La biodiversité aux abonnés absents

Si les services rendus par la nature sont surexploités, c’est que personne n’en assure le coût. La nature ne se fait pas payer quand elle nous donne son eau, son pétrole, ses forêts, ou quand elle gère et digère nos déchets. Elle n’envoie pas d’avocat pour les préjudices qu’elle subit quand on dérégule le climat ou qu’on détruit la biodiversité. Il n’y a pas d’autres choix que de recourir à des mécanismes impliquant la puissance publique. Autrement dit, la gestion de la biodiversité en tant que bien collectif doit devenir une mission régalienne.

Jérémie Wainstain :  La biodiversité n’est pas un sujet comme les autres : c’est la clé de voûte de nos systèmes alimentaires. Les vers de terre, les arbres, les champignons, les abeilles sont les ouvriers invisibles (et gratuits) qui permettent aux agriculteurs de produire ce qui nous nourrit. Sans biodiversité, pas de pollinisation, pas de sols fertiles, pas de recyclage des nutriments, pas de régulations des espèces invasives ou des maladies. Sans biodiversité, pas de purification de l’eau et de l’air, pas de régulation du climat par les zones humides. Plus de trois cents indicateurs de biodiversité sont aujourd’hui référencés dans des publications, répartis en indicateurs de « pression » (mesure de l’utilisation des terres et de l’eau, de la perte d’habitat et de l’utilisation d’engrais), indicateurs d’« état » (mesure de la santé des espèces et de l’intégrité des écosystèmes) ou indicateurs « prédictifs », qui permettent de faire le lien entre les actions et leurs effets. Grâce à la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV), qui définit précisément les règles comptables d’affectation des impacts, on sait aussi remonter ces impacts à l’échelle de chaque référence produit et dans chaque rayon des supermarchés.

Pourtant, tout se passe comme si l’industrie agroalimentaire n’avait pas encore bien pris conscience de son impact massif sur la biodiversité. Il est plus que temps à présent de prendre ses responsabilités envers la nature.

Le point de vue des écologistes biodiversifiés

– La grande révolte des agriculteurs cette année contre le cadrage écologique des activités agricoles et la suppression de toutes les normes qui les embêtaient est bien significative du fait que la réalité des sols n’est pas la préoccupation de la FNSEA.

– L’agro-alimentaire a réussi à produire des semences stériles. C’est pas pour favoriser la biodiversité, c’est pour optimiser le business. Donc on ne peut pas attendre grand chose d’eux. Il faut s’occuper plutôt des jardiniers de la biodiversité : les paysans et maraîchers .

– Les succès sur des courtes périodes masquent souvent des conséquences très lourdes sur des temps plus longs car comme les écosystèmes ne réagissent pas forcément immédiatement à leurs multiples altérations.

– L’Union internationale pour la conservation de la nature estime 2 903 espèces sont menacées d’extinction en France. Le document alerte également sur la disparition déjà actée de 189 espèces. Dans le détail, les oiseaux nicheurs sont particulièrement menacés, avec 32% des espèces concernées. 

– Les humains et les animaux d’élevages représentent dorénavant 96% de la masse des animaux vertébrés. Les animaux sauvages 4% seulement. Il semblerait que cela soit encore trop.

– Pour nourrir bientôt 10 milliards d’individus, soit il faut accepter de consacrer 1/3 de son revenu à l’alimentation, soit il faut accepter que la biodiversité diminue. L’agro-industrie n’est pas un jeu gagnant-gagnant.

– On est prévenu , mais quand la voiture aura un crash, on l’enverra au garage (qui s’appelle ici « Génération suivante ») . Mais je ne sais pas ce qu’ils feront en cas de « sinistre total ».

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

La biodiversité aux temps de Macron

extraits : La publication de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité est reportée, la « partie opérationnelle » doit encore faire l’objet de travaux supplémentaires !!! La précédente stratégie (2011-2020) n’avait pas réussi à enrayer la disparition des espèces et la dégradation des écosystèmes. La COP15 sur la biodiversité pourrait se tenir à la fin de l’été en Chine, mais les dates, après plusieurs reports, n’ont pas encore été annoncées.

COP15 sur la biodiversité, le blabla habituel

extraits : Les travaux de la 15e conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) ont débuté le mercredi 7 décembre 2022 au Canada. On connaît déjà le résultat final ! L‘espèce humaine remodèle le système biologique à son propre service depuis l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. Ce mode d’organisation, fondé aujourd’hui sur les monocultures, l’élevage intensif, et la mondialisation des ressources alimentaires, est profondément instable. Plus nous sommes nombreux, plus nous voulons manger, plus nous fragilisons le milieu naturel car c’est la richesse de la biodiversité qui permettait une résilience durable. Alors la COP15 dans un tel contexte, c’est tâche impossible à l’image de la COP27 sur le climat , 27 années de négociations pour rien….

En savoir encore plus

Sur ce blog, nous suivons avec inquiétude l’état de plus en plus désespérant de la biodiversité. Exemples :

La biodiversité dans le monde

9 mai 2019, Biodiversité en péril extrême, tout le monde s’en fout

2 mai 2019, L’IPBES, l’équivalent pour la biodiversité du GIEC

25 mars 2018, L’homme disparaîtra, bon débarras ! L’IPBES le dit…

20 octobre 2012, Conférence mondiale sur la biodiversité, bavardage !

20 février 2010, biodiversité, un objectif perdu d’avance

2 février 2005, la biodiversité en péril selon l’union mondiale de la nature

La biodiversité en France

8 juillet 2018, Plan biodiversité, laissez-moi rigoler…

22 mai 2018, Nicolas Hulot à l’épreuve de la chute de la biodiversité

6 janvier 2017, La police de la biodiversité mise en place sans moyens

17 mars 2016, Loi sur la biodiversité, un vrai parcours du combattant

19 janvier 2016, loi sur la biodiversité, la mascarade de la compensation

26 mars 2015, Loi sur la biodiversité ne veut pas dire biocentrisme

1er juin 2012, sans sentiment de nature, la biodiversité fout le camp

14 août 2008, bagnole versus Biodiversité

25 juin 2008, Donner un prix à la biodiversité (Pavan Sukhdev)

9 décembre 2007, le concept de biodiversité (définition)

2 réflexions sur “La biodiversité aux abonnés absents”

  1. Esprit critique

    Encore donc une tribune. Toujours plus ! Même si Jérémie Wainstain n’est pas à proprement parler un scientifique, finalement c’est pareil.
    – « La disparition de la biodiversité devrait donner des insomnies aux dirigeants de toutes les entreprises de l’agroalimentaire » (J. Wainstain – Le MONDE)
    Oui peut-être, sauf qu’il n’en est rien. Ces entreprises, notamment les grosses, réalisent de juteux profits, et donc pour elles (jusque là) tout va bien. Bref, cette tribune ne m’apporte finalement rien. Bien plus intéressant, du moins je trouve, cet article qui donne la parole à ce même J. Wainstain :
    – « La troisième révolution agricole, c’est la révolution des mathématiques »
    ( 13 mai 2022 – leshorizons.net )
    Extrait : « Pour mettre la finance au service de la transition agricole, il faut utiliser le langage mathématique et non celui de l’agronomie »
    Pourquoi pas. Sauf que le monde du Pognon ne comprend qu’un seul langage. Celui du Pognon.

  2. Encore un sujet sur lequel je pourrais dire la même chose que précédemment, au sujet de l’Objection de Conscience et de tous ces blocages. En attendant, les chiens aboient et la caravane passe, c’est parle à mon cul ma tête est malade, circulez y’a rien à voir, etc. etc.
    Alors que les biosphéronautes semblent souvent manquer d’inspiration, en relisant mes anciens commentaires je me demande parfois où j’ai bien pu en trouver autant.
    Comme là sur “La biodiversité aux temps de Macron” (Biosphère mars 2022) 🙂
    Sur “La police de la biodiversité mise en place sans moyens” (Biosphère janvier 2017), notre cher Didier fut tout de même bien inspiré en proposant de faire la chasse aux … nuisibles.
    Là encore vaste chantier !

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