Une dette monétaire n’est qu’un bout de papier sur lequel il est écrit qu’il faudrait (peut-être) rembourser une personne ou une institution un jour ou l’autre. La dette écologique n’est pas un concept monnayable, elle correspond à des ressources matérielles fournies par la nature, y compris le maintien de la biodiversité. Et cette dette devient de moins en moins remboursable puisqu’on a déjà dilapidé une partie du capital biophysique de la Terre. Nous avons besoin de 1,7 planètes pour maintenir notre niveau de vie actuel, ce qui est impossible dans la durée puisque nous n’avons qu’une seule planète.
Par contre d’autres donnent à cette notion de « dette écologique » des définitions plus ou moins fantaisistes
Julien Vincent : Dans sa déclaration de politique générale, le 1er octobre 2024, le premier ministre, Michel Barnier, a évoqué une « double exigence, celle de diminuer la dette financière et la dette écologique ». Le terme « dette écologique » est né dans une brochure éditée par le parti Vert allemand lors de la troisième conférence des Nations unies sur les femmes organisée à Nairobi en 1985. Il s’agirait d’une « dette écologique » des pays occidentaux pour ceux qui dénoncent un échange écologiquement inégal entre le Nord et le Sud. Elle devient ainsi un slogan de la diplomatie des pays émergents qui demandent l’annulation de leur dette extérieure. La dette écologique est ensuite réinterprétée en fonction d’un objectif de « développement durable » pour essayer de réconcilier croissance économique et protection de l’environnement. Lors de la conférence mondiale des peuples contre le changement climatique, organisée en 2010 à Cochabamba (Bolivie), la notion de dette écologique est associée au projet d’une reconnaissance de la « Terre-Mère » comme un sujet ayant lui-même des droits, y compris celui de se régénérer.
Le point de vue des écologistes pragmatiques
Nous avons une autre approche de la dette écologique. Chaque année, la New Economics Foundation calcule la date à laquelle la consommation de ressources par l’humanité dépasse la capacité de renouvellement de la planète. Au-delà de cette date, on est en situation d’épuisement des réserves. Cette date anniversaire a été baptisée « Jour de la dette écologique » ou Jour du dépassement (« Overshoot day« ). Cette date intervient chaque année de plus en plus tôt, ce qui signifie que les ressources disponibles pour une année sont consommées de plus en plus vite.
Nous vivons dorénavant écologiquement « à découvert ». En 1987, l’humanité était passée dans le rouge le 19 décembre. En 1995, cette date était intervenue le 21 novembre. En 2023 le 1er août. En vivant au-delà de nos moyens environnementaux, la classe globale qui roule en voiture prive des millions de personnes dans le monde de la possibilité de satisfaire durablement leurs besoins. Quant aux générations futures, elles vivront des miettes…
En savoir plus grâce à notre blog biosphere
Définitions de la dette écologique (2012)
On peut toujours refuser de rendre l’argent à l’oligarchie financière qui vit « au détriment des peuples ». Il n’en est pas de même avec la dette écologique : les richesses non renouvelables prêtées par la biosphère ont été définitivement dilapidées par les peuples qui vivent à l’occidentale. En effet l’humanité ne peut rendre les barils de pétrole, les tonnes de charbon ou les possibilités de recyclage naturel du CO2. C’est pourquoi la cure d’austérité que va traverser l’espèce humaine sera bien plus terrible que lors d’un tsunami financier où on peut refinancer l’économie en faisant tourner la planche à billet (nouveaux crédits).
La dette écologique, ce n’est pas des bouts de papier qu’on pourrait rembourser avec d’autres bouts de papier. La dette écologique est différente d’une dette financière, c’est concret, c’est l’affaiblissement de notre capital naturel. Cette perte est irrémédiable quand il s’agit de ressources non renouvelables comme le pétrole, le gaz, ou l’uranium. Elle sera très douloureuse à rembourser quand le système climatique sera déréglé. Il n’y a là rien de réjouissant, mais tant que les dirigeants feront croire aux peuples que « demain ça ira mieux », avec un peu plus de croissance économique, la situation ne pourra qu’empirer. S’il n’y a pas décroissance voulue et partagée, il y aura dépression économique subie par les exclus.
Notre article le plus ancien sur la dette écologique
20 mai 2007: Un avenir sans futur
En 2005, le rapport « Planète vivante 2004 » du World Wildlife Fund veut réduire la dette écologique, c’est-à-dire le retour à la vie sur la base d’une seule planète, et esquisse quatre scénarios pour 2050 :
– Augmenter la biocapacité grâce à un réseau de zones protégées incluant tous les écosystèmes (terrestres d’eau douce, marins), restaurer les écosystèmes dégradés, protéger le sol contre l’érosion et la dégradation (notamment les terres arables contre l’urbanisation), protéger les bassins de rivière et les zones humides et cesser l’utilisation de produits chimiques toxiques ;
– Réduire la population mondiale, en offrant aux femmes une meilleure éducation, des opportunités d’emploi et des soins de santé ; en accompagnant les foyers qui choisissent d’avoir moins d’enfants ;
– Réduire la consommation par personne ; ceci ne peut être attendu des populations en survie ; par contre les habitants de pays ou de villes riches peuvent bien souvent réduire leur empreinte écologique sans compromettre leur qualité de vie ;
– Améliorer l’efficience des systèmes de production qui transforment l’énergie et les matières premières en biens de consommation.
Nous sommes en 2007 et les humains n’ont pratiquement rien fait…
Nos articles sur le jour du dépassement
2 août 2023, le jour du dépassement
« Jour du dépassement » ce 28 juillet 2022
29 juillet 2021, « le jour du dépassement »
22 août 2020, Jour du dépassement
29 juillet 2019, jour du dépassement
Le Jour du dépassement, aujourd’hui 1er août 2018
13 août 2015, le jour du dépassement des limites
Le jour du dépassement, 19 août 2014 : tous aux abris !
Aujourd’hui 22 août 2012, le jour du dépassement
– « La rhétorique se renouvelle mais elle reste financière, en se déplaçant du capital à valoriser vers les dettes à assumer : dette publique certes, mais aussi dette des ménages, dette sociale, dette écologique, dette climatique, dette à l’égard des générations futures…, tout est « dette » comme tout fut « capital ». […] Tout crie au secours. Le microcapitaliste désinvolte est devenu un surendetté sommé d’être un sauveur universel. Au-delà du montant objectif de ses passifs, cette responsabilité charge le souci de la dette d’un poids qui peut lui paraître légitimement écrasant. »
(Aujourd’hui, tout est “dette” comme il y a vingt ans, tout fut “capital” – Le MONDE 16 avril 2024)
La Dette, monétaire, c’est bon ON sait ce que c’est. Du vent !
La «dette écologique» c’est autre chose. Ce n’est pas un bout de papier, mais finalement ça vaut autant. D’abord c’est un concept, politique, inventé dans les années 80-90, une métaphore, une image, censée nous aider à comprendre. Là encore (comme les oxymores) il s’agit d’un procédé (stratégie) utilisé en rhétorique. Le mot DETTE (comme CRÉDIT) nous fait de suite penser au Pognon. Et comme aujourd’hui ON ne sait pas penser autrement, que tout et n’importe quoi se doit d’être quantifié et automatiquement traduit en euros ou en dollars, va donc pour la Dette Écologique (Dette Climatique et autres).
Et c’est donc comme ça qu’ON vit à crédit, nous dit-ON.
( à suivre )
(suite) Ceci dit, admettons qu’ON ait une dette… mais alors envers qui ? Ou quoi…
– Au fait, c’est quoi, la dette écologique ? (Jean Gadrey 27 mars 2012 – Reporterre)
Oui c’est bon ON la connaît la chanson, les pays du Sud qui ne rêvent que du Nord, qui font des gosses en pagaille, et qu’il faut donc arrêter d’aider et patati et patata !
Alors admettons qu’ON ne leur doive rien… et même qu’eux non plus ne «nous» doivent plus rien… ON efface alors les ardoises, ON met les compteurs à Zéro, des deux côtés, et ON repart… comme en 40.
Mais bon, ON sait bien qu’il existe aussi d’autres formes de dettes.
Comme les dettes morales.
Peut-ON alors avoir une dette envers la planète, ou la Nature ?
(suite)
(suite) Et pourquoi pas alors envers Dieu ? Ben oui, pourquoi pas.
Et que fait-ON alors dans ce cas ? Eh ben ON le voit chaque ânée avec ce fumeux «jour du dépassement», au 31 décembre ON remet le compteur à Zéro et ON repart… comme en 40. Et pareil quand ON se verdit la con science en filant quatre ronds pour… compenser. Comme quand ON récite deux pater et trois ave pour se blanchir de ses péchés. Foutaises ! Bref, pour moi la «dette écologique» c’est comme l’autre, du vent !
Par contre, la Dette envers les générations futures, ou envers l’humanité… alors là c’est une autre histoire. Une autre chanson quoi.