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Nicolas Hulot confronté à la brûlure du pouvoir

Pour en savoir plus sur la démission de Nicolas Hulot, un livre de Michel Sourrouille est paru en octobre dernier, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » aux éditions Kiwi. En voici une recension sur le blog des JNE (Journalistes pour la nature et l’écologie) :

« Bouclé » avant la démission fracassante de Nicolas Hulot à la fin du mois d’août, ce livre considérait cette issue comme « probable », car, comme l’indique son auteur dès les premières lignes de son préambule, « il y a trop d’écart entre les déterminants des politiques actuelles engluées dans le ‹ on fait comme d’habitude › et la rupture de civilisation qu’exige l’urgence écologique ». Cette « chronique d’une démission annoncée » se définit comme « un hommage qui se veut le plus objectif possible de l’action permanente, depuis quelques décennies, de Nicolas Hulot en faveur de la cause écologique ». 

Pour en faciliter la lecture, Michel Sourrouille, militant associatif depuis plus de 40 ans, et auteur de  « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (2016), a choisi de présenter son livre sous la forme d’un abécédaire, de A pour « (Auto)biographie, juste ce qu’il faut pour faire connaissance » à Z pour « Zoo, mettre fin à la captivité » en passant par D comme « Démographie, le poids du nombre sur l’environnement » ou encore H comme « Hulot bashing, ma résistance à l’épreuve ». Cet ouvrage patiemment tissé à partir de textes tirés de nombreux ouvrages écrits par l’ancien ministre présente la particularité de voir Nicolas Hulot s’exprimer à la première personne. L’objectif de Michel Sourrouille est de nous faire « mieux comprendre la difficulté de l’engagement écologique et la complexité de l’exercice du pouvoir politique ». Cet essai qui dresse le bilan de son action comme militant et comme ministre nous révèle aussi la richesse de la pensée de Nicolas Hulot, qui, si elle emprunte à de nombreux auteurs, n’en constitue pas moins une excellente synthèse de la réflexion écologiste en ce début de XXIe siècle. 

« Le livre que vous avez entre les mains, se voulait à l’origine plus qu’un hommage ; il avait l’objectif de mettre en œuvre un processus d’identification avec une personnalité dans laquelle on pouvait se reconnaître », écrit Michel Sourrouille dans son épilogue. « En d’autres termes, je ne suis pas Nicolas Hulot, et pourtant je suis aussi Nicolas Hulot, comme à une époque nous étions tous Charlie, par solidarité, animés d’un même mouvement. (…) Qu’il soit remercié pour son courage. Même si certains de ses actes sont à débattre, il n’a jamais personnellement changé d’avis sur les sujets essentiels. Il n’a été ni naïf, ni angélique. Il a été obligé d’avancer pas à pas, mais il n’a jamais reculé de son plein gré. Au fond j’admire Nicolas Hulot qui a persisté à jouer assez longtemps une partie perdue d’avance dans le contexte actuel. (…) Il avait clairement conscience que sa tâche au gouvernement paraissait impossible, mais que ce n’était pas une raison pour ne rien tenter

http://jne-asso.org/blogjne/2018/11/05/nicolas-hulot-la-brulure-du-pouvoir/

On peut aussi en lire une présentation sur ce blog biosphere :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2018/10/01/biosphere-info-nicolas-hulot-et-la-brulure-du-pouvoir/

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Biosphere-Info, Nicolas Hulot et la brûlure du pouvoir

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Un livre à paraître le 4 octobre, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Il a été écrit par Michel Sourrouille pendant plusieurs mois, depuis la nomination de Nicolas Hulot au poste de ministre d’État de la transition écologique et solidaire. Il s’agissait de savoir si cette entrée de l’écologie en politique pouvait être efficace… le livre est devenu la « chronique d’une démission annoncée ». En voici une présentation :

4e de couverture

Nicolas Hulot restera un cas d’école : est-il possible d’être un écologiste convaincu et de pouvoir mettre en œuvre son idéal quand on rentre au gouvernement ? Depuis la création du poste en 1971, le ministre de l’écologie se heurte à l’impossible, concilier l’urgence écologique et la pesanteur des réalités socio-économiques présentes.

Le livre de Michel Sourrouille retrace de façon précise le parcours de Nicolas Hulot, écrivain, icône du petit écran, conseiller de Chirac, Sarkozy et Hollande, acteur lui-même des présidentielles depuis 2002 et ministre d’État d’Emmanuel Macron en 2017. Dès sa nomination, on a prédit qu’il avalerait des couleuvres et sa démission semblait programmée à l’avance. Un ministre de l’écologie ne peut rien faire s’il n’a pas l’appui de ses collègues, et le gouvernement ne le soutiendra pas tant que l’opinion publique n’aura pas conscience de l’impératif écologique. Funeste cercle vicieux que dénonce ce livre. Mais au moins Nicolas aura essayé de tenter l’impossible !

Sommaire

(AUTO)BIOGRAPHIE, juste ce qu’il faut pour faire connaissance

AVION, à la fois instrument de travail et enfermement

BIENS COMMUNS, à gérer collectivement

BIOCENTRISME, cet antidote à l’anthropocentrisme

BIODIVERSITE, une richesse à préserver absolument

BURE, l’épineux dossier des déchets nucléaires

CAPITALISME, une violence systémique à endiguer

CETA, la perversité du libre échange avec le Canada

CHASSE, supprimer la vie me répugne

CHASSE à COURRE, peut-on en finir avec les traditions ?

CLIMAT, une crise qui accroît la misère

CODE MINIER, une législation pour faire de la terre un gruyère

COLIBRI, l’exemplarité des uns peut devenir la norme

CONDITION ANIMALE, beaucoup de progrès à faire

COP 21, vingt et une années à papoter sans résultat

CRISE, l’incapacité de se fixer des limites

DECROISSANCE, puisque nous vivons dans un monde fini

DEMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE, les pièges de la consultation du public

DEMOGRAPHIE, le poids du nombre sur l’environnement

DROITE ou GAUCHE ? L’écologie est un sujet supérieur

ECOLOGIE, la colonne vertébrale de mon engagement politique

ECONOMIE CIRCULAIRE, pour une société sans déchets

EMPREINTE ECOLOGIQUE, un meilleur indicateur que le PIB

ENERGIES FOSSILES, apprendre à vivre sans pétrole

ENERGIES RENOUVELABLES, la seule durable

FUTUR, une CHAMBRE faite pour ça

GPI, grands projets inutiles, la folie des grandeurs

GLYPHOSATE, une autorisation controversée

HABITAT, la fin des passoires thermiques ?

HULOT BASHING, ma résistance à l’épreuve

INEGALITES, la souffrance des autres crée des devoirs

INSECTICIDES, la saga mortifère des néocotinoïdes

KITESURF, remettre les compteurs à zéro

LOI AGRICULTURE et ALIMENTATION, loin de l’écologie

LOI BIODIVERSITE, en attendant les décrets d’application !

LOI des FINANCES, une place encore modeste pour l’écologie

LOI HYDROCARBURES, laisser les ressources fossiles sous terre

LOUPS, le difficile compromis entre éleveurs et espèces protégées

MINISTRE de l’écologie, le ministère de l’impossible

MONDIALISATION ne veut pas dire libre-échange

NATURE, osons l’honorer dans tous ses aspects

NDDL, un grand projet inutile abandonné à Notre-Dame-des-Landes

NUCLEAIRE CIVIL, que faire dans un gouvernement pro-nucléaire ?

OURS, même sur un point mineur la difficulté d’être ministre

PACTE MONDIAL pour l’environnement, affaire à suivre

PATRIMOINE, signe de réussite ou enrichissement personnel ?

PAYSANNERIE, éliminée par l’agro-alimentaire

PÊCHE industrielle et disparition des ressources halieutiques

PERTURBATEURS ENDOCRINIENS, on veut notre mort lente

PESTICIDES, on veut la mort généralisée

PEUPLES PREMIERS, des civilisations en voie de disparition

PLANIFICATION, une politique incontournable de sobriété

POLLUTION de l’air, la difficulté d’agir

PRAGMATISME, la radicalité en acte

PRESIDENTIELLE 2002, les débuts de ma politisation

PRESIDENTIELLE 2007, un pacte écologique avorté

PRESIDENTIELLE 2012, le socialisme sans l’écologie

PRESIDENTIELLE 2017, ne pas être président et devenir ministre

PROFIT, un détournement du système économique

RESERVES NATURELLES, derniers lambeaux d’une nature émasculée

RESPONSABILITES, à chacun de nous d’assumer les siennes

SOBRIETE et SIMPLICITE, volontaires de préférence

SOLIDARITE, relier ce qui a été défait

SPIRITUALITE, combler le manque actuel de conscience

TAXE CARBONE, une étape de l’écologisation des consciences

TECHNO-SCIENCES, tragique découplage entre science et conscience

TELEVISION, une retranscription des jeux du cirque

TEMPORALITE, l’opposition irrémédiable entre court terme et long terme

TITANIC, une symbolique qui révèle notre destinée probable

TRANSITION, ôtons nos œillères, sortons de nos ornières

TRANSVERSALITE, une nécessité qui n’est pas comprise

URBANISATION, une civilisation hors-sol

USHUAÏA, une expérience télévisuelle, pas financière

VEGETARIEN, le passage de l’individuel au collectif

épilogue de Michel SOURROUILLE

Pour changer la société, nous devons être des millions, pas une poignée de radicaux. Il y a interdépendance. Si un ministre écolo sans le soutien du peuple ne peut pas faire grand-chose, un peuple sans ministre écolo se retrouve orphelin. Nous ne pouvons pas être ministre de la transition écologique et solidaire comme Nicolas Hulot, mais nous pouvons faire notre part de colibri. Il y a une forte interrelation entre le gouvernement d’un pays et l’implication (ou non) des citoyens. L’État doit soutenir les initiatives individuelles et réciproquement. Chacun de nous garde son individualité, son autonomie de pensée, sa façon de s’engager, mais l’essentiel est d’avoir le même objectif et les mêmes espérances pour établir des relations apaisées avec la biosphère.

Comme l’écrivait fort justement le pape de la décroissance Serge Latouche, il nous faut savoir changer d’imaginaire pour préparer la société de demain. Comme le répète souvent Nicolas Hulot, tout le monde doit devenir écologiste, c’est l’enjeu principal du XXIe siècle, nous n’avons qu’une seule planète, et la situation est tellement dégradée dans tellement de domaines. Il avait clairement conscience que sa tâche au gouvernement paraissait impossible, mais que ce n’était pas une raison pour ne rien tenter. Pour reprendre les mots de Nelson Mandela, « Cela semblait impossible jusqu’à ce que ce soit fait ».

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Testament écologique d’un militant politique

La chaise vide n’est jamais une bonne attitude. J’ai milité pendant 25 ans pour la cause écologique, c’est-à-dire pour rendre possible l’impossible. Voici un aperçu de mes engagements politiques qui vous permettront, je l’espère, de mieux apprécier la situation présente et d’envisager l’avenir.

Petit rappel historique.

Le premier candidat à la présidentielle s’appelle René Dumont, en 1974. Mais le parti des Verts n’a été créé qu’en 1984. Il s’est transformé en mouvement EELV (Europe Écologie Les Verts) en 2011. Il a regroupé le parti des Verts stricto sensu et une coopérative ouverte aux sympathisants, même appartenant à un autre parti. Je fais un constat d’échec de cette nouvelle formule, la coopérative est un mort-vivant. Fin 2011, la coopérative comptait 17 500 adhérents, et le parti 14 500 adhérents, soit 32 000 adhérents à EELV. Fin 2020, la coopérative ne compte plus que 250 adhérents avec une cotisation  à 10€ ou 20€, et le parti environ 10 000 adhérents avec une cotisation libre à partir de 1€. La perte de militants écologistes est énorme pour le Mouvement et surtout pour la coopérative qui n’est pas devenue le socle espéré de plusieurs dizaines de milliers d’adhérents qui aurait fait  d’EELV comme le voulait Daniel Cohn-Bendit un mouvement écologiste de masse. Dans la lignée de Cécile Duflot et Jean Vincent, la « firme » au pouvoir n’a jamais aimé ni soutenu la coopérative, au contraire. Ils ont fait le choix du pire.

Aujourd’hui encore la nomenklatura des Verts ne se rend pas compte que le parti EELV est en bout de course, il a fait son temps, et la coopérative était la seule solution pour élargir son impact médiatique. Les succès verts aux élections locales ne sont pas redevables au parti, mais aux divers conglomérats qui se sont formés au nom de l’écologie. Il y a eu des alliances gagnantes comme le Printemps Marseillais, ou le groupement citoyen Poitiers Collectif. Il s’agit de catalyseurs comme en chimie, où un additif (l’écologie) permet de décupler la vigueur d’une réaction. Quelle peut être la place d’un individu dans ce collectif mouvant qui constitue l’écologie politique ? Personnellement j’ai essayé d’ouvrir dans et hors de ce parti beaucoup de chemins, je ne suis apparemment arrivé à aucun résultat.

J’ai tout essayé.

J‘étais chez les Verts dans les années 1990, mais il faisaient de l’auto-blocage avec leurs statuts rigides et un acoquinement avec le PS qui les empêchait de présenter électoralement une écologie de rupture. J’ai alors tenté pendant dix ans l’entrisme au PS car je croyais en 2002 que l’urgence écologique était devenue telle qu’un parti dit « de gouvernement » allait se saisir de cette thématique. J‘étais membre de leur commission nationale environnement, j’ai été en charge officiellement d’un suivi de la politique de la droite en matière d’écologie, périodique envoyé à tous les députés et sénateurs socialistes. J’ai aussi participé activement à la motion du congrès de Reims en 2008, « Pour un parti socialiste résolument écologique » : 1,58 % des voix seulement, il n’y a pas eu débat d’idées, c’était la lutte à couteaux tirés pour savoir qui allait être premier secrétaire du parti, Ségolène ou Bertrand, Martine ou Benoît. Un parti politique ne réfléchit pas, il s’épuise dans les affrontements de pouvoir (le bal des ego), ce n’est pas une particularité du parti EELV ! J’ai organisé un colloque en janvier 2011 dans les locaux de l’Assemblée nationale « Pic pétrolier, quelles propositions politiques pour 2012 ? » ; plusieurs spécialistes à la tribune, la salle de réunion du PS pleine à craquer, des députés dans la salle. On n’en a retenu aucune leçon.

De toute façon le vieux PS de François Hollande n’était pas mûr pour parler « écologie ». Une fois arrivé au pouvoir, leur optique croissanciste a constitué leur mantra. J’ai donc rejoint EELV en 2011 avec le statut (nouvellement créé) de coopérateur qui me permettait la double appartenance partisane, socialiste ET écologiste. J’ai co-animé en 2011 aux JDE de Clermont-Ferrand un atelier qui a permis la création d’une commission accueil-formation, structure sans résultats malgré plusieurs WE de rencontres à Paris. Cette commission s’est enlisée dans les méandres de GIRAF (groupe interrégional accueil/formation)….

J’ai continué d’essayer. Je me suis encarté à EELV pour participer aux décisions de congrès. Je voulais une écologie de rupture, j’ai soutenu la motion Avenir Ecolo. Pour le congrès suivant, on est devenu « Pôle Ecolo » après union avec objectif Terre  ; j’ai été co-administrateur de la liste de diffusion. Mais nous avons été écarté du congrès par les partisans de la firme résultant des initiatives politiciennes de Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé.

J’ai continué d’essayer, y compris par des livres en libraire. J’ai coordonné un livre paru début 2014 avec comme auteurs Yves Cochet, Pablo Servigne, Alain Hervé… et intitulé « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) ». J’ai monté la même année, après plusieurs ateliers aux JDE sur cette thématique, un groupe de travail « démographie » qui a été officialisé par le BE mais qui n’a eu aucun écho chez nos dirigeants. Je suis aussi cofondateur du groupe de travail « imaginer une économie écologique », une instance adoubée par le CF en 2014. Pour préparer la présidentielle de 2017, j’ai rédigé un livre synthèse de 370 pages, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », présentant tous les programmes politiques possibles. Au JDE de 2016, on a refusé un atelier autour de mes thématiques et ma séance de dédicace n’a eu aucun succès. Entre les deux tours de la présidentielle de 2017, j’ai donc pris contact étroit avec le (futur) député « en marche » de ma circonscription, très ouvert apparemment à l’écologie. Mais dans la mouvance du groupe local, autant la plupart des adhérents de base avaient la fibre écolo, autant les orientations nationales allaient à l’inverse. Au bout de deux ou trois mois, j’ai compris (comme plus tard Nicolas Hulot) que Macron n’était pas compatible avec l’écologie. Mon livre anti-Macron « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » est sorti en libraire en octobre 2018. Je suis (re)devenu coopérateur EELV à plein temps. J’ai mis en place officiellement en 2019 lors des JDE de Toulouse un collectif « Formation de formateurs à l’écologie ». J’ai rassemblé tout un groupe, mais il n’y avait que moi qui était actif pour rédiger fiches de formation et rapports de conférences. Qui sait que le BE actuel compte un membre dédié à la formation ? Mais il ne faut pas se décourager, il faut toujours chercher le chemin le plus propice à promouvoir l’écologie politique.

J’ai presque tout essayé. La structure « économie écologique » était devenue en 2017 une commission thématique « post-croissance ». J’en suis récemment devenu membre… mais il n’y a aucune organisation interne à cette commission, on discutaille à perdre haleine sans vouloir que cela débouche sur une orientation du parti. J’ai même testé sans illusion beaucoup d’autres tentatives d’ouverture du mouvement ; à une époque j’étais au conseil d’orientation politique, et récemment avec le groupe de travail sur la « réinvention du Mouvement »

Aucune de ces structures, groupes de travail ou commission, n’est arrivé à donner un résultat durable, les militants préfèrent se contester entre eux plutôt que de rechercher la symbiose. On peut d’ailleurs généraliser à toutes les commissions thématiques, elles existent théoriquement pour réfléchir et éclairer le parti sur les orientations à prendre, elle ne servent à rien. La seule commission qui arrive à se faire connaître, c’est la commission féminisme, mais on n’y parle pas d’écologisme ! Grâce à Denis, j’ai obtenu une place de coopérateur auprès du Conseil Fédéral que j’abreuve de mes analyses ; elles ne sont jamais suivies d’effet, mais au moins je peux les proférer.

En conclusion, ce n’est pas parce que je passe personnellement d’un échec à un autre qu’il ne faut pas tenter l’impossible… René Dumont, notre figure de proue écologique, disait dès 1974 que l’utopie, c’est ce qui n’est pas encore réalisé. A mon avis il faudra au moins un siècle pour que l’urgence écologique devienne l’éthique commune de l’humanité. D’ici là le mouvement écologiste aura connu beaucoup de schismes et opéré beaucoup de mutations avant de convaincre nos peuples que l’humanité doit s’obliger à une coopération durable avec la planète qui entretient la vie de tous les espèces (dont homo sapiens/demens). D’ici là je serai mort depuis longtemps, mais il faut par principe faire confiance aux générations futures. Pour arriver à une humanité moins anthropocentrée, elles seront aidées par mon partenaire préféré, la biosphère.

Ce sont les craquements de notre mère la Terre et ses dysfonctionnements provoqués par notre espèce qui nous obligent à penser autrement. Notre constat politique est commun, toutes les études scientifiques le prouvent, l’urgence écologique est omniprésente : épuisement halieutique, stress hydrique, surpopulation ET surconsommation, raréfaction des ressources renouvelables ET non renouvelables, pic pétrolier ET pic des métaux, réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, stérilisation des terres agricoles et disparition des forêts primaires, bidonvillisation de l’habitat et morgue des super-riches du haut de leurs yachts et de leurs avions, gaspillage des ressources alimentaires et obsolescences programmées, aliénation du peuple par la société du spectacle, conformisme des consommateurs formatés par l’emprise publicitaire, foi aveugle dans le progrès techno-scientifique et ses solutions-miracle, montée de l’individualisme exacerbé d’un côté et explosion des intégrismes de l’autre, militarisation de l’existence, en bref dépassement des limites dans tous les domaines.

Reconnaître cela, lutter contre des tendances mortifères, c’est vouloir nécessairement la coopération, c’est chercher le meilleur chemin, c’est tenter l’impossible.

Michel Sourrouille

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écologie, le ministère de l’impossible

L’écologie à l’épreuve du pouvoir, c’était le titre de mon livre de 2016 aux éditions Sang de la Terre. C’est aussi le sous-titre du livre de Léo Cohen paru début 2024. Le constat est le même, la considération de l’écologie dans un gouvernement est faible, parfois même inexistante. Il est vrai aussi que le traitement médiatique de l’urgence écologique n’a émergé que tardivement. C’est seulement à partir de 1969 que LE MONDE ouvre un dossier « Environnement » au service de documentation, il n’y a pas encore de journaliste spécialisé. La conversion écologique de ce quotidien « de référence » va être lente, aussi lente que la prise de conscience générale dans une société où priment l’économique et le socio-politique sur la sauvegarde de la planète. LE MONDE n’a commencé à traiter spécifiquement d’environnement qu’en 1971, lorsque le ministère de la protection de la nature et de l’environnement a été crée. Voici l’histoire de ce ministère.

L’écologie est une préoccupation relativement récente. Le fait le plus marquant est la parution en 1962 du livre de Rachel Carson, « Printemps silencieux » . L’utilisation du DDT tuait certes les insectes, mais pouvait affamer les oiseaux. Aujourd’hui en 2024, nous en sommes toujours là, depuis ces trente dernières années la biomasse totale des insectes a diminué de 2,5 % par an. Des groupes ont commencé à défendre la nature à la fin des années 1960. En 1968, il y a création de la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature, aujourd’hui connue sous le nom de France nature Environnement (FNE). Le 22 avril 1971, c’est la journée internationale de la terre sous l’égide de l’ONU. Et en 1972 est organisée à Stockholm la première conférence des Nations unies sur l’environnement.

Ce contexte explique la nomination en 1971 d’un secrétaire délégué de la protection de la nature et de l’environnement auprès du premier ministre. En 1973, Robert Poujade est confirmé et devient le premier de nos ministres de l’écologie. Dans son livre-témoignage de 1975, « Le ministère de l’impossible », il relate: « Vous n’aurez pas beaucoup de moyens. Vous aurez peu d’action très directe sur les choses. » prévient le président de la République Georges Pompidou. Les autoroutes se multiplient, le ministère de l’Environnement a le droit d’émettre un avis sur le tracé, en aucun cas de s’interroger sur son bien-fondé. Pompidou martèle qu’« il faut adapter la ville à l’automobile »; on ferme des voies de chemin de fer ; on développe l’agriculture intensive. R. Poujade écrit :

« Avec 300 fonctionnaires et un budget minuscule, il me fallait infléchir – essayer d’infléchir ! – la politique d’une douzaine de ministères, disposant d’administrations puissantes, et de très grands moyens…J’ai eu trop souvent le sentiment de lutter presque seul contre des entreprises que tout aurait dû condamner… On accepte de subventionner n’importe quelle activité sous la pression des intérêts privés, mais beaucoup plus difficilement de prélever une part très modeste de profits, faits au détriment de la collectivité, pour lui permettre de réparer des dommages… La civilisation industrielle a préféré le rendement immédiat à la protection des ressources naturelles. ». Son témoignage est reproduit quasiment tel quel jusqu’à nos jours.

Vingt ans plus tard,Corinne Lepage tire de son expérience gouvernementale en 1995-1997 un livre « On ne peut rien faire, Madame le ministre »  :

« Le principe d’intégration qui veut que l’environnement soit intégré en amont de tous les choix publics est piétiné… Les ministères de l’agriculture, de l’industrie, des transports, de la santé, gèrent désormais seuls ou presque les pesticides et les nitrates, les choix énergétiques, le bruit des avions et les pollutions de la mer… Le ministère de l’agriculture sera celui des agriculteurs, le ministère des transports celui des transporteurs 

Nommé ministre de l’écologie et du développement durable en 2004, Serge Lepeltier ose dans son allocution de départ :

« Ceux que l’on dérange, les représentants d’intérêts particuliers, ne souhaitent qu’une chose, c’est que ce ministère n’existe pas. C’est ma crainte. On ne le supprimera pas, c’est impossible politiquement. Mais, sans le dire, on risque de n’en faire qu’une vitrine. »

Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie en 2009-2010 :

« On m’a fait venir au gouvernement en me disant « on veut une écolo moderne ». En fait, ils voulaient l’image, mais pas le son. Et moi, j’ai produit du son ! J’étais en désaccord avec le premier ministre François Fillon sur la construction du circuit de formule 1 dans les Yvelines, ou la taxe carbone, je l’ai dit. On me l’a reproché. « Maintenant que tu es ministre, tu n’es plus une militante, mais une politique » m’a dit François Fillon. Sous-entendu : tu dois savoir taire tes convictions. .. »

Nicole Bricq, ministre (socialiste) de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie du gouvernement Hollande, n’a duré qu’un mois (16 mai 2012 au 18 juin 2012). Elle a été virée par le premier ministre (socialiste) Jean-Marc Ayrault pour avoir annoncé la suspension des permis d’exploration d’hydrocarbures, une décision pénalisant l’entreprise pétrolière Shell, qui prospectait au large de la Guyane. Sa remplaçante entre juin 2012 et juillet 2013, la socialiste Delphine Batho, a été aussi limogée par Jean-Marc Ayrault… parce qu’elle contestait la faiblesse du budget qui avait été attribué à l’écologie ! Dans son livre de 2014, « Insoumise », elle relate le clash :

« Sur RTL, j’affirme sciemment le 2 juillet 2013 que le budget du ministère de l’écologie était « mauvais”, car en baisse de 7 %. Faire de mon budget la plus forte coupe budgétaire de toute la loi de finances est lourd de sens politique ». Quelques minutes plus tard, je reçois un SMS de Jean-Marc Ayrault : « Tes déclarations sur ton budget sont inadmissibles, je te demande de rectifier. » A 18h08, le communiqué de la présidence de la République tombe à l’AFP : « Sur proposition du Premier ministre, le président de la République a mis fin aux fonctions de Madame Delphine BATHO… »

Comme le constate l’ex-ministre, « la Bourse ne fera jamais le choix de la transition énergétique. Je sous-estimais, avant d’occuper les fonctions de ministre de l’Ecologie, la vigueur du lobby pétrolier en France. Les lobbies industriels sont forts et puissants. Mais ils sont surtout forts de la faiblesse des gouvernants en face d’eux. » Son successeur de juillet 2013 à mars 2014, Philippe Martin, a dénoncé de même ces gens-là qui « chuchotent à l’oreille des puissants que cela va nuire à l’emploi, à la croissance, ils parlent mal de vous dans les dîners en ville, ils essaient d’influer les parlementaires ». Le lobbying est omniprésent.

Emmanuel Macron devient président le 14 mai 2017. Le 17 mai, Nicolas Hulot est nommé ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire. Dès sa nomination, j’ai commencé à écrire un livre sur sa problème démission. « Seul à la manœuvre », ainsi Nicolas Hulot qualifiait-il son passage au ministère de la Transition écologique en annonçant à la radio le 28 août 2018 sa décision de démissionner du gouvernement. J’avais déjà achevé l’écriture de mon livre publié sous le titre : Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir. Écologiste sincère et médiatiquement reconnu, le nom de Nicolas vient allonger la liste des ministres de l‘écologie repartis frustrés, dépités par leur expérience au gouvernement, ne parvenant pas à inverser durablement le cours des choses : l’effondrement de la biodiversité se poursuit, l’artificialisation des sols continue, la France est en retard sur les énergies renouvelables, la consommation de pesticides est en augmentation… Dans son ultime témoignage médiatique, Mr Hulot dénonçait lui aussi « la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir ». Sous la présidence d’Emmanuel Macron, un palier a été franchi. Les relations entre la haute fonction publique et les grandes entreprises sont plus fortes, ce sont les mêmes copains de promo, les mêmes dîners en ville, c’est assumé et il n’y a pas de contrepoids politique.

En juillet 2022, Christophe Béchu est nommé ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Face au Black Friday, Christophe Béchu dégaine les « dévendeurs », clip télé  en faveur de la réparation et du réemploi :

« Le dérèglement climatique nous impose des choix de société. Si nous voulons mener à terme notre transition écologique, nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers plus de sobriété dans notre façon de consommer... »

La Confédération des PME réclame aussitôt l’arrêt de cette campagne de communication.

En 2024, Léo Cohen fait un constat similaire de blocage après avoir passé « 800 jours au ministère de l’impossible ». Membre des cabinets de Barbara Pompili, lorsqu’elle était secrétaire d’État à la Biodiversité, de 2016 à 2017, puis de François de Rugy, ministre de la Transition écologique, de 2018 à 2019, il ne peut que constater : « J’ai été deux fois conseiller dans deux gouvernements différents, issus de deux majorités différentes, et j’ai observé à chaque fois les mêmes dysfonctionnements… » La même impuissance.

Pour un livre paru début 2024, Justine Reix a mené l’enquête sur le ministère de l’écologie pendant deux ans, à la rencontre de ministres, de députés, de lobbyistes. Elle constate que le ministère de l’écologie n’a cessé de voir son budget et ses effectifs fondre, année après année et l’espérance de vie du titulaire est une des plus courtes au sein du gouvernement. Alors, le fait de placer le ministère de l’écologie comme numéro deux ou trois relève seulement de la poudre aux yeux. Roquelaure est le siège d’un ministère transversal confronté à ses ennemis, l’économie, mais aussi l’agriculture, l’éducation ou les armées. Il y a concurrence temporelle entre l’écologie – dont les bénéfices se mesurent à long terme – et un système politique centré sur le court terme, dont la priorité est de faire baisser la dette et le taux de chômage pour voir ses dirigeants réélus.

De 1971 à 2024, L’écologie, c’est toujours le ministère de l’impossible.

texte de Michel SOURROUILLE

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Écologie, le ministère de l’impossible

Robert Poujade (1928-2020), le premier titulaire du portefeuille de l’environnement en 1971, avait qualifié son poste de « ministère de l’impossible » ; la formule reste d’actualité. Michel Sourrouille avait publié un livre en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Dès la nomination de Nicolas comme ministre de l’écologie, il avait prévu qu’il démissionnerait, un écologiste sincère, même très motivé, ne peut pas grand-chose au gouvernement. Mais ce n’est pas seulement la faute des politiciens en place et d’un système économique croissanciste. Comme l’exprimait Nicolas Hulot, « il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde dans le temps et dans l’espace. » Un ministre de l’écologie a besoin de l’engagement de chacun d’entre nous, sinon il ne peut pas faire grand chose. Nous sommes tous co-responsables face à l’urgence écologique.

Lire, Nicolas Hulot vivait au ministère de l’impossible

Léo Cohen

Après huit cents jours passés à l’hôtel de Roquelaure à Paris, auprès de Barbara Pompili lorsqu’elle était secrétaire d’Etat à la biodiversité (2016-2017), puis du ministre de l’écologie François de Rugy (2018-2019), j’ai quitté mes fonctions ministérielles épuisé, découragé. J’ai vu de près les blocages s’additionner, jusqu’à former un mur infranchissable, notre manière de gouverner est antinomique de l’action environnementale. Les lobbys privés ralentissent ou empêchent l’action, des projets désastreux pour l’environnement, comme la Montagne d’or, une immense mine au cœur de la forêt tropicale guyanaise, deviennent rentables grâce aux subventions publiques. Les hauts fonctionnaires sont pour la plupart « totalement hermétique » au défi climatique. Le ministre de l’écologie est confronté à la fois à une grande « solitude » et à un « parcours du combattant » .

« 800 jours au ministère de l’impossible. L’écologie à l’épreuve du pouvoir », de Léo Cohen, Les Petits Matins, 144 pages, 15 euros.

Justine Reix

J’ai mené l’enquête pendant deux ans, des couloirs de l’Assemblée nationale aux bureaux feutrés, à la rencontre de ministres, de députés, d’ONG, de chercheurs ou de lobbyistes. Le ministère n’a cessé de voir son budget et ses effectifs fondre, année après année − même si son administration compte 52 000 agents. Il est encore trop petit et trop faible pour une cause bien trop grande, l’espérance de vie du mandat est une des plus courtes au sein du gouvernement. Le fait de placer le ministère de l’écologie comme numéro deux ou trois relève seulement de la poudre aux yeux. Roquelaure est le siège d’un ministère transversal confronté à ses ennemis, l’économie, mais aussi l’agriculture, l’éducation ou les armées. Il y a concurrence temporelle entre l’écologie – dont les bénéfices se mesurent à long terme – et un système politique centré sur le court terme, dont la priorité est de faire baisser la dette et le taux de chômage pour voir ses dirigeants réélus. Nicole Bricq a été écartée du ministère de l’écologie, un mois après son arrivée, pour avoir annoncé la suspension des permis d’exploration d’hydrocarbures, une décision pénalisant l’entreprise pétrolière Shell, qui prospectait au large de la Guyane. La ministre Ségolène Royal a institutionnalisé la formule de l’« écologie punitive », qui a contribué à décrédibiliser les politiques environnementales…

« La Poudre aux yeux. Enquête sur le ministère de l’écologie », de Justine Reix, JC Lattès, 240 pages, 19 euros.

Michel Sourrouille : Être ministre de l’écologie, c’est difficile, souvent insupportable. D’une certaine manière, on sort toujours abîmé de l’antagonisme qui existe entre nos idéaux et la dure réalité de la politique. En tant que ministre, tu dois à la fois protéger les loups et protéger les éleveurs. Il n’y a plus de choix parfait, il faut mécontenter tout le monde en choisissant entre deux mauvaises solutions. Le problème global, c’est qu’on devrait aller à contre-sens de la marche actuelle de la société thermo-industrielle. Le problème personnel d’un ministre de l’écologie, c’est qu’il doit éviter d’être contaminé par les habitudes de pensée des autres membres du gouvernement qui pensent majoritairement business as usual et croissance à n’importe quel prix. En 1995, Nicolas pouvait écrire : « Je passais en revue le spectacle politique, médiatique, judiciaire qui souvent nous égare. Ces règles qu’on nous impose, ces opinions que l’on nous dicte, ces notions de réussite dont on nous gave, ces pouvoirs dispersés, chacun rêve d’en abuser. Je me méfie comme de la peste de ces influences sournoises qui diffusent et s’immiscent sans éveiller la conscience. Religieuses, éducatives, idéologiques, elles façonnent le creuset de nos pensées en évitant trop souvent le chemin de la réflexion. Je me méfie des grands courants impétueux comme de la peste. Il faut savoir se rebeller contre toutes ces dépendances et conserver son libre arbitre : être rebelle pour choisir ensuite. » Mais difficile de nager de façon autonome contre le courant dominant. Le troisième problème est temporel. Un ministre de l’écologie ne peut pas tout faire en même temps, il doit donc décider d’un calendrier programmatique, ce qui laissera de côté bien des domaines d’action. De plus il devra gérer en priorité les événements de court terme, ce qui l’empêchera de prendre le temps de préparer le long terme pour les générations futures.

Les prédécesseurs de Nicolas Hulot forment un florilège de ministres en difficulté, si ce n’est en perdition. Le premier de nos ministres, délégué à la Protection de la nature et de l’Environnement (Robert Poujade), est nommé en janvier 1971. Dans son livre-témoignage, Le ministère de l’impossible (Calmann-Lévy, 1975), il s’appuyait sur sa propre expérience pour montrer l’impossibilité d’une politique écologique au sein d’un gouvernement obnubilé par le PIB. « C’est intéressant, votre ministère. Il ne devrait rien coûter à l’Etat », entend-il dès son arrivée. « Vous n’aurez pas beaucoup de moyens. Vous aurez peu d’action très directe sur les choses. » prévient le président de la République Pompidou. Ses bureaux, composés à la hâte avec des paravents, ne sont pas fonctionnels : « Avec 300 fonctionnaires et un budget minuscule, il me fallait infléchir – essayer d’infléchir ! – la politique d’une douzaine de ministères, disposant d’administrations puissantes, et de très grands moyens. » Les autoroutes se multiplient, le ministère de l’Environnement a le droit d’émettre un avis sur le tracé, en aucun cas de s’interroger sur le bien-fondé de la bétonnisation. Alors que Pompidou martèle qu’ « il faut adapter la ville à l’automobile », on détruit des anciens quartiers pour dérouler des voies express ; on ferme aussi des voies de chemin de fer, on développe l’agriculture intensive à grands déversements d’engrais et de pesticides. Robert Poujade est réduit à l’impuissance :

« J’ai souvent ressenti avec amertume la force des intérêts privés et la faiblesse de l’État. J’ai eu trop souvent le sentiment de lutter presque seul contre des entreprises que tout aurait dû condamner… On accepte de subventionner n’importe quelle activité sous la pression des intérêts privés, mais beaucoup plus difficilement de prélever une part très modeste de profits, faits au détriment de la collectivité, pour lui permettre de réparer des dommages… La civilisation industrielle a préféré le rendement immédiat à la protection des ressources naturelles. »

Ministre de l’environnement entre 1995 et 1997, Corinne Lepage tire de son expérience le livre On ne peut rien faire, Madame le ministre (Albin Michel, 1998) :

« Il est un abîme entre la manière dont l’immense majorité des politiques croient pouvoir traiter les questions écologiques et ce qui serait, en réalité, impératif pour répliquer de manière efficace aux périls Le principe d’intégration qui veut que l’environnement soit intégré en amont de tous les choix publics est piétiné… Les ministères de l’agriculture, de l’industrie, des transports, de la santé, gèrent désormais seuls ou presque les pesticides et les nitrates, les choix énergétiques, le bruit des avions et les pollutions de la mer… Le ministère de l’agriculture sera celui des agriculteurs, le ministère des transports celui des transporteurs : cette organisation verticale est en contradiction totale avec les impératifs de la gestion des systèmes complexes qui appellent à l’horizontalité. »

Serge Lepeltier, ministre de l’écologie et du développement durable en 2004-2005, ose dans son allocution de départ :

« J’ai réalisé que les enjeux environnementaux sont plus considérables qu’on ne le dit. Mon ministère est un ministère qui dérange, l’empêcheur de tourner en rond. Alors ceux que l’on dérange, les représentants d’intérêts particuliers, ne souhaitent qu’une chose, c’est qu’il n’existe pas. C’est ma crainte. On ne le supprimera pas, c’est impossible politiquement. Mais, sans le dire, on risque de n’en faire qu’une vitrine. »

Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie (2009-2010) a pu écrire :

« On m’a fait venir au gouvernement en me disant « on veut une écolo moderne ». En fait, ils voulaient l’image, mais pas le son. Et moi, j’ai produit du son ! J’étais en désaccord avec le premier ministre François Fillon sur la construction du circuit de formule 1 dans les Yvelines, ou la taxe carbone, je l’ai dit. On me l’a reproché. « Maintenant que tu es ministre, tu n’es plus une militante, mais une politique » m’a dit François Fillon. Sous-entendu : tu dois savoir taire tes convictions. C’est castrateur d’être au gouvernement. On a le choix entre se taire, pour espérer faire avancer ses dossiers, ou dire ce qu’on pense et abandonner l’idée de peser dans l’action gouvernementale. »

Nicole Bricq, ministre (socialiste) de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, n’a duré qu’un mois (16 mai 2012 au 18 juin 2012). Elle a été licenciée par le premier ministre (socialiste) Jean-Marc Ayrault pour avoir voulu suspendre des forages pétroliers au large de la Guyane. Sa remplaçante entre juin 2012 et juillet 2013, la socialiste Delphine Batho, a été licenciée par Jean-Marc Ayrault… parce qu’elle contestait la faiblesse du budget qui avait été attribué à l’écologie ! Un ministre de l’écologie, ça ferme sa gueule ou il est mis à la porte.

Nicolas Hulot savait tout cela, et il a été confronté aux mêmes difficultés. Rappelons son état d’esprit :

« Je peux passer dans la même phrase de l’abattement à l’espoir. Trois fois par jour, j’ai envie de tout abandonner. Et puis je me dis qu’il ne faut pas. A un moment, le bon sens finira par s’imposer. Je suis surnommé le « commandant couche-tôt » par mes amis – je ne bois pas, je ne fume pas, je m’endors avec les poules et je me réveille avec les mouettes. J’ai pourtant du mal à dormir car chaque nuit, je fais le procès de la veille. On peut toujours aller plus loin, faire mieux. J’ai un côté Primo Levi, celui de l’homme qui se demande « pourquoi suis-je vivant, à quoi puis-je être utile ? » Je suis « habité » par mes convictions. »

Or il est impossible de défendre véritablement la cause écologique dans une France où nos ressortissants sont arc-boutés sur leur privilèges et leur niveau de vie, dans une Europe ressassant les slogans usés de la concurrence libérale et de la compétitivité, dans une cacophonie mondiale où les nations du monde entier sont allergiques à la pensée du bien commun. Nicolas, moi-même et bien d’autres militants, nous essayons de forger un discours commun, un langage de référence qui puisse se généraliser à l’ensemble de nos concitoyens. Nous sommes un peuple en formation, taraudé par le même désir, l’équilibre entre l’espèce humaine et notre terre d’appartenance. Pour changer la société, nous devons être des millions, pas une poignée de radicaux. Un ministre écolo sans le soutien du peuple ne peut pas faire grand-chose, un peuple sans ministre écolo se retrouve orphelin. L écologie au gouvernement, c’est impossible, mais pour reprendre les mots de Nelson Mandela, « Cela semblait impossible jusqu’à ce que ce soit fait ».

« Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » de Michel Sourrouille, octobre 2018

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« Moins nombreux, plus heureux », le livre

Coordinateur du livre écrit par 13 auteurs « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) » ( 2014), Michel Sourrouille a voulu une publication sur Internet ouverte à toutes les personnes qui se sentent concernées par la question démographique. Débattre de la surpopulation est d’autant plus urgent que nous sommes en 2022 huit milliards d’être humains au détriment non seulement de nos ressources, mais de l’ensemble du vivant.

Yves COCHET, préface

Cofondateur des Verts et ancien ministre de l’écologie, Yves Cochet a toujours évoqué politiquement la question démographique. Il a malheureusement été marginalisé et de son expérience il a tiré quelques enseignements pour la préface du livre.

Philippe ANNABA, Les décroissants ne peuvent qu’être malthusiens

Sous le pseudonyme d’Annaba, Philippe  est l’auteur de « Imprécations contre les procréateurs » (2001), « Bienheureux les stériles » (2002), « Bienheureux les enfants de la Mère » (2007) et « Traité de savoir survivre à l’intention des jeunes générations » (2011).

Didier BARTHÈS, Un droit contre tous les autres

Didier Barthès est le porte-parole de l’association Démographie Responsable. Il évoque la question démographique dans des salons écolos, des conférences-débat, auprès des rares médias ouverts à la problématique malthusienne.

Théophile de GIRAUD, « Pour un dénatalisme radical : Save the Planet, make no baby ! ”

Théophile de Giraud est un dénataliste engagé qui a publié en 2006 un livre malheureusement resté confidentiel, « L’art de guillotiner les procréateurs (manifeste anti-nataliste) ».

Alain GRAS, La surchauffe de la croissance

Alain Gras, professeur des universités, est aussi un contributeur régulier au contenu du mensuel « La décroissance ». Il a publié en 2007 un livre qui devrait rester sur les tables de chevet des politiciens, « Le Choix du feu ».

Alain HERVÉ, De l’inconvénient d’être humain

Alain HERVÉ, né en 1932, est mort le 8 mai 2019. C’était un historique de l’écologisme, il est le cofondateurs de l’association les Amis de la Terre en 1970, a dirigé le numéro spécial du Nouvel Observateur, « La dernière chance de la terre », en avril 1972. A la suite du succès de cette parution, le patron du Nouvel Obs, Claude Perdriel, lance en 1973 le mensuel Le Sauvage ; Alain en devient rédacteur en chef. Il a écrit de nombreux livres.

Corinne MAIER, Politique nataliste française, la grande baby-llusion

Corinne Maier avait écrit en 2007 NO KID (40 raisons de ne pas avoir d’enfant). Elle interroge en 2014 la politique nataliste française.

Jacques MARET, Population, alimentation, agronomie et famines

Jacques Maret est un paysan engagé, auteur en 2006 du livre « le Naufrage Paysan ou comment voir l’avenir en vert ».

Jean-Claude NOYÉ, Contraception et avortement : ce qu’en disent les religions

Jean-Claude Noyé a travaillé au journal La Vie. Membre de l’association des journalistes-écrivains pour la nature et écologie (JNE), il est aussi Auteur du Grand livre du jeûne (Albin Michel, 2007) et de deux livres d’entretiens dont celui avec le Père Placide Deseille, sous le titre Propos d’un moine orthodoxe  (DDB, 2011).

Pablo SERVIGNE, 9 Milliards en 2050 ? Pas si sûr

Pablo Servigne est devenu célèbre en introduisant en 2015 dans le débat médiatique le terme de collapsologie dans son livre co-écrit avec Raphaël Stevens « Comment tout peut s’effondrer (Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes) ».

Michel SOURROUILLE, La problématique des migrations sur une planète close et saturée

Gestionnaire du blog biosphere, Michel Sourrouille a publié « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (2016), « On ne naît pas écolo, on le devient » (2017), « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir » (2018), Arrêtons de faire des gosses » (2020).

Michel TARRIER, De notre occupation indue des niches écologiques des autres espèces

Michel Tarrier essayiste, entomologiste donc écologue, mais aussi écologiste radical, biocentriste, dénataliste, est l’auteur notamment de « 2050, Sauve qui peut la Terre ! » (2007) ; Faire des enfants tue (2008) ; « Nous, peuple dernier. Survivre sera bientôt un luxe « (2009) ; Dictature verte (2010) ; Faire des enfants tue… la planète (2011).

Jean-Christophe VIGNAL, Penser la dénatalité, un exercice difficile

Jean-Christophe Vignal  est un juriste, co-rédacteur du blog « économie durable ».

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Nicolas Hulot et la PLANIFICATION

Les extraits suivants ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

On m’a beaucoup critiqué en disant que je n’allais pas jusqu’au bout logique de mon raisonnement, l’insoutenabilité de la croissance économique. Mais dans le pacte écologique de 2006, je prenais clairement position. L’idée de planifier une politique de décroissance des consommations de matières premières et d’énergie peut choquer, tant nous sommes habitués aux discours inverses. Mais un tel point de vue recouvre néanmoins un principe de réalité incontournable. Personne ne souhaite aller vers une société de privation et d’abstinence, mais nous n’avons pas d’autre choix que de mettre en place des normes, des réglementations, des instruments fiscaux qui concourront à la modération des productions, des comportements et des consommations. J’entends déjà les cris d’orfraie : c’est une révolution ! Eh bien, oui ! Nous sommes, de fait, engagés dans une révolution, planétaire de surcroît. Qui peut imaginer que le défi écologique pourra se relever à la marge ? Si nous n’opérons pas de manière planifiée, à quoi ferons-nous appel ? Au marché, dont on connaît le peu de cas qu’il fait de l’intérêt général si on le laisse jouer librement ? A la vertu de l’humanité qui, comme chacun le sait, présente quelques fragilités ? Il s’agit de refonder cette société productiviste et consumériste. Les gens savent que le chemin ne sera pas aisé, mais ils ne veulent pas s’engager isolément. Pour avoir le sentiment que leur action individuellement à quelque chose, ils ont besoin qu’elle s’insère dans une dynamique collective. On ne peut leur en tenir rigueur, l’effort doit être partagé. Or l’élection présidentielle présente l’occasion de créer une synergie collective, de se mettre en ordre de marche autour d’un pacte écologique qui rassemblerait les forces vives de la nation.

Osons sortir de cette mystification qui fait croire que la solidarité et le changement sont possibles en laissant un pan entier de l’économie nous échapper. Sans la fin des paradis fiscaux, de l’optimisation fiscale, de l’évasion fiscale légale ou frauduleuse, sans la fin d’une finance occulte qui ne participe pas à la solidarité des Etats, toutes nos intentions, sincères ou pas, buteront sur l’impossibilité de tenir nos promesses et alimenteront le cycle infernal de l’humiliation, de la frustration et de la répression. Osons reprendre la main sur une industrie de la finance qui ignore l’intérêt général. Osons dénoncer ces marchés qui se régalent de la rareté qu’ils créent. Bref, brisons cet ordre cannibale. Appelons partout à la régulation, à la réglementation, pour passer enfin d’une économie qui dépense à une économie qui protège, afin qu’aucun bien commun ne soit plus jamais détourné au profit d’un petit nombre. Redonnons des pouvoirs à l’État pour que la finance soit de nouveau au service de l’économie, et l’économie au service des femmes et des hommes. Il est très important que cette transition se planifie dans un espace non soumis à la pression du temps et où le dialogue peut s’envisager sur le temps long. Car il faut planifier la transition sur trente ans au minimum… En trente ans, j’ai vu disparaître des écosystèmes entiers, terrestres et marins, j’ai vu l’impact du réchauffement climatique. Mais, ce que je retiens surtout, c’est le changement d’échelle dans l’exploitation de la mer, dans le pillage de la forêt, dans l’urbanisation de la ­planète. Face à cette accélération, la prise de conscience progresse à un rythme trop lent. La communauté internationale s’est fixé un cap, mais elle n’a pas de boussole.

Comme toutes les nations industrialisées, la France participe à l’origine du mal. Nous avons abusé de tout en tout. Par conséquent, il s’agit de fixer des limites à notre avidité et à notre cupidité. La société à venir devra mettre fin à la surenchère, choisir ce qui doit continuer à croître et ce qui doit commencer à décroître : moins de biens, plus de liens ! Si nous laissons perdurer la situation actuelle, nous risquons d’entrer dans une société de privation, avec ses systèmes de quotas, ses cartes de rationnement et tout ce que cela peut compter d’atteintes aux libertés. Le meilleur moyen de s’y opposer, consiste à mettre en place sans plus tarder une société de modération.

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Nicolas Hulot et les ÉNERGIES FOSSILES

Les extraits suivants ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

Les sociétés riches dépendent tellement de l’énergie qu’un sevrage abrupt se solderait en quelques semaines par des millions de morts, ne serait-ce que parce que les usines qui rendent notre eau potable ne fonctionneraient plus, sans oublier la chaîne du froid et le transport nécessaire pour apporter la nourriture dans les villes. La tendance haussière du pétrole va induire sur les marchés à terme des prix futurs actualisés supérieurs au prix spot du brut. La bulle se gonflera progressivement, faite de vagues successives. Cette bulle se serait amorcée dès 2008 si la crise des subprimes n’était pas venue donner un coup de frein imprévu à la demande énergétique. La substituabilité du pétrole par d’autres ressources est limitée parce que les énergies renouvelables ne peuvent atteindre la puissance (énergie par unité de temps) du pétrole. Il paraît aussi impossible de substituer aux énergies fossiles des ressources alternative en volume équivalent. Il faut donc passer à l’action sans perdre un instant car l’inertie de notre système économique (course au gigantisme des infrastructures de transport et de communication, extension du périurbain, explosion du trafic aérien à bas coût, dispersion des hypermarchés de périphérie, renforcement d’une agriculture productiviste…) ont besoin de quelques décennies pour se transformer radicalement sans chaos. Attendre serait proprement suicidaire 

Nous devons nous guérir de la schizophrénie de nos investissements économiques. Voici un simple exemple : nous continuons à subventionner les énergies fossiles à hauteur de plus de 400 milliards d’euros par an sous forme d’exonérations, de défiscalisations et de subventions. Or les externalités négatives des énergies fossiles en termes de pollution, de santé et de dégradations environnementales, sans compter les conflits provoqués, représentent à peu près 4000 milliards d’euros. Donc nous dépassons 400 milliards pour amplifier un phénomène qui nous en coûte 4000. Ces 4400 milliards contribuent à nous enfoncer dans un système qui nous conduit au chaos. Des permis de prospection pétrolière sont encore délivrés en France alors que tenir les objectifs climatiques implique de renoncer à exploiter les trois quarts des énergies fossiles encore enfouies sous nos pieds. Nous ne sommes pas encore préparés à renoncer à exploiter une matière précieuse qu’il suffit d’extraire. Pourtant renoncer, c’est choisir.

Il n’y a pas d’autre solution que la réduction de la consommation énergétique globale. La communauté scientifique estime qu’il faut diviser par deux au moins les émissions planétaires de gaz à effet de serre d’ici 2050, en passant d’un peu plus d’une tonne de carbone en moyenne par personne à 500 kilos environ. Cela signifie une division des émissions par quatre en France (et par plus de dix aux États-Unis). Avec l’objectif « facteur 4 », c’est d’ailleurs ce que le gouvernement français s’est engagé à mettre en œuvre depuis longtemps. Il faut introduire une taxe progressive et continue sur toutes les sources d’énergie à base de carbone. En renchérissant le prix de l’énergie fossile, on privilégie la responsabilisation de chaque producteur et de chaque consommateur, afin qu’il programme ses activités en évitant les surcoûts énergétiques. Des habitudes considérées comme « normales » (circuler en voiture à sa guise, brancher la climatisation, manger des tomates toute l’année…) devront évoluer dans le sens d’un civisme écologique. Le principal déterminant de la consommation d’énergie, c’est le prix ou, plus exactement, la fraction de pouvoir d’achat qu’il est nécessaire de consacrer à l’énergie. Dans le programme du présidentiable Macron, il était écrit : « Demain, nous engagerons une rupture profonde avec le modèle productif existant largement fondé sur la consommation d’énergies fossiles. Pour cela, nous porterons une volonté de sobriété et d’efficacité énergétique. Nous ferons de la réduction des émissions de gaz à effet de serre la priorité de la politique énergétique. Nous fermerons les centrales à charbon restantes en 5 ans. Nous ferons évoluer les comportements en augmentant le prix du carbone ; la taxe carbone atteindra 100 €/tCO2 en 2030. » Début juillet 2017, j’estimais que la taxe carbone devrait passer de 30,5 euros la tonne aujourd’hui à nettement plus de 100 euros à l’horizon 2030. Ce chiffre est retenu par la dernière loi de programmation énergétique. Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de l’essence sera également confirmé, au rythme de plus 2,6 centimes par litre de gazole chaque année sur quatre ans. Osons nous affranchir du pétrole, du charbon, du gaz. Osons le soleil, le vent, l’eau, la mer comme seules énergies.

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Nicolas Hulot et la DECROISSANCE

Les extraits suivants ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

A mes yeux comme à ceux de tous les écologistes, la question centrale qui se pose désormais est celle-ci : la croissance est-elle la solution ou le problème ? La réponse ne souffre guère de doute, nous nous heurtons aux limites de la planète. Un élève de CM1 peut comprendre que si notre appétit augmente alors que notre potager demeure à taille fixe, il ne peut y avoir de dénouement heureux. Et pourtant ! Tous les jours j’entends ou je lis l’affirmation que l’économie va repartir comme avant. Dans notre système, une croissance à deux chiffres est une bonne nouvelle, alors que c’est la pire des choses pour l’écologie. Nous consommons chaque jour ce que la nature a mis dix mille jours à commettre. Nous devrions nous soumettre au rendement de la nature. Nous ne pouvons qu’être effarés de notre propre aveuglement. Au nom de l’exigence d’un progrès devenu fou, les pires atteintes à la dignité du vivant, les plus brutales agressions envers l’environnement, les inégalités sociales criantes, le mépris croissant envers la beauté et le bonheur de vivre se sont accrus de façon inexorable.

Contrairement à ce que prétendent les statistiques économiques, nous sommes en période de décroissance depuis le milieu du XXe siècle. La croissance économique s’est faite aux dépens d’une forte décroissance du capital naturel. Il est tout de même étonnant que le monde capitaliste ait exclu le capital nature de ses calculs. J’ai toujours déploré l’abus que l’on fait de l’expression « développement durable ». J’ai parfois l’impression qu’il ne s’agit plus que d’une camomille mielleuse destinée à rendre plus digeste nos excès. Car il porte en lui-même une ambiguïté : de quel développement parlons-nous ? L’urgence écologique et sociale nous dicte-t-elle d’aller sur Mars ou de réduire la pauvreté et protéger la planète ? Existe-t-il une alternative entre la décroissance subie et la décroissance conduite ? Je voudrais revenir sur cette idée de décroissance. Sur la finalité, je suis convaincu du bien-fondé de la décroissance économique. Mais l’opérer engendrerait de tels bouleversements, de telles résistance et de tels affrontements que nous ne serions pas gagnants. Je ne vois pas comment nous pourrions imposer une décroissance économique dès demain sans provoquer un séisme social et économique, c’est une question de réalisme. Quand les adeptes de la décroissance me disent que nous sommes utilisés par le système, peut-être ont-ils raison ; mais qu’ont-ils obtenu avec leur prétendue pureté et leur radicalité politique ? A défaut de la notion idéale qui reste à inventer, celle de croissance sélective doublée d’une décroissance choisie peut rester l’ultime voie. Elle contient en elle-même le principe du choix : décider quels sont les flux compatibles avec la contrainte physique et quels sont ceux qu’il faut tarir. L’exemple des ressources halieutiques est à cet égard patent ; les suspendre pour laisser à la ressource le temps de se régénérer relève du bon sens le plus élémentaire. Nous avons abusé de tout en tout. Par conséquent, il s’agit de fixer des limites à notre avidité et à notre cupidité. La société à venir devra mettre fin à la surenchère, choisir ce qui doit continuer à croître et ce qui doit commencer à décroître : moins de biens, plus de liens ! La révolution écologique doit s’orienter vers la compréhension de la plus précieuse ressource sur Terre : nous-mêmes. Cette révolution est spirituelle, avec une règle d’or : de la mesure dans toutes chose. De la modération, de la régulation, de la sobriété partout. Économiser pour pouvoir partager, tel est notre principal devoir !

On aura du mal à demander aux gens d’aller vers une société de privation, mais pourquoi pas vers une société de modération ? Séparons l’essentiel du superflu, interrogeons-nous sur la légitimé de nos actes les plus quotidiens. Est-ce utile, Puis-je m’en passer ? J’aime beaucoup l’idée d’abondance frugale. J’ai lu ce terme pour la première fois sous la plume de Jean-Baptiste de Foucault, qui est un ancien commissaire au Plan. L’abondance n’a rien à voir avec l’opulence, c’est le fait que chacun dispose de ce dont il a besoin, mais de manière frugale. Notre société est condamnée à faire mieux avec moins. Si le changement est subi, les premières victimes seront toujours les mêmes, mais nous prendrons aussi notre part en deuxième ligne. Alors on peut en tout cas choisir une décroissance énergétique. Si nous ne l’organisons pas, elle va s’imposer d’elle même.Si nous laissons perdurer la situation actuelle, nous risquons d’entrer dans une société de privation, avec ses systèmes de quotas, ses cartes de rationnement et tout ce que cela peut compter d’atteintes aux libertés. Le meilleur moyen de s’y opposer, consiste à mettre en place sans plus tarder une société de modération.

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Nicolas Hulot et la DÉMOCRATIE

Les extraits suivants ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

La démocratie participative est un chemin semé d’embûches. Les référendums locaux donnent un résultat à l’image des citoyens. Il suffit parfois de distribuer des prébendes pour que le projet le plus néfaste obtienne quand même un plébiscite. La Fondation Nicolas Hulot avait lancé pour sa part l’idée d’une sorte de jury composé de citoyens tirés au sort. Plus connu sous le nom de conférence de consensus, cette procédure mérite d’être généralisée. Aujourd’hui les procédures de consultation du public sont purement symbolique. Elles tiennent très rarement compte des prescriptions de la société civile et elles créent une grande frustration. Parfois ce sont de simples habillages pour valider des décisions qui sont prises en amont. Nous avons besoin d’une réglementation pour une transparence totale de l’action de lobbying sur les plans nationaux, européen et international. J’ai suffisamment côtoyé le pouvoir pour savoir que les politiques en exercice ont été dépossédés de leurs prérogatives au fil du temps. C’est un vrai problème de démocratie. Si l’on veut que le monde change, il faut que le citoyen se l’approprie et co-construise la mutation. Il doit y avoir une vraie connexion entre la politique et les individus.

Le jeudi 15 février 2018, les sénateurs ont adopté définitivement le projet de loi ratifiant deux ordonnances visant à « clarifier et simplifier le droit environnemental », le but étant de favoriser l’acceptabilité d’un projet et d’en réduire les délais. En matière de participation, la loi prévoit désormais que la concertation préalable pourra porter sur l’opportunité du projet. Le problème n’est pas tant de savoir comment on va réaliser un projet, mais s’il est utile, si on doit le faire. Mais quand on regarde de près le détail de l’ordonnance, rien n’est dit des garanties sur l’organisation de ce débat, ni sur l’indépendance de l’expertise. Un danger provient d’autres textes législatifs, notamment le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), déposé sur le bureau de l’assemblée nationale fin novembre 2017. Son article 33 permet de « simplifier la procédure de participation du public applicable à certains projets soumis aux législations sur l’eau et sur les installations classées pour la protection de l’environnement ». Il prévoit ainsi qu’en cas de procédure d’une concertation en amont d’un projet, on puisse « remplacer en aval l’enquête publique par une participation du public par voie électronique ». Les dispositions prévues par le projet de loi Essoc sont complètement dans la philosophie de « prendre du temps avant pour en gagner après ». Le ministère ne voit pas de contradiction entre la volonté de renforcer la démocratie environnementale et une simplification des procédures.

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