Avec ChatGPT, tout se passe désormais comme si créer une œuvre consistait à assembler des extraits d’œuvres antérieures. Avec ce blog biosphere, l’enjeu est de reproduire ce qui se dit de plus significatif publiquement sur notre avenir commun. C’est la même démarche. De notre point de vue d’écologistes, c’est l’imaginaire social qui conditionne nos comportements. Nous assistons aujourd’hui à une dégradation des imaginaires par le consumérisme et à un abrutissement spectaculaire avec la société des loisirs. Nous sommes soumis à l’imaginaire de la démesure et à la boulimie des privilégiés, soumis à la surenchère de la marchandisation et de l’endettement massif. Nous sommes bercés par l’imaginaire des partisans des jolies centrales nucléaires tellement propres et de l’imaginaire extractiviste. Nous sommes victimes de la colonisation de notre imaginaire par le productivisme et le croissancisme.
Nous sommes comme Nicolas Hulot qui voulait créer un nouvel imaginaire collectif, construire un monde, ne plus le regarder se défaire devant nos écrans… Nous sommes comme Serge Latouche, il nous faut décoloniser l’imaginaire actuellement imposé et choisir le pari de la décroissance, choisir la pensée créative contre l’économie de l’absurde. Un changement culturel d’ampleur ne peut arriver en un jour, il se forge par étapes successives contre le règne des SUR : surcroissance, surconsommation, suremballage, surabondance, suractivité, surpâturage, surpêche, sur-communications, surendettement, surmondialisation, sur-mobilités, sur-tourisme, suréquipement, surmédicalisation, surpuissance technologique, etc. On peut imaginer le résultat final, en DÉ : décroissance, démondialisation, désurbanisation, dévoiturage, dépopulation, dé-technicisation, démilitarisation, décentralisation, etc. Bien sûr un tel récit collectif est inaudible actuellement… pourtant quand nous n’aurons plus de pétrole mais le réchauffement climatique en prime, nécessité fera loi. Il y aura planification du rationnement si tout se passe bien, c’est-à-dire de façon maîtrisée.
ChatGPT peut-il venir à l’aide des objecteurs de croissance ? Une intelligence artificielle du nom de Gj’ai, Ppé, Tté, est-ce perspicace ?
Pierre Moeglin : Le choix du libre accès de ChatGPT ne vient pas de l’altruisme de généreux bienfaiteurs, la réalité est qu’ils n’avaient pas le choix. ChatGPT collecte des données dont l’origine est difficile à identifier. La gratuité est donc supposée éviter les problèmes de droits d’auteur et de propriété intellectuelle. Tout se passe en effet comme si créer une œuvre consistait à assembler des extraits d’œuvres antérieures. Pour répondre aux questions les plus variées, il synthétise en quelques paragraphes une quantité gigantesque d’informations. Le bon créateur ne se distinguerait des autres plagiaires que par la diversité de ses sources et par sa manière de les reprendre à son compte. Qu’y a-t-il de choquant après tout ? Dans Sens unique (1928), le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) voyait en un livre scientifique un simple intermédiaire entre deux fichiers : celui servant à la rédaction de ce livre et celui qui, à partir de ce même livre, sert aux chercheurs ultérieurs.
Le point de vue des écologistes unifiés
D Pesce : Il semble qu’il y ait une grosse incompréhension de ce qu’est cet IA … son but n’est pas de remplacer Wikipedia mais d’être capable de produire un discours cohérent et pour lequel les humains ne peuvent savoir s’il a été écrit ou non par une machine. Ce n’est pas un super-wikipedia qui cite ses sources, il n’en cite aucune d’ailleurs
montaphilant : Force est de reconnaître que malgré un accès de plus en plus ouvert au plus grand nombre aux connaissances antérieures, aucun « génie » capable de produire un changement de paradigme CDP ne semble émerger du fatras inextricable des connaissances actuelles et ce n’est pas avec le « mixer » de l’AI que l’on sortira du tunnel de la « décroissance » intellectuelle actuelle.
Michel Sourrouille : Je ne suis qu’un passeur. Je ne fais que transmettre les connaissances que j’ai acquises. Chacun de nous apprend aux autres, consciemment ou inconsciemment, de façon maladroite ou pertinente. Car chacun de nos actes ou presque est jugé par d’autres, servant de modèle ou de repoussoir. Toute mon existence militante a été vouée à (in)former après m’être (in)formé, et peu importe de ne pas obtenir immédiatement un résultat probant. Aucun individu ne peut seul changer la société, c’est notre comportement commun qui fait le sens de l’évolution. Il me suffit d’avoir fait ce que j’estimais devoir faire, la part du colibri. Pour aider à améliorer le monde, j’ai soutenu et propagé tout ce qui à mon avis allait dans ce sens, la non-violence, l’objection de conscience, le féminisme, le naturisme, le biocentrisme, le sens de l’écologie, le sens des limites de la planète, l’objection de croissance, le malthusianisme, la simplicité volontaire…
Betiktik : Toute création ne saurait se comprendre sans la connaissance de ce qui l’a précédé. Par ailleurs, nous pourrons peut-être mieux distinguer les vrais « créateurs », ceux dont la production représente un saut conceptuel et qualitatif sur ce qui précède des escrocs intellectuels qui copient les modes, les tendances et ne sont que des suiveurs.
arthur Hemmer : Évidemment que la définition de « création » ex nihilo est impossible de manière générale. Mais plus prosaïquement l’immense majorité des êtres humains 1. créent très peu ou pas et 2. sont en contact dans leur vie avec des objets ou des notions qui répètent l’existant sans aspect créatif véritable …donc l’IA ne les perturbera pas du tout.
Chronos : Quand au déclassement de l’humanité, il est clairement enclenché : ce sont les humains qui seront les assistants de l’I.A. et non l’inverse ! Pour le bien de l’humanité, peut-être : nos cerveaux d’homo-sapiens semblent bien limités pour résoudre des problèmes d’une très grande complexité.
pierre guillemot : Dans « Le nom de la rose », le film, Jorge de Burgos, le bibliothécaire aveugle, dit dans son sermon qu’il est vain d’écrire, que tout discours nouveau est une récapitulation de ce qui a déjà été dit.
Pgayet : Soyons clair: que fait un artiste? Il accumule des impressions du monde extérieur, des émotions et des connaissances, les intégre, les mélange plus ou moins consciemment, et les redonne par une composition, qui elle aussi, dépend de ses émotions, impressions et connaissances… Il s’agit davantage d’un processus de reproduction que de création, modifié par le filtre qui l’opère… la différence avec un ordinateur ? C’est juste la composition et la nature du filtre.
Biosphere : Le programme développé par Google DeepMind pour le jeu d’échecs s’était nourri de millions de mouvements de joueurs professionnels et avait joué contre lui-même pour apprendre de sa propre expérience et trouver le meilleur coup ; information totale et capacité de décision optimale. ll n’est donc pas impossible qu’un logiciel au niveau politique résolve les problèmes généraux du monde réel. Les paramètres sont connus et bien analysés par moult études politico-sociologiques, reste à accepter la bonne décision en la confiant à un ordinateur en lieu et place d’un système démocratique complètement bloqué !
Nos textes antérieurs sur ce blog biosphere
Vers un imaginaire partagé décroissanciste (octobre 2022)
L’utopie écologique, un imaginaire à vivre (novembre 2019)
Perdre l’imaginaire de la nature nécessite de le retrouver (mai 2014)
contre les frontistes, l’imaginaire collectif écolo ! (juillet 2013)
Pour ceux qui ne connaissent pas la fenêtre d’Overton, expression amenée par Michel C. Il s’agit d’une allégorie qui situe l’ensemble des idées, opinions ou pratiques considérées comme plus ou moins acceptables dans l’opinion publique d’une société. La viabilité politique d’une idée dépend principalement du fait qu’elle se situe dans la fenêtre, plutôt que des préférences individuelles des personnalités politiques. Les médias, en tant qu’acteurs influents de l’opinion publique, sont aussi représentative de cette fenêtre de discours, business as usual ! Les degrés d’acceptation des idées publiques sont à peu près comme suit : Impensable – Radical – Acceptable – Raisonnable – Populaire.
En fait il s’agit d’un autre mot pour « interaction spéculaire », tu fais comme ce que la société attend de toi. En clair, il est difficile de s’échapper de la soumission volontaire…
– « Finalement, ChatGPT accomplit avec succès le rêve de Bouvard et Pécuchet : Pas de réflexion. Copions ! Il faut que la page s’emplisse, que le “monument” se complète. » (Marie Grand, professeure de philosophie : ChatGPT nous invite à un regain d’intelligence dans tous les domaines, dont l’enseignement – Le MONDE 27 mars 2023)
– « Pour répondre aux questions les plus variées, il synthétise en quelques paragraphes une quantité gigantesque d’informations. Le bon créateur ne se distinguerait des autres plagiaires que par la diversité de ses sources et par sa manière de les reprendre à son compte. Qu’y a-t-il de choquant après tout ? » (Pierre Moeglin, professeur émérite en sciences de l’information et de la communication)
Le prof émérite en sciences de propagande et fenêtre d’Overton ne voit pas ce qui a là de choquant. Misère misère. Mais après tout, et finalement… c’est normal puisqu’il est POUR la Bêtise.
– » […] ll n’est donc pas impossible qu’un logiciel au niveau politique résolve les problèmes généraux du monde réel. » ( Biosphere )
Oui c’est possible, tout et possible. Enfin presque. Le phénomène qui permettrait ça n’est rien d’autre que la banalisation. Voyez ce qu’il en est, par exemple, de l’idée de «débattre» avec certains. Ou ne serait ce que leur donner la parole. Hier il n’en était pas question ! Quant à leur offrir une émission à la Télé, alors là c’était tout simplement inimaginable ! Une idée inacceptable etc. Hier on avait des principes, des valeurs etc. Et aujourd’hui ON en a d’autres. Ce qui fait que certaines saloperies sont devenues acceptables, normales, et ceci au nom de nos sacro-saintes démocratie et liberté d’expression et patati et patata.
Bref c’est entré dans les mœurs. Misère misère ! ( à suivre )
Que s’est-il donc passé ? La fenêtre d’Overton s’est déplacée, tout simplement.
Pour tout et n’importe quoi, enfin presque, elle se déplace. ON me dira que c’est tout à fait normal que les idées évoluent, dans un sens comme dans l’autre. Certes, rien n’est fixe, immuable, éternel, même le idées… mais tout de même ! Où est la juste mesure ?
Et surtout, où est le bon sens ? Dis moi Papa, c’est quand qu’on va où ? (Renaud)
En attendant, que chatGPT nous éclaire… ce monde dirigé par un gros ordinateur a été décrit dans un roman (dystopie) par Ira Levin. Son titre : Un bonheur insoutenable.