anthropisation

image du futur

« Les racines brisent les marches des temples et culbutent les bas reliefs, il ne reste que ruines. Les cités mayas, disséminés du Honduras  jusqu’au Chiapas, sont couvertes par la végétation. Ses dirigeants ont rompu un délicat équilibre écologique parce qu’ils se croyaient tout permis. Les élites ont sacrifié leur environnement à leurs rêves de magnificence : nous n’avons pas fini d’en tirer les leçons. » (LeMonde du 14 février)

Dans son livre de 2006, « Effondrement » (comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie), Jared Diamond analysait l’échec de la civilisation maya, prémonitoire de ce qui peut arriver à la civilisation thermo-industrielle. Couvrant un territoire allant de l’actuel Yucatan (Mexique) jusqu’au Honduras, cette nation comptait à son apogée quelque quinze millions d’habitants. En quelques générations la société s’est effondrée, laissant derrière elles des villes désertées, des routes commerciales abandonnées et des pyramides en ruines. L’hypothèse climatologique de ce déclin semble aujourd’hui confirmée : c’est une période de sécheresse excessive qui serait à l’origine de cet effondrement entre 750 et 950 de notre ère. L’apogée de la consommation de ressources et de la production de déchets implique l’apogée de l’impact sur l’environnement, au risque de dépassement des ressources. Il n’est donc pas étonnant que le déclin ait tendance à suivre de près l’apogée.

              Aujourd’hui notre planète tout entière se retrouve face à une situation similaire aux Mayas, le réchauffement climatique, la surpopulation, les guerres intestines, les conflits sociaux, la déforestation. Pour Jared Diamond, la principale raison d’espérer est l’interconnexion du monde contemporain globalisé. Aujourd’hui, le flux d’information nous apprend en temps réel ce qui advient partout dans le reste du monde. Par ailleurs nous accumulons des connaissances sur l’effondrement des sociétés d’autrefois afin de tirer un bénéfice concret de ce savoir. Cette intelligence du temps et de l’espace serait notre chance. Il a donc écrit ce livre avec l’espoir de contribuer à ce qu’un nombre suffisant de nos contemporains saisissent cette chance et fassent la différence.

Il savait pourtant que les élites vont tout faire pour ne pas prendre les décisions qui s’imposent, mieux vaut soutenir les rêves de magnificence. Aujourd’hui nous nous croyons tout permis, on ne jure que par la croissance économique (qu’il faut relancer) et par la pouvoir d’achat (qui doit toujours croître). Or consommation rime avec destruction de ressources naturelles. Nos routes seront un jour recouvertes de sable ou de terre, nos villes seront envahies par la végétation, notre avenir ressemblera à la destinée de la civilisation maya…

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ségrégations spatiales

L’ancien footballeur Lilian Thuram, avec sa fondation Education contre le racisme, voudrait que tout le monde sache qu’il n’y a qu’une seule race – l’Homo sapiens – et que tous nos ancêtres sont communs et viennent d’Afrique » (Le Monde du 4 février). Il est sûr que cela résoudrait grandement le problème du racisme. Mais le racisme actuel est beaucoup plus subtil.

La biologie et la génétique ont supprimé toute base objective aux stéréotypes liés à l’apparence. Les premières études sur les groupes sanguins menées à partir de 1914 montraient que leur répartition en Europe n’obéissait à aucune logique raciale. Depuis, les analyses effectuées un peu partout dans le monde démontrent que les caractères génétiques ainsi que les groupes sanguins, les groupes d’histocompatibilité comme les facteurs enzymatiques sont présents dans la totalité des populations. Blanc ou Noir, une proportion différente de mélanine, pas plus. La dispersion géographique de notre ancêtre commun africain n’a commencé qu’il y a 150 000 ou 200 000 ans, pas assez pour se diversifier biologiquement de manière significative.

Mais dans le discours des racistes modernes, ce ne sont plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et dorénavant le marché de l’emploi. Le racisme n’est plus lié aux gènes, mais à l’ethnie ou à la nationalité. Dans le même numéro du Monde, les grèves sauvages se répandent en Grande-Bretagne contre l’emploi de main d’œuvre étrangère en ces temps de récession. « UK jobs for British Workers » est même devenu le slogan porté par le Premier ministre Gordon Brown. Alors on met en place la ségrégation même contre d’autres travailleurs européens, des Italiens, des Portugais ou des Polonais.

Contre l’enfermement planétaire sur une Terre  devenue trop petite, la résurgence xénophobe se généralise ; le racisme avance masqué. Il semble certain que les migrations massives sont derrière nous, tous les écosystèmes sont occupés et pillés. Chaque peuple devra gérer son propre territoire dans des frontières difficilement définissables : malgré notre unité d’homo sapiens, les lendemains s’annoncent sombres.

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coût de la complexité

 Les experts américains du FBI parlent en ce début d’année 2009 de cybergeddon ou apocalypse cybernétique. Dans notre société dite avancée, tout ce qui est important est lié, voire contrôlé, par les ordinateurs. Une attaque informatique mettrait en péril la sécurité d’une nation développée (LeMonde du 8 janvier). Cette crainte du cyberterrorisme n’est sans doute qu’un moyen de réclamer plus de moyens pour la cyberpolice déjà omniprésente. Plus grave est l’incapacité de notre société à maîtriser les coûts de la complexité.            

Pour Lewis Mumford dans Les transformations de l’homme (1956), l’homme a perdu avec la société thermo-industrielle le secret de son humanisation. Il prévoyait que le développement à venir des systèmes cybernétiques permettraient de prendre des décisions sur des sujets excédant les capacités humaines de calcul. Ce faisant, « l’homme posthistorique est sur le point d’évincer le seul organe humain dont il fasse quelques cas : le lobe frontal de son cerveau ».  En érigeant en absolus les connaissances scientifiques et les inventions techniques, il a transformé la puissance matérielle en impuissance humaine. L’homme moderne s’est dépersonnalisé si profondément qu’il n’est plus assez d’hommes pour tenir tête aux machines. Un système automatique fonctionne mieux avec des gens anonymes, sans mérite particulier, qui sont en fait des rouages amovibles et interchangeables. Nous ne maîtrisons plus la chaîne de la spécialisation des tâches, rendant chaque individu complètement dépendant de la bonne marche de la société. Plus la division du travail est poussée, plus la société est fragile.            

Pour Al Gore dans Urgence planète Terre (2007), nous avons avec l’ordinateur industrialisé la production d’informations en oubliant de tenir compte de notre capacité limitée à assimiler les connaissances nouvelles. Il y a tant d’informations nouvelles produites chaque jour que leur avalanche a étouffé le lent mécanisme de maturation qui change la connaissance en sagesse. De plus, la crise de l’environnement illustre la confiance suprême en notre capacité à relever n’importe quel défi en rassemblant à son sujet des tonnes d’informations, en les divisant en éléments simples à étudier et en trouvant finalement la solution technique. Mais l’idée selon laquelle de nouvelles technologies peuvent résoudre tous nos problèmes constitue l’élément central d’un mode de pensée défaillant. La technologie ne résout plus le problème, elle devient aussi le problème. 

Terminons avec le blocage énergétique qui représente l’autre facette du blocage informatique. Pour Richard Heinberg dans Pétrole, la fête est finie ! (traduction française, 2003), entre 2 et 5 milliards d’êtres humains n’existeraient probablement pas sans les combustibles fossiles. Lorsque l’afflux d’énergie commencera à décliner, l’ensemble de la population  pourrait se retrouver dans une situation pire encore que si les combustibles fossiles n’avaient jamais été découverts. Les sociétés  complexes tendent à s’effondrer car leurs stratégies de captage de l’énergie sont sujettes à la loi des rendements décroissants. En effet les coûts d’entretien engendrés par chaque individu augmente avec la complexification sociale de telle façon qu’on doit allouer une proportion croissante du budget énergétique au fonctionnement des institutions organisationnelles. Alors que des points de tensions émergent nécessairement, de nouvelles solutions organisationnelles doivent être échafaudées à des coûts croissants jusqu’à l’effondrement final.

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CGLU abscons

Nous sommes tel que notre groupe d’appartenance nous fabrique. Hélène Gateau est secrétaire générale de l’organisation Cités et gouvernements locaux unis (CGLU). Hélène ne peut donc que célébrer la ville et ses intérêts. Elle ne peut que regretter que « les villes sont généralement les grandes absentes des négociations internationales » (LeMonde du 26 décembre 2008). A son avis, c’est via les villes que la Banque mondiale peut investir dans des projets de développement. Elle croit constater que nous faisons semblant de ne pas voir qu’il y a une urbanisation massive. Elle commence à faire des procès aux aveugles, mais c’est pour mieux souligner son propre aveuglement : «  Il y a encore un lobby rural très puissant dans certaines agences de Nations unies, qui défend une vision nostalgique de la campagne et alimente la croyance que les millions de migrants qui viennent grossir les bidonvilles finiront par partir. La crise est toujours ressentie plus durement dans les campagnes. Même dans un bidonville, on s’en sort mieux : la ville est une solutions aux problèmes des gens ».

 Quand la famine guettera les villes après le choc pétrolier ultime, il vaudra mieux être au plus près de la Terre nourricière qu’au plus  éloigné dans les banlieues des grandes villes.

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servitude volontaire

Le tyran de la Guinée, Lansana Conté, est mort de mort naturelle (nécrologie du Monde, 25 décembre). Pourquoi donc a-t-il pu rester tant de temps au pouvoir, 24 longues années? La réponse avait déjà été formulée clairement dès 1576. C’est l’ami de Montaigne, Etienne de La Boétie, qui analysait les bases de notre esclavage dans son essai sur La servitude volontaire :

« Comment il peut se faire que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a de pouvoir de leur nuire sinon tant qu’ils ont vouloir de l’endurer, qui ne saurait leur faire mal aucun sinon lorsqu’ils aiment mieux le souffrir que le contredire (…) Plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent et détruisent, plus on leur donne, plus on les sert, de tant plus ils se fortifient  et deviennent toujours plus forts. Si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point, ils demeurent nus et défaits, et ne sont rien, sinon que, comme la racine n’ayant plus d’aliment, la branche devient sèche et morte ».

            Lansana Conté a succédé à un régime policier honni, celui de Sékou Touré, pour mettre en place le même système d’oppression. Les derniers temps de Lansana Conté, il ne se passait pas une semaine sans que la répression ne fasse au moins une victime dans la plus totale impunité. Même quand il était mourant, personne n’osait le contester et encore moins prendre le pouvoir. Toujours les effets de la servitude volontaire. Même le verdict des urnes renforce habituellement le tyran. Là encore La Boétie nous trace parfaitement ce qu’on appelle aujourd’hui la société du spectacle : « A la vérité, c’est le naturel du menu peuple d’être soupçonneux à l’endroit de celui qui l’aime, et naïf envers celui qui le trompe. Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les médailles et autres choses de peu, c’étaient les appâts de la servitude, les outils de la tyrannie ».

Un seul remède quand tout un peuple pratique assidûment la soumission volontaire, l’action solitaire de qui n’accepte pas l’exploitation/aliénation des individus. La Boétie nous donne quelques exemples historiques : « Qui voudra bien passer en revue les faits du temps passé, il s’en trouvera peu de ceux qui, voyant leur pays malmené et en mauvaises mains, aient entrepris, d’une intention bonne et entière, de le délivrer. Harmodios, Aristogiton, Thrasybule, Brutus le Vieux, Valérius et Dion, comme ils l’ont vertueusement pensé, l’exécutèrent heureusement ». (ndlr : tous ces personnages ont  chassé ou tué le tyran qui oppressait la cité).

Staline est mort seul dans sa chambre, personne n’osant aller voir ce qu’il en advenait du petit père des peuples. Hitler est passé à côté de quelques attentats, mais cela aurait pu aussi bien réussir. Si les dictateurs en herbe savaient qu’ils ne peuvent compter sur personne car quiconque peut abréger à tout moment le temps de leur forfaiture, il n’y aurait plus de dictature. Les citoyens ne lisent pas assez le petit texte d’Etienne de La Boétie.

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mondialisation destructrice

Les humains ont tressé la corde pour se pendre en inventant le libre-échange et la mondialisation financière. Les pays d’Asie ont été la cible de la première mondialisation commerciale : les Anglais colonisèrent d’abord le sous-continent indien, puis forcèrent la Chine à se soumettre à son diktat après les guerres de l’opium (1839-1842 et 1858-1860) menées au nom du « libre-échange ». Les usines de Manchester pillaient les matières premières pour les transformer en textiles industriels, mais le produit de ces ventes ne suffisaient pas à financer leurs achats de soie, thés ou porcelaines chinoises. Pour se procurer un excédent commercial, les Anglais développèrent alors la production de pavot sur une grande échelle au Bengale afin de vendre de l’opium aux Chinois. Les flux croissants des sorties d’or et les effets catastrophiques de la consommation d’opium sur la population poussèrent l’empereur de Chine à faire détruire les cargaisons anglaises en 1838. Il déclarait : «  Ce peuple (les Anglais), n’ayant pas de quoi vivre chez lui, cherche à asservir les autres pays dont il débilite d’abord les habitants. »

Malgré le bon sens de ces propos, il a du s’incliner devant les troupes britanniques. Juste retour des choses, les pays du Nord subissent maintenant l’offensive commerciale et financière provenant des pays du Sud, par exemple l’OPA en 2006 de l’indien Mittal Steel sur Arcelor. Aujourd’hui ArcelorMittal supprime 9000 emplois (LeMonde du 29 novembre).             Dommage que toutes les régions du monde ait abandonné le précepte maoïste « compter sur ses propres forces ». Mais la fin du libre-échange est programmée puisque ce sont les plus forts qui fixent les règles, et ce sont encore les pays occidentaux. Comme disait le Premier ministre Fillon, faut faire du patriotisme économique ! En fait la mondialisation prédatrice en matières premières et destructrice des équilibres sociaux locaux perturbe la Biosphère, donc les sociétés humaines. Il n’y a de solution durable que la relocalisation des activités ; il faut apprendre à vivre en symbiose avec l’écosystème le plus proche de soi.

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esclaves chinois

LeMonde du 22 novembre relate un évènement conjoncturel sur les affrontements entre paysans chinois et policiers à Longnan sur fond de crise sociale. Un simple épisode parmi d’autres de la violence dans les provinces chinoises. Si on en reste là, pas de quoi fouetter un chat. L’éditorial s’essaye pourtant à une véritable analyse de fond sur le flot de travailleurs migrants venus des  campagnes qui retournent chez eux suite à la crise financière : « La fracture sociale pourrait alimenter l’instabilité du monde paysan ». Je reste encore sur ma faim, il me faut donc apporter d’autres éléments de réflexion..

Leur statut de « rural » (le hukou) interdit aux paysans chinois de s’installer en ville. Par ce moyen, l’Etat avait pu pendant longtemps freiner l’urbanisation. Mais avec la conversion du communisme chinois au libéralisme industriel, il y a aujourd’hui quelque 150 millions de mingong, ces paysans-ouvriers privés de droit et de moyens de négociation dans les mines et les industries parce que sacrifiés à la croissance économique. Tout était bon pour les faire quitter la terre : en  2003, on pouvait estimer que 6,7 millions d’hectares avaient déjà été convertis en terrains constructibles et les paysans spoliés n’obtenaient que 10 % environ du prix du marché. Les potentats locaux continuent à escamoter chaque année 20 000 hectares de terres agricoles en ayant recours à la police ou à des hommes de main. Même le directeur de l’Institut du développement rural (Pékin) pensait il y a peu que la croissance économique est tirée par trois chevaux, l’investissement, l’exportation et la consommation interne. Même Le Monde nous laisse croire qu’il ne faut pas que la croissance chinoise tombe sous la barre des 8 % en 2009.

Dommage que les faux analystes nous cachent que c’est la croissance et l’urbanisation qui sont les causes des maux actuels. Le taux de croissance est un objet de culte, pas une solution. La réalité s’impose, les mingong n’étaient pas les bienvenus dans les rangs du capitalisme moribond ! Ils n’ont été que les esclaves temporaires  du système thermo-industriel.

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occupation visuelle

La page planète (LeMonde du 19 novembre) nous présente des rapprochements saisissants. En demi-page en haut un article avec photo sur ces vieux qui vivent « sans incapacité » jusqu’à 68 ans dans l’UE. En dessous un graphique sur le thon rouge menacé d’extinction. Pendant combien de temps les vieux pourront-ils encore manger les espèces en haut de la chaîne alimentaire pour rester en bonne santé ? Pour le reste de la page, on apprend que les souris nourries au maïs Mon 810 se reproduisent moins bien que les autres. Y aura-t-il assez d’enfants pour faire encore des vieux en bonne santé ? La page suivante sur ma planète indique que des vieux comme Giscard d’Estaing entravent le développement de l’éolien. Les vieux auront-ils assez d’énergie à consommer pour pallier leur manque d’énergie ?

Le principal motif d’opposition de VGE à l’éolien, à part son soutien au nucléaire qu’il a contribué à lancer quand il était jeune, provient de son amour pour les beaux paysages. Il est vrai qu’à terme les éoliennes risquent d’occuper visuellement un dixième de la France, dixit mon quotidien préféré. Et jusqu’à 100 % ! Vraiment hallucinante cette expression d’« occupation visuelle ». Moi qui croyais que les fils électriques polluaient déjà les paysages, même au plus profond des montagnes. Moi qui croyais que c’était le bitume des routes et autoroutes qui non seulement occupait l’espace mais fragmentait aussi les écosystèmes. Moi qui croyais que la pollution visuelle principale, c’était le fait des villes qui envahissent les campagnes.

Jeunes et vieux, thonidés et OGM, éolien et paysages, énergie et infrastructures collectives, tout est relié mais on ne le sait pas encore, chacun enfermé dans sa bulle plus ou moins confortable. Ce que je pense, c’est que la courbe de l’espérance de vie s’inversera un jour, l’humanité fait aujourd’hui trop de conneries pour qu’il en soit autrement.

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l’insurrection qui vient

Dix personnes soupçonnées d’avoir saboté des  caténaires SNCF sont en garde à vue. Quelles seraient les motivations de ces terroristes ? Dans un livre, L’insurrection qui vient, il s’agirait de « tout bloquer, voilà désormais le premier réflexe de tout ce qui se dresse… Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique ». Tels seraient les moyens à utiliser, mais je ne vois pas l’objectif, à quoi sert-il de bloquer pour bloquer ? Cela se fait déjà, grève des pilotes d’avion un jour, des agents SNCF un autre jour, et les enseignants, etc. Les grévistes se croient dans leur bon droit de défense des acquis sociaux, mais quel but poursuivent les apprentis terroristes ? J’ai une réponse historique à leur fournir, bloquer le système, casser des machines, c’est le but des luddites.

Sale Kirkpatrick, dans La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation, donnait quelques pistes de réflexion : « Comme l’anticipait le panneau surplombant les portes de l’Exposition universelle de Chicago en 1933, la science explore, la technologie exécute, l’Homme se conforme. Personne n’a voté pour ces technologies. Il semble même que les décisions qui concernent les hommes soient prises de plus en plus en fonction de la technologie, et non le contraire (…) La vie humaine est de moins en moins liée aux autres espèces, aux systèmes naturels, aux conditions saisonnières et locales. A revers, elle est de plus en plus rivée à la technosphère, aux milieux artificiels, aux conditions et aux protocoles industriels, et même aux formes de vie crées par l’homme (…) Les luddites (les objecteurs de croissance) ne sont pas opposés à toutes les machines, mais à toutes les machines préjudiciables à la communauté, comme le dit une lettre de mars 1812. »  

Dans ce contexte défini par les luddites début XIXe siècle, il me parait aujourd’hui toujours souhaitable de résister à l’emprise technologique. Ce n’est pas de transports à grande vitesse dont on a besoin, mais de moyens de cultiver les liens de proximité pour une société conviviale et respectueuse de la nature. Je comprends ceux qui s’enchaînent sur des voies ferrées pour bloquer un convoi chargé de substances nucléaires, je conçois qu’un jour ou l’autre des militants bloqueront des LGV ou des autoroutes. Le sabotage par la non-violence serait une arme de destruction massive si elle était utilisée à bon escient dans un pays démocratique. Mais il faut le faire à visage découvert car ce qui importe, c’est le fait de sensibiliser la population.

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mal à ma planète

Les titres de la page planète (LeMonde du 31 octobre) sont éloquents, « A la frontière jordanienne, l’exploitation effrénée d’une mine d’or bleu à durée limitée » ou « L’amiante devrait échapper à l’inscription sur une liste internationale de produits dangereux ». Ainsi va l’existence quotidienne d’une société thermo-industrielle et surpeuplée, on pille sans scrupules ni considération des générations futures. En Jordanie, l’eau était restée 36 000 ans sous terre, piégée à une époque où le climat de la région était humide. On effectue aujourd’hui une exploitation minière de l’eau, les nappes ne se reconstituent pas, ce n’est pas durable. Pour satisfaire l’industrie canadienne, l’amiante chrysotile, la forme la plus toxique de cette fibre minérale, ne devrait pas être inscrite sur la liste des 39 produits chimiques dangereux. 

Les agriculteurs jordaniens sont complices, le ministère canadien est complice. Mon quotidien préféré constate que tout va mal et qu’on ne peut rien faire pour arrêter les désastres en cours. Je suis devant mon clavier d’ordinateur, et je ne peux rien faire de plus si ce n’est d’avoir mal à ma planète. Puisse cette conscience des choses se répandre…

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transhumanisme

En Côte d’Ivoire, la population de chimpanzé en liberté a diminué de 90 % en moins de vingt ans. Comptant en 1990 entre 8 000 et 12 000 chimpanzés, leur nombre a été divisé par dix, tombant à un millier d’individus au maximum par un décompte de 2007 (LeMonde du 23 octobre 2008). Le chimpanzé est notre plus proche cousin, et à vrai dire, de sa disparition on se fout complètement. Si on voulait sauver les grands singes, ce serait pour sauver la forêt tropicale pour nous sauver de la perturbation climatique. Mais le réchauffement climatique, on s’en fout aussi. Comme l’écrit la journaliste, « l’humanité peut sans doute se passer des grands singes », comme elle peut aussi se passer des forêts primaires : il suffit de planter de beaux arbres alignés pour produire des agrocarburants, et après nous le déluge.

 Si la population humaine était divisée par dix, nous serions encore plus de 600 millions, soit beaucoup trop par rapport au nombre de chimpanzés. Car les grands singes et les baleines peuvent aussi très bien se passer des humains. D’ailleurs ils auraient le plus grand intérêt à nous éliminer s’ils en avaient les moyens. Mais la puissance des armes, et du nombre, et des besoins, et de la vanité, est du côté de l’homo sapiens. Nous préférons rouler en bagnole individuelle au détriment de la planète, nous préférons nourrir une pullulation humaine au prix de la destruction de la biodiversité, nous allons même vers le délire transhumaniste, cette volonté techno-scientifique d’améliorer les performances humaines en couplant notre corps et notre cerveau avec des prothèses.  

Mieux vaudrait pratiquer le transhumanisme véritable,  cette vision d’un humanisme ouvert et élargi qui ne chercherait plus à accroître la domination humaine, mais simplement à vivre en harmonie avec toutes les formes du vivant. Il nous faudra pour cela abandonner notre anthropocentrisme exacerbé.

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coupable et responsable

C’est une ministre, Georgina Dufoix, qui se déclarait « responsable mais pas coupable » dans le scandale du sang contaminé. C’est une association belge qui refuse « la culpabilisation » et « ne veut pas se transformer en tribunal qui dénoncerait des responsables, mettrait en accusation l’industrie pétrolière ou l’automobile ». Cette association dit aussi refuser le catastrophisme et organise pourtant une exposition qui met en évidence la récente et brutale accélération des activités humaines et leur corollaire d’épuisement des ressources et d’émissions de CO2. (LeMonde du 18 octobre 2008)

Présenter la catastrophe en marche n’est pas faire du catastrophisme, nier notre coupable responsabilité, c’est accélérer la venue de la catastrophe. Nous sommes responsables de l’extinction des espèces, nous sommes responsables de la perturbation climatique, nous sommes responsables de notre pullulation démographique, nous sommes sains d’esprit, donc nous pouvons être jugés coupable. Et c’est un sentiment de culpabilité qui pourra provoquer la conscience de notre responsabilité. Culpabilité et responsabilité sont indissolublement reliées, l’industrie pétrolière et automobile est aussi coupable que le commun des automobilistes.

 LeMonde se retranche derrière les propos d’un administrateur de l’exposition « C’est notre Terre ! », pour écrire que la prudence se ressent à l’heure d’esquisser des solutions puisque « une action qu’on croit bonne aujourd’hui pourra se révéler mauvaise demain ». Faudrait-il croiser les bras devant le krach écologique ? Mon quotidien préféré relaye sans commentaire l’action d’une association qui se contente d’affirmer sa « foi dans le progrès scientifique et technique »,  tout en accusant « la pensée religieuse sur le développement durable ». Que faut-il penser d’une pensée non définie face à un acte de foi ? Comment voulez-vous qu’un lecteur s’y retrouve ? Le journaliste Grégoire Allix aurait du relire sa copie, elle ne mérite pas l’encre pour l’écrire…

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enfermement

            La crise écologique est un facteur croissant de migrations (LeMonde du 14 octobre). Il y a ceux que les eaux vont envahir (le nombre de réfugiés climatique est évalué à 200 millions en 2050) ; il y a ceux dont la terre se désertifie et qui manquent d’eau ! Mais les pays riches se ferment aux migrations et les migrations internes accroissent l’appauvrissement des pays du Tiers Monde. Voyager à travers le monde est facile pour les touristes de la classe globale, il n’y a aucune protection juridique pour les autres. Les plus vulnérables sont coincés, ils ne peuvent plus migrer. Nous allons donc acquérir de plus en plus un sentiment d’enfermement.

            C’est le phénomène que décrit André Lebeau dans son dernier livre, L’enfermement planétaire : « L’idée que l’homme se forme le plus communément de sa place dans l’Univers ne comporte pas cette perception de l’enfermement planétaire(…) Les formes que va revêtir la collision de l’humanité avec les limites de la planète seront régis par les  comportements collectifs de l’espèce(…) Ce qui est parfaitement envisageable, c’est une régression de la société humaine. »

             Heureusement il y a encore un espoir : « La clarté de la vision d’un individu isolé, la pertinence de ses préconisations n’ont évidemment aucun effet à moins que, d’une façon ou d’une autre, ils ne se propagent et ne déterminent des comportements collectifs ». André Lebeau n’a aucune solution à nous proposer, il existe pourtant bien des pistes non violentes, la limitation de la population humaine, la limitation des besoins de la classe globale (celle qui croit qu’elle peut impunément disposer d’une voiture personnelle), la limitation drastique des revenus, le sens du partage…

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l’après-capitalisme

Selon Immanuel Wallerstein, inspirateur du mouvement altermondialiste, « Le capitalisme touche à sa fin » (LeMonde du 13 septembre 2008). Oh que voilà une bonne nouvelle ! Mais pour savoir ce qui va le remplacer, circulez, y’a rien à voir : « Des solutions inattendues se construisent de façon inconsciente (…) Il faut mettre en place quelque chose d’entièrement nouveau sans que l’on sache encore quel système sortira de ces tâtonnements (…) Il est tout aussi possible de voir s’installer un système d’exploitation hélas encore plus violent que le capitalisme, que de voir au contraire se mettre en place un modèle plus égalitaire (…) Un nouveau modèle hégémonique peut mettre encore cinquante ans pour s’imposer, mais j’ignore lequel ». Quand on n’a que ça à dire, on ferme sa gueule ! Pourtant les solutions, on les connaît, on peut presque en faire dix commandements :

 Tu pratiqueras la simplicité volontaire ; Tu aimeras ta planète comme toi-même ; Tu as plus de devoirs que tu n’as de droits ; Tu réagiras toujours de façon proportionnée ; Tu protégeras l’avenir des générations futures ; Tu respecteras chaque élément de la Biosphère ; Tu ne laisseras pas les machines te dicter leur loi ; Tu adapteras ta fécondité aux capacités de  ton écosystème ; Tu ne causeras pas de blessures inutiles à ton environnement ; Tu vivras des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel.           

Depuis le néolithique, on a oublié ces principes de base, il faudrait être beaucoup moins nombreux que nos milliards actuels pour pouvoir les appliquer à nouveau. La suite va de soi…

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paysans de tous les pays, unissez-vous

Selon Julien Bouissou (LeMonde du 9 octobre), « seule l’industrie est capable d’absorber une main d’œuvre agricole en surnombre ». S’agissant de l’Inde dont le secteur agricole mobilise 60 % de la population active, autant dire que c’est un pari idiot perdu d’avance. Heureusement d’ailleurs que pour les agriculteurs indiens, l’industrialisation n’entre pas forcément dans la définition de « l’intérêt général », et ils ont raison. L’avenir est à la stabilisation des populations dans les endroits où les paysans peuvent pratiquer la souveraineté alimentaire, pas dans la fabrication de Nano-mobiles et autres gadgets à bas prix. Malheureusement le groupe Tata, s’il ne peut plus construire d’automobiles dans le Bengale occidental, se délocalise dans l’Etat du Gujarat.

Plus inquiétant encore, cet autre article dans mon quotidien préféré. Le comité central du PCC va autoriser les paysans chinois à céder leurs terres « afin de financer leur installation dans les villes ». Il faudrait favoriser les grandes exploitations mécanisées et productivistes, « plus adaptées aux impératifs de sécurité alimentaire en Chine ». Peu importe qu’il y ait explosion des bidonvilles et urbanisation de la pauvreté. En Chine populaire, 20 % de la population urbaine vit déjà dans des bidonvilles, 35 % dans l’Inde démocratique et 99,4 % en Ethiopie ou au Tchad. Dès les années 1990, la Banque mondiale prédisait que la pauvreté urbaine deviendrait « le problème le plus explosif du siècle prochain ».

 De toute façon la crise financière, l’épuisement du pétrole et le réchauffement climatique donneront raison aux paysans qui savent cultiver durablement selon les méthodes anciennes. Paysans de tous les pays, unissez-vous !

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l’âge d’or

LeMonde du 28-29 septembre interroge des spécialistes du néolithique, époque où l’espère humaine invente l’agriculture et se met à pratiquer l’élevage. Evolution positive ? On constate que l’espèce homo sapiens a pour principale distraction la destruction, même avant le néolithique : on a découvert au Soudan, vers – 12000, et près du Danube, vers – 7000, des dépouilles criblées de flèches. Il n’y a pas d’âge d’or.

Le néolithique n’a fait qu’accentuer nos tendances guerrières. Le surplus agricole  permet d’assurer une certaine sécurité alimentaire, mais une élite s’empare d’une partie de ce surplus pour accomplir ses propres fins. Vers – 4500, la société commençant à se hiérarchiser. Il y a une mobilisation d’une partie du corps social pour produire des objets de prestige pour les dominants, apparaissent aussi des signes d’activité idéologique religieuse. Le surplus agricole a créé les villes et les rois, les religions et la révolution industrielle, la suprématie de l’homme sur l’homme et la surexploitation de notre planète. C’est au néolithique qu’on assiste à l’émergence de la violence entre riches et pauvres, c’est aussi le néolithique qui s’accompagne de l’élimination de la vie sauvage et de l’extinction des espèces.

 Je ne vois d’autre issue à la folie ancestrale de l’homme qu’une socialisation qui généraliserait l’esprit de non-violence, une économie qui pratiquerait l’égalisation des conditions et une écologie qui fonderait le respect de notre planète.

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le manifeste de l’EP

En 1984, lors d’une randonnée dans la Vallée de la Mort en Californie, le philosophe Arne Naess a proposé avec George Sessions  un manifeste de l’écologie profonde en huit points clés. Voici ce texte qui met clairement en évidence la nécessité d’adopter une éthique de la Terre, que ce soit vis-à-vis des abeilles en déclin ou tout le reste du monde vivant, humains compris bien sûr :

1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

3) sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les hommes n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité.

4) l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et la situation s’aggrave rapidement.

5) l’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution.

6) les politiques doivent changer, elles doivent affecter les structures économiques, techniques et idéologiques. La situation qui résultera du changement sera profondément différente de la situation actuelle.

7) le principal changement idéologique consistera en la valorisation de la qualité de la vie plutôt que de toujours promouvoir un niveau de vie supérieur.

8) ceux qui adhèrent aux points précités ont obligation de tenter de mettre en place directement ou indirectement ces changements nécessaires.

 Personnellement, je pense que nous ne pouvons qu’adhérer à un tel programme, à la fois philosophique et militant, qui nous permet de croire à ce qui nous entoure et nous ouvre un avenir durable…

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cataclysme financier

LeMonde du 16.09.2008 nous met enfin face aux réalités présentes: « Le système financier américain s’efforce d’éviter un cataclysme ». Après moult péripéties liées à la crise des subprimes, c’est maintenant la faillite de Lehman Brothers, née en 1850, qui constitue la plus importante de toute l’histoire financière américaine. Dans un contexte historiquement jamais connu de forte interconnexion à l’échelle internationale, cette banqueroute peut signifier le risque d’un effondrement général.

 

Le même numéro du Monde analyse justement le livre du jour, « La vérité sur la crise financière ». Son auteur, le spéculateur George Soros, estime que la  crise financière qui sévit depuis plus d’un an illustre la perversité des marchés boursiers : la vérité des prix n’existe pas, il n’y a que manipulation. Une bulle formée par des crédits de plus en plus gagés sur du vent ne peut connaître en bout de course qu’une explosion finale.

 Ce krach financier n’est pour moi que le début d’une longue succession de crises en chaîne. Il suffit de se rappeler LeMonde du 29.04.2008 (supplément économie) qui intitulait son dossier : « Le XXIe siècle face à un choc d’une nature exceptionnelle ». L’avalanche des mauvaises nouvelles traduit la simultanéité de crises de nature et d’origine différentes et leurs interactions. La crise globale possède des aspects à la fois financiers, monétaires, économiques, alimentaires, énergétiques et écologiques. On commence à se souvenir des pronostics du Club de Rome en 1972 sur les limites de la croissance. Ce qui était à l’époque mon livre de chevet va dorénavant nourrir les cauchemars de tous ces politiques qui ont laissé faire les financiers. Mais certains économistes enfermés dans leurs certitudes se rassurent encore : « Nous n’affrontons pas pour le moment de crise radicale ». Pour le moment…

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les tiers-absents

Nicolas Sarkozy, sempiternel Président du minuscule royaume de France, est tenté par la « croissance verte » (LeMonde du 22.08.2008). L’Elysée voit dans la mise en œuvre des propositions du Grenelle de l’environnement un nouveau moteur économique, la promotion d’un mode de développement durable.

 

Je préfère les dessins de Serguei dans le même numéro du Monde qui nous présente un homo sapiens seul à une table de discussion, assis devant une mappemonde. S’ajoute sur les chaises différents animaux (pingouin, éléphant, lion…) et quand la salle est pleine, l’homme ouvre la séance : « Et si on essayait de résoudre le problème (de la planète) ensemble ? »

 La France n’est qu’un petit territoire qui ne peut ignorer que toute croissance détériore les écosystèmes et met en péril non seulement la biodiversité, mais aussi par là même l’avenir de l’espèce humaine. Nous devons tenir compte dans nos processus de décision des tiers-absents, à savoir les non-humains et nos générations futures. C’est seulement en agissant ainsi que nous donnerons tout son poids à l’exercice de la délibération démocratique.

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Tristes Tropiques

Dans sa rétrolecture de 1955, Roger-Pol Droit nous parle de Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss. Pour compléter, voici quelques extraits d’une pensée qui reste toujours d’actualité un demi-siècle plus tard :

 

« Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums de tropiques et la fraîcheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects. Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette civilisation occidentale n’a pas réussi à créer des merveilles sans contre-parties négatives. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. J’ai passé des semaines de ma vie d’étudiant à annoter les ouvrages que, voici cinquante ans, parfois même tout récemment, des explorateurs ont consacrés à l’étude de telle tribu qu’on me décrit comme sauvage, avant que le contact avec les blancs ne l’ait réduite à une poignée de misérable déracinés. L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat.

 

Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui. Les institutions, les mœurs et les coutumes, que j’aurai passé ma vie à inventorier et à comprendre, sont une efflorescence passagère d’une création par rapport à laquelle elles ne possèdent aucun sens, sinon peut-être celui de permettre à l’humanité de croire qu’elle y joue un rôle. Depuis qu’il a commencé à respirer et à se nourrir jusqu’à l’invention des engins atomique en passant par la découverte du feu, l’homme n’a rien fait d’autre qu’allègrement dissocier des milliards de structures pour les réduire à un état où elles ne sont plus susceptibles d’intégration. Quant aux créations de l’esprit humain, leur sens n’existe que par rapport à lui, elles se confondront au désordre dès qu’il aura disparu.

 Les hommes ne se sont jamais attaqués qu’à une seule besogne, qui est de faire une société vivable. L’âge d’or qu’une aveugle superstition avait placé derrière ou devant nous est en nous. La fraternité humaine acquiert un sens concret en nous présentant, dans la plus pauvre tribu, notre image confirmée. Depuis des millénaires, l’homme n’est parvenu qu’à se répéter. »

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