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Nicolas Hulot, SOBRIÉTÉ et SIMPLICITÉ

Je ne suis pas un homme pressé, je cherche l’essentiel. Je me suis débarrassé d’une certitude familiale, celle que le bonheur et la réussite sociale sont proportionnels à la possession. Le problème, c’est que le fait de « posséder » conditionne maintenant toute notre existence sociale. C’est devenu une dépendance, le gage de notre bonheur. Mais le seul gage du bien-être est pour moi intérieur. Le reste est accessoire. Les illusions matérialistes détournent de sa propre vérité et de celle des autres. Je sais aujourd’hui que moins nous acceptons de poser des limites, plus les tyrannies du désir nous envahissent. Je me suis retrouvé un jour dans un des fiefs du bouddhisme, au Ladakh. J’ai bien compris que la quête vers le nirvana passe par l’abstraction de tous les désirs, mais je ne tends pas vers ça. Le défi consiste à trouver le point d’équilibre entre le matérialisme et l’ascétisme. Pour moi d’abord, car tant qu’on ne s’applique pas les choses à soi-même, il paraît difficile de les proposer aux autres.

Pour vivre quelque part entre une société de matérialisme absolu et une société d’ascètes, il existe une troisième voie que Jean-Baptiste de Foucault appelle la « société d’abondance frugale ». L’urgence écologique nous pousse à une société de modération, à la sobriété heureuse. Mais comme l’exprime mon ami Pierre Rabhi, « Quant à nos contradictions, qui peut affirmer aujourd’hui, dans un pays prospère comme le nôtre, qu’il ne se déplace qu’à pied, ne consomme ni carburant ni électricité, ne se sert pas de téléphone ni d’ordinateur ? Nous sommes tous dans des compromis. » J’essaye simplement, à mon petit niveau, de donner aux gens l’occasion et les moyens d’avancer. Comme par exemple avec le Petit livre vert pour la Terre, qui proposait 500 comportements respectueux de l’environnement, dans lequel chacun peut puiser comme il l’entend, à son rythme. Rappelons l’article 3 de la Charte de l’environnement : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

J’ajouterais aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité la sobriété.. Quels que soient les choix que nous faisons, nous ne pouvons pas continuer dans une forme d’ébriété et de civilisation du gâchis. L’ébriété actuelle vient du fait que l’on ne distingue plus l’essentiel du superflu, l’utile du futile. Entre le superflu et le vital, on peut aller vers le raisonnable. Mais on se confronte au fait que le libéralisme, doublé d’une puissance de feu marketing sans égale, a fini par faire croire à l’opinion qu’il était possible et même souhaitable de faire le contraire de ce qu’il faudrait faire. Enfin la dernière vertu très importante pour moi, c’est l’humilité, parce que je pense que ce qui a caractérisé le XXe siècle, c’est la vanité. Or son antidote, c’est l’humilité. Ce n’est pas quelque chose d’abstrait. Depuis ma participation au gouvernement, Édouard Philippe cite Pierre Rabhi et vante la sobriété heureuse !

NB : Les extraits précédents ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

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Nicolas HULOT et l’AVION

L’avion est comme la ville, un endroit inhumain, sans horizon, où l’on ne respire pas un air sain, où l’on vit sans possibilité d’évasion, de sortie, d’exception. Aujourd’hui, en avion, en voiture et même en train, on ne voyage plus, on se déplace ; témoin inconscient d’un spectacle trop rapide que l’esprit ne peut fixer. Pour moi l’avion n’était qu’ un métro. Si j’ai l’instinct voyageur, c’est vrai aussi que j’ai l’esprit casanier. J’aime bien m’installer dans un lieu durable. Comme un arbre aux racines étalées, mais qui ne s’incrustent pas dans la terre. Partir me demande un effort, mais demeurer m’est impossible car l’instinct de découverte me stimule : c’est ma contradiction.

En 1991, je faisais un livre, « États d’âme », à partir des anecdotes de mon expérience de baroudeur. Mais j’aimais encore plus lire qu’écrire : picorer les cinq continents, c’est cent jours d’avion, donc cent jours de lectures. Je fréquentais à l’époque des maîtres à penser, aussi bien Paul-Emile Victoire que Théodore Monod. Quand je traversais les fuseaux de notre planète au rythme des avions de ligne, à la cadence parfois accélérée de mes voyages professionnels, je prenais conscience que notre terre se résume à quelques îlots d’opulence entourés d’océans de misère et de détresse.

Dès lors que l’on s’inscrit dans le luxe, comme quand on prend l’avion, il faudrait automatiquement prélever une somme qui soit reversée à un fonds au mécanisme approuvé : l’aide alimentaire, l’accès aux soins, l’éducation… A partir du moment où l’on prétend au voyage, on s’inscrit comme citoyen de la planète et il est alors évident que l’on doit contribuer à un élan de solidarité. Le trafic aérien a été exclu du protocole de Kyoto, et par ailleurs le kérosène des avions n’est pas taxé… si bien qu’il coûte beaucoup moins cher que l’essence utilisée par les automobilistes. Ce n’est pas normal. Mettre 20 tonnes de pétrole dans un avion pour emmener 180 Français à Venise n’a pas de sens. Les hommes peuvent exprimer leurs inquiétudes sur la dégradation du climat d’un ton fort grave pour aussitôt les oublier, acheter une nouvelle voiture, mettre la climatisation ou prendre l’avion pour partir en vacances. Je ne pense pas que le fait d’accomplir les choses au seul motif que nous pouvons ou savons les faire soit une expression bien haute de notre liberté.

NB : Les extraits précédents ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

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Nicolas Hulot et la VOITURE

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :

Au fil des décennies, s’est forgé un mode de vie fondé sur la voiture. Au vu des tendance actuelles, le nombre d’automobiles en circulation sur la planète pourrait doubler d’ici à 2020. En 2010, 1 015 000 de voitures ont été recensées aux quatre coins du monde, contre 980 millions en 2009. Plus de 1 milliard pour 7 milliards d’habitants. Aux Etats-Unis, royaume de la motorisation, le ratio culmine à 1 véhicule pour 1,3 Américains bébés compris. Ce modèle est aujourd’hui remis en question. Moteur du dynamisme économique et de la mobilité individuelle, le trafic routier se présente en même temps comme une des causes principales du fameux effet de double ciseau : raréfaction de la ressource pétrolière d’une part et aggravation de l’effet de serre d’autre part. Il n’y a pas de mystère, c’est à la déconstruction de ce monopole routier qu’il faut travailler. Quand j’entends qu’on veut installer un circuit de Formule 1 durable à proximité de Paris, j’ai un peu la nausée. Mais je refuse de participer aux manifestations du genre « la journée sans voitures ». C’était bien au début pour alerter la population, mais maintenant il faut passer à l’action. En matière automobile, les réglementations nécessaires sont faciles à mettre en œuvre et à être comprises de l’opinion (réduction des vitesses ou seuil d’émission de 80 g de CO2 par kilomètre, par exemple). Il y a des limites à fixer mais nous n’allons pas interdire totalement les voitures. Par contre nous pourrions bannir celles qui roulent à plus de 130 km/h.

Voici mon projet exposé dans le Pacte écologique de 2006. L’activité des transports, dans laquelle le secteur routier se taille la part du lion (89 % des déplacements de personnes et 80 % du trafic de marchandises) progresse en France deux fois plus vite que l’activité économique générale. En développant un système global fondé sur la mobilité, la prééminence du transport routier façonne désormais tout le fonctionnement de la société. Toute rationalité semble exclue de nos déplacements en voiture. Alors que la vitesse admise est limité, 88 % des automobiles vendues aujourd’hui en France peuvent dépasser 170 km/h, un tiers pouvant même rouler à plus de 200 km/h. Comme le moteur d’une voiture est réglé en fonction de sa vitesse maximale, on consomme plus de carburant, on dérègle davantage le climat. Il faut diminuer la puissance des automobiles mises en vente pour les rendre conformes aux limitations de vitesse (qui sont aussi des exigences de sécurité). Comme la réglementation technique des automobiles relève de la législation européenne (avis du Conseil d’État de juillet 2006), c’est au niveau de l’Union européenne que la décision doit être prise. A l’évidence, tous les États européens sont soumis aux mêmes impératifs de changements climatiques et de raréfaction des ressources pétrolières. Cette mesure pourrait s’accompagner d’une réduction de la vitesse maximale autorisée, la France faisant partie des pays européens où elle est la plus élevée. La vérité des prix doit aussi s’appliquer à l’automobiliste avec la restauration de la vignette, impôt écologique par excellence. Depuis sa suppression incohérente, de timides initiatives ont été prises dans ce sens. Mais leur aspect dissuasif reste dérisoire. On peut offrir aux communes la possibilité légale d’instaurer un péage urbain. On doit aussi mettre en place un péage kilométrique pour les poids lourds, comme en Allemagne et en Autriche.

Lors de la présentation du plan climat le 6 juillet 2017, j’ai assuré que le gouvernement entendait en finir avec la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au gazole en France d’ici 2040. Aucun nouveau modèle à essence ou diesel ne sera désormais commercialisé. Cet objectif est lourd, notamment pour les constructeurs automobiles et cela constitue une véritable révolution. Le Président de Volvo Cars a annoncé que toutes ses nouvelles voitures auront avec un moteur électrique à partir de 2019. Avec Bruno Le Maire pour l’économie, Élisabeth Borne pour les transports, et les patrons des grands groupes équipementiers, nous avons révélé le 22 mai 2018 le nouveau contrat stratégique pour la filière automobile 2018-2022 : multiplier par cinq d’ici à 2022 le nombre de véhicules électriques et dix fois plus que maintenant le nombre de véhicules hybrides. A charge pour l’État de créer une infrastructure de recharge des véhicules. Un deuxième volet du plan va favoriser les tests de véhicules sans conducteur. Emmanuel Macron l’avait dit : « Devons-nous réduire nos déplacements ? Non, au contraire ! Il faut imaginer des véhicules individuels plus sobres, comme les véhicules électriques. » Le 30 mai 2018, je détaillais devant l’Assemblée nationale les principales lignes d’un autre plan pour promouvoir l’hydrogène. 100 millions d’euros y seront consacrés pour faire de la France un leader mondial de cette technologie. Nous visons une flotte de 5000 véhicules utilitaires en 2023 contre 200 fonctionnant à l’hydrogène à l’heure actuelle.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot et la condition animale

Les extraits suivants ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

Janvier 2018, lors de mes vœux à la presse. J’ai décidé de réfléchir cette année à un sujet qu’on reporte régulièrement au prétexte qu’il est un peu « touchy », celui de la condition animale, qui est un sujet de civilisation. J’ai convié à cette réflexion la présidente de la FNSEA, ainsi que les chasseurs. J’estime que l’animal a une conscience et je souhaite conduire bientôt une grande réflexion sur la condition animale avec le ministre de l’agriculture. Je suis convaincu que les mentalités ont énormément évolué sur ce sujet, et c’est un indice de civilisation. Ces questions convoquent souvent de vieilles traditions. On peut les aborder sans stigmatiser personne, mais on ne peut plus les occulter. Il faut reconnaître que l’homme sait aussi vous donner la nausée tant parfois il excelle dans l’indifférence, l’ignorance, la cupidité, la vanité, la lâcheté, la cruauté. Les élevages intensifs d’animaux sous l’effet d’une mode, où les bêtes croupissent lorsque celle-ci est passée, sont inadmissibles. Combien de huskies ont grandi dans des vitrines minuscules. Les murs épais des laboratoires cosmétiques qui dissimulent le martyre d’animaux innocents me donne la nausée. Que pour satisfaire quelques coquetteries futiles on se fasse tortionnaire illustre le peu de cas que notre société fait de la condition animale. Concernant la chasse ou les abattoirs, j’appelle à limiter au maximum la souffrance de l’animal. Dans le programme du présidentiable Macron, il était écrit : « Pour le bien-être animal, nous prendrons notamment l’engagement d’interdire d’ici 2022 de vendre des œufs de poules élevées en batterie. » Il n’y avait pas grand-chose d’autre !

Si vous me demandez mon sentiment sur l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques, évidemment ça ne me plaît pas. Le mouvement contre la présence d’animaux sauvages dans les cirques prend de l’ampleur. Les 2 000 animaux sauvages détenus en France dans les cirques présentent des troubles du comportement et des souffrances chroniques. Le plus choquant, c’est que cette activité a pour fin le divertissement. On fait des animaux des produits de consommation.  J’ai de l’estime pour les gens du cirque, mais je sais combien les prouesses des animaux sont le fruit de privations et parfois de sévices. Rien de plus désolant, l’été, que ces bêtes en cage étroite, agglutinés et exposés au regard de promeneurs distraits. J’ai en horreur ceux qui privent l’animal de liberté à des seules fins mercantiles. Mais ma nomination en tant que ministre fut au début un grand espoir déçu pour Brigitte Bardot. En juin 2017, le maire du Luc se battait pour empêcher l’installation d’un cirque avec animaux sauvages sur son sol. Elle m’appelle par téléphone, je lui réponds : « Je suis ministre, mais je ne sais pas ce que je peux faire. » Début août 2017 sur France Inter, j’ai déclaré en tant que ministre de la transition écologique et solidaire ne pas être favorable à la captivité des animaux, pas favorable à l’idée que l’on fasse du spectacle avec cette activité-là. « Artistes à quatre pattes » pour les uns, « êtres emprisonnés et brisés » pour les autres. Mais je préfère mener une réflexion globale plutôt que de l’interdire d’un coup. Le gouvernement a créé par décret une commission consultative interministérielle afin d’organiser une concertation permanente entre les cirques, les ministères concernés (culture, intérieur, transition écologique, agriculture) et les élus. Dans le monde, 27 pays ont totalement interdit les cirques avec animaux (parmi lesquels l’Autriche, la Belgique, la Grèce, l’Inde, le Pérou, la Slovaquie et la Suède) et 16 partiellement (dont l’Allemagne, l’Australie et le Canada)

L’animal n’a plus le temps de s’adapter aux modifications de son environnement. Son univers a trop vite évolué en moins d’un siècle pour que ses gènes conditionnent de nouveaux réflexes. De toute façon, l’homme, dans son développement, ne les prend pas en compte. S’échapper, pour les animaux, c’est s’exposer à des projectiles monstrueux lancés sur toutes les routes. Partout dans le monde, en modifiant le paysage, l’humanité dans son expansion fait fi de la condition animale.

Lire aussi, Condition animale, maigre avancée de la loi

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Nicolas Hulot et le CODE MINIER

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  :

  Le code minier français date du 21 avril 1810. Les différentes réformes dont il a fait l’objet jusqu’à maintenant n’ont guère pris en compte la question de leur impact environnemental. Du temps de François Hollande, les députés avaient adopté le 25 janvier 2017 une proposition de loi visant à l’adapter le code minier. Cette réforme, annoncée depuis plus de cinq ans, a laissé un goût amer. En effet, si certaines améliorations ont pu être adoptées, bien souvent malgré l’opposition du gouvernement, cette réforme arrivait en fin de quinquennat et ne pouvait aboutir.

A l’heure actuelle, le « droit de suite » donne encore un droit quasi-automatique au passage à la concession pour les entreprises qui détiennent un permis de recherche. Le Code minier, une législation pour faire de la terre un gruyère ! Emmanuel Macron a paraphé, le 30 décembre 2017, un texte de loi à portée symbolique : « A partir de demain la recherche et l’exploitation des hydrocarbures ne sera plus possible. » La France était le premier pays développé à prendre un tel engagement, mais en réalité le projet était plus subtil. Une semaine plus tôt, le Journal officiel publiait dans ses colonnes six arrêtés prolongeant des permis de recherche de mines d’hydrocarbures dans plusieurs départements métropolitains. A l’origine, j’avais souhaité fermer hermétiquement les vannes des hydrocarbures, avec un texte très coercitif. Mais, soumis au lobbying pressant des entreprises pétrolières et gazières, en même temps qu’aux contraintes du très pesant code minier qui sanctuarise le « droit de suite », j’ai dû composer pour donner de la sécurité juridique au projet de loi et protéger l’État contre de possible compensations financières réclamées par des entreprises. Le texte laissera donc la possibilité de sortir de terre « quelques gouttes » de pétrole après 2040. Il est vrai que la décision politique est complexe et doit ménager des intérêts divergents.

Même dans le détail, ça bloque. Avant le départ du président de la République en Guyane le 26 octobre 2017, j’avais longuement insisté auprès d’Emmanuel Macron sur les menaces pour l’environnement d’un gigantesque projet minier au cœur de la forêt amazonienne, baptisé « Montagne d’or », un monstre sur 190 km2 de concessions, qui prévoit une fosse de 2,5 km de long, 500 mètres de large et 400 mètres de profondeur, avec une usine de traitement du minerai par cyanuration, ainsi qu’une gabegie d’énergie. Porté par un consortium russo-canadien, ce projet menace aussi directement deux réserves biologiques exceptionnelles. Pourtant je n’ai pas été entendu. Lors d’un entretien accordé à France Télévisions Guyane le 27 octobre 2017, le chef de l’Etat s’est dit favorable au dossier : « C’est un projet qui, je le pense, sur ses fondamentaux, peut être bon pour la Guyane. » Que peut un ministre contre le président de la république ? Reporter les décisions qui fâchent dans le temps : « Les décisions ne seront prises qu’à l’issue du débat public ». Le débat organisé par la Commission nationale du débat public aura lieu au premier semestre 2018 pour une durée de quatre mois.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot et le PRAGMATISME écolo

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  

L’écologie n’est pas dans la mentalité du personnel politique qui, pour la plupart, a été élevé dans l’idée que nos institutions, notre technologie, notre recherche trouveront remèdes à tout, que des désordres éventuels seront solubles grâce à notre intelligence. La politique telle qu’on la conçoit aujourd’hui s’inscrit dans un registre de temps incompatible avec l’engagement écologique car ce que l’on va semer ne profitera pas, en termes électoraux, à celui qui aura semé. Lorsque l’on parle de fiscalité énergétique à un homme politique de droite ou de gauche, il a décroché depuis longtemps car il voit arriver les lobbies et les menaces sur l’emploi. La droite se contente de soutenir l’ultra-libéralisme et la gauche reste à la traîne de son passé industrialiste. De plus les politiques ont une connaissance le plus souvent parcellaire de l’écologie. Cette surdité des décideurs est une forme de violence à laquelle répond l’activisme et la virulence de Greenpeace. Un mode d’action non violent, mais un peu plus physique, qui n’est d’ailleurs que le minimum que l’on puisse opposer à cette violence. Mais je suis plus pragmatique. Pas question de décroissance, ni d’antilibéralisme, c’est un simple problème de vocabulaire. Je ne rejette pas en bloc le système actuel. Mais je suis contre le capitalisme sauvage, qui nous mène à la catastrophe.

Les problèmes sont extrêmement complexes, il faut donc s’adapter sans dogmatisme. J’avais une stratégie, essayer d’influencer directement ceux qui sont au pouvoir. J’étais en situation médiatique de le faire. J’avais compris qu’en étant inclassable, j’étais plus efficace pour faire passer un message que je voulais lucide. Il faut faire un pas après l’autre, c’est notre tâche de colibri pour reprendre l’expression de mon ami Pierre Rabhi. Il faut être radical dans les objectifs, évolutif dans l’engagement. Je suis bien conscient du fait que je participe à me donner bonne conscience, mais ce qui est important, c’est d’avancer. Si je n’ai eu qu’un succès dans mon parcours, c’est d’avoir réussi, à mon niveau, à déghettoïser l’écologie en France. Je suis convaincu d’y avoir contribué au moins dans le milieu politique et dans les industries, deux sphères très éloignées de l’écologie. Je n’ai jamais eu de réticences à avoir des interlocuteurs dans toutes les sphères. Face à une urgence ardente, celle de répondre aux futures crises provoquées par une consommation effrénée et dépourvue de sens, je tiens le discours des valeurs.

Je me suis rapproché physiquement des sphères dominantes, mais pas spirituellement. Des années-lumière m’en séparent. Il faut pourtant trouver un moyen d’y opérer des changements. Il est important de sortir de son vase clos pour ne pas remâcher sans arrêt les mêmes constats désespérés. J’ai appris à être pragmatique. Il existe deux manières de se positionner par rapport à ce qu’on appelle « le système » : soit on reste définitivement à l’extérieur en le fustigeant, mais cela revient à jeter des petits cailloux sur un dinosaure, soit on l’intègre en essayant de faire bouger les choses. La complémentarité de ces deux méthodes est importante. Quand j’observe mon parcours, je m’aperçois que j’ai probablement fait bouger le curseur dans ce système. A mon niveau, et avec d’autres, j’ai obligé des entreprises à évoluer. Essayer de modifier les attitudes de l’intérieur, à la façon d’un cheval de Troie, peut être efficace.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot et la PAYSANNERIE

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  

Le grand désarroi tragique de l’homme moderne, c’est de ne plus être relié à rien. On ne sait plus comment pousse une betterave ! L’agriculture est un des domaines où nous avons opéré la plus grande transgression. L’homme a voulu se substituer à la nature. En l’espace de quelques décennies, il a détruit des milliards d’hectares de terres agricoles et les a transformés en une espèce de support mécanique inerte. Il est entré dans une spirale tragique consistant à injecter dans les sols toutes sortes de substances toxiques qui donnent un temps l’illusion d’une certaine productivité, mais qui sont très rapidement rattrapées par de multiples effets secondaires sanitaires et environnementaux. Les paysans ont aussi été dépossédés d’un droit ancestral : être propriétaires de leurs propres récoltes, et notamment de pouvoir en consacrer une partie au cycle de la reproduction de leurs propres graines. Les industries chimiques et pétrolières se sont organisées pour diviser ce monde en de grandes zones d’agriculture spécialisées qui ont atomisé le milieu agricole et ont conduit à un système totalement schizophrène de circuits longs, dans une débauche énergétique insensées qui occasionnent des externalités négatives considérables, émissions de CO2 notamment. Il a également détruit progressivement toues les cultures vivrières qui avaient mis deux millénaires à s’organiser. Il est temps que l’on cesse de créer des distorsions sur les marchés où, pour finir, l’agriculture vivrière locale est moins avantageuse que les produits d’importation…

Dans l’avant-propos du livre « L’impasse alimentaire ? », écrit par différents membres du Comité de veille écologique de la fondation NH, j’exposais les terme du débat : « On a abordé l’agriculture de manière dogmatique. Soit on rendu les agriculteurs responsables de tous les maux, oubliant qu’ils ne sont pour la plupart que des victimes d’un système pervers et aujourd’hui caduque. Soit on hésite à évoquer la problématique écologique, de peur de blesser une profession courageuse. Les deux attitudes sont aujourd’hui stériles et irresponsables. Il n’est pas davantage acceptables que, chez nous, l’agriculture soit une des principales sources de gaz à effet de serre quand on sait à quel point est grand le périls lié au changement climatique. On peut ajouter à cela le rôle joué par ce secteur dans l’érosion de la biodiversité. Les changements ou les adaptations qui s’imposent ne pourront être délégués aux seuls paysans, mais devront être pris en charge par les collectivité nationales et européennes. » L’urgence du changement est contenu par cette statistique évoquée par le livre : en juillet 1994, la revue Scientific American comparait les polycultures traditionnelles et les agricultures industrielles. Les premières produisent 100 unités de nourriture pour 5 unités d’intrant (de consommation) énergétique, les secondes ont besoin de 300 unités pour produire les mêmes 100 unités de nourriture. Je pense à une phrase d’Albert Einstein, « Le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » Comment puis-je agir ? Difficilement quand on n’est pas ministre de l’agriculture.

Le programme du présidentiable Macron donnait de grandes lignes : « Nous réunirons tous les acteurs de la filière alimentaire, producteurs, distributeurs et consommateurs, dans le cadre d’un “Grenelle de l’alimentation”. Nous y définirons un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides. Nous soutiendrons l’adoption d’exigences similaires au niveau européen, dans le but d’accélérer la mutation de la filière agroalimentaire. » L’agriculture intensive est destructrice et épuisante alors que l’agroécologie est beaucoup plus sophistiquée. Il s’agit d’une combinaison de l’intelligence humaine et de l’intelligence de la nature, la première s’inspirant de la seconde. Mais la préparation de ces États généraux de l’alimentation (EGA) lors de l’été 2017 m’échappe face à la volonté du ministre de l’agriculture de prendre la main sur cet événement. J’ai très mal vécu ce moment, la façon dont Stéphane Travert a pris les commandes de ce chantier m’a profondément énervé. J’ai une telle dissension avec Travert que je n’arrive plus à communiquer avec lui. Les propos de ce ministre, renvoyant dos à dos tous les modèles (intensifs, bio…) ne peuvent en fait servir d’orientation. Les producteur(rice)s bio de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) dénoncent fin juillet 2017 un renoncement politique historique. Par décision du ministre de l’Agriculture, aucun budget pour les aides à l’agriculture biologique ne sera engagé dans les 3 prochaines années. Aucune nouvelle conversion biologique ne sera donc possible.

Le 11 octobre 2017, le chef de l’État concluait la première phase des EGA, limitée à la négociation des prix. Il a évoqué la nécessité de se doter d’un modèle agricole qui réponde aux objectifs de santé et d’environnement, l’agroécologie, le bien-être animal ou encore les choix absurdes faits sur les modes de production. J’espérais que ce discours fixerait une orientation, avec la perspective d’une loi sur ces questions, je croyais encore qu’il y aurait l’atterrissage politique que j’attendais. Mais je n’ai pas participé à la séance de clôture des EGA le 21 décembre 2017. J’étais furieux quand j’ai lu les conclusions que je n’ai découvert que dans le dossier de presse transmis seulement le 21 au matin. Il me fallait manifester clairement ma différence. Je ne vais pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n’y est pas. Cette phase 2 ne se traduisait pas en actions concrètes, avec des objectifs et des moyens précis. Stéphane Travert et Edouard Philippe ont tout fait dans leur coin. Ils n’ont pas tenu compte de ce que j’avais demandé. Ce n’était pas suffisamment conclusif et ce n’était donc pas pour moi le temps de conclure ; elles n’étaient pas raccord avec les déclarations du président de la République le 11 octobre. Rien n’a été retenu des propositions des ateliers. Le mot climat n’a même pas été prononcé. Ma volonté de faire de ce grand rendez-vous un tremplin pour modifier en profondeur le modèle agricole français s’est heurté au ministre de la FNSEA et au poids des lobbies de l’agro-industrie intensive.

En janvier 2018, lors de mes vœux à la presse, j’avoue : « Oui, ça frotte un peu avec mon collègue de l’Agriculture, Stéphane Travert. Mais nous reviendrons ensemble à l’ouvrage d’ici le Salon de l’agriculture», le 24 février. La très agro-industrielle FNSEA y présentera des alternatives au glyphosate lors du Salon. Attendons. » On ne peut avancer en se faisant des ennemis. Le 31 janvier 2018 en conseil des ministres, on présente en commun le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans la filière agro-alimentaire. En clair il s’agit de faire pencher la balance en faveur du revenu des agriculteurs. La future loi agriculture et alimentation, c’est une toute autre affaire, ce n’est pas la mienne ! Même si j’ai contre moi l’inertie des habitudes et des grosses structures, j’ai aussi pour moi l’opinion qui commence a comprendre la gravité des enjeux. Mon recul aujourd’hui, c’est pour mieux avancer demain. Du moins je l’espère.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot, MINISTRE de l’écologie

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot  :

En 2005, j’écrivais que cela n’a jamais fait partie de mes fantasmes d’endosser l’habit ministériel. D’autant plus que ça aurait été un véritable sacrifice par rapport à mon mode de vie. Ma force, elle était à l’extérieur, parce que je pouvais mobiliser l’opinion, parce que je pouvais éventuellement dialoguer avec les politiques et les mettre face à leurs contradictions. Mais si j’avais eu le moindre espoir que ma présence puisse faire bouger la situation utilement, et non symboliquement, je pouvais donner deux ans de ma vie à mon pays, mettre une veste et faire fi de ma vie privées pour habiter Paris. Mais tant qu’on ne lui donne pas une lisibilité politique et économique réelle, un ministre de l’Environnement est condamné à prendre des coups et à mécontenter les écologistes comme les capitalistes. Les politiques me trouvent très sympathique à l’extérieur, mais si je m’aventurais sur leurs terres, les pitbulls seraient immédiatement lâchés.

Ce qui pouvait être la force de ce ministère, à savoir sa transversalité, est devenu sa plus grande faiblesse. Un sujet est rarement de sa compétence exclusive ; il est souvent du ressort de l’Economie, des Finances, de l’industrie, de l’Agriculture, de la Santé, de la Recherche, des Affaires étrangères, etc. J’avais proposé en 2006 le moyen d’éliminer cette infériorisation systématique. J’écartais la voie, séduisante en apparence, d’un grand ministère de l’écologie qui regrouperait l’environnement, l’aménagement du territoire, l’équipement et les transports. Cette solution risquait de diluer encore davantage l’impératif écologique dans un conglomérat d’intérêts contradictoires. Je voulais que soit créé un nouveau poste au plus haut niveau de l’action gouvernementale, celui de vice-Premier ministre responsable de l’impératif écologique dans l’ensemble des politiques de l’Etat. Autrement dit il superviserait la feuille de route de tout ministère dont l’action relève de l’impératif écologique. L’écologie ayant pour objet, par nature, de préparer l’avenir et d’anticiper les défis, l’ensemble des instruments de prospective de l’Etat serait rattaché à ce vice-Premier ministre : le Centre d’analyse stratégique (ex-commissariat général au Plan), la DIACT (Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires), la MIES (Mission interministérielle de l’effet de serre). Ces trois entités pourraient d’ailleurs être rassemblées au lieu de fonctionner en parallèle. Emmanuel Macron avait bien étudié la possibilité de me nommer vice-premier ministre, mais cette option inédite se heurtait au cadre constitutionnel.

Finalement, j’hérite le 17 mai 2017 d’un « ministère de la transition écologique et solidaire » élargi. M. Macron a conscience que l’environnement est un sujet transversal et décisif pour le XXIe siècle, mais il n’a pas toute la connaissance, c’est pourquoi il a fait appel à moi. C’est l’Elysée qui m’a proposé le rang de ministre d’Etat. Numéro 3 du gouvernement, je garde la politique de l’énergie, notamment le nucléaire et sa sécurité, les transports et leurs infrastructures (aviation civile, ferroviaire, routier, fluvial), la météorologie, la politique d’intermodalité, les risques technologiques. En outre Richard Ferrand, ministre de la cohésion des territoires, partagera ses prérogatives sur « la performance énergétique des bâtiments » avec moi. Le décret sur mes attributions précise qu’« il (Nicolas Hulot) est chargé des relations internationales sur le climat », et qu’il mènera cette politique « en concertation avec le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ». Fallait-il m’opposer par avance à des décisions qui ne sont pas encore prises ou agir pour réorienter la politique dans le bon sens ? Ni le président ni le premier ministre Edouard Philippe ne m’ont demandé de renier mes positions ou de renoncer à ma critique des stratégies court-termistes et du modèle productiviste dominant. De mon côté je n’ai pas tenté d’imposer un rapport de force, c’est l’Elysée qui m’a proposé ce rang de ministre d’Etat. La pédagogie que j’ai longtemps déployée dans la société civile, je vais la déployer à l’intérieur du gouvernement… Est-ce que j’arrive dans un milieu sensible à l’écologie ? Il y a un premier ministre ancien lobbyiste d’Areva qui a voté contre toutes les lois environnementales du dernier quinquennat, un ministre de l’économie qui souhaitait supprimer le principe de précaution de la Constitution pour relancer la croissance, un ministre de l’agriculture qui n’a pas voté l’interdiction des pesticides « tueurs d’abeilles » et un ministre de l’action et des comptes publics qui, à l’automne 2016, justifiait les sorties climatosceptiques de son mentor Nicolas Sarkozy.

Dès ma nomination, j’ai déclaré ma volonté d’inscrire ma tâche de ministre dans le temps long : « Le climat sera l’une des priorités de mon nouveau job, qui j’espère ne sera pas simplement un job d’été… Si l’on doit tout piloter dans l’urgence, ce n’est pas de la politique, c’est de la gestion quotidienne, et l’on n’a pas besoin de moi pour ça ». Je pense avoir été compris. En concluant les travaux de la conférence sur « le pacte mondial pour l’environnement » le samedi 24 juin 2017, Emmanuel Macron a affirmé la nécessité « d’une forte volonté politique relayée par l’ensemble du gouvernement … Nous allons décarboner la production d’énergie, soutenir le prix du carbone, développer la finance verte, mobiliser les financements publics et privés, intégrer le changement climatique dans le commerce international et dans nos modes de production, maintenir les énergies fossiles dans le sous-sol... Tout cela, ce sera la feuille de route que la France annoncera avant la fin du mois de juillet pour sa politique nationale et européenne. » J’ai donc remis cette feuille de route au premier ministre le 15 juin 2017. Je voulais que l’écologie aille au-delà de son ministère et devienne une orientation globale pour l’ensemble du gouvernement. Pas moins de dix priorités, de l’énergie à l’économie circulaire, des océans et la biodiversité jusqu’à l’agriculture, sans oublier la finance verte ou l’innovation sociale et solidaire : « viser la neutralité carbone à l’horizon 2050. » ; « l’interdiction de tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures » ; « planification d’une trajectoire de diminution de la part du nucléaire ambitieuse et pragmatique » ; « atteindre les objectifs internationaux de la Convention sur la diversité biologique (Aichi, 2010) d’ici 2020 » ; « intégrer dans les lois de finances les conséquences des mesures nécessaires à la transition écologique et énergétique » Etc. Notons que les mesures d’interdiction des substances dangereuses (pesticides, perturbateurs endocriniens, nanomatériaux) dépendront de la réglementation européenne.

Être ministre, c’est la médiation permanente, essayer de concilier des enjeux incompatibles. C’est jongler éperdument entre le court terme et le long terme sur des sujets très complexes, trop techniques, trop politiques. Chaque jour c’était un marathon qui n’en finissait pas. Vous passez une épreuve, vous n’avez pas le temps de souffler, il y en en déjà une autre qui se présente aussitôt. Moi qui ait au cœur le sentiment d’urgence écologique, je suis obligé de faire preuve de patience, tenir compte de l’état actuel du droit et des arcanes législatives. La démocratie, c’est une course d’obstacles, des pouvoirs, des contre-pouvoirs, des pouvoirs occultes, des négociations dans les couloirs. On perd un temps fou, je suis à bout. Désespérant, chaque jour où l’on patine nous rapproche de l’irréversible. C’est chiant du matin au soir d’être ministre, ça n’a d’intérêt que si vous avez le sentiment de faire avancer les choses. C’était mon cri du cœur sur France Inter le 1er décembre 2017. Mais je ne suis plus seul. Le 21 juin 2017 après le second tour des législatives, on m’avait adjoint deux secrétaire d’État, Sébastien Lecornu, plus jeune membre du gouvernement à 31 ans et Brune Poirson. Ce ne sont pas des écologistes, juste des politiques. Manière pour Macron de me contrôler ? Ou de me fournir des moyens humains supplémentaires pour une tâche écrasante ? Sébastien Lecornu militait à l’UMP dès l’âge de 16 ans et en 2005 il était assistant parlementaire. Puis il a enchaîné les postes politiques, en particulier auprès de Bruno Le Maire. Brune Poirson est un symbole de la vague LREM aux législatives. Elue députée du Vaucluse, elle avait aussi débuté sa carrière professionnelle en tant qu’attachée parlementaire et deviendra « chercheuse sur l’innovation sociale et la responsabilité sociale des entreprises ». Elle correspond au niveau « social » de ce ministère à l’écologie « solidaire ». En 2009, elle avait en effet rejoint l’Agence Française de Développement au poste de coordonnatrice de développement à New-Delhi, en Inde, sur un projet de distribution d’eau potable dans les bidonvilles. L’écologie « en marche » va-t-elle dissoudre l’écologique dans le politicien, le social ou l’économique ? La question reste ouverte !

A la veille du premier anniversaire de ma nomination le 16 Mai 2018, je manifeste ma lassitude et veut faire le point cet été. « Ça voulait dire en clair : arrêtez de m’emmerder ! », résume, crûment, l’un de mes proches. Ce qui m’épuise, ce sont les mini-batailles et les réformes minuscules sur lesquelles il faut se battre en interministériel. Je perds quasiment tous mes arbitrages, certains ministres et conseillers ont encore la grille de lecture de l’ancien monde. Et la majorité des problèmes viennent de Bercy. La menace de mon départ a été suffisamment prise au sérieux pour qu’Édouard Philippe demande à me voir en tête-à-tête. D’ici fin juin seront tranchés le plan sur la protection de la biodiversité, celui sur la déforestation et, surtout, le plan pluriannuel qui décidera de la politique énergétique du pays pour les cinq prochaines années, notamment sur le nucléaire. On verra alors ce qu’il en est vraiment des arbitrages. Des noms pour mon remplacement circulent déjà, comme celui de Pascal Canfin.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot et la DÉMOGRAPHIE

Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :

Le dangereux bipède se croit tous les droits, et se reproduit tellement plus vite que les cygnes et les éléphants. Chaque individu est une force de désintégration et nous sommes cinq milliards. Tant qu’on ne maîtrisera pas la «pollution démographique», il faudra réparer les dégâts de chacun et essayer de les limiter puis de les réduire…

Dans le syndrome du Titanic, j’écrivais en 2004 que la crise environnementale va changer d’échelle et donnera des occasions supplémentaires pour s’affronter. Tous les signaux sont au rouge. Il y a quatre courbes qui s’alimentent les unes les autres. La première c’est la courbe démographique, la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’individus à la fin du siècle. Parallèlement la courbe de la consommation et de la pollution augmente, on pèse de plus en plus sur la planète. La troisième est l’émission de gaz à effet de serre ; quand nous construisons une troisième plate-forme aéroportuaire sur Paris, cela va accentuer le changement climatique. Or les océans ont une capacité de stockage du CO2 qui diminue lorsque la température de l’eau augmente et le permafrost, qui passe régulièrement à des températures positives, reprend sa fermentation et libère du méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus efficace que le CO2. Enfin l’érosion de la diversité est un fait avéré. On voit bien que les trajectoires de l’humanité et de la nature sont en train de converger et qu’il va y avoir une collision. Il faudrait quatre Terre pour faire face aux besoins des pays émergents.

A titre personnel, je pense que la croissance démographique est un sujet central qui passe par l’éducation et la sensibilisation des populations. La sortie de la misère d’un pays réside dans la baisse de sa démographie. Le droit intouchable de la reproduction peut s’accompagner d’une sensibilisation des consciences, en Occident comme ailleurs. Mais si par malheur nous devions nous résoudre à des interventions étatiques pour limiter la liberté fondamentale de l’humanité de se reproduire, nous pourrons dire que nous aurons échoué.

NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…

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Nicolas Hulot, un écolo sincère et engagé

Nicolas Hulot a été beaucoup attaqué par une certaine frange de personnes qui se contentent d’une approche superficielle , « l’hélicologiste vendeur de shampoing ». Nous sommes une époque où le bashing fait rage. Le bashing (mot qui désigne le fait d’infliger une raclée) est un anglicisme utilisé pour décrire la forme de défoulement qui consiste à dénigrer collectivement un individu ou une thématique. Cette confrontation virtuelle est favorisée par l’informatisation de la communication et l’exacerbation des médias avides de sensationnel.

Lire, Nicolas Hulot, accusé d’agressions sexuelle

Or chercher toujours la faille d’une personne est contre-productif, chacun de nous a ses défauts et ses qualités. C’est trop facile aujourd’hui de critiquer une personne en étant assis confortablement devant son clavier d’ordinateur. Ce qui est difficile, c’est de la regarder avec bienveillance, sans la condamner a priori sous tel ou tel prétexte. Ce qui est difficile, c’est de faire l’effort de comprendre autrui au plus profond de ses actes. Je veux mettre en lumière ce qui élève l’homme. Nicolas a été confronté à la brûlure du pouvoir, la tension permanente qui existe entre des idées généreuses au niveau écologique et des actes englués dans les rapports de force socio-politiques. Mais il a quand même essayé de faire passer ses idées en actes.

Nicolas Hulot a si souvent martelé ses convictions devant des journalistes à grand renfort de moulinets de bras persuasifs qu’il n’est pas trop difficile de connaître presque tout ce qu’il pense. Il s’exprime directement ou il est analysé publiquement ou dans les autres médias. Tout ce que vous allez lire est déjà de notoriété publique, ses pensées et ses actes se trouvent exposé dans les médias, les rayons des librairies ou les archives de la télévision. Pour essayer d’éviter la catastrophe, Nicolas Hulot a fait tout au cours de sa vie le maximum de ce qu’il était possible de faire dans différentes instances, la télévision avec Ushuaïa, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), les élections où il est intervenu directement ou indirectement, et maintenant un poste de ministre d’État pendant plus d’un an à l’heure où j’écris ces lignes. Jamais un écologiste n’a été aussi loin que lui pour politiser les écologistes et écologiser les politiques, y compris au plus haut niveau de l’Etat. Il a conseillé les présidents de la république Chirac, Sarkozy, Hollande. Son choix de toujours était cornélien : faut-il s’opposer par avance à des décisions qui ne sont pas encore prises ou agir pour réorienter la politique dans le bon sens ? Sa réponse constante est sans ambiguïté, il s’est même engagé directement au niveau politique. Lors de la présidentielle 2007, il a fait signer par tous les principaux candidats la « Charte de l’écologie ». Candidat à la présidentielle de 2012, il a échoué au sein de la primaire d’EELV à cause de l’imbécillité gauchisante des partisans de l’écologie institutionnalisée. Mais il est devenu envoyé spécial pour la planète de François Hollande. Lors de la présidentielle 2017, Nicolas Hulot a mesuré personnellement le vertige du pouvoir, dans un contexte où l’éclatement des partis traditionnels avait donné leurs chances à des candidats nouveaux sur la scène politique. Il pouvait peut-être parvenir au second tour devant le FN de Marine Le Pen et les Insoumis de Mélenchon s’il était resté candidat. Il a renoncé au dernier moment, il pensait avoir trop à perdre, lui et sa famille, dans la lutte pour le pouvoir. Il a obtenu avec Emmanuel Macron le titre de ministre de la transition écologique et solidaire. Devenir ministre pour un écologiste est un passage périlleux qui met en déséquilibre ses idées théoriques et idéaliste face à une pratique qui oblige à des compromis incessants. La volonté de mettre en place une écologie de rupture avec le système dominant se heurte à des résistances de toutes sortes. Il a démissionné.

Lire, Nicolas Hulot, amertume et impuissance

Nicolas pose clairement le problème : « Quel compromis peut-on trouver entre notre idéal et le monde tel qu’il est, avec son inertie, sa résistance et sa dynamique fulgurante. Si notre combat était partagé par le plus grand nombre, nous l’aurions déjà mis en chantier. » Les difficultés d’une transition sont socio-politiques et tiennent à la question de l’acceptation par l’opinion des fortes contraintes que nécessite l’urgence écologique. Nicolas précisait : « Je ne prends pas l’opinion pour plus bête et égoïste qu’elle ne l’est, mais je n’ai pas non plus une vision angélique, surtout quand la psychologie des hordes se substitue à la psychologie individuelle. D’où le rôle des leaders d’opinion. Mais où sont passés nos intellectuels, nos artistes ou nos leaders religieux dans le discours écologique ? Le jour où les artistes, les intellectuels et les hommes politiques de tous bords se bougeront à l’unisson, alors la société civile pourra se faire entendre. Qu’ils nous incitent à passer d’une société épicurienne à une société plus raisonnable, à comprendre que notre plaisir et notre enchantement ne résident pas dans la possession. » L’opinion doit accepter des freins opposées à ses désirs (de déplacements sans limites, de puissance sans limites, de consommation sans limites). Comme l’exprime Nicolas Hulot, « il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde dans le temps et dans l’espace. » Nous sommes tous co-responsables face à l’urgence écologique.

Michel SOURROUILLE

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