25 ans de présence active au sein de l’écologie politique, cela use. Voici mon bilan, globalement négatif.
J’ai voté en 1974 pour le premier candidat à la présidentielle, René Dumont. Son programme, s’il avait été respecté, aurait fait de notre planète une société complètement différente de l’actuelle qui nous impose une civilisation thermo-industrielle et croissanciste. Mais je restais allergique aux jeux politiciens, « élection piège à cons » restait mon mantra. Je me contentais de voter écolo, j’ai vécu une vie engagée au niveau associatif. Après vingt ans au service du jeu d’échecs, je suis même devenu vice-président de la FFE. Mais au milieu des années 1990, j’ai trouvé que la situation de la planète était suffisamment grave pour que je m’engage à plein temps dans ce collectif mouvant qui constituait l’écologie politique.
J’ai adhéré aux Verts, suivi passionnément les journées d’été, pris différents rôles au niveau du groupe local. Mais l’acoquinement avec le PS à partir de 1994 l’empêchait de présenter électoralement une écologie de rupture. J’ai alors choisi en 2002 l’entrisme au PS, autant ne pas rester l’élève du maître. Je croyais sincèrement que l’urgence écologique devenait devenue telle qu’un parti dit « de gouvernement » allait se saisir de cette thématique. J’étais pendant 10 ans membre de la commission nationale environnement du PS, en charge officiellement d’un suivi de la politique de la droite en matière d’écologie, périodique envoyé à tous les députés et sénateurs socialistes. J’ai aussi participé activement à la motion d’orientation du congrès de Reims en 2008, « Pour un parti socialiste résolument écologique ». Échec total, 1,58 % des voix seulement. Au PS il n’y avait pas débat d’idées, c’était la lutte à couteaux tirés pour savoir à l’époque qui allait être premier secrétaire du parti, Ségolène ou Bertrand, Martine ou Benoît. Un parti politique quel qu’il soit ne réfléchit pas, il s’épuise dans les affrontements de pouvoir (le bal des ego), J’ai organisé en janvier 2011 un colloque dans les locaux de l’Assemblée nationale « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? ». Plusieurs spécialistes à la tribune, la salle de réunion du PS pleine à craquer, des députés dans la salle et à la tribune. On n’en a retenu aucune leçon. De toute façon le vieux PS de François Hollande n’était pas mûr pour parler « écologie », on l’a bien vu par la suite. Une fois arrivé au pouvoir en 2012, leur optique croissanciste traditionnelle a constitué leur mantra.
J’ai donc rejoint EELV en 2011 avec le statut (nouvellement créé) de coopérateur qui me permettait la double appartenance partisane, socialiste ET écologiste. J’ai co-animé en 2011 aux JDE de Clermont-Ferrand un atelier qui a permis la création d’une commission accueil-formation, structure sans résultats malgré plusieurs WE de rencontres à Paris. Cette commission s’est enlisée dans les méandres de GIRAF (groupe interrégional accueil/formation)… Je me suis alors encarté à EELV pour participer activement aux décisions de congrès. Je voulais une écologie de rupture, j’ai soutenu la motion Avenir Ecolo au congrès de Caen en 2013. Échec à nouveau. Pour le congrès suivant, on est devenu « Pôle Ecolo » après l’union avec Objectif Terre ; j’ai été co-administrateur de la liste de diffusion. Mais nous avons été écarté du congrès suivant par les partisans de la firme résultant des initiatives politiciennes du couple Cécile Duflot et Jean Vincent Placé.
J’ai continué d’essayer l’impossible, y compris par des livres en libraire. J’ai coordonné un livre paru début 2014 avec comme co-auteurs Yves Cochet, Pablo Servigne, Alain Hervé… et intitulé « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) ». Sur cette thématique démographie/écologie, j’ai la même année organisé un atelier aux JDE,qui a débouché sur un groupe de travail « démographie » officialisé avec réticences par le BE, mais sans aucun écho chez nos dirigeants. Le malthusianisme de René Dumont était devenu un tabou pour le parti. Je suis aussi cofondateur du groupe de travail « imaginer une économie écologique », une instance adoubée par le CF en 2014 qi deviendra par la suite la commission post-croissance. Pour préparer la présidentielle de 2017, j’ai rédigé un livre synthèse de 370 pages, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », présentant tous les programmes politiques possibles, et publié juste avant les JDE de 2016. Mais nos instances dirigeantes ont refusé un atelier autour de mes thématiques, on ne m’a même pas donné la parole lors d’un atelier pourtant consacré à l’avenir de l’écologie. On a préféré encenser aux JDE le livre de Cécile Duflot, « Le grand virage », un livre qui ne parle pas d’écologie !
Entre les deux tours de la présidentielle de 2017, j’ai donc pris contact étroit avec le (futur) député « en marche » de ma circonscription, très ouvert apparemment à l’écologie. Mais dans le groupe local macroniste, autant la plupart des adhérents de base avaient la fibre écolo, autant les orientations nationales allaient à l’inverse. Au bout de deux ou trois mois, j’ai compris (comme bien plus tard Nicolas Hulot) que Macron n’était pas compatible avec l’écologie. Mon livre anti-Macron « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » est sorti en libraire en octobre 2018. Je suis (re)devenu coopérateur EELV à plein temps. J’ai mis en place officiellement en 2019 lors des JDE de Toulouse un collectif « Formation de formateurs à l’écologie ». J’ai rassemblé tout un groupe, mais il n’y avait que moi qui était actif pour rédiger fiches de formation et rapports de conférences. Qui savait que le Bureau Exécutif actuel comptait un membre dédié à la formation ? Personne ! Mais il ne faut pas se décourager, il faut toujours chercher le chemin le plus propice à promouvoir l’écologie en politique.
J’ai presque tout essayé. J’ai testé sans beaucoup d’illusions plusieurs tentatives d’ouverture du mouvement, à une époque j’étais au Conseil d’orientation politique, et plus récemment avec le groupe de travail sur la « réinvention du Mouvement »… Aucune de ces structures, groupes de travail ou commissions, n’est arrivé à donner un résultat durable, les militants préfèrent se contester entre eux plutôt que de rechercher la symbiose. On peut d’ailleurs généraliser à toutes les commissions thématiques du parti EELV, elles existent théoriquement pour réfléchir et éclairer le parti sur les orientations à prendre, elle ne servent à rien. La seule commission qui arrive à se faire connaître, c’est la commission féminisme, mais on n’y parle pas d’écologisme !
En résumé EELV ne peut pas devenir un parti de gouvernement sous sa forme actuelle, groupusculaire et traversée de tensions internes. Les succès récents aux élections ne s’expliquent pas par un programme homogène ou une figure charismatique, EELV bénéfice seulement aux yeux de l’électeur moyen de l’étiquette « écologie ». En ignorant le rôle qu’aurait pu jouer la coopérative qui existe pourtant depuis dix années à ses côtés, EELV aurait pu élargir sa base militante. Le parti nous a au contraire marginalisé, refusant de devenir un mouvement. La coopérative devrait rassembler 120 000 membres au lieu des 120 que nous sommes actuellement. Échec donc sur toute la ligne. Ce sont les craquements de notre Terre-mère et ses dysfonctionnements provoqués par notre espèce qui nous obligeront à penser autrement. Homo « sapiens » n’est pas assez sage pour préparer politiquement des lendemains qui vont être très difficile pour une civilisation qui pille la planète. Et ce n’est pas parce que tous les partis sans exception vont se dire écolo pour la présidentielle de 2022 que cela va changer la donne. Ce sera écologie superficielle et business as usual malgré les secousses virales. Mais je reste coopérateur de cœur, plus spectateur qu’acteur… je préfère me consacrer à mon association biosphere et à l’association Démographie Responsable.
Michel Sourrouille
Notre démocratie n’a que le nom : formatage orchestré, média unicolores, système électoral tel qu’il ne favorise que les ambitieux pour eux-même. Même et surtout à l’intérieur d’un parti, celui qui n’est pas dans un clan, c’est à dire soumis, ne peut être que marginalisé. Faire son propre clan alors… Pas possible si on n’est pas manœuvrier, faux, hargneux, tueur.
Si sa propre image a besoin d’éthique, d’honnêteté, pour se regarder, le champ d’action se ferme. C’est dommageable pour tous.
Avant d’être un testament ce texte est un bilan. Michel Sourrouille nous livre ici son propre bilan sur ses 25 ans de présence active au sein de l’écologie politique. Bilan qu’il juge, sans détour, «globalement négatif ». Ces lignes expriment une forte déception, ainsi que beaucoup de tristesse, et de fatigue etc.
Parce que les Michel le valent bien, parce que ce ce sont des gens bien, je voudrais donc commencer par consoler Michel. Certes le Monde n’est pas parfait, mais la vie est belle. Ne faites surtout pas de bêtise, Michel ! N’allez pas sauter du haut d’une falaise, surtout sans parachute.
Et puis je voudrais aussi le gronder, gentiment, parce qu’il le mérite aussi.
Non Michel, vous ne pouvez pas dire que votre bilan est globalement négatif. Tout simplement parce que vous n’en savez rien, pensez à l’effet Papillon. Et puis ne soyez pas trop méchant envers vous-même, la juste mesure bordel ! Peut-être vous êtes-vous cru investi d’une mission, avoir cru pouvoir changer le Monde etc. Et alors ? Croyez-vous que vous êtes le seul ? Puisque vous avez fini par comprendre… dites-vous que finalement tout ça n’est pas bien grave, au contraire.
Certes il vous aura fallu du temps, mais estimez-vous heureux. Pensez à tous ces vieux croûtons qui trempent dans cette soupe depuis bien plus longtemps que ça. Et qui n’ont toujours pas compris. Ou s’ils ont compris, continuent à se mentir à eux-mêmes, parce qu’ils ne peuvent pas faire autre chose. Dites-vous que vous avez toujours fait ce que vous pensiez devoir faire, et que rien que ça ce n’est pas rien. Dites-vous que tous vos efforts auront participés à cette fameuse Prise de Conscience. Prise de conscience de l’état de la planète bien sûr, mais surtout à la prise de conscience de l’impasse. Et dites-vous alors, que votre bilan est plutôt positif. La Positive-Attitude bordel ! 🙂
Association Biosphère, association Démographie Responsable, club d’échecs ou de pétanque etc. en attendant… à chacun sa came ! En tous cas je vous souhaite sincèrement de ne pas replonger. 😉