démographie

Démographie et environnement, le débat (24 oct. 2012)

Conférence-débat organisée par l’association Démographie responsable. Après un PowerPoint présenté par Hugues Stoeckel, auteur de La faim du monde, Michel Sourrouille a énoncé les termes du débat.

INTRODUCTION

Un sondage préalable auprès de l’assistance montre que personne ne voudrait d’une population de plus de 9 milliards d’habitants après 2050. A peine 10 % souhaiterait une stabilisation à ce chiffre, les autres désirant une baisse de la population mondiale. L’état d’esprit malthusien, en faveur d’une limitation des naissances, est donc un état d’esprit fréquent que ne reflète pas le comportement nataliste des politiques et des intellectuels. Alors qu’au cours des années 1970 la surpopulation mondiale était un thème qui se retrouvait dans des livres comme la Bombe P de Paul Ehrlich, avec la problématique Malthus/ Marx dans les cours de Sciences économiques et sociales et lors des conférences mondiales sur la population (1974 au Caire, 1984 à Mexico), le « politiquement correct » est sorti vainqueur de la conférence du Caire en 1994 sur la population. Le résultat principal a été l’exclusion systématique de toute considération numérique dans les discours autorisés. L’attention à la  taille de la population était devenue à tort associée à une approche coercitive, souvenir des politiques de stérilisations forcées en Inde et de la politique de l’enfant unique en Chine.

Démographie et environnement ? Il y a ceux qui gardent une option anthropocentrée : l’environnement est ce qui est tout autour de l’homme, la nature est donc au service de l’homme, peu importe l’évolution de sa population. Significatif était ce sous-titre du MONDE (14-15 octobre 2012) : « Face à l’explosion démographique, seule une réorientation de l’agriculture permettra de lutter contre la faim. » Soyons plus productif et la faim disparaîtra ! Mais il y a aussi ceux qui préfèrent parler de nature ou de biosphère plutôt que d’environnement : l’homme n’est pas au centre, il dépend des écosystèmes. On peut parler à cet égard d’écocentrisme. La fécondité humaine redevient alors une variable sur laquelle il faut agir. Car en fait la question de fond est bien celle-là : l’espèce humaine est-elle compatible avec le milieu naturel ? D’où les deux parties de l’exposé de Michel Sourrouille.

1/2) OUI, l’espèce humaine peut se multiplier

Notons d’abord que le terme « démographie » empêche toute vision idéologique. Il s’agit d’une simple description de la population, les statistiques sont reines : taux de fécondité, taux d’accroissement, niveau de population dans chaque pays, dans chaque secteur d’activité, etc. Le jugement de valeur est exclu. Depuis cinquante ans la population mondiale augmente  en moyenne d’un milliard tous les douze ans : rien à craindre pour les démographes, c’est une évolution normale, attendons la transition démographique (passage à la baisse conjointe de la natalité et de la mortalité grâce au développement économique).

On considère que la notion d’optimum démographique est inopérante. Personne ne peut définir le niveau de population qui serait le meilleur en soi. Pour un débat, on peut avoir un certain nombre de personnes assises dans une salle, un plus grand nombre en les laissant debout, un nombre plus grand encore en diffusant sur écran la séance. Culturellement, l’être humain est malléable, il peut aussi bien s’épanouir dans les grands espaces naturels que s’entasser dans des tours à plusieurs étage et des villes tentaculaires. Techniquement il croit qu’il peut pourvoir à tout problème. Actuellement Barry Commoner a gagné contre  Paul Ehrlich. Il s’appuie sur la possibilité d’une transformation technique radicale « pour satisfaire aux exigences indéniables de l’écosystème ». Les techniques agricoles ont en effet dopé la production alimentaire depuis plus d’un siècle.

Puisque tout est possible, l’intelligentsia est devenue anti-malthusienne. Les religions du « croissez et multipliez votre nombre pour dominer la planète » luttent contre l’avortement et même le préservatif. La droite, conservatrice en matière de mœurs, a combattu ardemment Simone Veil en 1974 lors du débat sur l’interruption volontaire de grossesse. Comme cette droite est aussi nationaliste, productiviste et expansionniste, fi de la maîtrise de la fécondité ! La gauche, dans le droit fil du marxisme pour lequel il faut changer les structures productives sans se soucier du nombre d’hommes, tient le même langage que la droite en soutenant les incitations publiques à la procréation. Paradoxalement le mensuel La décroissance garde une optique anti-malthusienne : « Il y a trop de voitures, le nombre d’hommes ne compte pas. » Ils rejoignent le courant humaniste qui sacralise la personne humaine et le libre choix des gens en matière de procréation.

Tout cela est une alliance au sens propre « contre nature », de ceux qui gardent une optique anthropocentrique en ignorant les contraintes naturelles.

2/2) NON, l’espèce humaine a dépassé la capacité durable de la Terre

Contrairement aux approches subjectives de la culture humaine, une démographie responsable se penche sur les réalités objectives. Les lois de la nature conditionnent les activités humaines, que ce soit le circuit économique ou le cycle reproductif. L’économie devrait être encastrée dans le social, lui-même conscient de la détermination ultime que constitue l’écologie : l’homme n’est qu’un animal au milieu des autres animaux.

Tout n’est pas possible, il y a une population limite ou capacité de charge ainsi définie par l’ONU : «  nombre d’hommes qui peuvent être entretenus sans réduire irréversiblement la capacité à les entretenir dans le futur. » Sans rentrer dans les détails, il suffit de rappeler que l’empreinte écologique de l’homme dépasse de 30 % les capacités de régénération de la planète, ce qui veut dire que nous détruisons une partie du capital naturel au détriment des générations futures. Cette année, le jour du dépassement a eu lieu le 22 août.

Robert Malthus a été le premier, à la fin du XVIIIe siècle, à porter un regard d’écologiste sur la condition humaine. Il a mis en relation l’évolution de la population et des ressources alimentaires pour en tirer une loi : alors que la population augmente très vite (de façon exponentielle dite géométrique), la production agricole, à cause des rendements décroissants, n’augmente que de façon linéaire, arithmétique. Si la révolution de Liebig a permis artificiellement une hausse des rendements agricoles au XXe siècle, cette parenthèse enchantée se termine pour en revenir à des rendements en souffrance sur des terres épuisées.

C’est l’énergie fossile qui a permis les engrais, l’irrigation et la mécanisation : nous mangeons du pétrole, même si c’est indirectement. Or le passage actuel du pic pétrolier nous annonce une descente énergétique inéluctable. Il nous faudra un jour revenir à une population compatible avec l’agriculture biologique d’avant la « révolution » agricole, soit un milliard de personnes… comme en 1804. Comme l’homme a entre-temps fortement dégradé les terres arables de multiples façons, on ne peut même pas dire que le milliard pourra être nourri convenablement.

Enfin nous avons oublié que nous sommes au bout de la chaîne trophique, ce qui permet notre survie par l’alimentation.. Beaucoup de végétaux font vivre moins d’herbivores qui nourrissent beaucoup moins de carnivores. L’espèce humaine devrait donc être peu nombreuse, sauf que pour son avantage est bientôt son malheur, elle est omnivore. Il y a des végétaliens, des végétariens et une fraction croissante de la population qui mange de plus en plus de viande. Selon le régime alimentaire, on peut nourrir plus ou moins de personnes.

Notre analyse devrait aller encore plus en profondeur. Contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, l’homme est un animal parmi d’autres, ce qui veut dire que la Terre héberge à la fois les humains et les non-humains. L’expansion humaine empiète sur l’habitat et la nourriture des autres espèces, ce qui entraîne une perte de biodiversité rapide et généralisée : on peut parler d’une 6ème extinction des espèces. La conférence de Nagoya sur la biodiversité en 2010 comme celle qui vient de se terminer en Inde ne peuvent résoudre le problème tant que la croissance démographique de l’espèce humaine n’est pas maîtrisée. Arne Naess nous invite à adopter la position philosophique de l’écologie profonde : « L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une diminution de la population humaine. »

CONCLUSION

Il ne faut pas avoir peur de le dire, l’homme est le cancer de la terre. Cette expression est utilisée aussi bien par Cioran, par Yves Paccalet ou par Paul Ehrlich. Notre expansion démographique est semblable à une cellule du corps (terrestre) qui se développe anarchiquement  au détriment de la santé de l’ensemble. En conséquence, quoi qu’en pensent certains, la décroissance est forcément malthusienne : on a à la fois trop de voitures et trop d’êtres humains. Nous devons agir à la fois sur la quantité de biens et sur la quantité de personnes.

Si nous avions à exprimer un idéal de population, ce serait 6 à 8 millions de terriens, un chiffre qui nous ramène aux débuts du néolithique, où il fallait vivre de chasse et de cueillette sans empiéter sur son écosystème… condition qui n’a d’ailleurs pas toujours été respectée, même à l’époque ! A titre de comparaison, les grands carnivores comme les lions et les tigres, ne sont plus au total que 20 000 à 40 000 seulement sur la planète. Contre plus de 7 milliards pour la seule espèce humaine, le super-prédateur.

Il faut retrouver le sens des limites alors que notre système croissanciste a complètement occulté cette réalité, la finitude de la biosphère : le temps du monde fini commence, l’enjeu du XXIe siècle sera l’écologie (la science de l’environnement) aux prises avec plusieurs milliards d’habitants. Comme l’écrivait Yves Cochet dans sa préface au livre de Stoeckel, « l’ère industrielle va se contracter et disparaître bientôt… Faute de pouvoir éviter cela, nous avons désormais la responsabilité politique de minimiser le nombre de morts ». Une des actions possibles est d’adhérer à Démographie responsable

(texte communiqué par Michel Sourrouille)

Démographie et environnement, le débat (24 oct. 2012) Lire la suite »

débat Commoner/Ehrlich, le débat démographique

Les premiers écologistes essayèrent d’attirer l’attention sur un éventail de problèmes allant des pesticides au contrôle démographique sans toujours les définir par ordre d’importance. Un des signes avant-coureurs d’une hiérarchie apparut lorsque Paul Ehrlich et Barry Commoner débattirent de l’importance relative de la maîtrise de la fécondité. Ehrlich avait publié en 1968 The Population Bomb, qui plaçait l’expansion de la population comme la menace écologique prioritaire : « Trop de voitures, trop d’usines, trop de pesticides. Pas assez d’eau, trop de dioxyde de carbone, tout peut être attribué à une cause unique : trop de personnes sur Terre. » Commoner lui répondit  en 1971 dans L’encerclement que « la dégradation écologique n’est pas la simple conséquence d’un processus unique qui va en s’amplifiant – croissance démographique, augmentation de la demande – mais également des changements importants dans les techniques de production, changements qui eux-mêmes dépendent de facteurs économiques et politiques importants. »

Le débat entre Commoner et Ehrlich a rapidement dépassé le désaccord scientifique pour fonder deux stratégies radicalement différentes. Le mouvement écologiste fondamentaliste préconise le contrôle de la croissance globale parce qu’il ne peut se concevoir de changement dans l’ordre industriel qui la rendrait écologiquement compatible. Ehrlich définit ainsi « la surpopulation » comme le nombre d’habitants dépassant « la capacité d’accueil » de la Terre. Commoner s’appuie au contraire sur une philosophie non déterministe de la technologie qui admet la possibilité d’une transformation technique radicale. Commoner propose de transformer la technologie moderne « pour satisfaire aux exigences indéniables de l’écosystème » Il constate aussi que le taux européen de croissance démographique diminuait à mesure que la prospérité augmentait. Puisque les facteurs socio-économiques influencent le comportement reproducteur, nous devrions créer les conditions où ces facteurs favorisent une croissance démographique plus lente dans les pays pauvres.

Une synthèse est-elle impossible ? Ehrlich a essayé de la formuler dans son livre de 1971, How To Be a Survivor. Il y élargit ses perspectives pour inclure non seulement le contrôle démographique, mais une réforme générale égalitariste, une technologie douce, et la réduction par le « dé-développement » du niveau de vie excessivement élevé des pays « sur-développés ». Cela nous semble évident. Pourtant certains objecteurs de croissance s’obstinent encore à affirmer que nous n’avons pas trop de personnes, mais trop d’automobiles !

Source : http://www.sfu.ca/~andrewf/books/FINAL_EcologieSocialisme.pdf

 

débat Commoner/Ehrlich, le débat démographique Lire la suite »

pas de sécurité alimentaire sans planning familial

Examinons ce sous-titre du MONDE* : « Face à l’explosion démographique, seule une réorientation de l’agriculture permettra de lutter contre la faim. » Apparemment tout baigne, le journaliste Gilles van Kote valide l’abandon des politiques de soutien aux agrocarburants pour miser sur l’agriculture paysanne et remet aussi en question la place de la viande dans notre alimentation. Mais le journaliste, à la suite des instances officielles, oublie deux choses : la place de la démographie dans l’analyse de la famine et l’importance de la souveraineté alimentaire.

Personne ne peut s’exprimer décemment sur la faim dans le monde en oubliant l’évolution exponentielle de la démographie humaine. Il ne faut pas « seulement » s’interroger sur la manière de produire des aliments, mais aussi sur notre manière de faire des enfants. Jamais la sécurité alimentaire ne sera atteinte si on s’occupe seulement de nourrir les ventres affamés. En agissant ainsi, la population continuera d’augmenter plus vite que les ressources agricoles car cela constitue un permis de procréer. L’origine du mal n’est pas simplement, comme l’écrit van Kote, l’incapacité à produire assez et/ou à acquérir une demande solvable, elle réside dans cette course millénaire entre expansion démographique et amélioration des modes de production. Cette méconnaissance d’une réalité complexe est d’autant plus grave qu’il y a épuisement des sols, des ressources hydriques et accroissement des surfaces cultivables sur les sols les moins favorables. Les « experts » semblent avoir oublié la loi des rendements décroissants en agriculture. La solution première à la sous-alimentation chronique dans le monde réside donc structurellement dans la maîtrise de la fécondité. Cela veut dire qu’on met l’accent sur le planning familial, l’éducation des femmes, la prise de conscience des limites de notre biosphère et la sauvegarde des non-humains.

Le deuxième défaut dans cet article est le parti pris en faveur d’une agriculture commerciale. On souligne « l’impossibilité pour les plus pauvres d’accéder aux marchés ». Comme si le « marché », donc le libéralisme économique, était une réponse à la faim dans le monde ! Van Kote met en avant « semences améliorées, engrais, irrigation, infrastructures de transport… ». On dirait que la révolution verte en Inde, avec les mêmes ingrédients, n’avait pas déjà montré que l’échec était au rendez-vous ! Enfin, on ne peut à la fois soutenir la petite agriculture et faire confiance aux investisseurs étrangers. Une agriculture commerciale liée aux échanges internationaux  est incompatible avec une agriculture paysanne qui œuvre pour le marché local. La sécurité alimentaire passe par la souveraineté alimentaire.

*LE MONDE géo&politique du 14-15 octobre 2012

NB : pour ceux qui ne connaissent pas la thèse malthusienne, lire son « essai sur le principe de population ».

pas de sécurité alimentaire sans planning familial Lire la suite »

limitation des naissances et habitat social à Bruxelles

Dans un débat jeudi 4 octobre en Flandres, le maire de Bruxelles Freddy Thielemans a réclamé que « Le thème de la limitation des naissances devait pouvoir être abordé dans le cadre de la lutte contre la surpopulation ». Et de justifier ainsi sa déclaration : « Nous avons à Bruxelles, beaucoup de familles nombreuses comptant sept ou huit enfants. Elles demandent un appartement social, mais ces appartements n’existent habituellement pas ». Les regards se portent évidemment sur les Bruxellois d’origines étrangères à l’Europe. Le maire s’en défend, mais par une réponse quelque peu sibylline : « Ce problème, vous le retrouverez aussi bien dans les familles musulmanes que dans les familles juives, et même parmi les chrétiens… ».

A Bruxelles, Philippe Moureaux avait objecté : « Avoir un enfant est un droit qui ne se négocie pas. » Thielemans avait répondu qu’il était attaché lui aussi aux valeurs individuelles. Nous pouvons faire un parallèle avec Malthus qui exhortait fin XVIIIe siècle les pauvres à faire moins d’enfants pour sortir de la misère. C’est un point de vue libéral qui fait porter la responsabilité de son sort à l’individu.  Le site des penseurs libéraux, Contre-points Belgique*, rebondit : « Pourquoi dès lors aborder ce sujet au niveau socio-politique ? » Simplement parce qu’avoir un enfant génère des conséquences sociales : les parents doivent pouvoir lui assurer des moyens d’existence et un avenir décent. Toujours la responsabilité personnelle alors que le socialisme met l’accent sur la responsabilité collective. Contre-points précise son point de vue: « Comment limiter la gabegie sans toucher aux libertés individuelles ? La réponse est simple : limiter les services offerts par l’État…Pourquoi ne pas envisager un système d’allocations dégressives : « vous êtes très aidés pour un certain nombre d’enfants. Au-delà, ce sera à vous et non à la société d’assumer, de manière, les implications et conséquences de vos choix… ». Est-ce un paradoxe qu’une telle politique familiale ait été soutenu antérieurement par un écologiste sincère, Yves Cochet ? A vous de réfléchir.

Un néo-malthusien actif, Michel Tarrier**, s’interroge d’une façon plus globale sur la déclaration du maire de Bruxelles : « À partir de combien de progénitures une famille est-elle « trop » nombreuse ? Nous sommes déjà surnuméraires, en inéquation avec les ressources, en surcharge sur Terre et il faut envisager une vraie décroissance démographique…Il nous faudrait (conditionnel !) revenir au seuil de ces 3 milliards des années 1960 et non pas tendre aux 9 ou10 milliards de 2050…Un seul Terrien occidental pollue comme plusieurs dizaines d’habitants des pays pauvres. Il est donc aussi urgent de réduire (un peu) les naissances chez nous que de les réduire (beaucoup) dans la plupart des pays émergents (qui n’émergeront jamais !)…Les démographes officiels pratiquent une démographie hors-sol, faisant abstraction des conditions écologiques et des interdépendances…Il faut reconnaître que l’homme moderne est devenu une espèce invasive… Vivre moins nombreux pour que tout le monde puisse vivre heureux et ne pas occuper les niches écologiques des autres espèces… Soyons plus nombreux à l’être moins ! »

                Nous attendons vos commentaires…

* http://www.contrepoints.org/2012/10/03/99185-freddy-thielemans-maire-de-bruxelles-sent-pousser-son-mao-interieur

** http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-velleites-denatalistes-du-123714

limitation des naissances et habitat social à Bruxelles Lire la suite »

Agir avec l’association « Démographie responsable »

Après René Dumont, Yves Cousteau, Claude Lévi-Strauss et quelques autres, l’association « Démographie Responsable » reprend le flambeau contre la vanité de notre espèce qui s’estime au dessus des lois … de la nature. Près de sept milliards d’humains sur une planète qui dispose de ressources pour en accueillir durablement quatre à cinq.

1/2) Présentation de Démographie Responsable

L’association Démographie Responsable fondée en 2008 a pour objet d’œuvrer à la stabilisation, voire à la diminution, de la population humaine. Excluant tout ce qui ne respecterait pas les droits humains ou qui remettrait en cause la liberté de procréer, sa démarche passe par une bonne information de chacun(e) sur les conséquences de la pression démographique pour les générations futures, les autres espèces et l’environnement. En parallèle à cette bonne information, elle se donne entre autre pour mission de soutenir toutes les initiatives en faveur de l’instruction, condition nécessaire à la compréhension par tout être humain des dangers écologiques liés à la surpopulation. Cette association milite également pour que la question démographique ait toute sa place au sein des débats liés à la protection de l’environnement

Ses membres sont de fervents défenseurs de l’espèce humaine ainsi que des autres espèces vivantes présentes à ses côtés, désireux de sauvegarder La Vie sur la planète et ce, dans les conditions les moins mauvaises possibles. Issus de différents milieux (écologie, décroissance économique, défense des animaux) ils souhaitent rassembler des personnes originaires de tous les courants de pensée et convaincre les citoyens des pays francophones de la nécessité d’agir.

2/2) les sept mesures de la sagesse par Denis Garnier, Président de Démographie Responsable

Le 31 octobre 2011 est la date choisie officiellement par l’ONU pour le passage aux 7 milliards d’habitants. Selon les projections moyennes, on attend 9,3 milliards en 2050 et 10,1 milliards en 2100. Insoutenable au regard des ressources de notre planète, qu’elles soient énergétiques, alimentaires ou hydriques, sans même parler de la survie des autres espèces vivantes.

Il semble donc nécessaire de porter à la connaissance du public francophone les propositions de l’association Démographie Responsable.

— en direction des populations du Nord, dans le cadre d’un débat démocratique sur le couple démographie/écologie : mettre en œuvre une réelle réduction de la consommation et cesser, de façon non rétroactive bien évidemment, toute aide à la procréation au-delà de deux enfants.

— en faveur des populations les plus démunies : aider à un développement économique durable, généraliser l’instruction des filles, car elle est très en retard sur celle des garçons, promouvoir la planification familiale y compris la gratuité totale de la contraception (30 % des grossesses sont actuellement non désirées), mener des campagnes de sensibilisation culturellement adaptées et enfin, mettre en place des systèmes de solidarité locale en faveur des personnes âgées.

Agir avec l’association « Démographie responsable » Lire la suite »

redonnons à la mort son statut ordinaire

Tom Regan, alors qu’il défend la thèse de la valeur inhérente de tout animal sensible, reconnaît qu’en dernière instance cette valeur est inférieure à celle de la vie d’un être humain. Il prend en exemple le dilemme du canot de sauvetage : quatre hommes et un chien sont sur un canot qu’il faut alléger sous peine de le voir couler ; selon Regan, c’est le chien qui doit être sacrifié. Regan établit donc une hiérarchie entre les êtres sensibles, en posant qu’en perdant la vie, le chien subit un moindre dommage que l’être humain, dont l’expérience est plus riche. Il serait intéressant de mesurer entre les quatre hommes lequel possèderait « l’expérience la moins riche » s’il n’y avait pas eu de chien à bord du canot ! De toute façon dans la réalité, la hiérarchie ne s’opère pas au nom d’un humanisme éthéré ou de raisonnement abscons, elle découle d’un rapport de force.

Prenons l’exemple d’un bateau réellement en train de couler. Il y a le capitaine et ses hommes d’équipage, des passagers hommes, femmes et enfants. Qui va s’en sortir dans les proportions les meilleures ? Vous pourriez trouver la réponse par vous-même ! Une étude sur 18 naufrages impliquant 15 000 passagers est parue dans la très sérieuse revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences*. Le résultat est clair : plus de 60 % des marins et 45 % des commandants ont pu sauver leur vie, les passagers hommes s’en sont sortis à 35 %, les femmes à 18 % et les enfants à 15 % seulement. Ce ne sont pas les règles de l’éthique qui se sont appliquées, mais le chacun pour soi et les plus forts devant.

Pour ce blog BIOSPHERE qui défend la valeur intrinsèque de toute forme de vie, le constat est rude. La hiérarchie entre hommes et femmes, entre patrons et ouvriers, entre blancs et noirs, entre animal humain et animal non-humain, entre animaux et végétaux… a encore de beaux jours en perspective. Or nous sommes sur ce blog antiraciste, antisexiste, antispéciste, et certainement pas antihumaniste, mais notre planète ressemble à un gigantesque Titanic qui contient toute l’arche de Noé et qui est en train de sombrer. Qui faut-il sauver ? Les uns vont dire qu’il faut sauver la biodiversité, c’est-à-dire, s’ils sont logiques, qu’il faut limiter le nombre des humains et leurs besoins. D’autres, tendance extrême droite, vont dire que protéger leur fille est plus important que protéger leur nièce et la vie de leur nièce l’emporte largement sur celle des étrangères. C’est la tendance survivaliste ! D’autres, ou les mêmes, proclameront leur haine envers l’avortement au nom de la « vie » ; bien peu seront objecteurs de conscience pour « respecter la vie ». Alors les bandes armées continuent de massacrer un peu partout dans le monde. Ainsi va le vacarme humain sur notre bateau Terre, pas étonnant qu’en cas de naufrage quelque part, ce soit le chacun pour soi.

Pourtant il nous faut choisir, la crise systémique est là, le syndrome du Titanic est scientifiquement argumenté, il nous faut limiter le nombre de morts à venir. Dans le monde sauvage, la norme est celle de la non-intervention, comme en Syrie. Ainsi à Yellowstone, l’éthique du parc naturel interdit de venir à la rescousse du bison en train de se noyer dans la rivière gelée. Son cadavre, dévoré par les charognards, maintiendra le cycle de vie. Mais sur une planète anthropisée, les humains devraient se sentir responsables de ce qui arrive. Il faut limiter notre nombre. Nous devons redonner à la mort son statut ordinaire de passage obligé dans un monde surpeuplé en train de couler. A nous de choisir le plus démocratiquement possible qui doit mourir, du fœtus non désiré au vieillard grabataire, en passant par tous les autres cas. De toute façon la mort est notre destin, autant qu’elle soit utile.

LE MONDE du 21 août 2012, « Les femmes et les enfants d’abord », c’est de la blague

 

redonnons à la mort son statut ordinaire Lire la suite »

l’animal dominant, évolution démographique et environnement

Résumé du livre « The Dominant Animal : Human Evolution and the Environment » de Paul et Anne Ehrlich (2008) :

Quarante ans après la publication de son livre The population Bomb, le scientifique Paul Ehrlich persiste et signe : la surpopulation – associée aujourd’hui à la surconsommation – est au centre de la crise environnementale à laquelle la planète est confrontée. Et il insiste : ce ne sont pas les solutions technologiques qui changeront quoi que ce soit.

En quelque 60 millions d’années, Homo sapiens est devenu l’animal dominant de la planète, acquérant un cerveau développé et, par-dessus tout, un langage structuré par une syntaxe et cette accumulation complexe d’informations qu’on appelle la culture. Malheureusement, au cours des siècles derniers, nous avons de plus en plus utilisé ce pouvoir pour épuiser le capital naturel de la planète, notamment ses terres agricoles profondes et riches, ses nappes phréatiques constituées durant les périodes glaciaires et sa biodiversité. Cette tendance est en grande partie due à la concomitance entre croissance démographique et augmentation de la consommation par habitant, une combinaison qui ne peut se poursuivre encore longtemps sans que risque de s’effondrer notre civilisation désormais mondiale.

L’impact négatif de notre espèce sur nos propres mécanismes régulateurs de la biosphère peut être plus ou moins rendu par l’équation I = P.A.T. Dans cette équation, la taille de la population (P) est multipliée par la consommation moyenne de ressources par individu (A pour « affluence »), elle-même multipliée par une unité de mesure de la technologie (T) qui actionne et entretient la consommation. Le produit de P, A et T est l’impact (I), une estimation du niveau de dégradation, par les hommes, des services écosystémiques dont ils dépendent.

A en croire les médias ainsi que les déclarations de nos hommes politiques, les problèmes environnementaux, tels qu’ils sont reconnus aujourd’hui, peuvent être résolus par des changements mineurs en matière de technologie et de recyclage (T). Des véhicules ultralégers et économes en carburant présenteront de toute évidence des avantages à court terme, mais au fur et à mesure que la population et la consommation augmenteront, ils rejetteront toujours plus de dioxyde de carbone (et de caoutchouc vaporisé) dans l’atmosphère. Aucune avancée technologique ne permettra que la population ou l’abondance matérielle continuent à augmenter. Et face à cet état de fait, il est pour le moins étonnant de traiter par le mépris les deux problèmes, pourtant si liés, de la population et de la consommation.

Chaque habitant qui vient aujourd’hui s’ajouter à la population provoque en moyenne plus de dégâts que la personne précédente sur les fragiles mécanismes de régulation de la biosphère, toutes choses égales par ailleurs. Et la raison est simple : Homo sapiens est devenu l’animal dominant grâce à son intelligence. Les paysans n’ont pas commencé par s’installer sur des sols pauvres où l’eau était rare, mais dans de riches vallées fluviales. C’est là que la plupart des villes se sont développées, là, donc, que les sols riches sont à présent recouverts pour construire des routes et des banlieues et que les sources d’approvisionnement en eau sont polluées ou surexploitées. Résultat : pour pouvoir supporter davantage d’habitants, il faut se déplacer vers des terres toujours plus pauvres, creuser des puits toujours plus profonds ou exploiter des sources toujours plus lointaines pour obtenir de l’eau. Il faut ensuite dépenser plus d’énergie pour transporter cette eau sur des distances toujours plus grandes afin d’approvisionner champs, habitations et usines.

Nos lointains ancêtres n’avaient qu’à se baisser pour ramasser du cuivre quasiment pur lorsqu’ils ont commencé à se servir des métaux ; aujourd’hui, il faut dépenser une énergie colossale pour exploiter les mines et faire fondre des quantités astronomiques d’un minerai de qualité toujours plus médiocre, la concentration en cuivre n’atteignant parfois pas un pour cent. Et il en va de même pour d’autres métaux importants. Quant au pétrole, on ne le trouve plus aussi facilement en surface ni même à proximité ; il faut désormais aller le puiser à plus d’un kilomètre de profondeur, souvent dans des endroits inaccessibles : sous des plate-formes continentales maritimes, par exemple. Et toutes ces activités de pavage, forage, production d’engrais, pompage, fusion et transport qui sont nécessaires pour que puisse consommer une population en pleine expansion produisent des gaz à effet de serre, renforçant le lien de cause à effet entre démographie et dérèglement du climat.

Alors pourquoi n’accordons-nous pas d’importance à la question de la surpopulation ? A droite, les tentatives gouvernementales de contrôle des naissances relèvent de l’anathème puisqu’on considère que le rôle de l’Etat dans les chambres à coucher doit se limiter à forcer les femmes à mener à terme les grossesses non désirées. A gauche, on craint, non sans raison, que le contrôle des naissances puisse avoir des relents racistes ou discriminatoires s’il est destiné, par exemple, à réduire le nombre de populations minoritaires ou pauvres. En outre, certains leaders religieux continuent à vanter la sur-reproduction auprès de leurs ouailles. Mais la responsabilité revient principalement à l’ignorance qui conduit les principaux médias, y compris des journaux comme le New York Times, à camper sur leurs positions natalistes. Ainsi, on pouvait lire dans un article du Times du 29 juin qu’on assiste actuellement à une chute des naissances dans les pays industrialisés, les Etats-Unis, dont la population continue à augmenter, constituant une « heureuse exception« .

Le silence qui entoure le facteur surconsommation (A) dans l’équation I=PAT est plus facile à expliquer. En effet, la consommation continue à être perçue comme un bienfait par de nombreux économistes, hommes d’affaires importants et hommes politiques, pour qui l’augmentation de la consommation est la panacée à tous les maux économiques. Trop de chômage ? Poussons donc les gens à acheter un 4×4 ou un nouveau réfrigérateur. La croissance perpétuelle est la raison d’être de la cellule cancéreuse, mais les économistes de bas étage n’ont pas d’autre idée. Certaines économistes de renom commencent pourtant à aborder la question de la surconsommation, mais le problème et ses solutions restent difficiles à analyser. Il faudrait donc que des chercheurs mettent au point des préservatifs anticonsommation ou encore une pilule du lendemain post-frénésie de soldes. Et, bien sûr, il y a la fâcheuse question de la consommation dans les pays pauvres. Une minorité non négligeable des pays émergents possède la richesse suffisante pour acquérir les habitudes de consommation des pays développés (par exemple : manger beaucoup de viande et acheter des voitures). La régulation de la consommation est bien plus complexe que celle de la démographie et il est nettement plus difficile de trouver des solutions humaines et équitables à ce problème.

Notre animal dominant est en train de gaspiller son intelligence et ses formidables accomplissements. En effet, le sort de notre civilisation est actuellement entre les mains de décideurs qui regardent délibérément du côté du confort et du profit immédiats. Il faut débattre et décider si nos congénères veulent un maximum de personnes sur terre vivre avec un niveau de vie minimum ou bien une population beaucoup plus restreinte qui permette aux individus d’avoir le choix entre plusieurs styles de vie. Comment parvenir à un changement qui concerne tout, depuis les politiques démographiques et la transformation des systèmes énergétiques, industriels et agricoles à travers le globe jusqu’aux relations Nord-Sud et interreligions en passant par les positions militaires ? Voilà bien un défi titanesque pour tout un chacun. Hommes politiques, industriels, écologistes, sociologues, simples citoyens et médias doivent participer aux débats. Est-ce possible ? Cela reste à prouver. Mais certaines sociétés ont accompli des transitions majeures dans un passé récent, comme le prouvent la révolution des droits civiques aux États-Unis ou l’effondrement du communisme en Union soviétique.

http://www.goodplanet.info/Contenu/Points-de-vues/La-bombe-humaine/%28theme%29/287 (09/04/2009)

NB : Paul et Anne Ehrlich font partie du Département de biologie et du Center for Conservation Biology de l’université de Stanford. Paul Ehrlich y est Professeur d’études démographiques et de sciences biologiques et Anne Ehrlich est Chargée de recherches.

l’animal dominant, évolution démographique et environnement Lire la suite »

croisés de la dénatalité ou salauds de malthusiens ?

Il est si rare de vanter les mérites de la dénatalité que nous signalons l’article de Cécile Deffontaines, Les croisés de la dénatalité*. Voici quelques morceaux choisis :

« Alarmés par la croissance de la population mondiale, ces militants n’ont trouvé qu’une parade : arrêter de faire des enfants… On est sur le Titanic, on ne va pas faire monter plus de monde alors que le bateau est sur le point de couler… Un enfant européen a un coût écologique comparable à 620 trajets Paris-New York… Les militants de Démographie responsable défendent « la modestie démographique »… La loi française autorise la stérilisation depuis 2001… La beauté sauvage est en train de disparaître et ça me fait mal… L’homme, ce grand prédateur, accapare l’espace de ses frères quadrupèdes… Faire moins d’enfants autorisera ces derniers à en faire à leur tour. Sinon, il y a toutes les chances que le droit à l’enfant s’écroule… Nous sommes déjà trop nombreux et je ne veux pas mettre au monde une personne qui ne serait qu’un outil permettant à une petite élite de garder ses privilèges… Avoir des rapports sexuels protégés, c’est comme trier ses déchets : c’est faire un geste pour la planète… Pourquoi dans mille générations, ma millième descendante n’aurait-elle pas le droit de vivre dans les mêmes conditions que moi ? »

Malheureusement quelques expressions de l’article de Cécile Deffontaines démontrent que le processus anti-malthusien est toujours à l’œuvre dans les médias : « La pilule pollue, le préservatif n’est pas biodégradable, voici donc la solution : la stérilisation… Les forcenés de la grève de l’utérus… Pas d’enfants de la vie, un rêve pour ces angoissés de l’hyperfertilité… Ces pythies de la non-reproduction… Thomas Malthus proposait un contrôle des naissances, mais aussi l’arrêt de toute aide aux pauvres… Prôner la grève du ventre, c’est donc, au mieux, passer pour un pessimiste. Au pis, pour un eugéniste… Les militants « No Kids » suscitent souvent l’hostilité et s’attirent des insultes… Salauds de malthusiens. »

* Les croisés de la dénatalité (« le Nouvel Observateur » du 9 août 2012)

croisés de la dénatalité ou salauds de malthusiens ? Lire la suite »

la décroissance est-elle malthusienne ?

Au paléolithique supérieur, il y a 40 000 ans environ, l’Europe n’était peuplée que de 5 000 habitants environ. Après  une stabilité démographique pendant 30 000 ans, il faut attendre le début du réchauffement climatique (entre – 17 000 et – 11 000) pour que la population atteigne en moyenne 28 000 personnes. Aujourd’hui l’Union européenne compte plus de 500 millions d’habitants. Cette explosion démographique était-elle souhaitable ? Au sommet de sa puissance économique, l’humanité continue de fomenter des guerres et fabriquer des affamés. Est-ce que nous voulons  de ces pertes humaines ? Comment débattre ?

Constatons d’abord que Malthus est un personnage déconsidéré en France. La reprise de la natalité y est considérée comme une victoire. Paradoxe, certains tenants de la décroissance estiment même qu’il y a trop d’automobiles mais certainement pas trop de personnes. Constatons aussi que la population mondiale augmente ces dernières décennies d’un milliard à peu près tous les douze ans. Il y a de fortes chances de dépasser les 9 milliards en 2050. Constatons enfin les impasses de la production alimentaire : les terres cultivables le sont maintenant dans leur presque totalité, les modes de production deviennent insoutenables, l’eau commence à manquer, les pesticides s’accumulent… Les innovations techniques peuvent-elles être considérées comme des progrès réels, ou comme la tentative désespérée d’adapter les ressources à une population qui se veut libre de toute détermination naturelle ?

La question démographique est vaste, elle englobe aussi bien les problèmes de fécondité que la question agricole  et techno-scientifique, tant la nourriture matérielle que les nourritures spirituelles, elle oscille entre revanche des berceaux et nulliparité, entre droits des femmes et devoirs des immigrés… Finalement, est-il possible de causer sereinement des conditions de vie de nos générations futures ?

Entropia, revue théorique de la décroissance, a déprogrammé son numéro qui devait s’intituler « La décroissance est-elle malthusienne ? ». Il y a des débats qui fâchent, même parmi les théoriciens de la décroissance !

la décroissance est-elle malthusienne ? Lire la suite »

Deux milliards d’êtres humains, pas plus

Nous trouvons regrettable l’article d’Harold Thibaut*. On ne peut pas bâtir un raisonnement sur « deux femmes victimes d’avortements forcés en Chine ». Mettre en évidence la photo de l’une d’elles, épuisée aux côtés du fœtus, est juste digne du mouvement anti-avortement pro-life. Il n’existe pas de « droit universel à se reproduire », seulement le réalisme de l’article 25 de la Constitution chinoise : « L’État encourage la planification familiale pour assurer l’harmonie entre la croissance démographique et les plans de développement économique et social. »

La politique de l’enfant unique était une nécessité en Chine, même si ses dérives sont condamnables.  Rappelons-nous la problématique de Richard Heinberg (Pétrole, la fête est finie !) : « Combien d’êtres humains l’agriculture post-industrielle sera-t-elle capable de nourrir ? Une estimation précautionneuse serait : autant qu’elle pouvait en faire vivre avant que l’agriculture s’intensifie, c’est-à-dire la population du début du XXe siècle, soit un peu moins de 2 milliards d’êtres humains. »

*LE MONDE du 14 juillet 2012, En Chine, l’achat du silence pour des avortements forcés

Deux milliards d’êtres humains, pas plus Lire la suite »

un ou deux enfants par couple, maximum admissible

Ne jetons pas la pierre à l’Ouganda. Mon grand-père avec une dizaine de frères et sœurs en France début XIXe siècle. La norme actuelle en Ouganda est de 6,2 enfants par femme*. L’Ouganda est certes surpeuplé, avec une population qui pourrait passer de 32 millions d’habitants aujourd’hui à 91 millions en 2050, mais la France aussi est surpeuplée, obtenant son alimentation carnée et son niveau de vie motorisé grâce au pillage des ressources mondiales. Mais la situation est différente du XIXe siècle, nous avons les moyens de faire autrement. Il y a aujourd’hui le planning familial et les possibilités multiples de contraception alors que la capacité de charge de la planète en êtres humains allègrement dépassée.

En Ouganda, il n’y a plus assez de terre pour tout le monde, écoles, couverture médicale et accès à l’eau potable ne peuvent suivre l’expansion démographique. En France, nous avons un chômage structurel et la déplétion pétrolière qui nous attend va multiplier le nombre de diplômés sans emploi, faire basculer vers la privatisation du système de soins et renchérir une eau qui manque déjà. Tous les pays sont concernés par la surchauffe démographique. Mais ce n’est pas simplement d’un financement garanti de l’accès à la contraception** dont nous avons besoin.

Nous n’avons plus le temps d’attendre un hypothétique développement des pays pauvres pour voir chuter la baisse de la  fécondité. Le mythe d’un retard de développement à combler est derrière nous à l’heure où des ressources renouvelables et non renouvelables en voie de raréfaction interdisent la généralisation du standard de vie occidental. Aujourd’hui il y a sur-développement des pays riches et mal-développement de l’Afrique. Il nous faut penser autrement, la transition démographique à promouvoir doit découler plus d’un changement culturel que d’une conversion économique. Il faut que le sentiment de Rwomushana, « Un homme se sent plus grand quand il a une grande famille* » devienne l’expression d’une contre-vérité socialement dénoncée. Il s’agit donc de ne pas multiplier les infrastructures économiques et autres grands projets inutiles, il s’agit d’abord d’un problème politique. Tant que les religions du livre prêcheront la multiplication des hommes et que les gouvernements adopteront le slogan « Il n’est de richesse que d’hommes », rien ne changera. Ce sont les famines, les épidémies et les guerres qui réguleront les populations humaines, comme Malthus nous en avait averti il y a plus de deux siècles.

* LE MONDE du 11 juillet 2012, la longue marche du planning familial en Ouganda

** LE MONDE du 11 juillet 2012, un sommet pour financer l’urgence du contrôle des naissances

un ou deux enfants par couple, maximum admissible Lire la suite »

« droits reproductifs » en échec à Rio + 20

Le sommet de Rio + 20 est décevant du point écologique puisqu’il l’est du point de vue des droits des femmes. Sous pression du Vatican, de plusieurs pays d’Amérique latine, de la Russie, de l’Egypte et – c’est une première – du Canada, le paragraphe qui prévoyait de reconnaître le droit de se reproduire ou non a été retiré*. Le conservatisme est gagnant : faire toujours plus d’enfants, peupler la terre de millions de consommateurs supplémentaires, de femmes privées du droit de maîtriser sa fécondité. L’humanité est perdante : un monde toujours plus peuplé, toujours plus pollué, toujours plus inégalitaire et toujours plus injuste.

Depuis 1974 les conférences des Nations Unies sur la population et le développement devaient avoir lieu tous les 10 ans. La deuxième conférence mondiale à Mexico en 1984 n’a laissé aucune trace, et la troisième en 1994, au Caire, est devenu « Conférence internationale sur la population ET le développement ». Les 179 pays signataires ont admis que la population et le développement sont inextricablement liés, qu’il est nécessaire d’autonomiser les femmes et de répondre aux besoins des couples et des individus en matière d’éducation et de santé. La notion de droits reproductifs et sexuels a donc été ratifiée ; elle réalisait la synthèse des mouvements internationaux pour les Droits humains, la démographie, le statut des femmes. Ces droits impliquent l’accès à toutes les méthodes de contraception et à des services de santé de bonne qualité ainsi que la liberté de la femme, tant face à l’Etat qu’au compagnon ou à la famille. Mais cela est resté lettre morte ; aucun pays n’avait pris cet engagement au sérieux, à l’exception de quelques politiques nationales.

A Rio + 20 (2012), l’Egypte a prêté main-forte au Vatican pour faire reculer les droits des femmes et crier à l’« impérialisme contraceptif » contre tout projet de planification familiale : 1 million d’habitants viennent s’ajouter tous les neuf mois à une population en surnombre. L’Egypte n’est en effet qu’un étroit couloir de terres arables autour du Nil, écrasé par l’immensité du désert. Près du Caire, les maisons se construisent au milieu des champs cultivés en contradiction totale avec la loi. Pourtant l’une des premières déclarations du nouveau président islamiste, Mohamed Morsi, a été d’encourager les femmes égyptiennes à faire plus d’enfants… « Il n’y a de richesse que d’homme »**, connerie ! La pression démographique est une cause première de la pression écologique.

* LE MONDE | 30.06.2012, Croissez et polluez

** citation de Jean Bodin (1576) ; les natalistes comme Bodin ont une vision quantitative de l’existence qui prolonge la parole biblique « Croissez et multipliez, recouvrez toute la Terre »

« droits reproductifs » en échec à Rio + 20 Lire la suite »

peak all, donc pic démographique

L’idée que la population humaine devrait augmenter à l’infini est tout aussi absurde que l’idée de la croissance économique infinie sur une planète finie. Selon le scénario démographique médian de l’ONU, le pic démographique sera atteint vers 2050. La Terre comptera alors 9,15 milliards d’habitants. Mais il y a d’autres scénarios possibles, y compris une descente démographique rapide. Prenons un exemple : dans le détroit de Béring, 29 rennes furent introduits en 1944 sur l’île déserte de Saint-Mathieu. Des conditions de vie idéales firent grimper la population à 1300 animaux dès 1957. Les scientifiques avaient calculé que ce chiffre correspondait à l’effectif optimal pour la capacité de charge de l’île. Mais dès 1963, la population atteignit 6000 animaux pour retomber brutalement à 42 rennes en 1966 : les possibilités de l’île avaient été dépassées, les fourrages épuisés et la plupart des rennes étaient mort de faim. Les humains ne sont pas beaucoup plus intelligents que les rennes, ils se multiplient sans souci d’un approvisionnement durable. Ils sont aussi bêtes car ils détruisent les capacités naturelles de renouvellement du capital naturel.

La croissance exponentielle de la population humaine a suivi en parallèle la consommation accrue d’énergie fossile, l’évolution symétrique est sans doute vraie. L’espèce humaine n’est donc pas à l’abri d’un effondrement démographique. Nous sommes arrivés à une période où nous atteignons le maximum de ressources que la planète peut nous fournir : pétrole, phosphore, uranium, etc. Le peak oil devint le peak all. Cela ne peut que s’accompagner d’un pic démographique, le maximum possible avant la chute. Lors d’un exposé-débat à Sciences-Po le 13 juin 2008 (l’après-pétrole, quelles solutions énergétiques ?), Yves Cochet s’appuie sur les résultats d’une étude de Chris Clugston : le pic des ressources fossiles pourrait s’accompagner d’un pic démographique, suivi par une chute terrible de la population humaine : nous pourrions redescendre à 2 milliards d’habitants seulement en 2100.

Le pic de population est déjà passé dans certains pays, de manière très différente il est vrai. En Allemagne, la population a commencé à diminuer dans les années 1970 même si elle a eu tendance à remonter légèrement dans les anciens Länder de l’ouest sous l’effet d’une importante immigration. Descente énergétique grâce à un taux de natalité particulièrement faible, descente démographique voulue. Mais le plus probable est la descente démographique subie, avec guerres et/ou famine. La densité au Rwanda était de 760 personnes au km2 en 1990, soit plus que celle du Royaume-Uni. Jared Diamond explicite ainsi les causes profondes du massacre rwandais en 1994 : « La population rwandaise a augmenté à un taux moyen de plus de 3 % l’an (doublement en moins de 24 ans). Le développement économique du Rwanda fut stoppé par la sécheresse et l’accumulation de problèmes environnementaux. Le pourcentage de la population consommant moins de 1600 calories par jour (niveau en dessous de celui de la famine) était de 9 % en 1982, 40 % en 1990. D’où le génocide en 1994. Il n’est pas rare, depuis, d’entendre des Rwandais soutenir qu’une guerre était nécessaire pour diminuer une population en excès et pour la ramener au niveau des ressources en terre disponibles. » Les humains préfèrent s’entretuer plutôt que réfléchir, cela va plus vite…

peak all, donc pic démographique Lire la suite »

Sur la pensée antimalthusienne de Jean Ziegler

Dans son livre la faim dans le monde expliqué à mon fils (Seuil, 1999), Jean Ziegler attaque Malthus de façon mensongère :

– Ziegler : Une théorie fait des ravages en Occident : celle de la sélection naturelle. C’est une théorie perverse ! Le nombre des hommes sur Terre augmentant sans cesse, les famines assureraient une sorte de fonction régulatrice. 

– son fils : Qui a inventé une théorie aussi affreuse ?

– Ziegler : C’est un pasteur anglican du nom de Thomas Malthus qui a vécu en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle.

– Comment a-t-on pu croire à la théorie de ce Malthus ?

– La réponse est simple, Karim. Cette théorie est archi-fausse, mais pour calmer leur mauvaise conscience, certains se raccrochent à la pseudo-science de Malthus qui permet de refouler l’horreur. »

Avec cette présentation, Jean Ziegler montre une méconnaissance totale de Malthus. Malthus veut simplement éviter les « obstacles destructifs » ou mode naturel de régulation comme la famine, les guerres et les épidémies. Il ne s’intéressait pas qu’à la production agricole, qu’il savait déjà (fin XVIIIe siècle) soumis aux rendements décroissants. Il constatait l’augmentation exponentielle de la population en l’absence de limites décidées par la société et le déséquilibre entre population et ressources alimentaires. En termes modernes, Malthus préfère la prévention et serait un chaud partisan du planning familial !

De plus la sélection naturelle dont parle Ziegler n’est pas de Malthus, c’est l’idée centrale de Darwin quelques dizaines d’années plus tard. Pour être plus précis,  Darwin écrit dans Life and letters que l’idée de la sélection naturelle lui est venue en lisant L’Essai sur le principe de population de Malthus. En effet, on peut retrouver dans les thèses malthusiennes les prémices du concept de « struggle for life ». Le révérend Malthus applique l’idée de lutte pour la vie à la lutte des populations pour l’espace : c’est un penseur de la rareté et la rareté fait pression, elle sélectionne. De son côté, Darwin fait de la lutte pour la vie, la lutte des populations pour l’espèce : la lutte pour l’existence chez les animaux et plantes amène une sélection naturelle ou encore la survivance des espèces les plus adaptées. Malthus avait seulement mis l’accent sur l’aspect quantitatif de la population.

Sur la pensée antimalthusienne de Jean Ziegler Lire la suite »

Que fera Hollande président face à la faim du monde ?

Quelques phrases significatives de Jean Ziegler* :

FAUX :

–          « L’agriculture mondiale, au stade actuel de ses forces de production, pourrait nourrir normalement (2 200 calories pour un individu adulte par jour) 12 milliards d’êtres humains.

–          « Famine sur une planète qui regorge de richesses ! »

Avec tout notre respect, Jean Ziegler, croire que l’agriculture, vu les inégalités de répartition des richesses et du pouvoir, peut nourrir 12 milliards d’êtres humains, est un mensonge. Et puis, contrairement à votre affirmation, la planète ne regorge pas de richesses ; notre standard actuel d’alimentation est uniquement du au gaspillage effréné des ressources fossiles. Enfin, il n’y a pas que la famine dans le monde qui est absente de la présidentielle, il y a aussi la surpopulation, facteur premier de la famine.

VRAI :

–          « Près de 1 milliard de personnes – sur 7 milliards – sont mutilées par la sous-alimentation permanente…

–          « Le Programme alimentaire mondial a perdu la moitié de son budget annuel parce que les Etats donateurs ont dû renflouer leurs banques. On ne peut plus acheter assez de nourriture pour l’aide d’urgence en cas de famine.

–          « Il existe des mesures concrètes que le nouveau président français pourra imposer : interdire la spéculation boursière sur les produits alimentaires de base ; faire cesser l’accaparement en Afrique de terres arables par les multinationales ; empêcher le dumping agricole ; en finir avec les agrocarburants fabriqués à partir de plantes nourricières. »

Sur ce dernier point, on ne sait pas encore ce que va faire le prochain président, François Hollande… mais le sait-il lui-même ?

* point de vue, LE MONDE du 21 avril 2011, La faim dans le monde absente de la présidentielle

Que fera Hollande président face à la faim du monde ? Lire la suite »

sombrer dans le chaos par surpopulite aiguë

Marielle et Pierre Blanchier, déjà riches de 11 enfants, attendent le douzième. Félicitations ? Non, car c’est de l’égoïsme.

Il s’agit de catholiques pratiquants, qui revendiquent un choix libre : « La foi nous donne une joie, une énergie pour entreprendre…La foi nous rend libres de faire des choix à contre-courant de l’air du temps… La vie, c’est un don extraordinaire… On ose suivre notre envie…» Marielle et Pierre ne se rendent pas compte de la contradiction qui existe entre la foi et la liberté de choix. Leur bible est pourtant claire : « Croissez et multipliez-vous, remplissez la Terre et vous l’assujettissez, dominez sur le poisson de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui se meuvent sur la Terre… » (Genèse, chap. I). Faut-il avoir « envie » d’une humanité qui se multiplie au point que sa puissance attente à la biodiversité de la vie ?

Marielle cesse à peine d’allaiter au bout de quatre mois que déjà elle se pose la question : « Pourquoi pas un de plus ? » Car pour elle « La vie est belle… C’est amusant à regarder, un petit de deux ans ». Le couple se fait plaisir, même si ça fait beaucoup travailler l’utérus et que ça nécessite une maternité de niveau 2. Marielle et Pierre parlent de leur « joie d’accueillir une personne supplémentaire ». Dans l’ensemble de l’interview*, pas un mot de ce couple pour les contraintes collectives qui pèsent sur les personnes supplémentaires, le coût de la maternité, de la crèche et des études, le chômage croissant des jeunes, la surconsommation de nos bambins devenus grands dans les pays riches, etc. Le monde extérieur ne concerne pas ce couple, il lui suffit de savoir qu’un nouveau-né supporte la voiture pour partir avec eux en vacances ! La foi ne devrait pas rendre égoïste, c’est un couple qui n’a rien compris au fait qu’un catholique doit aussi s’occuper avec attention et respect de « la Création divine », notre planète.

                Si tout le monde faisait comme Marielle et Pierre, ce n’est pas 9 milliards que sous serions en 2050, mais des dizaines de milliards, masse grouillante entassée dans une hyper-mégalopole qui transformerait les océans en égout. Pour élever un petit français avec notre niveau de vie occidental, il faut accepter que meurent plein d’autres enfants en bas âge et que crève beaucoup de non-humains. Au message nataliste du couple Blanchier, notre biosphère préfère l’enseignement de l’écologie profonde : «  L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. » Dommage que Marielle et Pierre n’ait pas pu bénéficier de cours sur l’écologie…

* http://sceaux.blog.lemonde.fr/2012/03/07/marielle-attend-le-douzieme/

sombrer dans le chaos par surpopulite aiguë Lire la suite »

cessons de maltraiter la terre, arrêtons de nous multiplier

Un commentaire du livre de Daniel Nahon dans LE MONDE* : « Que fera-t-on demain, dans seulement quarante ans, quand la population mondiale atteindra les 9 milliards d’individus contre 7 milliards aujourd’hui ? Y aura-t-il encore assez de terres arables, assez de terres labourables et cultivables pour les nourrir ? » La réponse de Daniel Nahon**, grand spécialiste des sols, est super-classique : respecter les sols, bien choisir ses semences, utiliser l’eau avec parcimonie, manger moins de viande…

Encore une fois l’humanité pleurniche sur elle-même en ne considérant qu’un seul aspect des choses, la production alimentaire. Daniel Nahon oublie complètement l’autre aspect de la problématique malthusienne, l’expansion de la population humaine. Tout faire pour une agriculture raisonnée et une alimentation équitablement distribuée est un combat perdu d’avance si on ne limite pas drastiquement l’expansion de la population humaine.

Enfin s’interroger sur l’utilisation des terres par la seule humanité fait oublier que bien d’autres espèces ont aussi besoin de leur espace vital. Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas simplement raisonner sur les rapports entre population humaine et ressources alimentaires terrestres, mais aussi sur le respect de la biodiversité. Voir notre article précédent sur ce blog à propos des tigres

*LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 02.03.12 | Cessons de maltraiter la terre !

** LE LIVRE : « Sauvons l’agriculture ! », de Daniel Nahon (Odile Jacob, 264 p., 23,90 €)

cessons de maltraiter la terre, arrêtons de nous multiplier Lire la suite »

Tribunal pour les générations futures : la surpopulation

Procureur et accusés s’affrontaient mardi 17 janvier à la Gaité Lyrique, à Paris, lors d’une conférence spectacle en forme de procès. Au cœur du débat : la surpopulation. Sommes nous trop nombreux pour les ressources de la planète ?

– L’expert Gilles Pison, nommé par le “Tribunal pour les générations futures”, passe la population humaine dans le simulateur de l’ONU et expose les différents scénarios imaginés par les Nations Unies. A niveau de fécondité constant, la population atteindrait 134 000 milliards en 2300 !

– La parole est à Didier Barthès, de l’association écologiste Démographie Responsable. Face à « l’explosion démographique, la question écologique sera au cœur des préoccupations futures, ou alors le monde deviendra invivable, sans forêt, sans animaux… En fait, nous n’avons pas le choix ! » A Démographie Responsable, on milite pour un contrôle des naissances. Didier Barthès s’insurge contre la croisade faite contre les malthusiens : « On nous traite de tous les noms, fascistes, eugénistes, antihumains, même. Jamais nous n’avons prôné une quelconque sélection, et on ne propose pas de tuer les gens ! Mais“Croissez et multipliez”, c’est une belle phrase qui a été écrite il y a 2000 ans, dans un monde où il n’y avait que 200 millions d’habitants. »Comment éviter le cataclysme ? Pour Didier Barthès, « on peut changer notre consommation d’énergie, recycler, ça ne changera rien au fait que nous grignotons la planète en consommant de l’espace ! » Une consommation qui se traduit par une élimination du reste du vivant ! En guise de conclusion, Didier Barthès propose de limiter les naissances à deux enfants par femme dans les pays occidentaux.

– Théophile de Giraud, écrivain et inventeur de la Fête des Non-Parents, fait une entrée fracassante. L’accusé, auteur d’un manifeste antinataliste, s’avance, pose sur le pupitre un biberon rempli de bière. Il commence lentement à se déshabiller : « Il faut regarder les choses en face, la vérité est nue ! » Au-delà du show, l’accusé n’oublie pas son discours. Et se met à citer Marguerite Yourcenar, qui répondait dans Les Yeux ouverts : L’explosion démographique transforme l’homme en habitant d’une termitière et prépare toutes les guerres futures, la destruction de la planète causée par la pollution de l’air et de l’eau. Théophile de Giraud est accusé par Thierry Keller de “haïr l’humain”. Non, répond l’accusé, dans sa nudité originelle : « On ne questionne pas le désir d’enfant, avons-nous le droit de mettre un enfant au monde, et si oui, sous quelles conditions ? Vive le dénatalisme ! Laissons les femmes choisir, elles préfèrent la qualité à la quantité, La planète est plus que trop surpollupeuplée ! Nous agonisons sous le poids du nombre ! » Théophile de Giraud conclut : « La natalité est un crime contre l’humanité, vos enfants connaîtront les guerres pour l’accès aux dernières ressources disponibles… Si vous aimez vos enfants, ne les mettez pas au monde ! »

Pour avoir le contenu complet de ce procès :

http://owni.fr/2012/01/18/lextinction-de-lespece-humaine-apres-2050/

 

Tribunal pour les générations futures : la surpopulation Lire la suite »

à la place du quotient familial, un permis de procréer

François Hollande souhaiterait remplacer le quotient familial* – qui offre un avantage fiscal croissant en fonction du nombre d’enfants et du niveau de revenu – par un crédit d’impôt. « Abroger le quotient familial aurait des conséquences absolument dramatiques pour la politique familiale de la France », a osé Sarkozy. Mais le candidat socialiste avait pourtant assuré que s’il était élu à l’Elysée, il « n’enlèverait pas un euro à la politique familiale ». La mesure reviendrait simplement à ce que les 50 % les plus riches reversent 3,5 milliards d’euros aux 50 % les plus pauvres. Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, défend un système « qui a permis à la France d’avoir le meilleur taux de natalité en Europe ». Cette réforme était même évoquée par le Haut conseil à la famille. Donc tout le monde est d’avis de conserver l’aide aux naissances nombreuses ! La politique gouvernementale de droite comme de gauche est nataliste, antimalthusienne.

Dans mon programme politique pour 2012, je dirai au contraire que l’empreinte écologique des français est telle que nous ne pouvons pas généraliser notre mode de vie et multiplier nos enfants. Que nos citoyens comprennent enfin que n’avons pas trois ou quatre planètes à notre disposition ! Il faut donc construire à la fois une décroissance économique par la limitation de nos besoins et une décroissance démographique grâce à la neutralité de l’Etat en matière d’allocations familiales et de quotient familial (qui seraient donc supprimés) : pas de prime à des enfants surnuméraires. Dans l’éducation nationale, il sera mis en place une éducation à être ou non futurs parents. L’éducation sexuelle ne sera pas limitée à la présentation des moyens de contraception, mais à la responsabilité des couples par rapport aux limites de la planète. Face à une crise systémique, écologique et financière, il nous faut une éducation  systémique.

J’instaure un permis de procréer. Est-il un secteur de la vie humaine où il importe davantage d’avoir affaire à des personnes irréprochables que dans celui de la mise en existence d’une nouvelle créature ? Il n’est pas acceptable que des individus deviennent parents sans posséder un bagage équivalent à celui d’un spécialiste de la psychologie infantile. Notons qu’il existe déjà pour les candidats à l’adoption une très officielle Procédure d’Agrément. Le législateur exige en France de « s’assurer que ceux et celles qui désirent adopter offrent les capacités familiales, éducatives et psychologiques nécessaires à l’accueil d’un enfant déjà né ». Pourquoi pas la même chose pour le désir d’enfanter ?

* LEMONDE.FR avec AFP | 10.01.12 | Quotient familial : Hollande ne veut pas le supprimer mais « le rendre juste »

à la place du quotient familial, un permis de procréer Lire la suite »

arrêt des migrations et ressources vitales

Malek Boutih était un ancien président de Sos-Racisme. Dans un rapport tenu secret1 par le Parti socialiste, le secrétaire national chargé des questions de société proposait une politique de l’immigration rigoureuse : « Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration. » Il proposait l’établissement d’une politique de quotas, la suppression de la bi-nationalité et un serment « au respect des lois de la République, de la laïcité et de l’égalité homme-femme » pour les titres de séjour valable dix ans. Les restrictions aux migrations ne sont donc pas le fait exclusif du Front National ou de Sarkozy-Guéant singeant le FN. Le problème paraît plus profond.

Depuis toujours, le PS est mal à l’aise avec le sujet « immigration », car constamment tiraillé entre pragmatisme et humanisme. C’est sous François Mitterrand qu’a été légalisée et organisée en 1981 la rétention administrative. C’est Paul Quilès aussi, en tant que ministre de l’intérieur, qui a fait passer dans la loi en 1992 le système des zones d’attente. Quand les crises économiques se succèdent, quand le chômage devient structurel et insoluble, les pays riches se ferment aux mouvements migratoires. En France, le nouveau projet de loi sur l’immigration débattu à l’Assemblée nationale en septembre 2011 renforçait les facilités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. A la question « Faut-il régulariser massivement les sans-papiers ? »2, tous les candidats à la primaire socialiste du 9 octobre 2011 étaient « contre » et défendaient le « cas par cas » avec seulement quelques nuances : normes de « vie de famille », de travail et d’années de présence ou preuves d’« intégration », comme la maîtrise du français jusqu’aux « reconduites à la frontière ».

Dans les décennies à venir, les conflits d’espace vital et de ressources auront des effets encore plus radicaux sur l’humanisme occidental et l’esprit d’ouverture. Comme l’exprime d’André Lebeau3, « Le découpage de l’espace terrestre en territoires nationaux est achevé. A l’enfermement planétaire qui pèse sur l’humanité s’ajoute un confinement territorial qui fait de la notion d’expansion un synonyme de guerre de conquête. » Comme l’analyse Harald Welzer4 : « Les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. Des processus sociaux comme l’holocauste ne doivent pas être compris comme une « rupture de civilisation » ou une « rechute dans la barbarie », mais comme la conséquence logique de tentatives modernes pour établir l’ordre et résoudre les problèmes majeurs ressentis par des sociétés. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre  compte : c’est le phénomène des shifting baselines. »

Le dernier rapport de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) indique que « la mobilité humaine est sans précédent par le passé »5. Nous cumulons 214 millions de migrants internationaux et près de 1 milliard en comptant les migrations internes. Cela s’accompagne de perception anxiogène et d’image négative des migrants, de manifestation de xénophobie et d’attitudes discriminatoires, d’une percée électorale de l’extrême droite et des partis nationalistes. Nous sommes dans une sorte de spirale avec des manifestations de peur, de rejet et de violences un peu partout dans le monde. L’écologie, la protection des milieux et la stabilité sociale ne font donc pas bon ménage avec les migrations. Comme l’écrivait déjà Malthus il y a deux siècles, « L’émigration, en supposant qu’on en pût faire un libre usage, est une ressource qui ne peut être de longue durée. ».

1. Les inrockuptibles (4 au 10 mai 2005)

2. LE MONDE du 30 septembre 2011

3. L’enfermement planétaire (Gallimard, 2008)

4. Les guerres du climat (Gallimard, 2009)

5. LE MONDE du 7 décembre 2011, La crise ne freine pas les flux migratoires mais accroît les manifestations de rejet

arrêt des migrations et ressources vitales Lire la suite »