appartiennent à une espèce, complètement folle, qui brûle les combustibles officiels avec désinvolture. Les Espagnols* font mieux encore, ils subventionnent cette activité ingrate et sans lendemain : le  charbon n’est pas une ressource renouvelable. On explique aux mineurs que le charbon est très polluant, que leurs mines ne sont pas compétitives et qu’il n’y a pas d’avenir sous la terre, rien n’y fait, ils font grève pour être payé à continuer.

Pour Thomas More, « L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable. C’est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté. La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile (L’utopie, 1516). » Il en est de même du charbon, il aurait dû rester sous terre et nous aurions échappé au pic énergétique, au réchauffement climatique, à la dégradation des conditions de travail, à la dislocation des liens sociaux…

* LeMonde du 26-27 septembre, en Espagne, les mineurs de charbon etc.

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plus rien n’a d’importance

Feuilletons LeMonde du 1er septembre. Encore et toujours on y parle de l’omniprésence Sarkozy, du PS qui n’est pas prêt de sortir de son sarkophage, d’une mort célèbre sans importance, de l’éternelle question palestinienne, la routine ! Il faut lire dans les coins pour trouver quelque chose d’intéressant, par exemple un courrier des lecteurs. Mais c’est pour constater notre impuissance quand la mondialisation triomphante impose l’ère du cynisme. Faut-il désespérer ? Sans aucun doute. Les journalistes ne servent plus à rien, leurs « messages », en raison de leur monotone quantité et de leur vacuité, accroissent l’état de confusion culturelle dans lequel nous nous débattons. Pour LeMonde et les autres médias, il ne s’agit plus de penser globalement le monde, mais de se limiter à une vision fragmentaire dans laquelle prédomine l’ici et maintenant. L’esprit humain est en train de capituler devant les forces de dispersion. Nous sommes à l’ère de la confusion. L’action n’est plus mobilisatrice, elle n’est plus pensée. Cela signifie que l’humanité abdique sa quête de sens.

                Pendant ce temps les grandes sociétés minières renouent avec les fusions-acquisitions ; il faut bien anticiper les prix élevés des matières premières (p.11). Si certaines entreprises s’intéressent au long terme, il serait temps que philosophes, économistes et gouvernements fassent de même et s’intéressent à notre avenir commun. Hervé Kempf rappelle avec Tim Jackson (p.16) que les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie ou la consommation de matières n’opèrent pas depuis 1990 de découplage avec la croissance du PIB : une économie croissante (même lentement) ne diminue pas son impact sur la biosphère.

Pour nous, c’est la seule information qui importe ce jour, elle implique que nous devrions tous nous mobiliser autour des enjeux écologiques. Alors la construction d’un avenir moins sombre redonnerait un sens à notre vie…

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la décroissance est porteuse d’espoir

Un point de vue biosphèrique : Toutes ces dernières années, un nombre de plus en plus grands de lois et règlements parle de « réduire » (la pollution, la quantité d’énergie et de matières, l’utilisation de l’automobile individuelle). Pourtant le mot décroissance fait encore débat aujourd’hui alors que réduction et décroissance sont de parfait synonyme. De plus, il n’y a pas à porter de jugement de valeur sur la décroissance des possibilités offertes par notre planète, c’est un fait vérifié scientifiquement. Alors, décroissance ou réduction, peut importe ; nous allons vers toujours moins (de ressources, de terres arables, de qualité de l’air et de l’eau). La seule question est donc celle de la gestion de ce moins. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons pas gérer la décroissance/réduction avec les outils économiques et sociaux qui ont accompagné la croissance.

Le point de vue de Corinne Lepage : « Si l’écologie politique décide d’être le porteur de la décroissance alors elle ratera le coche de l’Histoire (..) Le projet d’une décroissance ne peut aucunement fédérer nos concitoyens et constituer un projet porteur d’espoir(LeMonde du 21 août, « La décroissance n’est pas porteuse d’espoir »). Corinne Lepage s’appuie sur un ouvrage de Tim Jackson, Prospérité sans croissance . Mais contrairement à ce qu’affirme Corinne Lepage, Tim Jackson ne propose pas d’abandonner le terme décroissance, mais seulement le terme croissance. Et s’il propose un autre modèle, c’est celui de la simplicité volontaire, bien proche de la notion de décroissance voulue.

Le point de vue de Tim Jackson : « Le modèle capitaliste ne propose aucune voie facile vers un état stationnaire. Sa dynamique naturelle le pousse vers deux états : l’expansion ou l’effondrement (…) La simplicité volontaire constitue une philosophie de vie. Elle s’inspire de l’enseignement du Mahatma Gandhi qui encourageait les gens à « vivre simplement pour que les autres puissent simplement vivre ». Duane Elgin a repris ce thème du mode de vie « extérieurement simple mais intérieurement riche ». La diminution volontaire de la consommation peut améliorer le bien-être subjectif et va totalement à l’encontre du modèle dominant (…)  Tant que la stabilité économique dépendra de la croissance économique, les changements nécessaires n’auront pas lieu. »

Conclusion : Corinne Lepage manie encore la langue de bois des politiques. Elle ne tire pas les conclusions de son analyse de fond : « Il faut avant tout passer d’un modèle économique à deux dimensions (travail et capital) à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions, introduisant le principal facteur de rareté issu de la finitude de notre planète. » Ce que Martine Aubry a appelé le « facteur terre », sans en tirer les conclusions nécessaires. Car elle aussi veut faire de la politique politicienne.

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le jour du dépassement, 21 août 2010

Le 19 décembre 1987, pour la première fois de son histoire, l’humanité vivait au-dessus de ce que la terre pouvait lui offrir en un an. Selon l’ONG Global Footprint Network, le jour du dépassement (Earth Overshoot Day) aura lieu cette année le 21 août. L’an passé, c’était le 25 septembre, la capacité de la biosphère à se régénérer et à absorber nos excès fout le camp de plus en plus tôt. C’est une brève (LeMonde du 18 août) qui aurait mérité une page entière et de multiples commentaires. Non seulement c’est trop court, mais LeMonde a tronqué des parties importantes du texte initial :
« Il aura fallu moins de neuf mois pour épuiser le budget écologique de l’année 2010. Si vous dépensez votre budget annuel en neuf mois, vous allez probablement être extrêmement inquiet : la situation n’est pas moins grave quand il s’agit de notre budget écologique », précise le président de l’ONG, Mathis Wackernagel. Pour inverser la tendance, il n’y a qu’une solution, « arriver à ce que la population mondiale commence à décroître. Les gens pensent que ce serait terrible, pour nous ce serait en fait un avantage économique. Mais c’est un choix. On n’en veut pas encore », assure M. Wackernagel.
LeMonde-papier serait-il anti-malthusien ? Quel journaliste a utilisé les ciseaux de la censure pour amoindrir la portée d’un événement-clé ?

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la décroissance selon Yves Cochet

Yves est en France le seul politique courageux et réaliste. Son diagnostic est imparable : « Nous vivons l’époque où la croissance rencontre les limites de la planète. » Les conséquences qu’il en tire sont inéluctables : « S’il est une politique autrement, sa première qualité est d’annoncer le plus probable (une longue récession), non de vendre une illusion (la croissance retrouvée). » Son analyse dans le Monde du 17 août, « Dire la vérité et assumer la décroissance » devrait donc être un événement marquant. Mais il se laisse aller à la langue de bois, les solutions qu’il nous indique sont bien en deçà de ce qu’il faudrait. La RTT, une semaine de 28 heures, est inapplicable. D’autant plus que moins d’énergie fossile à notre disposition voudra dire plus d’heures de travail. Mieux vaudrait faire confiance aux initiatives individuelles, propager l’idée de travailler autrement, inciter aux métiers artisanaux, à l’agriculture et à la relocalisation. De plus il voudrait un revenu d’existence universel, qui existe déjà sous la forme du revenu de solidarité active, ex revenu minimum. Mieux vaudrait pour plus de justice imposer le plafond d’un revenu maximal pour inciter à une vie plus sobre et mieux partagée.

                Il n’empêche que nous partageons complètement la conclusion d’Yves Cochet : « Si une réorientation de la civilisation est difficile en période de récession économique, imaginez à quel point ce le sera après la dislocation du système financier, la raréfaction de l’énergie disponible et les perturbations liées au changement climatique. » Nous rappelons un discours antérieur d’Yves Cochet, plus incisif :

Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de l’Europe que sont la paix, la démocratie et la solidarité, la transition vers cette société de sobriété doit suivre quatre orientations principales que je résume :

– la tendance vers l’autosuffisance locale et régionale en matières énergétique et alimentaire ;

– la  tendance à la décentralisation géographique des pouvoirs ;

– la tendance à la relocalisation économique ;

– la tendance à la planification concertée et aux quotas, notamment en matières énergétique et alimentaire.

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l’impasse charbonnière

La Commission européenne entend faire fermer, d’ici à 2014, toutes les mines de charbon qui bénéficient de subventions (pour 2,9 milliards en 2008). Ce serait là un bon signe de la sortie des énergies fossiles si la moitié des centrales de l’Union n’étaient déjà alimentées avec du charbon d’importation. De plus les syndicats, productivistes comme il se doit, se dressent contre ce projet européen : à cause de la menace des « licenciements en masse », leur ardeur écologique est égale à zéro. Les représentants politiques des bassin miniers emboîtent le pas des salariés et les chefs d’entreprise ne sont pas en reste (cf. Bronca autour du projet de fermeture des mines de charbon – LeMonde du 24 juillet).

Pourtant, entre deux disparitions il faut choisir la moindre. Le coût de la disparition de l’industrie de la houille n’est rien quand on le confronte au coût du réchauffement climatique (cf. rapport Stern). De plus cette addiction à des ressources fossiles, par définition non renouvelable et en voie de disparition, n’a pas d’avenir. Les entreprises, les gouvernements et les syndicats, lancés dans une surenchère démagogique contre l’enjeu écologique, font en sorte que le désastre arrivera beaucoup plus tôt que prévu. Nous leur conseillons de lire d’urgence Lewis Mumford :

« L’exploitation minière est la métaphore de toute la civilisation moderne. Le travail de la mine est avant tout  destructeur : son produit est un amas sans forme et sans vie,  ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. En revanche, l’agriculture traditionnelle favorise l’établissement d’un heureux équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine. Ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué ; le champ labouré, le verger, les planches à  légumes, les terres à blé, les massifs de fleurs – tous témoignent d’un ordre formel, d’un cycle de croissance.»

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croissance négative ou décroissance choisie ?

La décroissance choisie est le seul moyen d’éviter la décroissance subie (récession-dépression) que la mondialisation libérale est en train de nous préparer. Certains montrent explicitement que leur pensée évolue, ainsi Dominique Bourg :

– Il écrivait pour l’encyclopédie Universalis de 2008 : « La décroissance n’a pas plus de sens que l’impératif de la croissance tous azimuts. En effet la décroissance interdirait la réduction de la pauvreté et n’est guère compatible avec le système démocratique. »

– Il écrit maintenant dans la revue Acteurs publics de juin 2010 : «  Contrairement à ce que nous avions cru, nous n’arrivons pas à découpler la croissance du PIB de la consommation de ressources. Arrêtons la farce du développement durable ! Nous allons devoir nous adapter à un monde profondément nouveau. La décroissance n’est pas un choix idéologique, mais une nécessité. » (source : La décroissance, juillet 2010)

                LeMonde n’a pas encore opéré un tel tournant idéologique, mais son supplément économique du 6 juillet commence à s’inquiéter : « La croissance reste anémique, le chômage élevé, les tensions sociales aiguës, le mistigri de la dette passe de main en main possible, un jeu qui pourrait mal finir, défaillance possible d’un Etat souverain. » En un mot, c’est explosif, et il n’y a pas de troisième voie entre croissance négative et décroissance choisie.

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Blood, Toil, Tears and Sweat

I have nothing to offer but Blood, Toil, Tears and Sweat s’exclamait Churchill le 13 mai 1940 : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du  sang, de la peine, des larmes et de la sueur ». Soixante dix ans plus tard, son successeur David Cameron vient de prévenir que son pays allait connaître des années de « souffrance » (LeMonde.fr du 6 juin). Le Premier ministre britannique veut réduire le déficit public et le poids « énorme » de la dette. Il a tenu un discours que les hommes politiques en Grèce, en Espagne ou même en France commencent à adopter : « La qualité d’un véritable homme d’Etat est de prendre la bonne décision en expliquant aux gens l’objectif derrière la souffrance ». Très bien ! Mais il n’y a pas que les dettes publiques dans la vie, nous sommes en état de guerre, de guerre contre la planète ; la question monétaire est secondaire par rapport à la question des ressources physiques. Bien plus, tout ce que nous avons imaginé antérieurement pour sortir de la crise financière (remettre en route la machine à créer de la monnaie dans les banques) ne servira qu’à mieux préparer la prochaine crise.

Les politiques doivent faire leur le diagnostic de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean : « Osons le dire : celui ou celle qui arriverait, aujourd’hui, avec les idées claires sur la contrainte des ressources naturelles, et qui aurait un programme bien bâti pour y répondre, avec un mélange de souffle nouveau et d’efforts pour chacun, celui-là ou celle-là pourrait être audible. » (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde). Nous allons devoir nous faire à l’idée d’être plus heureux avec moins, et le pouvoir politique doit avoir le courage de le faire comprendre. Osons le dire : il nous faut un nouveau Churchill, et il nous le faut avant 2012 en France. Ce n’est pas gagné, le PS ne possède actuellement aucun Jaurès de l’écologie et les Verts se disputent avec Europe Ecologie pour savoir comment s’organiser ! Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, assure : « Sur la forme, on va s’en sortir, on est obligé ». Le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, vient d’assurer que la structuration du mouvement était un « bide total ». L’EE Daniel Cohn-Bendit reconnaît : « je n’ai pas la solution ».

Tant que les petits conflits inter-humains passeront avant le salut commun, tant que nous n’accepterons pas la souffrance et les larmes, l’avenir de nos enfants passera par les guerres du climat et non par la coordination des efforts de tous.

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ils sont fous ces humains

Les humains n’arrêtent pas de se bouffer entre eux, on envahit l’Irak sur la foi de mensonges, on asphyxie la bande à Gaza pour sauvegarder un territoire prétendument dévolu par dieu au peuple juif, on s’arme à tout va. Le Sipri (Institut international de recherche pour la paix de Stockholm)  estime dans son dernier rapport annuel que la planète de l’homo demens a atteint un nouveau sommet dans les dépenses militaires, 1531 milliards de dollars. La France gaspille à elle seule 63,9 milliards de dollars
(LeMonde du 3 juin).

Pour rien ! Depuis le début du XIXe siècle, l’histoire de la France offre une impressionnante série d’échecs de la défense militaire. Cinq agressions contre le pays (1814, 1815, 1870, 1914, 1940) se sont soldés par quatre échecs indiscutables et par une guerre de 1914-18 qui a nécessité l’intervention étrangère, tout le Nord-Est du pays ravagé et près de  1,4 millions de morts et 740 000 mutilés. Si l’on ajoute les deux revers subis en Indochine et en Algérie, il est légitime de se demander si la confiance dans l’option militaire ne relève pas de l’illusion collective. Ne parlons pas des USA qui ont préféré se faire entre eux la guerre de sécession au XIXe siècle et pour qui l’échec au Vietnam n’a pas servi de leçon puisqu’ils sont en train de subir un revers en Irak et en Afghanistan. La guerre n’est pas la continuation de la politique par un autre moyen, c’est une vaste fumisterie qui flatte l’ego de certains souverains.

Pourtant nous sommes dans un monde qui pourrait désarmer. Il n’y a plus d’antagonisme entre les blocs, et les problèmes locaux peuvent être gérés par l’ONU. La puissance économique européenne rend inutile le maintien par un petit pays comme la France d’une armée nationale. La bombe atomique, ce machin horrible dont on dit qu’elle sert de dissuasion alors qu’elle a déjà été utilisée  deux fois, n’aurait jamais du exister. Mais nous ne faisons rien, nous battons des records de dépenses dans la militarisation de la société. Les guerres du climat qui s’annoncent promettent donc d’être particulièrement meurtrières.

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Findus et le MSC

Greenwashing, c’est habiller en vert écolo ce qui n’a rien à voir avec la protection de l’environnement. Ce terme fait référence au double langage des firmes multinationales qui parlent de protection de l’environnement et l’inscrivent même dans leurs objectifs alors que leurs activités consistent à augmenter la charge que fait peser l’humanité sur la planète. Mais d’un autre côté, le changement ne pourra découler que d’une modification du comportement des grandes entreprises. C’est la tactique de WWF (Fonds mondial pour la nature) qui s’était même associé en 1997 avec Unilever pour définir le label écolo MSC (Marine Stewardship Council) pour une pêche durable.

Aujourd’hui le patron de Findus France, leader du surgelé, vise une production de 100 % de poisson labellisé « responsable » et sans huile de palme pour les fritures (LeMonde économie du 18 mai). Ce groupe n’achète donc plus de cabillaud de la mer baltique ou de la mer du Nord, n’utilise ni la lotte, ni les espèces de grand fond et veut faire passer les saumons d ’élevage à l’alimentation végétale. Bel effort. Généralisable et durable ? Comme dit la jeune économiste Patricia Crifo, « La question des années 2010 est de savoir si une croissance soutenable peut naître de la combinaison entre technologies de l’environnement, gouvernance des entreprises  et gestion du capital humain ». Pour nous, l’expression « croissance soutenable » porte en elle la réponse. Il ne peut pas y avoir de croissance durable dans un monde fini, c’est un oxymore, l’union impossible (sauf en poésie) des contraires. Findus a connu une croissance de 45 % entre 2006 et 2009, il n’y aura pas pérennité des ressources halieutiques, pérennité de l’entreprise.

Une stratégie verte des entreprise est possible, mais à condition de cesser la concurrence entre elles pour seulement distribuer ce qu’il faut et où il faut, à condition d’éduquer les consommateurs à redevenir végétariens plutôt qu’à multiplier les plats de poissons et de viande, à condition de ne plus penser en terme de profit à court terme mais de bonheur des peuples. Ce n’est pas gagné !

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les leçons d’une marée noire

En tant que défenseur de la biosphère, nous ne pouvons qu’être opposés aux forages en mer. Mais la marée noire provoquée par la plate-forme Deepwater Horizon n’est qu’un signe ponctuel des dérives d’une société minière ; les humains polluent les océans quand ils y cherchent ce qu’ils ne trouvent plus sur la terre ferme.  L’exploitation minière est une métaphore, inspirée de la thèse de Lewis Mumford, de la civilisation thermo-industrielle : « L’exploitation minière est avant tout destructrice : son produit est un amas sans forme et sans vie, ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. » Les humains pulvérisent des montagnes pour obtenir du granit, de l’uranium et des minerais jusqu’à ce que le globe terrestre se réduise à l’état de plate-forme nivelée ! Mais l’apparition des pratiques minières au XVIIIe et XIXe siècles va s’achever au XXIe siècle après épuisement de toutes les richesses souterraine.

L’allégorie de Mumford met parfaitement en lumière l’opposition radicale qui sépare deux formes de rapport à la nature. Il y a d’un côté l’agriculture traditionnelle qui favorise l’établissement d’un équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine ; ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué (une capacité largement compromise par les stratégies d’exploitation minière en agriculture et en élevage). Il y a de l’autre le pillage du capital naturel par des multinationales qui creusent toujours plus profond, sur terre ou dans les mers, pour extraire les derniers morceaux de charbon, les dernières gouttes de pétrole, les dernières paillettes d’or. Rappelons quelques données sur les limites temporelles de cette exploitation minière :

terbium, 2012 ; argent, 2022 ; or, 2025 ; étain, 2028 ; plomb, 2030 ; cuivre, 2039 ; uranium, 2040 ; nickel, 2048 ; pétrole, 2050 ; Gaz naturel, 2087 ; fer, 2120 ; charbon, 2158…

La fin prochaine des facilités offertes par la nature à l’expansion de notre niveau de vie va entraîner un désastre global dans lequel Deepwater Horizon n’aura été qu’un signe avant-coureur.

Pour connaître  Lewis Mumford : Les transformations de l’homme (1956)

Pour connaître les détails de la marée noire au large des côtes de la Louisiane : LeMonde du 2-3 mai 2010.

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burqa et polygynie, intoxication médiatique

Nous avons horreur des sondages, les sondages doivent être supprimés. Le contenu des questions est superficiel et l’opinion d’une majorité peut varier d’un jour à l’autre. Analysons le sondage du monde.fr ce jour qui nous demande notre avis : « A propos de la femme verbalisée pour conduite avec un voile intégral et de son mari soupçonné de polygamie, diriez-vous qu’il s’agit…
… d’une affaire grave de violation des lois de la République
… ou d’un fait divers monté en épingle par le gouvernement
D’abord ce questionnaire mélange deux événements distincts, celui d’une conductrice avec un voile intégral et celui de son mari soupçonné de polygamie. On peut admettre l’un et condamner l’autre ou réciproquement. Il met aussi sur le même plan un fait établi et un soupçon. Le sérieux du Monde devient déjà improbable ! Ensuite on n’offre que deux réponses possibles, totalement opposés, violence grave ou fait divers ; la nuance est impossible. Enfin une citoyenneté éclairée ne peut que stigmatiser l’indigence mentale de ce gouvernement qui, fait divers après fait divers, nous fait vivre dans l’événementiel et non dans le réalisme politique. Comme l’exprime un de nos commentateurs du précédent post, « Les gens qui alimentent la campagne anti-burqa sont des démagogues pousse-au-crime qui n’ont pas d’autre objectif que de rafler des voix aux élections en titillant les instincts les plus bas de l’électorat. » Encore plus grave, l’obsession du court terme nous fait passer à côté de l’essentiel. C’est pourquoi nous préférons de loin aux sondages les statistiques qui permettent une véritable réflexion, ainsi ces chiffres sur la durée maximum d’exploitation de certains minerais (au rythme actuel de consommation et pour des coûts supportables) :
terbium, 2012 ; argent, 2022 ; or,2025 ; étain,2028 ; plomb, 2030 ; cuivre, 2039 ; uranium, 2040 ; nickel,2048 ; pétrole, 2050 ; Gaz naturel, 2087 ; fer, 2120 ; charbon, 2158…
Source : Humanisme n° 285 de juin 2009
Bien entendu, il ne s’agit pas d’en déduire que nous avons encore pour 150 ans de charbon à un prix abordable, mais que la burqa nous semblera bientôt un faux problème. A moins que le gouvernement ne continue sur sa lancée et ne désigne des boucs émissaires à la crise écologique qui se profile, du type « pourchassons tous les individus qui ne pensent pas comme nous ».

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le COR, voyance pour 2050

Il y aurait beaucoup trop de choses à dire sur le financement des retraites en France ; sur la pusillanimité des syndicats, sur l’égoïsme du secteur public par rapport aux salariés du privé, sur la couardise des politiques qui n’arrivent pas à convaincre de la nécessité d’équilibrer les comptes chaque année, etc. Allons à l’essentiel, expliquons le B.A-BA d’un système qui ne s’est généralisé que depuis la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire depuis hier.

Les Français bénéficient aujourd’hui d’un régime très spécial, l’art de vivre sans travailler à partir d’un certain âge. Alors se pose le problème du financement, répartition ou capitalisation, c’est-à-dire solidarité entre les générations ou bien pari sur la bonne santé future de la bourse. La France est normalement à l’abri d’un krach boursier puisque l’argent y est redistribué chaque année des actifs vers les retraités. Le montant effectif des retraites va donc dépendre des règles du jeu : définition de l’âge légal de démarrage de la vie de rentier, rapport de force qui existe entre actifs et retraités à un moment donné, niveau de richesse créé qui peut être redistribué cette année-là, évolution de la productivité. Le Conseil d’orientation des retraites a rendu son rapport (cf. LeMonde du 14 avril), cela va devenir de plus en plus dur à financer d’ici à 2050. Mais leur scénario le plus pénible est encore trop favorable, avec un taux de chômage stabilisé à 7 %  ! Le COR n’envisage pas du tout le blocage énergétique et les autres chocs écologiques (donc financiers) qui vont endeuiller l’emploi dans les années à venir, donc les cotisations sociales, donc les allocations-retraite.

Comme la civilisation thermo-industrielle va s’effondrer bien avant 2050, les droits à la retraite ne seront bientôt que chiffons de papier. De toute façon, soyons vraiment « équitables » : le système d’allocation vieillesse n’est applicable qu’à une partie de la population mondiale, celle qui a pu bénéficier de la prospérité factice des Trente Glorieuses. Dans le monde, 80 % des personnes ne disposent pas d’un système de sécurité sociale, leur retraite repose sur leur travail, sur la mort prématurée ou dans les solidarités de proximité quand celles-ci n’ont pas été détruites par le système occidentalisé.

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PS, bougisme et immobilité

Il paraît que le thème de l’environnement s’impose au PS. Ils sont donc tombés d’accord sur l’idée de social-écologie. Le premier problème, c’est que la motion social-écologique (dite B) lors de leur Congrès de Reims n’a recueilli que 1,58 % du vote des militants en novembre 2008. On ne va pas nous faire croire que le social-écologisme va devenir une priorité pour des militants d’un parti qui se refusent à discuter des idées pour ne se consacrer qu’à leur propre poulain, national ou local. Le deuxième problème, c’est que la préparation de la convention « nouveau modèle de développement » fait apparaître des erreurs durables. Par exemple, l’homme du consensus mou (Hollande) ou l’homme du bougisme immobile (Valls) se rejoignent pour célébrer la croissance économique dont tous les spécialistes depuis 1972 témoignent de son absurdité. Le troisième problème, c’est qu’on se refuse à aborder de front des choix fondamentaux comme celui du nucléaire ou de l’endettement public. Nous savons bien que le lobby nucléaire a largement enrégimenté les cadres du parti depuis des décennies. Nous savons bien que les gauchistes du PS croient encore aux politiques de relance (par le déficit budgétaire), comme la droite capitaliste libérale ! Le quatrième problème, et pas le moindre, c’est que Martine Aubry est allergique à l’écologie, à l’image de tous les vieux cadres de ce vieux parti.

Nous rappelons aux militants du parti socialiste les propos de Bourg et Hulot dans LeMonde du 6 avril : « Nos sens ne disent rien sur les limites de la planète et celles de ses ressources. Nous vidons la Terre d’une grande part de ses ressources. Une véritable razzia ! Les grandes compagnies pétrolières annoncent pour les toutes prochaines années le pic pétrolier. Bientôt notre addiction à l’or noir, faute de ressources, deviendra ingérable socialement et économiquement. Etc. » Cela fait un moment que le PS affirme qu’il ne laissera pas la sous-traitance de l’écologie aux Verts. Mais les militants n’écoutent pas les analyses qui font sens. Cela fait un moment que le PS parle de préparer « l’après-pétrole » ou de « changer de  civilisation ». Mais les cadres et les militants ne savent pas ce que cela veut dire.

Seul le pôle écologique du PS (à l’origine de la motion B) rappelle dans le capharnaüm socialiste que l’objectif premier d’un projet politique doit être le recul global de la consommation d’énergie.

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Obama moins écolo que Sarko

Il n’y a pas de doute, Obama ressemble à l’Américain moyen qui ne jure que par sa bagnole. Même pas encore rentré officiellement en fonction, le nouveau président des Etats-Unis envisageait déjà une relance privilégiant l’automobile avec octroi de 25 milliards de dollars à taux préférentiel. Lors de son discours d’investiture le 20 janvier 2009, Obama posait encore deux conditions au changement :  « Faire redémarrer la croissance, construire routes et ponts… » et « Nous n’allons pas nous excuser pour notre mode de vie, nous le défendrons sans relâche ». Autant dire que l’urgence écologique restera sur son strapontin. Aujourd’hui (LeMonde du 2 avril) Obama élargit les autorisations de forages pétroliers en haute mer. Naïveté ou duplicité, Obama explique qu’il s’agit « d’accompagner la transition des Etats-Unis d’une économie basée sur les combustibles fossiles et le pétrole étranger vers une autre qui s’appuie plus sur la production du pays et les énergies propres ». Mais décider ostensiblement de forer toujours davantage, c’est maintenir l’accoutumance américaine au pétrole.

Il est vrai qu’aucun gouvernement n’imposera les cruels sacrifices de la pénurie sans le consentement du peuple. Le président Carter avait essayé en avril 1977 en s’adressant par télévision à la nation : « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Puis il énumèrait les mesures d’économie. La revue Newsweek chiffre le gaspillage moyen d’énergie qu’il veut supprimer à plus de la moitié de la consommation totale. C’est une douche froide pour ce peuple si sûr de sa richesse et de ses immenses ressources.  Sans largeur de vue, sans générosité, tous ceux qui sentent leur intérêt et même leur simple confort menacé se mettent à hurler. Le royaume automobile de Détroit, dont les experts comprennent pourtant la nécessité du projet, déclare la guerre au président Carter. Les syndicats de l’automobile suivent, le peuple suit, bien entendu. Carter ne perd pas quinze points de popularité, mais trente-cinq ; sa cote passe de 70 à 35 au début de 1978. Le peuple américain n’est pas mobilisable pour des sacrifices dont il ne voit pas la nécessité en un âge ou la technologie – et non l’austérité – lui paraît constituer la solution à tous les problèmes du monde moderne. On retrouve là les illusions fondamentales des penseurs du XIXe siècle. La science toute-puissante : erreur. Les réserves de matières premières inépuisables : erreur. Le progrès indéfini : erreur. La crise va se terminer : erreur. Car non seulement ce qu’on appelle crise va devenir l’état normal de l’humanité mais cet état imposera l’austérité. (analyse de J.A. GREGOIRE – Vivre sans pétrole – en 1979 !)

Obama ressemble trop à l’Américain moyen qui ne jure que par sa bagnole. Obama n’est donc pas un politique digne de circonstances écologiques qui seront beaucoup plus dramatiques que du temps de Carter. A quand le Grenelle de l’environnement aux USA ?

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le parti de l’insécurité

François Fillon s’assimile au Front national :« L’insécurité est un combat permanent. C’est un combat sur lequel personne ne peut faire de triomphalisme, parce que la violence se réinvente en permanence ». C’est déjà grâce à ce sentiment d’insécurité propagé par les médias en transe que le deuxième tour des présidentielles en 2002 avait opposé la droite et l’extrême droite. Cette obsession sécuritaire a pour fonction d’entretenir une illusion de sécurité qui serait protégé par des lois de plus en plus répressives. Depuis que Sarko a été ministre de l’intérieur, nous en savons quelques chose en France. Or ce culte politique voué à l’insécurité criminelle nous prépare à supporter des régimes de plus en plus dictatoriaux qui profiteront des krachs écologiques à venir (pic pétrolier, réchauffement  climatique, etc.) pour imposer la reconduction des élites.

Après le régime de dictature économique qui a été le nôtre depuis cinquante ans et qui a mené l’humanité où elle en est aujourd’hui, risque donc de venir le temps de celui d’un totalitarisme. Une décroissance brutale engendrée par un effondrement de l’économie mondiale entraînera une explosion de violences collectives et de conflits politiques majeurs. L’effondrement des macrosystèmes technologiques qui alimentent en particulier les populations urbaines en eau et en énergie ne pourra avoir que des conséquences catastrophiques. La compétition sur des ressources naturelles comme l’eau, le bois et l’alimentation deviendra féroce, tandis que le peuple frustré réclamera son dû. De cette situation pourrait naître une écocratie nationaliste dont le sarkozysme n’aura été que l’avant-garde et Fillon le serviteur zélé.

Rédigé avec l’aide du livre de Simon Charbonneau, Résister pour sortir du développement

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la biomasse ne peut remplacer le pétrole

La biomasse devient une source d’énergie renouvelable importante pour les humains, il faut bien trouver un substitut aux énergies fossiles. LeMonde du 14-15 mars consacre donc sa page Planète aux appels d’offre pour soutenir l’émergence de grands projets qui vont brûler toujours plus de biomasse. La définition retenue par notre quotidien de référence est très restrictive, anthropocentrée : « La biomasse constitue la partie biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, de l’exploitation des forêts et des déchets industriels et ménagers. » Cette source d’énergie paraît indéfiniment renouvelable, à la manière d’une batterie qui se décharge et que le soleil recharge. Encore faudrait-il intégrer ses spécificités, par exemple la lenteur de la croissance végétale, et arbitrer avec les autres utilisations possibles des sols (aliments, fibres, bois d’œuvre, biodiversité…). Mais les humains préfèrent ne s’intéresser qu’aux humains ; cela entraîne un déséquilibre de la biomasse.

Si on ouvre un dictionnaire encyclopédique de l’écologie comme celui de François Ramade, la biomasse n’est pas anthropocentrée : « Terme désignant la masse totale de matière vivante présente à un niveau trophique donné dans un écosystème. On distingue la biomasse des autotrophes (producteurs primaires, les plantes vertes) et celle des consommateurs (les animaux). » L’espèce humaine est donc une simple partie de la biomasse, et un simple consommateur qui dépend entièrement des autotrophes. L’ensemble de la biomasse forme une chaîne alimentaire, chaque espèce dépend de la précédente, mais également de la suivante. A chaque passage d’un maillon de la chaîne trophique à un autre, il s’opère un transfert d’énergie. Quel que soit l’écosystème considéré, l’énergie transmise d’un niveau au suivant diminue considérablement. Cela explique la baisse d’individus dans les niveaux trophiques supérieurs : le nombre de sardines et plus important que celui des thons qui est lui-même plus important que celui des requins. Mathématiquement, pour que ça fonctionne, il faut donc beaucoup plus de non-humains que d’humains. Or non seulement les humains utilisent la biomasse pour leurs besoins alimentaires, mais aussi pour tous leurs autres besoins, chauffage, déplacement, etc. ; la surexploitation de la biomasse entraîne donc un déséquilibre structurel. La combustion de la biomasse devrait être l’exception, pas la règle.

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Jacques au Moyen Age

Nous ne sommes plus au Moyen Age. Pourtant Jacques Le Goff, spécialiste de cette époque lointain, y  croit encore. Il compare la peur de la fin du monde des millénaristes aux inquiétudes de la science aujourd’hui : « L’écologie, la peur du réchauffement climatique engendre des propos producteurs de transes et de  cauchemars. » (LeMonde du 14-15 mars). D’abord, il suffit d’écouter les psalmodies des élections régionales, on n’y trouve aucun cauchemar puisque la croissance sera verte et le développement durable, même pour les candidats écolos. Ensuite le citoyen moyen ne s’imagine pas du tout que son monde va s’écrouler, il a tellement besoin de sa bagnole et de son confort. Enfin les climato-sceptiques l’emportent largement dans l’imaginaire de nos contemporains : dormez, braves gens, l’apocalypse c’est irrationnel, vaut mieux s’occuper du concret, de la faim, des maladies, du niveau de vie.

Les écologistes ne disent pas qu’il faut revenir au Moyen Age ou à l’âge de pierre, ils ne disent pas qu’il faut ignorer les inégalités et difficultés sociales, ils nous disent simplement avec Jacques Chirac : « La planète brûle et nous regardons ailleurs »… Cette diatribe irraisonnée de Jacques Le Goff  est donc pitoyable, presque pathétique. Mais de la part d’un homme de 86 ans qui en est resté au Moyen Age, c’est excusable. Ce qui l’est moins, c’est que Le Monde lui fasse de la place dans ses colonnes alors qu’il y a tant à dire sur les crises écologiques qui minent la biosphère, alors que l’espace éditorial est si petit, alors que les médias sont si influents.

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la principale guerre du XXIe siècle

La guerre des terres ! L’avenir n’est ni dans l’industrie, ni dans les services ; il se déploiera dans l’agriculture et l’artisanat. La logique thermo-industrielle qui faisait décroître le secteur primaire pour faire croître le secteur industriel avec comme finalité de se terminer par un tertiaire obèse est en train de s’inverser. Nous voyons les prémices de ce changement en Inde, dans la guerre des terres qui se radicalise entre paysans et industriels (LeMonde du 11 mars). Nous savons que l’expropriation des paysans s’est faite historiquement en toute malhonnêteté, au nom de l’« intérêt général », c’est-à-dire pour le plus grand profit des investisseurs étrangers à la terre. Nous savons qu’un désengagement de l’Etat dans l’expropriation laisserait libre cours aux hommes de main des grandes industries et aux mirages d’un emploi dans ce qui a détruit l’emploi. Mais nous savons aussi qu’avec l’effondrement du système thermo-industriel, seuls ceux qui seront au plus près des ressources alimentaires pourront s’assurer un avenir durable (s’ils ne sont pas victimes de pillards). Manger est une nécessité, pas rouler dans une Tata Nano. C’est pourquoi Rajapogal, leader du mouvement des sans-terre, prône l’application des idées du Mahatma Gandhi. Ce philosophe et activiste (1869-1946) est en effet l’un des rares penseurs à avoir imaginé une société  durable :

1) « Je dois reconnaître qu’entre l’économie et l’éthique je ne trace aucune frontière précise : le régime économique qui va à l’encontre du progrès moral d’un individu ou d’une nation ne peut qu’être immoral. Le but à atteindre est de promouvoir le bonheur de l’homme, tout en le faisant parvenir à une complète maturité mentale et spirituelle. Pour parvenir à cette fin, il faut qu’il y ait décentralisation. Car la centralisation est incompatible avec une structure sociale non-violente. Si chaque région produit ce dont elle a besoin, le problème de la distribution se trouve automatiquement réglé ; il devient plus difficile de frauder et impossible de spéculer. »

2) « Après des réflexions prolongées, j’en suis venu à une définition du Swadeshi : le fait de nous restreindre à l’usage et aux ressources de notre environnement immédiat. En matière économique, ne faire usage que des biens produits par le voisinage. Un Swadeshiste apprendra à se passer de centaines d’objets qu’il considère aujourd’hui comme indispensables. Sous la discipline du Swadeshi, la privation d’une épingle qui ne soit pas fabriquée en Inde n’a rien d’intolérable. La profonde misère dans laquelle est plongée la majorité des Indiens est due à l’abandon du Swadeshi. Si aucun bien n’avait été importé en Inde, ce pays serait aujourd’hui une contrée où coulerait le miel. »

(L’Ecologiste n° 6, hiver 2001 « Défaire le développement, REFAIRE LE MONDE »)

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l’apocalypse devient réelle

Un livre formidable vient de sortir, Crise écologique, crise des valeurs ? sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch. Voici deux extraits qui vont dans le même sens, l’apocalypse devient réelle et non plus fantasmée.

Dominique Bourg : « Le rythme d’érosion de la biodiversité est cent à mille fois plus rapide que lors des grands épisodes d’extinction du passé. Nous éprouverons prochainement le pic pétrolier vers 2015, c’est-à- dire le moment à partir duquel nos capacités d’extraction pétrolière – plus tard  gazière, puis encore plus tard charbonnière -, chuteront inexorablement. Nous sommes déjà et seront de plus en plus confrontés à la finitude des ressources sur bien d’autres plans, notamment pour certains métaux qui peuvent constituer des goulots d’étranglement technologiques. A consommation constante, les réserves d’or sont évaluées à 7 ans, d’argent à 13 ans, de palladium à 15 ans, de zinc à 17 ans, de plomb à 22 ans de cuivre à 31 ans. La finitude en question vaut particulièrement pour l’eau douce. Une dizaine parmi les plus grands fleuves du monde ne rejoignent plus régulièrement la mer. L’équipe Meadows a repris sur des bases de données réactualisées les travaux sur les limites de la croissance qui l’ont rendue célèbre en 1972 (the Limits to Growth,  the 30-Year Update, 2004). Les conclusion n’ont pas changées : la croissance exponentielle ne peut que conduire à un sommet de pollutions, de dégradations et à un effondrement de la population. Enfin, il sera très difficile d’éviter d’ici à la fin du siècle une augmentation de la température moyenne de plus de 3 °C,  avec une montée générale des mers qui pourrait aller jusqu’à deux mètres. »

Alain Grandjean : « Pour Jean-Pierre Dupuy, nous sommes en sursis, la seule option c’est de croire à la catastrophe finale pour pouvoir en retarder l’échéance. Pour d’autres, c’est inévitable car l’espèce humaine ne réagit fortement qu’au moment où la catastrophe est sensible et il sera alors trop tard. Pour d’autres encore, il est trop tard parce qu’il est impossible que les citoyens des pays développés réduisent fortement et rapidement leur consommation d’énergie, et il est impossible que les Indiens, les Chinois acceptent de ne pas accéder à notre standard de vie rapidement. Pour d’autres enfin, les mécanismes internationaux et les mécanismes démocratiques sont tout à fait inadaptés pour régler les problèmes actuels.

Mais, comme l’avait dit Karl Popper, l’avenir n’est pas écrit, il est « irrésolu ». Si les comportements humains se sont montrés non coopératifs pendant des siècles, on ne peut en déduire logiquement qu’ils le seront toujours… »

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