Sport et performance sont des nouveautés historiques qui caractérisent le monde actuel, croissanciste. Mais pour la croissance économique cela ne peut se poursuivre dans un monde fini , pour des corps humains la performance a aussi ses limites biophysiques.
Georges Vigarello : « Le sport au sens où nous l’entendons aujourd’hui est une invention socio-économique. Le développement du monde industriel a une influence majeure sur les mentalités et les pratiques. Le calcul du rendement ouvrent des perspectives complètement nouvelles et la mise en concurrence. Dans les transports, on compare le temps de trajet des chemins de fer, du plus lent au plus rapide. Avec le télégraphe, une communication est envoyée plus rapidement. On assiste aussi, à la même époque, au renforcement de la culture démocratique, c’est-à-dire d’une culture de mise en concurrence des individus. Alors que, dans la société, les places étaient autrefois distribuées uniquement en fonction des origines familiales ou des soutiens, le format du concours, reflet de l’idéal démocratique, place les individus au même niveau pour valoriser le mérite, le travail, le talent. Le culte de la performance à tout prix est malsain, qu’il s’agisse du sport ou de tout autre domaine.
Jusqu’au XIXe siècle, ce qui domine, c’est le jeu : or le jeu ancien, s’il peut relever de la compétition, n’a en rien l’organisation du sport à venir. Chaque terroir a ses règlements. Le sport apparaît avec la création des clubs, et avec les accords passés entre les clubs pour organiser des rencontres régulières, fixer des règlements communs, adopter les mêmes normes de balisage des terrains… bref, avec la mise en place de tout un cadre permettant la comparaison des résultats. Cette vision moderne du sport ne peut émerger qu’à plusieurs conditions : il faut avoir du temps disponible (c’est l’émergence de la notion de loisir) ; il faut aussi pouvoir se déplacer (pour sortir des terroirs) ; il faut enfin une force d’organisation pour gérer à la fois le cadre spatial (les terrains, les équipements) et temporel (le calendrier des rencontres).
En organisant la compétition, en comparant les résultats, le sport invente également la mémoire des résultats, c’est-à-dire le record. Les livres d’hygiène autrefois incitaient à ne pas se dépasser, à ne pas faire d’excès. Or, on constate chez le fondateur des Jeux olympiques modernes, Pierre de Coubertin, le renversement complet de cet idéal de la mesure : il y a chez lui l’idée que le sport est, et doit être, un lieu de l’excès. Les risques sont évidents : quand l’athlète est confronté à la nécessité d’aller vers le « plus », cette idée de l’excès peut conduire à des tragédies. l’idée que la limite peut toujours être franchie, crée les meilleures conditions possibles pour la survenue de l’accident et du dopage. Le sport est aussi un marché, et le record va servir d’argument de vente. L’existence du sport de haut niveau n’est rendue possible que grâce à sa médiatisation, qui le rend monnayable et extrêmement rentable.
La question écologique et les conséquences parfois tragiques de cette vision du « toujours plus » nous obligent aujourd’hui à trouver des façons de décélérer. aujourd’hui, il nous faut penser le « moins ». On a pu imaginer un jeu où l’on s’arrête quand il y a égalité ; ou encore, un jeu où les scores ne sont pas calculés et où seul compte le plaisir de faire. »
Le point de vue des écologistes qui décélèrent
Le sport de haut niveau actuel est un dévoiement. Il ne s’agit plus d’une pratique physique visant à être en bonne santé et d’ailleurs nombre de sportifs de haut niveau vieillissent prématurément. Il s’agit d’un imaginaire collectif imaginée pour endormir les masses qui font du sport devant écrans ou spectateurs dans des stades géants.Le sport est devenu une industrie qui transforme l’activité physique en produit marchand, c’est-à-dire l’inverse de l’épanouissement personnel. Le sport d’élite n’est plus que pharmacopée ambulante pour spectateurs en manque d’efforts physiques personnels.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere
Post-covid, le sport-spectacle sans avenir
extraits : La marchandisation des pratiques de loisir transforme le plaisir de vibrer par soi-même en un spectacle de masse assuré par des professionnels. Cette dénaturation du sport-amateur accompagné par du bénévolat se retrouve dans la pratique du football, du vélo, de la voile, etc. La pandémie actuelle a cela de bien qu’elle arrête tous ces jeux de cirque et, même si c’est temporaire, on peut espérer que les graines d’un avenir sans abrutissement des masses ont été semées….
La démesure du sport qu’un écologiste devrait dénoncer
extraits : Antoine Vayer a calculé les puissances développées par les coureurs: « Un seul coureur semble avoir toujours eu des performances « humaines », Greg LeMond. Il remporte le Tour de France avec une moyenne de 400 watts en 1986, 1989 et 1990. Il reste dans le vert. Tous les autres vainqueurs sont « flashés » à un moment ou à un autre de leur carrière au-delà de 410 watts (ce qui représente pour nous le niveau suspect), de 430 watts (miraculeux, Lance Armstrong avec une moyenne de 438 watts en 2001), voire de 450 watts (mutant : Miguel Indurain avec 455 watts de moyenne en 1995). Avec l’arrivée de l’EPO au début des années 1990, un coureur qui pouvait développer 400 watts pendant vingt minutes se met à en développer 440 pendant quarante minutes…
Les sportifs oublient leurs limites aux Jeux Olympiques
extraits : Le sport-spectacle s’accompagne du dopage, les JO ne font pas exception à la règle. Normal ! Quand on demande à un individu de dépasser ses limites, la tentation est grande de se faire aider. Le sportif est dénaturé par obligation. Au cours des six derniers mois de 2012, au moins 107 athlètes de sport olympiques d’été ont été sanctionnés pour une période de suspension qui inclut les jeux de Londres, a révélé le président de l’AMA (Agence mondiale antidopage). Une étude en cours de finalisation devrait révéler d’ici à la fin de l’année que plus de 10 % des athlètes prennent part à des activités de dopage. Les JO poussent les sportifs au-delà de leurs limites….
le sport, antinature, antipathique, pro-capitalisme
extraits : On se rappelle les fécondations programmées des athlètes féminines avant une compétition pour améliorer leur taux d’oxygénation dans le sang. On se rappelle pour les cyclistes les poches de sang prélevé, congelé et réinjecté avant une épreuve. On connaît la salle de cryothérapie de l’Insep en France : le corps du sportif, plongé jusqu’à – 110 °C, subit un choc thermique qui permet une meilleure récupération. On cultive des cellules des cartilages et des tendons pour pouvoir les greffer en cas de blessures. Le sport médicalement assisté a usé de molécules (stéroïdes, créatine, EPO…), aujourd’hui il s’oriente vers le dopage génétique. Se profile la possibilité des exosquelettes et des xénogreffes. Le matériel devient prothèse, raquette ultra-légères utilisant des nanotechnologies, perches faite en fonction de la morphologie, etc. …
Sport spectacle, pieds nus et tout nus
extraits : C’est la fin programmée des records mondiaux : le sportif utilisait 65 % de ses capacités physiques en 1896 (début des JO), contre 99 % actuellement et 99,95 % en 2025 si on prolonge les tendances. Les sportifs de haut niveau s’entraînent dorénavant plusieurs heures par jour contre presque rien en 1896 ; ils ont des préparateurs physiques, une gestion rationnelle de l’alimentation, on atteint les limites… Les sportifs doivent rester des amateurs et pratiquer les Jeux Olympiques comme dans l’antiquité, entièrement nus de la tête aux pieds, et sans sponsors. Pour bâtir un alter-JO écolo, nous suggérons aussi la fin de l’hyperspécialisation : chaque athlète devrait concourir dans quinze disciplines différentes. Enfin l’écologie devrait être aux avant-postes : pas de déplacement des sportifs et des spectateurs….
Le sport-spectacle, on tourne en rond
extraits : Taylor Phinney, ex-prodige du cyclisme mondial : « Celui qui dicte le rythme fait mal aux autres. Les autres suivent jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus ou deviennent à leur tour celui qui fait souffrir le reste. On est dans une cage et soit on est le plus fort, soit on se fait fouetter… La vie de cycliste est une chose absurde : pourquoi partir d’un point A pour y revenir après quatre heures de selle ? Pourquoi pédaler contre les autres plutôt que de réfléchir à la façon dont le vélo peut résoudre la crise environnementale ? »….
Foot au Qatar, le sport EST politique
extraits : La première Coupe du monde de football jamais organisée dans le monde arabe, qui débute demain 20 novembre 2022, suscite plusieurs polémiques, autant sur les conditions de vie des travailleurs locaux, l’impact sur l’environnement des stades climatisés et la place des femmes. Pourtant le président français, Emmanuel Macron, a estimé le 17 novembre qu’il ne fallait pas « politiser le sport ». Pourtant Macron a fait savoir qu’il se rendrait au Qatar si les Bleus arrivaient en finale ou en demi-finales !!!….
L’écologie n’a pas besoin d’un ministère des sports
extraits : Dans un gouvernement écologiste, il n’y aura pas de ministre dédié aux sports en tant que tels. L’espérance de vie en bonne santé ne dépend pas du sport-spectacle. L’ancien sprinter Roger Bambuck, médaillé aux JO de Mexico en 196 et secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports de 1988 à 1992, s’exprimait ainsi en 2016 : « L’activité physique est 100 % positive pour la santé, l’équilibre mental et social. Alors que le sport de haut niveau, je n’hésite pas à le dire, est une activité dangereuse à tout point de vue. (LE MONDE du 2 avril 2016) »….
On ne peut rien contre la compétition ! L’esprit de compétition a toujours existé ! Dès l’enfance, les individus cherchent à se comparer aux autres pour voir si on est meilleur. Puis cet esprit se compétition se renforce au fil des années jusqu’à temps que chaque individu puisse s’émanciper financièrement. On cherche à se perfectionner dans un domaine ou plusieurs domaines pour gagner sa vie. Dès l’antiquité, les artisans cherchaient à être le meilleur pour s’assurer la vente de meubles, de poteries, d’argenterie, de céramiques, les architectes voulaient s’assurer d’être sélectionnés pour bâtir des temples, des cathédrales, des pyramides, pour obtenir plus de richesses et de prestige en retour, et il fallait être meilleur que les autres pour être choisi.
Pour se défendre contre des agresseurs, on suit le principe de la reine rouge, on surveille les adversaires afin de pouvoir s’adapter à eux et les surpasser… puis on invente des armes de plus en plus sophistiquées… C’est un jeu sans fin… Les individus sont en perpétuel quête de reconnaissance, de prestige et d’argent… La république n’a pas aboli les privilèges en coupant la tête du roi… les républicains à la tête de L’État son les nouveaux privilégiés… Il suffit d’écouter le nombre de socialo-communistes de l’UmPs qui prétendent que c’était LEUR DESTIN que de diriger le pays ! Ils ne manquent pas de prétention… Évidemment dans les compétitions en tout genre, les moins performants cherchent à tricher et truander… se doper pour les uns, bourrer les urnes pour les autres, saboter les adversaires pour d’autres encore… et ribambelles d’autres stratégies encore….
Bizarre que tu nous ai pas «démontré» que la Compétition, avec le Toujours Plus, le culte de la Performance, le Citius-Altius-Fortius etc. sont inscrits dans cette fameuse Nature Humaine. Dans nos gènes quoi.
– « N’en déplaise aux vulgarisateurs de Darwin, ignorant chez lui tout ce qu’il n’avait pas emprunté à Malthus, le sentiment de solidarité est le trait prédominant de la vie de tous les animaux qui vivent en sociétés. […] La compétition n’est pas la règle dans le monde animal ni dans l’humanité […] La compétition est toujours nuisible ! » (Pierre Kropotkine)
– L’Entraide. L’autre loi de la jungle (Gauthier Chapelle et Pablo Servigne – 2017)
– « Le sport […] est une invention socio-économique. » (Georges Vigarello, ici)
Exactement comme le Capitalisme. Seulement celui qui depuis tout bébé a toujours entendu les mêmes berceuses ne peut plus croire que TINA. Et ça c’est exactement comme cette vieille histoire de caverne.
Ben si justement, la compétition est la règle dans le monde animal ! D’où la sélection naturelle, les plus forts survivent les plus faibles meurent !
Les loups ont un chef de meute ! Ils procèdent à une ordalie pour sélectionner le chef.
Il n’y a pas 2 rois lions dans un groupe de lions, un dominera les autres, les femelles suivront !
D’ailleurs les animaux sont territorialistes, ils défendent leurs territoires, et se battent entre espèces différentes pour dominer un territoire.
Autrement dit, les animaux sont en compétition.
Même mes 4 chattes à la maison, rien n’est simple. Elles se battent pour obtenir le sommet de l’arbre à chat, pour obtenir plus d’affection de ma part, de la jalousie entre elles…
La compétition restera présente pour l’éternité ! Il y a même des fourmis qui procèdent à l’esclavagisme ! Des fourmis d’une certaine couleur vont en dominer d’autres pour les forcer à porter des trucs qu’elles consomment.
Imaginons Macron… comme n’importe quel autre challenger, ou alors un banquier, un PDG, un RH, un manaDgeur comme ON dit… et bien sûr un sportif, dit de haut niveau, comme de caniveau peu importe, nous faisant cette déclaration :
– « Le culte de la performance à tout prix est malsain, qu’il s’agisse du sport ou de tout autre domaine. »
ON peut toujours rêver, non ? Eh ben même s’il y a longtemps que j’en suis convaincu, je leur dirais BRAVO ! Et rajouterais qu’ils ont accompli là une superbe performance.
J’irais même jusqu’à leur remettre une meRdaille.
En attendant, très bon article ! Comme je les aime. Et je me dis que s’il pouvait participer à décoloniser les imaginaires, ne serait-ce qu’un tout petit peu, là encore ce serait une formidable performance. 😉
– « Citius, altius, fortius » : « plus vite, plus haut, plus fort »
Telle pourrait être la devise de ce système qui carbure au Toujours Plus.
Le Capitalisme pour ne pas le nommer. Toutefois, depuis peu la devise olympique comporte un mot de plus : «Communiter». Un mot que j’aime bien.
Ce qui nous donne, officiellement : « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble »
Tous ensemble tous ensemble ouai ouai ! Telle pourrait être la devise de ce système «non capitaliste» qu’il nous faut inventer. Et au plus vite SVP ! Et comme et en même temps il nous faut faire toujours plus fort, je propose donc d’en rajouter 2 autres : «pure ; salubriter».
=> « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble – proprement et sainement ! »
Que ceux qui en perdent leur latin se rassurent, c’est juste pour déconner.
Faire comme tout le monde quoi, en attendant. 🙂
– JO Tokyo 2021 : avec la nouvelle devise olympique, le CIO en perd son latin (francetvinfo.fr)