énergie

Bure et la considération du long terme

Une des caractéristiques de l’écologisme est sa préoccupation du long terme, à savoir le sort des générations futures et de la biodiversité. Les zadistes contre l’aéroport à NDDL avaient comme principaux arguments l’accaparement des terres par la bétonisaiton, ce qui impacte à la fois les ressources agricoles et la biodiversité. D’autre part faire voler un plus lourd que l’air nécessité beaucoup d’énergie, on brûle du kérosène. Or la descente énergétique va commencer et le réchauffement climatique s’accélérer, ce qui rend improbable la montée en puissance de l’aviation dans l’avenir. Les zadistes de NDLL protégeaient donc le long terme, ils avaient raison. Qu’en est-il maintenant de Bure ? Deux opposants ont été condamnées à trois mois de prison ferme et incarcérées (19 mars 2018). Leur contestation du centre d’enfouissement des déchets radioactifs est-elle fondée ?

Le gouvernement devait tester trois options, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques. Alors, entreposage ou enterrement ? Car il ne s’agit pas de s’opposer à un nouveau projet inutile et imposé comme à NDDL, il faut gérer l’existant, des déchets dont la virulence va mettre des centaines de milliers d’années pour se résorber. Le problème de fond, c’est qu’envisager sereinement une gestion des déchets sur des siècles est une imposture, car les sociétés humaines sont essentiellement fragiles sur le long terme. En un siècle passé, qu’a déjà connu la France ? Deux guerres mondiales, plusieurs chocs pétroliers, des crises financières… Comment répondre de la sécurité du Cigéo dans le siècle qui vient (option gouvernementale)… ou d’un entreposage en surface (option d’EELV) ? Cigéo (centre industriel de stockage géologique) est un projet de très longue haleine : la mise en service du centre de stockage est prévue vers 2026 ou 2027, et sa fermeture au milieu du XXIIe siècle. Il n’est pas sûr que nous pourrons financièrement et socialement tenir un tel agenda. Le site Reporterre estime qu’il est temps de réfléchir à l’entreposage à terre, ce qui se fait en piscine à l’heure actuelle. Cela permet une évacuation des calories, avec accessibilité garantie, sans risque de surchauffe accidentelle. Mais des déchets vitrifiés seront-ils aussi stabilisés dans l’avenir ? La question reste donc entière : mettre des déchets à très longue vie dans des piscines ou dans des grottes ne dit rien sur les possibilités humaines de maintenance des lieux pendant des centaines d’années.

Vaut-il mieux des déchets toxiques à 500 mètres sous terre ou à l’air libre pendant une période qui dépasse nos capacités socio-économiques ? Au début de l’année 2006, le président de l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) avait envoyé aux députés français le « dossier 2005 Argile » (qui traite du centre d’enfouissement à Bure) en reconnaissant qu’il n’a pas été produit de seconde version du « dossier 2005 Granite » (centre de stockage dans le granite, projet qui a été abandonné). Argile ou granite ? En Finlande, le centre d’enfouissement nucléaire d’Onkalo ne suscite pas de protestations. Avec ses deux milliards d’années au compteur, la roche granitique est idéale, c’est une zone géologique stable. Et même si l’inconcevable se produisait, les modélisations montrent que la radioactivité qui remonterait à la surface sera largement en dessous des doses autorisées ». La pire option serait de ne rien faire et de laisser les combustibles usés à la surface, juge Greenpeace.

Le nucléaire civil, qui ne tenait pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets), n’était pas une activité raisonnable. Accepter Bure parce qu’on n’a plus vraiment le choix, c’est aussi trouver absolument inacceptable toute nouvelle construction de réacteur nucléaire ! C’est à notre avis l’EPR de Flamanville, mise en service prévue fin 2018, contre lequel aurait du porter de préférence les actions des militants écolos.

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Bernard Laponche a vu le Saint Esprit au-dessus de Bure

Le gouvernement a annoncé un nouveau débat national sur la gestion des déchets radioactifs. On sait déjà que cela ne servira à rien, il y aura les partisans de l’enfouissement à Bure et ceux qui réclament d’autres solutions, les envoyer sur la Lune ou sur Mars, les mettre en subsurface, etc. L’expert Bernard Laponche* tient de son côté le même discours que le Français moyen : « Pas de problème avec nos problèmes, la science trouvera dans le futur le moyen de nous débarrasser des déchets nucléaires ». C’est la même démarche qui dit qu’on va trouver plus tard, on sait pas quand mais on en est sûr, des alternatives aux combustible fossiles, le moyen facile de fabriquer des steaks artificiels, les algorithmes qui vont nous empêcher de mourir, etc. » On ne peut pas élaborer une alternative crédible à partir de tels prémices, la confiance aveugle au progrès technique qui va nous sauver un jour… Quand on voit un polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires et docteur en économie de l’énergie attendre le miracle, on voit bien que la filière nucléaire de production d’électricité était une voie sans issue. Restons-en à son constat : « Il n’existe pas à l’heure actuelle de solution satisfaisante » ! pour la gestion de ces déchets à haute activité et à vie longue.

Bernard Laponche précise sa pensée : « Au vu des progrès de la recherche dans tous les domaines pendant les quatre-vingts ans qui nous séparent de la découverte de la fission nucléaire, je pense qu’il y a de fortes chances que la recherche soit capable de découvrir une solution satisfaisante pour la gestion des déchets bien avant deux ou trois siècles. » De notre côté nous ne constatons aucun progrès technique véritablement à l’échelle humaine et parfaitement adaptée aux possibilités de la biosphère. C’est l’épuisement des ressources naturelles, la pollution durable et la désorganisation de notre organisation sociale qui prédomine avec les conséquences de la techno-science.

Oui, l’enfouissement dans l’argile à 500 mètres sous terre est une décision périlleuse, définitive et irréversible. Oui, l’entreposage à sec en subsurface, c’est-à-dire près de la surface, serait une décision périlleuse, définitive et irréversible. Il est en effet impossible de garantir la maintenance d’un tel site sur une durée de plusieurs siècles. Notons qu’il faudrait aussi surveiller pendant au moins trois cents ans les stockages en surface qui existent déjà pour les déchets de faible activité, durée nécessaire pour que la décroissance de leur radioactivité permette de les considérer comme inoffensifs. Trois cents ans, l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle est prévu pour dans moins longtemps ! Dans tous les cas, on impose aux générations futures une pollution du sol dont elles vont très probablement pâtir, sans aucun moyen d’agir. Quels que soient les dispositifs imaginés pour informer nos lointains descendants de la présence d’un stockage de déchets nucléaires, il est à craindre que, dans quelques milliers d’années, on ne saura pas décrypter les hiéroglyphes mis en place. Avec Cigéo, les générations futures vont faire face à un risque « inacceptable ». Mais comme les jeunes d’aujourd’hui s’en foutent déjà complètement de la radioactivité, à plus forte raison les enfants de leurs enfants. Ainsi va le monde, un pays d’aveugles où les borgnes ne sont même pas les rois, où les fous comme Trump, Erdogan ou Kim Jong-un mènent la danse. Et comme le gouvernement Macron veut vendre six réacteurs nucléaires français de type EPR à l’Inde, on voit que la folie est bien partagée.

* LE MONDE du 29 mars 2018, « Enfouir les déchets nucléaires est la pire des solutions »

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Faut-il être contre les compteurs Linky ?

POUR Linky : Les compteurs Linky sont un outil majeur au service de la transition énergétique. Ils permettent de piloter plus efficacement le réseau, d’intégrer de nouveaux moyens de production, de nouvelles formes de consommation et, surtout, ils permettent aux consommateurs de mieux connaître et donc de mieux maîtriser leur consommation électrique. Cet accès à l’information pourrait permettre jusqu’à 23 % d’économies d’énergie. Les ondes émises par le système Linky sont du même ordre de grandeur que celles émises par un téléviseur ou un écran cathodique et sont inférieures à celles générées par des plaques de cuisson. Concernant les données personnelles, seule la consommation globale d’électricité est transmise pour l’information personnelle de l’usager sur son espace sécurisé en ligne, pour la gestion du contrat électrique, ou pour effectuer des diagnostics énergétiques précieux dans le cadre de la transition énergétique actuelle. Le tout étant crypté et anonyme. (vingt-six députés « En marche » en faveur des « compteurs intelligents »)*

CONTRE Linky (Stéphane Lhomme, tout seul contre les 26 députés)** : Les députés LRM ne sont que des courroies de transmission au service de l’Elysée. Ce texte (des députés) aligne les affirmations gratuites. Ils assurent que le Linky « pourrait permettre jusqu’à 23 % d’économies d’énergie » : on n’est pas loin du régime qui permet de « perdre 25 kg en 5 jours en mangeant à volonté ». Le distributeur Enedis est une filiale à 100 % d’EDF… qui est déjà proche de la faillite. Ces compteurs obligent de nombreux usagers à prendre un abonnement plus cher pour ne pas disjoncter continuellement.Les Linky doivent être dotés dans un second temps des ERL (émetteurs radio Linky) qui vont transformer chacun de ces compteurs en puissant émetteur Wi-Fi : les mesures effectuées aujourd’hui ne peuvent donc mettre en évidence les émissions générées demain ! Et il ne faudra que cinq minutes au gouvernement en place, que ce soit dans trois ou cinq ou dix ans, pour décréter que, finalement, ces données seront utilisables sans l’accord des usagers. Une des caractéristiques du macronisme – et de ses députés godillots – est d’être « en marche » forcée vers un implacable totalitarisme numérique, lequel fera sous peu passer les services comme la Securitate et la Stasi pour d’archaïques amateurs…

POUR ou CONTRE Linky (des commentateurs sur lemonde.fr)

– Stéphane Lhomme, un magnifique exemple de FUD : Fear, Uncertainty and Doubt. Appelé pompeusement « Directeur de l’observatoire du nucléaire », Stéphane n’est que le créateur et l’unique salarié de cette très petite association. Il se paye au SMIC avec l’aide d’un contrat aidé par l’État.

– C’est une operation ENEDIS / EDF à la Hussarde digne d’un monopole. Que Choisir-l’UFC a déjà pointé du doigt les dérapages et des pannes sévères et son coût. La Cour des Comptes, une dépense exorbitante et une communication désastreuse et surtout l’absence de bénéfice pour le consommateur qui finira par le payer au prix fort.

– Il faut remarquer que le nouveau compteur, au contraire de l’ancien, marche dans les deux sens, à savoir qu’il attend que chaque usager se mette à produire de l’électricité, c’est le rêve du panneau solaire généralisé .

– Ce que je voulais pointer, ce sont les dégâts collatéraux de ce que vous appelez le progrès… Quand toutes les tuiles seront des cellules solaires et les platanes des éoliennes, je pousse le trait, vous n’aurez plus que votre compteur Linky pour pleurer…

– Linky installé chez moi depuis 30 jours, RAS tout fonctionne. Tant mieux si Enedis peut mieux piloter la consommation grâce à cela. A part les malfaçons toujours possibles de la part des sous-traitants, Ceux qui ont des pb c’est parce qu’ils ont un abonnement limite en terme de puissance : là ou l’ancien compteur permettait de dépasser ponctuellement la puissance souscrite, linky disjoncte.

– Merci à Monsieur Lhomme de rappeler que les compteurs Linky vont permettre à chacun de suivre en temps réel sa consommation personnelle et donc de faire des économies d’énergie. « La seule énergie propre est bien sûr celle qu’on ne consomme pas ».

– Pro ou anti Linky, pas la peine de s’énerver : le vrai goulot d’étranglement sera la raréfaction des énergies accessibles eu égard aux besoins et à la démographie et donc l’augmentation de son prix ; et ce quel que soit le modèle du compteur qui calcule la facture …

*LE MONDE du 3 mars 2018, « Les compteurs Linky sont un outil majeur au service de la transition énergétique »

**LE MONDE du 13 mars 2018, « Plus de 500 municipalités s’opposent aux compteurs Linky »

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Pour une alternative à l’enfouissement à Bure

Reporterre, 16 février 2018 : Posons correctement la question des déchets. En soulignant que la situation dans laquelle l’industrie nucléaire a conduit la France est particulièrement compliquée. Pourquoi ? Parce que, alors que les autres pays exploitant l’énergie nucléaire n’ont à gérer qu’un seul type de déchets, les combustibles usés sortant très radioactifs des réacteurs, la France s’est engagé dans la voie du retraitement, qui aboutit à créer cinq types de déchets, comme nous l’avons expliqué en détail cette semaine : les actinides mineurs ; le plutonium ; le MOx usé ; l’uranium de retraitement ; le combustible uranium usé. Comme chacun présente des caractéristiques radioactives et thermiques différentes, chacun appelle une solution particulière. Autrement dit, alors que, par exemple, les États-Unis ou la Suède n’ont à gérer qu’un seul type de déchets nucléaires — et n’y trouvent d’ailleurs pas de solution —, la France a cinq casse-tête au lieu d’un. L’honnêteté consisterait à le reconnaître, plutôt qu’à faire croire à l’opinion qu’il y a des « déchets nucléaires » et qu’il suffira de les enfouir pour régler le problème. Il est temps de réfléchir à l’entreposage à sec, qui est pratiqué à grande échelle dans plusieurs pays.
Déchets nucléaires : il faut que l’État cesse de mentir

XXX, 12 février 2014 : Je travaille depuis longtemps au CEA dans le secteur de la thermique. Tout le monde comprendra que je ne saurais m’exprimer en dehors de la protection par un pseudonyme. Voici mon point de vue. Les liquides conduisent mieux la chaleur que les gaz, et c’est la raison pour laquelle on procède à un pré-stockage des éléments les plus chauds,  issus du déchargement de cœurs, dans de l’eau, pendant des années quand le combustible est de l’uranium, temps qui atteindra 50 à 60 années pour le combustible MOX, où l’élément thermogène est le plutonium. Dans les solides, tout mouvement de convexion est par définition impossible et, si on excepte les métaux,  ce sont les milieux les moins conducteurs de la chaleur qui soient. Ainsi toute galerie contenant des colis dégageant de la chaleur est susceptible de se transformer en four. Se pose alors la question du conditionnement des déchets à vie longue, les plus dangereux, dans leurs sarcophages de verre. A température ordinaire, la géométrie des verres ordinaires n’évolue pas, même à l’échelle de temps géologiques, même sur des milliards d’années. Ce conditionnement, si on vise une dispersion minimale semble donc optimal, s’ajoutant à une très faible solubilité dans l’eau et à une excellente résistance aux attaques chimiques. Mais le verre se comporte comme un fluide à une température  de 1400-1600°C, toujours aisément atteignable dans un four. Dans une verrerie, on travaille ce matériau à des températures allant de 400 à 600°. On lit qu’au moment de leur enfouissement les colis dégageront des flux thermiques allant de 200 watts, jusqu’à 500 et 700 watts pour ceux qui contiennent des déchets issus des cœurs ou du retraitement. C’est absolument énorme. Le contrôle thermique devra être assuré à l’aide d’une ventilation de telle façon que la température de l’argile se maintienne en dessous de 70 à 90°C. Il y a deux sources d’échauffement possibles. Celles issues des décompositions radioactives, qui sont calculables et celles, accidentelles, qui découleraient de l’inflammation d’hydrogène dégagé au fil de la décomposition de matières plastiques, qui ne sont ni calculables, ni prédictibles, ne serait-ce que parce qu’on ne dispose pas d’un inventaire précis des contenus de chaque colis scellé. Le stockage souterrain, sur le long terme, est donc toujours dangereux parce que très difficile à contrôler. Je remarque au passage que CIGEO n’a nullement été conçu pour stocker les déchets qui seront issus du MOX (constitué d’environ 7 % de plutonium et 93 % d’uranium appauvri). La production électronucléaire, outre sa dangerosité et l’impossibilité de démanteler les installations, représente une erreur technologique de notre temps. L’accumulation de déchets ingérables, d’origine nucléaire, s’inscrit dans l’ensemble des activités humaines, dans la mesure où celles-ci se sont résolument écartées de toute idée d’équilibre naturel. L’humanité a forgé l’expression, « bio-dégradable » alors que tout ce que produit la nature est par essence bio-dégrable, depuis les excréments, les rejets gazeux, jusqu’aux structures pourrissantes. Une infinité de mécanismes étaient en place qui débouchaient sur une régulation de la biosphère, qui avait fait ses preuves jusqu’à l’apparition de l’homo technologicus. L’homo technologicus est un accumulateur de déchets de longue durée de vie. Les déchets de l’industrie nucléaire ne font qu’étendre la gamme des déchets en tous genres. Aucun agent biologique ou chimique ne peut les dégrader. L’idée d’entreposer des déchets, dont la durée de vie se chiffrerait en milliers de générations humaines, dans des galeries ajoute le risque d’une contamination de la croûte terrestre, sur des étendues que personne aujourd’hui ne saurait suspecter, du fait des incontrôlables circulations phréatiques.

La conclusion s’impose, vis à vis d’un projet comme CIGEO. Le seul système de stockage tout à la fois actuellement praticable et politiquement responsable est un stockage en surface, qui permet une évacuation illimitée de calories, à un rythme élevé et continu, par convexion, sans risque de surchauffe accidentelle, avec accessibilité garantie. Une solution consisterait non à les placer dans des grottes, accessibles, taillées à flancs de falaises, légèrement surélevées pour mettre leur contenu hors d’atteinte d’une inondation, naturellement ventilées et placées sous bonne garde. C’est la réelle maîtrise d’une future « chimie des noyaux » qui, en mettant en œuvre des mécanismes qui, à haute température, permettront d’orienter les processus de transmutations, rendront possible de réellement retraiter ces dix millions de tonnes de déchets nucléaires. Nos descendants, quand ils sauront maîtriser ces technologies, peut-être dans moins d’un siècle au train où vont les choses, seront bien en peine de récupérer si nous décidons de donner suite à ce projet de stockage profond.

https://apag2.wordpress.com/2014/02/12/cigeo/

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Bientôt des kWh d’origine humaine, on va souffrir

Un seul petit kilowatt-heure, c’est beaucoup beaucoup. Roland Lehoucq nous donne quelques indications : «  Un terrassier pelletant 12 fois par minute pendant huit heures, chaque pelletée ayant une masse de 3 kilogrammes et montant de 1 mètre, ne produit que 0,05 kWh d’énergie mécanique avec ses bras. Par comparaison, l’énergie libérée par la combustion de 1 litre d’essence est d’environ 10 kWh. Le salaire minimal horaire fixe le coût du kWh d’énergie mécanique humaine à plusieurs centaines d’euros, contre 0,6 euro pour le kWh issu de la combustion de l’essence. Vu le différentiel de prix, les tâches nécessitant beaucoup d’énergie mécanique sont faites par des machines. En France, la consommation énergétique annuelle par habitant est de l’ordre de 24 000 kWh, environ 240 fois supérieure à celle qu’un humain peut produire pendant la même durée avec sa seule puissance musculaire. Le formidable pouvoir de l’humanité sur la biosphère terrestre résulte de sa capacité à mettre en œuvre les grandes quantités d’énergie nécessaires aux transformations qu’elle réalise. Quand cette période d’abondance finira, le réveil risque d’être difficile. »* Quand cette période d’abondance finira, le réveil risque d’être difficile !

« L’homme, combien de kWh ? », s’interroge Jean-Marc Jancovici : « En fait, l’unité d’énergie que chacun d’entre nous connaît le mieux n’est pas le kWh, mais probablement… la Calorie. En effet, presque chacun d’entre nous sait qu’une personne sédentaire a besoin d’environ 2.000 Calories par jour, qui nous sont fournies par notre alimentation. Par équivalence, un humain au repos absorbe environ 2,3 kWh par jour. Un être humain effectuant un travail très « physique » consomme de l’ordre de 5 kWh par jour. C’est là que nous commençons à mesurer le « saut de puissance » fantastique qui est arrivé à notre espèce en domestiquant les énergies fossiles : avec 1 euro, je m’achète 1 litre d’essence, qui contient 10 kWh d’énergie (à peu près), soit l’équivalent de la consommation de 2 « esclaves » pendant une journée complète. Qui avait les moyens, avant que charbon, pétrole et gaz – et marginalement le reste – n’envahissent nos vies, de se payer avec le seul fruit de son travail « normal » l’équivalent de cinq cent domestiques pour se déplacer, se nourrir, se divertir, faire sa cuisine et sa vaisselle, et j’en passe, ce qui est maintenant la condition de M(me). « tout le monde » ? Le roi, et encore ! Et le pétrole vaudrait cher ? Combien d’esclaves dans la vie moderne ? Pour produire la nourriture aujourd’hui consommée par les français, il faudrait une population agricole de… 1,8 milliards de personnes (pour 65 millions de français) si nous avions le même régime alimentaire et pas d’énergie fossile ou fissile. Un autre parallèle peut être utilisé : sachant qu’un cheval de puissance (environ 0,7 kW) pour une voiture représente réellement un cheval attelé en termes de puissance de traction, cela signifie que le moindre smicard, aujourd’hui, a les moyens de se payer un attelage de 60 chevaux pour le prix de 6 à 8 mois de salaire. Et l’énergie vaudrait cher (bis ou ter) ? La conclusion de cette affaire est évidemment indicible en démocratie : ce n’est pas seulement le mode de vie de M. Dassault ou de la Reine d’Angleterre qui est devenu « non durable » si nous nous mettons sur le terrain de la physique, mais bien celui de chacun(e) d’entre nous, ouvrier(e)s d’usine, agents de nettoyage et caissier(e)s de supermarché compris. Les « modestes » des pays industrialisés contribuent déjà à dépasser les possibilités physiques de la planète. »** Sans énergie fossile ou fissile, on va souffrir

Il y a de quoi être inquiet. Nous avons relaté sur ce blog en 2011 un exposé de Jean-Marc Jancovici dans les locaux de l’Assemblé nationale : « Je commence par une question, combien de parlementaires dans cette salle ? 1,2 3, on va dire sept ou huit ! Au niveau de l’énergie, c’est le serpent qui se mord la queue : les parlementaires n’ont pas conscience de l’urgence du problème, donc ils ne viennent pas s’informer, donc ils n’ont pas conscience du problème ! Quelle est la martingale qui permettrait à 200 parlementaires de se tenir tranquille dans une salle pendant trois heures pour écouter un cours ? Si quelqu’un a une réponse, je prends ! Car c’est une bonne partie de la stabilité politique de la France dans les vingt ans qui viennent qui en dépend. Comme les politiques sont interrogés par des journalistes qui n’y connaissant rien non plus, cela tourne en vase clos, à aucun moment il n’y a d’issue. L’idée qu’on va pouvoir trouver des substituts à l’énergie fossile ou à l’uranium, c’est une chimère, ça n’existera pas. Aujourd’hui, pour faire un baril jour de pétrole conventionnel, il faut mettre sur la table 20 000 dollars de coût en capital. Pour les hydrocarbures non conventionnels, coal to liquids ou sables bitumineux, il faut 200 000 dollars. Dix fois plus de capital nécessaire, le coût en capital du déplacement des ressources fossiles représente des sommes astronomiques. Il faut donc investir massivement dans les économies d’énergie sinon le problème social sera dramatique. Parce que nous avons déjà beaucoup trop attendu, les investissement de transition qu’il va falloir faire dans un contexte récessif posent problème. L’inertie des systèmes énergétiques du côté de la consommation (parc de logements, de voitures…) fait que le changement ne se fait pas en une semaine, mais plutôt en 30 ans. La faute est collective, il n’y a pas droite ou gauche sur la question, il n’y a pas électeurs ou élus, on s’est tous vautrés, on a beaucoup trop attendu pour faire les choses en douceur. Mais si nous en le faisons pas maintenant de manière extrêmement musclée, ce qui nous attend n’est pas du tout ce que conçoivent les politiques dans leurs programmes électoraux pour 2012. »***

Nous sommes fin février 2018, nous n’avons rien fait. Penser en termes de catastrophe à venir paraît plausible !

* LE MONDE science du 31 janvier 2018, Peut-on ressentir ce qu’est 1 kWh ?

** https://jancovici.com/transition-energetique/l-energie-et-nous/combien-suis-je-un-esclavagiste/

*** http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/02/14/le-pic-petrolier-vu-par-jm-jancovici/

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Les Zadistes à Bure, c’est un combat perdu d’avance

Nous allons nous faire incendier par nos lecteurs, mais nous pensons sur ce blog que Bure est un moindre mal. Autant l’abandon d’un nouvel aéroport à NDDL grâce aux zadistes nous paraissait justifié, autant l’opposition à un centre d’enfouissement des déchets à Bure nous semble un combat perdu d’avance. Car quelles sont les alternatives à cet enfouissement ? De 1991 à 2006, on devait tester trois axes, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. L’option alternative d’un « entreposage de longue durée en surface » a fini aux oubliettes. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques. Alors, que faire des déchets radioactifs ? Nous avons violé toute les lois de la nature, nous devons assumer. La Biosphère fonctionne selon des processus de recyclage, les humains ont abandonné cette réalité pour ne s’intéresser ni à la pérennité des ressources naturelles nécessaires à leur activité, ni à la gestion des déchets. Une activité humaine qui ne tient pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets) n’est pas une activité raisonnable… D’autant plus qu’envisager une gestion des déchets sur des siècles est une imposture, on sait que les sociétés humaines sont essentiellement fragiles sur le long terme. En un siècle passé, qu’a déjà connu la France ? Deux guerres mondiales, plusieurs chocs pétroliers, des crises financières… Comment répondre de la sécurité du Cigéo (centre industriel de stockage géologique) dans le siècle qui vient, alors que les menaces d’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle se précisent (réchauffement climatique, blocage énergétique…) ? Tout cela vaut bien sûr condamnation de la production d’énergie nucléaire, mais que faire des déchets radioactifs préexistants ?

Le gouvernement a décidé de « rétablir l’ordre » à Bure. « Sous l’autorité de la préfète de la Meuse, une opération menée par la gendarmerie nationale a débuté ce matin à 6 h 15 visant à mettre fin à l’occupation illégale du bois Lejuc, site de 221 hectares destiné au projet d’intérêt national Cigéo, situé au nord de la commune de Bure. Elle vient mettre à exécution une décision de justice du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc. »* Après l’abandon du projet de NDDL, le ministre de lécologie et solidaire Nicolas Hulot avait averti : « La décision du gouvernement n’est en aucun cas une licence pour reproduire ce type d’action. Mon travail est de vérifier que le stockage se fasse dans des conditions de sécurité absolue. Ensuite, cela doit nous pousser encore plus à réfléchir sur le nucléaire. Ce n’est pas ma conception d’une civilisation d’avoir des déchets que l’on délègue aux générations futures. Dans le sous-sol de cette commune de la Meuse, doivent être enfouis, à 500 mètres de profondeur, les déchets nucléaires français les plus dangereux : 85 000 m3 de produits hautement radioactifs et à vie longue – des dizaines ou des centaines de milliers d’années. J’ai estimé dès novembre 2017 que l’enfouissement des déchets radioactifs est « la moins mauvaise » solution. » Lors de ses vœux à la presse de janvier 2018, il avait précisé : « Si l’on m’offre des alternatives, je suis preneur. Je me serais bien passé des déchets nucléaires. Mais maintenant que je suis ministre et que j’en ai la charge, je veux bien les mettre au fond des océans ou les envoyer dans l’espace, mais je ne crois pas que ce soit très raisonnable. »

Le centre industriel de stockage géologique de Bure sera un gigantesque cimetière nucléaire de 15 km2 de galeries et d’alvéoles, dans lesquelles les radioéléments devront être confinés pour l’éternité, ou presque : leur durée de vie se compte en centaines de milliers d’années, pour certains en millions d’années. La radioactivité du neptumium 237 diminue de moitié au bout de deux millions d’années. En 2030, le volume des déchets à haute activité atteindra 5300 m3. Comment faire autrement pour se débarrasser de ces déchets ? En tout état de cause, Cigéo est un projet de très longue haleine : la mise en service du centre de stockage est prévue vers 2026 ou 2027, et sa fermeture au milieu du XXIIe siècle. L’opposition à l’enfouissement à Bure va être durable et très difficile à gérer, nous ne voudrions pas être à la place de Nicolas Hulot.

* LE MONDE du 23 février 2018, Bure : les opposants au projet de centre d’enfouissement évacués de manière musclée

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Astrid, un joli nom pour une belle salope…rie !

ASTRID, c’est l’Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration. Le projet de démonstrateur de réacteur à neutrons rapides Astrid entendait répondre aux problèmes des déchets : en brûlant l’uranium appauvri et le plutonium (la France en produit 10 tonnes par an) issu de la combustion du parc actuel d’EDF, il promettait de boucler le cycle du combustible  et de remédier à la question de l’approvisionnement en matière première. Concernant l’uranium, la France en importe 8.000 tonnes chaque année pour produire 1.000 tonnes d’uranium enrichi… Les 7.000 tonnes restantes d’uranium appauvri sont stockées (le stock dépasse 300.000 tonnes). Le groupe nucléaire Areva et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) avaient signé un accord* de collaboration (dépêche AFP du 9 novembre 2010) portant sur les premières études de conception du prototype de ce réacteur de 4ème génération qui serait construit à Marcoule à partir de 2017.

Selon Les Echos*, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) vient de proposer de revoir à la baisse la taille du démonstrateur de réacteur à neutrons rapides, faute d’argent. Le gouvernement doit trancher d’ici la fin de l’année. Au lieu de construire un démonstrateur de 600 mégawatts (MW) (dont la mise en service était prévue à l’horizon 2039), il envisage désormais un projet de puissance réduite : entre 100 à 200 MW. Le dossier du nucléaire dit de « quatrième génération » capote pour des raisons financières. Depuis 2010, l’Etat a mis beaucoup d’argent sur la table.  On a déjà dû dépenser 600 à 700 millions d’euros … pour rien. les grands partenaires du CEA ne semblent plus très allants. Mais les véritables oppositions devraient venir d’observations techniques.

Astrid fonctionnerait avec un cœur à neutrons rapides refroidi au sodium. Pas de quoi tomber amoureux. Il ressemblera tellement à son grand frère de Creys-Malville, Superphénix ! La mise à l’arrêt définitif de Superphénix a été prononcée par décret du 30 décembre 1998. Aujourd’hui, en 2010,  les 5500 tonnes de sodium, dont la majorité est irradiée, ne sont pas encore traitées. Les ateliers nécessaires n’avaient pas été prévus à la construction de la centrale ! Le sodium primaire est donc maintenu depuis douze ans à la température de 180 °C pour rester à l’état liquide. Or le sodium liquide s’enflamme au contact de l’air et explose au contact de l’eau. Pour connaître un emballement du cœur de ce réacteur, il suffit d’une fuite de sodium peut provoquer la catastrophe. L’explosion atomique dont un surgénérateur peut être le siège porte le nom rassurant d ‘« excursion nucléaire ». Nous préférons les excursions amoureuses.

* https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/0301218315000-nucleaire-le-reacteur-du-futur-astrid-en-suspens-2149214.php

Astrid, un joli nom pour une belle salope…rie ! Lire la suite »

L’aveuglement de Patrick Pouyanné, PDG de Total

Qu’on fasse des investissements ou non, un jour prochain le pétrole viendra à manquer, c’est une inéluctabilité d’origine biophysique. Alors autant se préparer déjà à la pénurie de ressources fossiles non renouvelables. Dautant plus que lutter contre le réchauffement climatique implique de laisser la plus grand partie du pétrole sous terre, ce qu’oublie de dire Patrick Pouyanné ! L’essentiel est de diminuer nos besoins en énergie, tout le reste n’est que gesticulation financière. Reprenons les propos du PDG de Total dans LE MONDE*.

Pouyanné reconnaît « qu’on ne maîtrise pas les prix du pétrole ». C‘est en effet une variable qui n’obéit pas seulement aux lois du marché, l’offre et la demande à court terme, mais aussi à des considérations géopolitiques. Le premier choc pétrolier de 1973 était le résultat de la guerre du Kippour, celui de 1979 suivait l’arrivé au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny. Il n’est pas écrit que le baril (environ 159 litres) va rester à son niveau de 70 dollars, Pouyanné travaille « sur des scénarios de replis à 50 dollars ». Mais il se pourrait aussi bien que le prix quadruple comme en 1973 et atteigne 280 dollars le baril. Pouyanné fait de l’écologisme à la petite semaine : « Le gaz se porte bien, ce qui est une bonne nouvelle pour les défenseurs du climat, car il émet deux fois moins de CO2 que le charbon. » Selon le BP Statistical Review de 2016, compte tenu de la production actuelle, la durée des réserves mondiales prouvées de gaz naturel serait de 55 ans – contre 53 pour le pétrole. Différence infime ! Le gaz est aussi une ressource non renouvelable dont on a déjà épuisé plus de la moitié. Son horizon mental s’arrête en 2022, « avec une hausse moyenne de la production de 5 % par an ». Après cela le déluge ou la sécheresse ! Pouyanné pense qu’en 2040, « le monde consommera encore 80 ou 90 millions de barils par jour », ce qui n’engage que lui. L’idée d’une crise généralisée de la société thermo-industrielle dans les années 2020 ou 2030 ne l’effleure visiblement pas. L’inéluctable décroissance n’existe pas dans son logiciel cérébral. Son discours est centré sur des considérations politiques de courte vue, rapports avec la Chine, l’Iran, la Russie… qu’il ne faut surtout pas sanctionner car « les sanctions sont un système pervers qui fait souffrir les peuples, ne fait que renforcer les régimes autoritaires et nourrir le nationalisme. » Il affirme sa volonté de « produire de l’électricité à partir du gaz et des renouvelables », ce qui reconnaît implicitement que l’électricité n’est pas une source primaire d’énergie, il faut la fabriquer. Et ce n’est pas parce que la demande en électricité croît plus vite que la demande moyenne en énergie que la production d’électricité pourra alimenter un parc de voitures individuelles correspondant au nombre actuel de voiture thermiques : plus de un milliard dans le monde, une voiture pour 7 habitants, une aberration.

Avec un bénéfice supérieur à 10 milliards de dollars en 2017 et 10 % du marché mondial, Pouyanné dirige une entreprise prospère, une multinationale. Il est donc victime de l’illusion du pouvoir, quand on croit que tout est possible, que tout est permis. Tout n’a pourtant qu’un temps, son prédécesseur Christophe de Margerie est mort, le kérosène l’a tué. Et le pic pétrolier du pétrole conventionnel, le maximum de pétrole qu’on puisse facilement sortir de terre, est déjà daté de 2006. Quant au réchauffement climatique, il est clair que Pouyanné ne pense jamais (officiellement) aux générations futures. Dans deux ou trois siècles, on regardera sûrement les patrons des firmes multinationales qui dévastent la nature, asservissent leur main d’œuvre et manipulent les consommateurs comme on regarde aujourd’hui les seigneurs de lAncien régime qui pouvaient faire ce qu’ils voulaient de la vie des serfs : des salauds.

* LE MONDE du 7 février 2018, Patrick Pouyanné, PDG de Total : « Après 2020, on risque de manquer de pétrole »

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Climat, fermeture prévue des stations de sports d’hiver

Les bronzés ne feront plus de ski. Ainsi se termine un article du MONDE*. Dans les zones de moyenne altitude des Alpes italiennes, les squelettes des pylônes des téléskis s’accrochent aux pistes désertées, et les nacelles vides se balancent au vent. La hausse des températures fait son travail de sape. L’OCDE faisait déjà en 2007 une prévision alarmante : que la température croisse de 2 degrés Celsius, et 40 % des 666 stations alpines ne seront plus rentables faute de neige. En 2010, à Vancouver, la température supérieure à zéro avait empêché le recours aux canons à neige et imposé le transport d’énormes quantités de la précieuse matière première… par hélicoptère. A quoi bon s’obstiner à organiser de coûteux Jeux olympiques (JO) d’hiver ? Huit des vingt et une villes hôtes de ces joutes hivernales seraient trop chaudes en 2050 pour les accueillir de nouveau. Cette industrie est à la fin d’un cycle.

Peu importe que le journaliste Jean-Michel Bezat plagie un article de The Economist quand l’information importe. Cet expert en énergie du MONDE occulte la fin du pétrole. Or il devrait toujours relier combustion du pétrole et réchauffement climatique qui sont les jumeaux de l’hydrocarbure. Sans pétrole à bon marché, vous n’auriez pas la possibilité de skier vu l’énergie que ce sport nécessite. Quand vous vous mettez vraiment à y penser, ce n’est pas seulement le ski de masse qui n’existerait pas, mais la plupart des choses qui nous entourent et dépendent du pétrole pour leur fabrication et leur transport. Le changement climatique nous dit que nous devrions changer, tandis que le pic pétrolier nous dit que nous allons être forcés de changer. Une technologie va nous sauver, une forme radicalement nouvelle de stockage du gaz carbonique, bon marché et efficace. Elle a pour nom : laisser les carburants fossiles sous la terre et ne plus faire de ski. Quelques commentaires sur le ski trouvés sur lemonde.fr :

manon troppo : Depuis le temps que vous nous bourrez le crane avec vos prévisions catastrophiques laissez nous vivre encore un peu ! si on vous écoutait il y a 10 ans, la mer devrait être à Rouen et la neige disparaître de l’Everest…

Robert-Denis RAULT @ manon troppo : Il ne s’agit pas de prévisions catastrophistes que l’on pourrait réfuter. Il s’agit de la description de ce qui a déjà eu lieu au cours des quarante dernières années. Originaire d’une région de montagne, et observateur passionné de la nature, je peux vous dire que l’enneigement a changé du tout au tout. J’ai skié autrefois dans des stations dont le bas des pistes était équipé jusqu’à 700 m d’altitude. Allez maintenant skier à 700 m !

Le kéké d’Yssingeaux : « manon troppo » nous affirmait il y a quelques années (sur le défunt blog du Monde « Big Browser ») que « il n’y a jamais eu autant d’ours polaires qu’aujourd’hui » et que « toute cette culpabilisation est mauvaise pour notre jeune génération ».

Le skieur : Hmmm pendant ce temps dans les Alpes, c’est ‘tout va bien madame la marquise’. Le roitelet de la région a donné le feu vert pour subventionner des canons à neige à tout va. On ne va surtout rien changer.

GILLES SPAIER : Le tourisme de masse génère une forte production de CO2 qui amplifie le réchauffement. Il génère aussi des barres de HLM en pleine montagne comme à Tignes. Il est utile que s’expriment ceux qui relèvent ce non sens écologique et environnemental. Évidemment, cela froisse les nostalgiques du « bon temps », l’époque du pétrole bon marché où on gaspillait sans remords l’énergie et l’espace naturel au nom du développement. Il y a toujours des gens qui ont du mal à s’adapter aux nouvelles donnes.

le sceptique : Reconvertir environ 60 000 emplois « neige » (en partie saisonniers) en 2 générations, cela ne paraît pas un défi impossible à relever.

R @ le sceptique : Plus de neige en montagne, pas de problème : on va reconvertir, s’adapter, faire pousser des cactus, tout va bien se passer, c’est juste un petit défi à relever. C’est pas vraiment ce qu’on appelle du scepticisme ça, plutôt un sorte d’optimisme béat : le réchauffement n’est pas un problème, continuons de l’avant, du passé faisons table rase.

Eric : Mais oui… Pour ma part, ça fait 30 ans que je n’ai pas skié. Mes enfants ne skieront sans doute jamais (du moins du ski de descente). L’idée de traverser le pays, se taper les bouchons sur les routes de montagne, et puis maintenant les canons à neige pour continuer à faire comme si de rien n’était, à faire semblant que rien de tout cela n’est aberrant, non merci, ça me coupe franchement l’envie…

* LE MONDE du 6 janvier 2018, Réchauffement climatique : « Une armada de stations de sports d’hiver devront fermer ou se réinventer »

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Le pétrole était trop précieux pour être brûlé

Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’OPEP avait dû faire face au développement accéléré de la production pétrolière en mer du Nord et en Alaska, une rude concurrence qui avait entraîné le contre-choc pétrolier des années 1986, une baisse des prix. En 1976, le champ de pétrole et de gaz de Brent, au large des côtes britanniques, qui a donné son nom au fameux « baril de Brent », a marqué le début de l’exploitation des hydrocarbures en mer du Nord. Aujourd’hui, les réserves, côté britannique, ont déjà été exploitées aux quatre cinquièmes. 200 millions d’années pour sédimenter ce champ pétrolifère, 40 ans pour l’épuiser presque complètement… ça sent la fin effectivement. Les 40 prochaines années risquent d’être difficiles.

La plate-forme pétrolière Brent Delta est démontée morceau par morceau. Les règles sont claires depuis la signature en 1992 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est  : à la fin de la période d’exploitation, l’industrie pétrolière ne doit rien laisser dans la mer. Des dérogations sont possibles mais elles sont strictement encadrées. Malgré la loi, l’industrie pétrolière rechigne à tout nettoyer. Les énormes colonnes de béton qui soutenaient la plate-forme sont toujours en place, dépassant au-dessus de la crête des vagues. Impossible de les ramener à terre ! D’autant plus que le défi de fond pour la mer du Nord est financier : 56 milliards de livres (62 milliards d’euros) pour tout nettoyer d’ici à 2050. Face à l’ardoise, l’État britannique est obligé de compenser. Il accorde des rabais fiscaux qui peuvent couvrir jusqu’à 75 % des coûts et s’élèvent en moyenne à 45 %. En 2016, pour la première fois de l’histoire du Royaume-Uni, les rentrées fiscales de la mer du Nord, déjà fortement réduites par la chute du prix du pétrole, ont été annulées par les crédits d’impôt du démantèlement. Cela risque de devenir la norme. Et contrairement à la Norvège, le Royaume-Uni n’a jamais constitué de fonds souverain, malgré les 330 milliards de livres (370 milliards d’euros) d’impôts versés par l’industrie depuis les années 1970. En deux générations, l’argent des hydrocarbures s’est évaporé.*

Il y a 20 ou 30 ans c’était plus simple pour les industriels. On fermait une usine et on laissait les débris dans une friche dédiée aux générations futures. En cas de pollution avérée, c’était l’État qui payait. Aujourd’hui les pétroliers de la mer du Nord vont dire qu’ils n’ont plus d’argent et l’État, qui ne percevra plus les recettes sur toutes les activités dépendant du pétrole, sera au bord de la faillite. Nous avons mis la mer du Nord au pillage, nous mettons toute la planète au pillage, nous laissons aux générations futures un champ de ruines. Comme écrivait Thomas More en 1516 à propos de l’or et l’argent, « La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. » En 1892 Mendeleïev, l’inventeur de la classification périodique des éléments, présentait cet avis au tsar : « Le pétrole est trop précieux pour être brûlé. Il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique ». Ce sont des points de vue éclairés que la société thermo-industrielle a été incapable d’écouter. Tant pis pour elle, tant pis pour tous ceux d’entre nous qui croient que notre niveau de vie n’est pas négociable !

* LE MONDE du 1er décembre 2017, Mer du Nord : le chantier faramineux du démantèlement des puits de pétrole

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Encore un recul de N.Hulot, cette fois sur le nucléaire

Alors que la loi de 2015 sur la transition énergétique prévoit de ramener de 75 % à 50 % d’ici à 2025 la part de l’atome dans la production d’électricité française, le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, a affirmé mardi 7 novembre qu’il sera « difficile » d’atteindre un tel objectif « sauf à relancer la production d’électricité à base d’énergies fossiles »*.

Dans cette tambouille d’objectifs chiffrés politiquement affirmés mais sans conséquences réelles, on évite soigneusement de parler de l’essentiel : diminuer la part du nucléaire nécessite obligatoirement une baisse des besoins en électricité des entreprises, des administrations et des ménages. N’oublions pas que l’objectif de Hollande de 50 % d’électricité issu du nucléaire pourrait aussi bien être atteint si la consommation augmentait énormément. Se centrer uniquement sur des objectifs de production d’un  « mix » énergétique ne devrait pas être une priorité de premier rang ! Il faudrait avoir le courage politique de dire qu’il va nous falloir apprendre à gérer la descente énergétique. Beaucoup de commentaires sur lemonde.fr saluent l’écologie « réaliste-pragmatique » de Hulot. Mais les raisonnements sont de court terme, avantage du nucléaire, protection de l’emploi, maintien du niveau de vie, etc. Ce n’est qu’un réalisme de courte vue car à long terme toutes les sources d’énergie vont devenir plus chère, si ce n’est même inabordables pour la masse des gens. Une seule solution pour préserver les générations futures, diminuer nos besoins actuels en énergie, pratiquer la sobriété partagée…

A l’heure actuelle, on conserve l’idée d’une croissance économique perpétuelle, oubliant les limites de la planète qui sont pourtant franchies dans pratiquement tous les domaines, réserves halieutiques, sols arables, biodiversité… On ajoute les énergies renouvelables aux énergies fossiles, les énergies fossiles au nucléaire, on n’affirme jamais la seule réalité qui compte, la nécessité de ne (sur)vivre qu’avec des énergie renouvelables produites de façon durables. Cela suppose que la décroissance devienne un mot d’ordre politique, ce qui n’est pas le cas du gouvernement Hulot/Macron. Nicolas Hulot mange encore son chapeau, lui qui déclarait le 4 juin 2008 : « La vraie question est : « Quelle croissance est compatible avec la réalité physique de la planète ? » La réponse peut être la décroissance – qui n’est pas un gros mot – dans certains domaines. » (interview l’Express)

* LE MONDE & AFP du 7 novembre, Nicolas Hulot reporte l’objectif de baisse du nucléaire de 50 % prévu pour 2025

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Le casse-tête de l’avenir des déchets nucléaires

Les déchets à 490 mètres sous terre du centre d’enfouissement de Bure resteront létaux pendant des centaines de milliers d’années. Comment prévenir du péril nos lointains descendants ? Les technologies changent trop rapidement, il faut donc utiliser le « papier permanent » – durée de vie : plusieurs siècles. Ou graver un disque en saphir qui devrait résister un million d’années – hélas, il est cassant et fragile. Et pour y écrire quoi ? Les ­linguistes s’interrogent : saurons-nous lire notre langue dans cinq cents ans ? Dans mille ans ? Les avertissements mis en place persuaderont-elles les humains du futur que le lieu est dangereux ? N’y verront-ils pas plutôt des œuvres protégeant des trésors ­extraordinaires, ce qui engagera à aller creuser sous la surface ? Le sociologue allemand Ulrich Beck, auteur, en 1986, de La Société du risque (Aubier, 2001), écrivait après la catastrophe de Tchernobyl : « Nous proposons à l’humanité d’embarquer dans un avion pour lequel aucune piste d’atterrissage n’a encore été construite. »* Voici quelques commentaires sur lemonde.fr

Le sceptique : Voyant Homo sapiens voici 200.000 ans et ce qu’il est aujourd’hui, la problématique a-t-elle un sens? De toute façon, nous n’avons aucune capacité prédictive sur un système chaotique comme l’histoire et l’évolution, donc pas la peine d’essayer d’anticiper sur de longues durées ni de faire croire aux gens que ce serait possible.

NICOLAS MATHIEU : Il faut bien les stocker quelques part ces déchets. Si vous n’en voulez pas à Bure. Il y a deux autres solutions : méthode soviétique : les jeter à la mer. Méthode cynique : les envoyer en Afrique…

Roland padaire : Maintenant que les lanceurs deviennent réutilisables avec une baisse drastiques des coûts de lancement dans un avenir très proche. (cf spacex), l’hypothèse d’envoyer ces déchets dans l’espace direction le soleil peut-elle être envisageable ?

Concurrence : Dommage si le lanceur explose au décollage!

Ektor : Quand on voit les problèmes environnementaux auxquels l’humanité est confrontée: réchauffement climatique, atmosphère polluée, continent de déchets plastiques, 6ème extinction de masse des espèces en cours… la polarisation des antinucléaires français sur le stockage des déchets est à Bure est au mieux pitoyable au pire irresponsable.

En passant : Oui, Ektor, vous m’avez déjà tenu un demi-million de fois ce discours. J’ai bien compris que vous préférez Charybde à Scylla. C’est votre droit, mais inutile de revenir à la charge tant que vous n’avez pas de nouvel argument à faire valoir. Je souhaite pour ma part que nous nous dirigions le plus vite possible vers un mix électrique 100% renouvelable.

Fouilla i : Sans attendre 500 000 ans, que dirons nos descendants dans 1000 ans qui devront gérer un déchet disséminé lui sur toute la planète et autrement plus dangereux, à savoir 6 à 800 ppm de CO2?

MICHEL SOURROUILLE : et dire qu’aucun président français n’a remis en question le choix nucléaire, ni après Tchernobyl, ni après Fukushima, ni à cause de l’impasse dans laquelle nous met la gestion des déchets nucléaires. Mais un jour, il faudra bien nous contenter des sources d’énergie renouvelable, à commencer par notre propre force physique alors que la voiture nous empêche l’usage de nos jambes et la vie automatisée l’usage de nos bras.

Soyons fous : et nos clavier l’usage de nos doigts…

* LE MONDE idées du 22 octobre 2017, Quel héritage laisseront les cimetières nucléaires

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La chasse aux automobilistes est ouverte, feu à volonté

L’automobiliste est un gibier toujours en alerte. Gare aux limitation de vitesse diverses et variées qui changent parfois tous les trois kilomètres. Gare aux radars qui se multiplient à l’envie, souvent fixes, parfois volants ou même embarqués, radars de feux et même flicage par hélicoptère. Gare aux ralentisseurs, l’historique dos d’âne, le trapézoïdal, le coussin berlinois, en bande sonore ou rugueuse, sans compter toutes les modifications de la voirie pour inciter à rouler au pas. Gare aux gendarmes des champs qui vous guettent au stop ou à la ligne blanche, les policiers qui scrutent votre ceinture (de sécurité), sans oublier les pervenches des villes. Le péage urbain est pour bientôt. La vie au volant est maintenant une course d’obstacles… qui nous prépare à des lendemains sans voiture. Pour Anne Hidalgo la maire de Paris, la voiture individuelle c’est dépassé : « Le fait de posséder sa voiture individuelle, tout seul, c’était le schéma des Trente Glorieuses »*. Elle a répété son objectif de ne plus avoir de voitures à essence à l’horizon 2030 dans la capitale. Mais si c’est pour avoir des voitures électriques, il n’y aura pas de véritable rupture.

Pour un écologiste, c’est à la déconstruction du monopole de la bagnole qu’il faut travailler, le dévoiturage doit être massif. Déjà en 1974, le candidat écolo à la présidentielle René Dumont s’exprimait ainsi : « Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. Sait-on que si tous les habitants du globe consommaient autant de pétrole que les Américains, les réserves prouvées ne tiendraient guère plus d’un an ? Pour faire 10 000 km, on consacre 150 heures à sa voiture (gain de l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien, conduite, embouteillage, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton. Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons par exemple contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composantes de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne. »**

43 années se sont écoulées, les politiques restent à mille lieux des réalités géophysiques. Lors d’un pic de pollution en Île-de-France, la ministre socialiste Ségolène Royal refusait des mesures de restriction du trafic routier contre l’avis des élus locaux : « Empêcher quelqu’un de prendre sa voiture, c’est une mesure privative de liberté (…). Personne ne peut ni imposer, ni vociférer, ni exiger ». Quand on lit tous les commentateurs opposés sur le monde.fr aux positions d’Anne Hidalgo, c’est pas triste : « Notre mairesse a un ennemi unique : la voiture… Mais si vous faites partie de la myriade de cyclistes dont bcp brûlent les feux et roulent superbement sur les trottoirs, eh bien la mansuétude municipale vous est acquise : croissez et multipliez ! » Le dévoiturage a toujours du mal à progresser dans les esprits. Il faudra donc attendre le prochain choc pétrolier pour prendre collectivement conscience… de la nécessité de l’abandon de la voiture individuelle. Vivement le prix de l’essence à 10 euros le litre et la fin de centrales nucléaires. Alors seulement les automobilistes rendront les armes… mais trop tard pour laisser à nos générations futures une planète viable.

* Le Monde.fr avec AFP | 14 octobre 2017, Lors de son bilan de mi-mandat, la maire de Paris a rappelé son objectif de purger la capitale des voitures à essence d’ici à 2030

** L’écologie ou la mort, à vous de choisir – la campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique (Pauvert, 1974)]

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Le rationnement, outil convivial (selon Mathilde Szuba)

La surproduction industrielle d’un service a des effets seconds aussi catastrophiques et destructeurs que la surproduction d’un bien. Par conséquent des limites assignables à la croissance doivent concerner les biens et les services produits industriellement. Plusieurs propositions ont été faites pour organiser un rationnement de l’énergie instauré dans un but écologique. Par exemple la carte carbone a été portée par le gouvernement de Tony Blair au cours des années 2000 et figure encore au programme du Green Party. Ce rationnement vise à la fois la protection de la planète et l’anticipation du pic pétrolier. Face à la pénurie qui s’annonce, il est difficile d’imaginer que l’on puisse se passer d’institutions plus ou moins centralisées pour organiser la coordination des efforts individuels d’auto-limitation et une répartition équitable et soutenable des ressources disponibles. Cet enjeu climatique et énergétique conduit directement à une politique de quotas individuels de carbone.

Les limites à l’exploitation des ressources annuelles sont définies en fonction des objectifs climatiques souscrits par le pays. Un budget carbone annuel est ainsi fixé, déterminant la quantité maximale d’émissions que le pays va s’autoriser à émettre. Il est ensuite réparti entre les habitants, chacun recevant son quota égal. Les institutions permettant aux acteurs d’utiliser cette carte carbone en fonction de leurs situation sont la bourse d’échange pour les quotas excédentaires, mais aussi l’autorité chargée de la planification de la descente énergétique. Face à une ressource finie, le rationnement garantit à chacun un accès minimum parce que, dans le même temps, il plafonne les consommations de tous. C’est là un principe de base du rationnement. L’autonomie est compatible avec des restrictions des libertés individuelles, si ces restrictions sont la condition de l’autonomie des membres de la communauté*.

La carte carbone permet de garantir à chaque utilisateur d’énergie le maximum d’autonomie dans l’utilisation de son quota personnel ; la répartition entre les divers usages (chauffage, transports, etc.) revient aux préférences de chaque individu. En matière d’équité, le rationnement constitue une ressource indéniable pour une société qui chercherait à organiser la répartition politique et économique de la contrainte énergétique.

in Gouverner la décroissance, collectif, 14 euros pour 234 pages (éditions SciencePo 2017)

* Les droits humains ont certes été conçus pour protéger les individus de l’arbitraire du pouvoir et du groupe. Cependant, à l’heure de l’urgence écologique, ils doivent aussi permettre d’endiguer l’arbitraire de certains individus ou groupes quand celui-ci s’exerce au détriment de la viabilité de la planète pour tous les individus. Lorsque les jeunes Verts genevois ont voulu soumettre une initiative limitant la cylindrée des véhicules automobiles, il leur a été répondu que c’était contradictoire avec les droits humains et la liberté d’opinion !

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L’objectif, faire entrer le pétrole en politique ?

J’ai réussi une avancée ponctuelle en organisant avec l’aide logistique du pôle écologique du PS un colloque à l’Assemblée nationale le 25 janvier 2011: « Pic pétrolier, quelles conséquences politiques pour 2012 ». Le porte-parole du pôle, Géraud Guibert, ne croyait pas au succès d’une telle réunion, il n’avait réservé qu’une petite salle. Finalement il a été obligé de réserver la salle du groupe parlementaire socialiste, et même cette salle a été trop petite, nous avons refusé beaucoup de monde. Il est vrai que ce jour-là le pétrole a failli vraiment entrer en politique : deux députés à la tribune, 7 ou 8 présents dans la salle. Je fais l’introduction suivante.

« L’objectif de ce colloque est simple, faire entrer le pétrole en politique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les politiques envisagent (un peu) le réchauffement climatique mais pas du tout la déplétion pétrolière et donc la crise générale qui suivra le pic pétrolier. Le premier choc pétrolier (suite au quadruplement des prix du baril en 1973) avait inspiré la campagne de René Dumont, candidat aux présidentielles de 1974. Les analyses du mouvement écologiste naissant restent d’actualité : « En surexploitant les combustibles fossiles, on vole les ressources des générations futures. » ; « Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV, nous luttons contre la voiture individuelle… » De même en avril 1977, le président Carter s’adressait à la nation grâce à la télévision: « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Il propose d’économiser l’énergie. Mais sa cote de popularité est divisée par 2 (de 70 à 35 au début de 1978). De plus le contre-choc pétrolier (la baisse du prix du baril) à partir de 1986 éloigne la problématique pétrolière des esprits. Les groupes d’étude du Grenelle sont restés muets sur cette question. Certes, un groupe a planché sur le thème « lutter contre le changement climatique et maîtriser la demande en énergie ». Mais dans le rapport publié, les économies d’énergie ne sont pas considérées comme une nécessité, simplement comme une solution pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Dans le groupe 2, sur le thème « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles », pas de discussion ! A croire que le pétrole n’est pas une ressource naturelle. Pourtant tous les analystes annoncent la catastrophe.

Dès 1979, un ingénieur de l’industrie automobile, Jean Albert Grégoire, publie Vivre sans pétrole. Pour lui, « Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. » Il faut ensuite attendre 2003 pour que l’après-pétrole soit à nouveau analysé par Richard Heinberg dans Pétrole, la fête est finie. Un autre Américain, JH Kunstler, parle même en 2005 de la « Longue Catastrophe » qui accompagnera la déplétion pétrolière. La même année en France Yves Cochet, un des intervenants de ce colloque, est encore plus incisif, il envisage une pétrole apocalypse. « L’idée générale de tous ces auteurs est la même : plus nous attendrons, plus le choc sera terrible. Maintenant des rapports militaires, ceux de la Bundeswehr ou du Pentagone, se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier. Les citoyens commencent à s’inquiéter, la fréquentation de ce colloque le prouve. Plus de 200 personnes dans cette salle comble et nous avons refusé par manque de place l’inscription de plus de 100 autres personnes. Que font les politiques alors que la descente énergétique est imparable ? » (à suivre)

NB : pour lire la version complète de cette autobiographie, ICI

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En même temps, un mot d’ordre durable pour Macron ?

« Et en même temps », locution adverbiale préférée d’Emmanuel Macron, est bien plus qu’un slogan, c’est une nouvelle façon de penser la politique. Une volonté de concilier dans un même mouvement des positions contradictoires. Le président nouvellement élu se présentait comme à la fois de gauche et de droite, social et libéral, adepte du roman national et lecteur de l’histoire globale. Encore candidat, il déclarait en meeting à Bercy le 17  avril qu’il continuerait à utiliser « en même temps » dans ses phrases mais aussi dans sa pensée. Parce que, « en même temps », ça signifie que l’on prend en compte des impératifs qui paraissaient opposés mais dont la conciliation est indispensable au bon fonctionnement d’une société.*

Il est vrai que l’éthique de responsabilité empêche l’éthique de conviction de virer à l’utopie idéaliste du tout ou rien alors que l’éthique de conviction empêche l’éthique de responsabilité de chuter dans le cynisme de la realpolitik. L’éthique est inhérente au politique et, « en même temps », l’éthique exerce un regard critique sur les abus du pouvoir. Mais il y a loin entre l’idée théorique d’une synthèse des contraires et la réalité. La mode est aux oxymores, rapprochement des contraires : développement durable, croissance verte, voiture propre, agriculture raisonnée, moralisation du capitalisme, etc. Plus ils produiront des oxymores, plus les politiques seront inaptes à penser et à accepter les mesures radicales qui s’imposeraient. Il faut rappeler l’étymologie grecque d’oxymore, qui signifie « folie aiguë ». Prenons l’exemple de la vision d’un code du travail qui reposerait sur l’idée de flexisécurité, vouloir en même temps la libération du travail et la protection des plus précaires. Flexisécurité, dans l’idéal les deux termes se corrigent mutuellement. Mais si c’est la flexibilité qui l’emporte, on continuera d’aller vers une paupérisation des travailleurs, emportés par la concurrence mondialisée vers conditions de travail épouvantables. Si c’est la protection qui domine, nous irons vers une rigidité défavorable aux entreprises. Que fera Macron, quelle dose de yin et de yang ? Il faut attendre le résultat final, on ne peut préjuger par avance des modifications du marché du travail qui seront faites par ordonnances.

Par contre l’idée macroniste de considérer « en même temps » la sortie du nucléaire et sa relance pose un problème de fond, une politique énergétique est un exercice de longue haleine. Le candidat président disait qu’il fallait « réduire notre dépendance » à l’atome et en même temps que « le nucléaire en France a un avenir ». Il se plaçait « dans la trajectoire » définie par François Hollande – une baisse de 75 % à 50 % de la part de l’électricité issue de la fission « à l’horizon 2025 » –, et en même temps qu’il « ne sait pas dire aujourd’hui » si cet objectif est « atteignable ». Son ministre de l’écologie fait aujourd’hui de même. Au lendemain de sa nomination, Nicolas Hulot a déclaré que « la part du nucléaire en 2025 doit être de 50 % » et en même temps que « la démonstration se fera peut-être, chemin faisant, qu’on peut aller au-delà de 50 %, ou au contraire (…) que le développement des énergies renouvelables est plus lent que prévu ».** Or la plupart des cinquante-huit réacteurs du parc hexagonal ont été mis en service entre la fin des années 1970 et celle des années 1980. Ils approchent donc du seuil de quarante ans d’exploitation, la durée de vie pour laquelle ils ont été conçus. D’ici à la fin du quinquennat en cours, vingt-trois d’entre eux auront atteint cet âge. Il faut donc de toute urgence savoir décider. Sachant que le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable, que la gestion de ses déchets ne trouve pas de solution acceptable, que le poids financier du démantèlement des réacteurs deviendra insupportable, décider la sortie de l’atome devrait être indiscutable. Encore faut-il orienter politiquement notre société vers la seule solution pérenne, économiser l’électricité et réduire nos besoins en énergie jusqu’à consommer seulement ce que les énergies renouvelables permettent. L’écologie, c’est la gestion du long terme, et on ne peut pas durablement faire une chose et son contraire. Il faut savoir décider.

* LE MONDE idées du 27 mai 2017, Emmanuel Macron, une philosophie du pouvoir

** LE MONDE du 31 mai 2017, Exercice d’équilibrisme sur l’avenir du nucléaire

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Sortir du nucléaire va demander des efforts aux Suisses

Lors d’une votation (référendum) qui s’est tenue le 21 mai 2017, les Suisses se sont prononcés à 58,2 % pour une sortie progressive du nucléaire. La nouvelle feuille de route helvète prévoit d’augmenter la part du solaire et de l’éolien (moins de 5 % actuellement), tout en réduisant la consommation énergétique.* TOUT EN REDUISANT LA CONSOMMATION ENERGETIQUE ! Il ne s’agit plus de sortir du nucléaire comme par enchantement, il s’agit de faire des efforts, de réduire ses besoins en électricité. Ce n’est pas certain que les Suisses aient bien lu cette phrase du texte de loi : « S’agissant de la consommation énergétique moyenne par personne et par année, il convient de viser, par rapport au niveau de l’an 2000, une réduction de 16 % d’ici à 2020, et de 43 % d’ici à 2035. » Il est vrai aussi que les médias préfèrent s’épancher sur le dernier attentat terroriste plutôt que de mettre l’accent sur la transition énergétique et les responsabilité de chacun dans le dérèglement climatique et la déplétion des ressources. Il n’empêche que c’est à notre connaissance la première fois qu’on voit un texte politique parler de « réduire la consommation énergétique ». Pourtant cela fait longtemps que certains analystes donnent cet objectif comme prioritaire.

« La production d’énergie n’est qu’une priorité de second rang, la première des priorités, ce sont les économies d’énergie. Si les citoyens arrivent à mieux comprendre les relations entre leurs consommations et l’énergie nécessaire, ils seraient à même d’intervenir dans le débat. Savent-ils par exemple que l’alimentation représente 30 % de nos dépenses énergétiques, presque autant que nos logements ?Mais, alors que le fumeur risque sa propre santé, le consommateur débridé d’énergie ne risque personnellement pas grand-chose à court et moyen termes : les problèmes d’épuisement des ressources, le réchauffement du climat atteindront plutôt ses enfants que lui-même. De plus, les scénarios impliquant la demande d’énergie se heurtent à la sacro-sainte liberté individuelle ! Nous sommes devenus totalement dépendants de nos esclaves mécaniques sans disposer de la moindre prise sur l’évolution de la situation. L’avenir de notre système énergétique se jouera dans l’élaboration des plans locaux d’urbanisme, dans l’organisation de circuits courts pour les produits alimentaires, dans le maintien des commerces de proximité, dans l’exploitation locale des ressources locales. C’est donc bien de citoyenneté qu’il s’agit. Le citoyen véritable ne se contente pas de voter une fois tous les cinq ans, mais s’implique dans la vie quotidienne de sa commune, de sa région, de son pays. »**

Cette idée sera systématisé par le scénario Négawatt français : « La démarche négaWatt se décline en trois temps : sobriété, efficacité, renouvelables.La notion de sobriété nous invite à nous interroger personnellement sur nos besoins, sur leur importance réelle ou supposée, ainsi que sur les priorités que nous pouvons établir entre eux. Nous pouvons définir une hiérarchie qui passe des besoins vitaux aux essentiels, puis indispensables, utiles, convenables, accessoires, futiles, extravagants et inacceptables. Chacun peut se livrer à l’exercice pour lui-même, en famille ou au travail, de façon à prendre conscience de l’impact de tel ou tel achat ou comportement. Rien ne sera possible sans une adhésion pleine et entière de tous nos concitoyens. Il s’agit de faire jouer à plein ce qui est la contre-partie indissociable de notre liberté : notre responsabilité ! Prenons l’exemple de nos besoins de mobilité individuelle. Le principe de sobriété nous incite à les réduire en essayant de nous rapprocher de notre lieu de travail. Nous pouvons aussi recourir à un mode doux de déplacement, marche, vélo, rollers, trottinette… La sobriété dimensionnelle nous incite à éviter toute surpuissance inutile dans le choix d’un véhicule. La sobriété coopérative repose sur la mise en commun pour réduire les besoins : mutualisation des équipements, autopartage, co-voiturage, auto-stop. La sobriété d’usage consiste à limiter le niveau et la durée d’utilisation d’un appareil, conduite douce par exemple. »***

* LE MONDE du 24 mai 2017, La Suisse entérine la première étape de sa transition verte

** SO WATT ? (l’énergie, une affaire de citoyens) de Benjamin Dessus et Hélène Gassin (éditions de l’aube, 2004)

*** Manifeste négaWatt (réussir la transition énergétique) par l’association NégaWatt (édition Actes Sud, 2012)

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Les présidentiables et leur avis sur le nucléaire civil

Qu’on se le dise, le choix du nucléaire comme forme d’énergie a été une erreur fondamentale commise par tous les gouvernements depuis Pompidou, qu’ils soient de droite ou de gauche. Un présidentiable en 2017 ne devrait pas ignorer que le nucléaire civil est une annexe de la bombe atomique, d’où sa dangerosité prouvée lors des accidents de Tchernobyl et Fukushima. La sécurisation d’une centrale nucléaire nécessite une société policière bien organisée, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays et fait un pari risqué sur la stabilité politique à venir de la France. L’uranium comme source d’énergie fissile est importé et reste une ressource non renouvelable dont les stocks sont aussi limités dans le temps que les énergies fossiles. Les solutions alternatives (réacteurs de 4e génération) sont toujours à l’état de projet depuis plus de quarante ans ou ont déjà été abandonnées. La gestion des déchets est un véritable casse-tête vu leur dangerosité résiduelle sur de très longes périodes qui peuvent dépasser largement les siècles à venir. Le démantèlement des centrales est aussi un véritable casse-tête technique dont le financement est loin d’être assuré : il faudra payer pour déconstruire alors qu’EDF n’aura plus les revenus issus de la consommation d’électricité d’origine nucléaire. Nous avons donc classé les prétendants à la présidence de la France du plus convaincu de la sortie obligée du nucléaire au plus allergique au principe de précaution :

Pour Jean-Luc Mélenchon, l’«urgence écologique» impose une sortie totale du nucléaire d’ici à 2050 en passant à 100 % d’énergies renouvelables. Le candidat de la France insoumise est décidé à fermer Fessenheim et à abandonner le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Il entend aussi enterrer le projet d’EPR (réacteur nucléaire de 3e génération) à Flamanville.

Benoît Hamon fixe un objectif de 50 % d’énergies renouvelables dès 2025. Le candidat PS est favorable à une sortie progressive du nucléaire, définitive vers 2050. Il souhaite la fermeture des centrales en bout de course (Fessenheim).

Emmanuel Macron souhaite s’appuyer sur le nucléaire pour produire l’électricité française ; mais le candidat d’En marche veut réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. Ce «mix énergétique» s’inscrit donc dans les pas de Hollande et de la loi de transition énergétique. Macron, qui veut fermer Fessenheim, ne dit rien sur le sort des autres centrales dites obsolètes.

Marine le Pen est favorable au nucléaire. La candidate FN est opposée à la fermeture de Fessenheim et prévoit de mener une politique de modernisation et de sécurisation des centrales. Elle souhaite que l’État garde la main sur EDF.

François Fillon projette d’élargir la durée d’exploitation des centrales nucléaires de quarante à soixante ans, sous réserve d’un avis contraire de l’Autorité de sûreté nucléaire. Le candidat LR entend revenir sur la fermeture de Fessenheim. Et plaide pour une gamme de petits et moyens réacteurs (SMR). Fillon veut consolider le nucléaire, «filière d’excellence» dit-il, en renforçant les études sur les réacteurs de 4e génération.

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Les réchauffistes vont gagner contre Trump par KO

Remarquable article* de Stéphane Foucart qui fait le point sur le réchauffement climatique. Le seul problème, c’est que ce journaliste scientifique se contente de constats sans jamais envisager comment agir : « L’Organisation météorologique mondiale (OMM) le confirme, l’année 2016 a bien été celle de tous les records. La température moyenne de la planète a été supérieure de 1,1 °C à la moyenne de l’époque préindustrielle. Dans certaines régions de l’Arctique, la température moyenne annuelle a excédé de plus de 3 °C la moyenne 1961-1990. La perspective de stabiliser le réchauffement en dessous de 1,5 °C s’éloigne. Laisser dériver le réchauffement au-delà aura probablement des conséquences catastrophiques et potentiellement irréversibles. Le niveau marin a continué à s’élever et l’étendue de la banquise arctique a été très en deçà de la moyenne pendant la plus grande partie de l’année. Des canicules extrêmes ont frappé l’Afrique australe, l’Afrique du Nord et l’Asie. Le record absolu a été atteint en juillet à Mitribat (Koweit), avec 54 °C. En Afrique de l’Est, des précipitations faibles ont coïncidé avec des températures élevées, précipitant dans l’insécurité alimentaire près de 20 millions de personnes. Nous sommes désormais en territoire inconnu. »

Que faire ? La solution est simple, mais impossible à envisager pour la structure sociale actuelle. L’ONG 350.org a lancé la campagne « Keep it in the Ground » (« Laissez les ressources fossiles sous terre »). Le climatologue Jean Jouzel avertissait fin 2016 : « Il faut réduire drastiquement les émissions de GES, en commençant par laisser sous terre plus de 80 % des ressources fossiles connues ». Mais le texte suivant a été écrit par Alain Hervé en décembre 1973, au moment du premier choc pétrolier : « Il faut dire que sans pétrole, adieu l’agriculture industrielle, adieu les loisirs, adieu la garantie de l’emploi, adieu la vie en ville… toute l’organisation économique, sociale et politique est remise en cause. Le château de cartes vacille. Et si ce n’est pas pour cette fois-ci, ce sera dans deux ans, dans cinq ans. Restriction, pénurie, disette, les machines ralentissent, s’arrêtent. La dernière explosion dans le dernier cylindre nous laisse apeurés, paralysés… libérés. » Nous sommes en 2017, la catastrophe est à notre porte et la « libération » se fait attendre. Actuellement la pression du confort est la plus forte, la voiture à notre porte, le chauffage central, les consoles électriques à notre disposition.

L’évolution sociale est ainsi faite : les précurseurs lancent les premiers signaux d’alarme, les scientifiques analysent, confirment et alertent à leur tour, une partie de la population se sensibilise aux évidences, se mobilise, puis quelques entreprises se mettent à envisager de nouvelles possibilités de profit tandis que la plupart freine des deux pieds. Et enfin les politiciens prennent conscience de la gravité du problème. Sauf les climato-sceptiques, de vrais criminels contre la planète et l’humanité, ceux-là ! Les négationnistes du climat sont parfois des politiciens comme Trump. Ou pour se donner bonne conscience ils se contentent comme François Hollande d’organiser une COP21 (21ème année de négociations internationales sur le climat) à Paris fin 2015 sans se donner les moyens d’agir. Et quand tout le monde sera prêt à faire quelque chose, le climat se sera déjà emballé et ce sera le sauve-qui-peut. Où les plus riches trouveront-ils à se cacher quand la planète sera à feu et à sang ?

* LE MONDE du 22 mars 2017, Climat : 2016 bat un record de chaleur, la planète entre en « territoire inconnu »

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Les déchets, un des talons d’Achille du nucléaire

La loi du 28 juin 2006 « relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs » considère que le stockage réversible en couche géologique profonde est la panacée, les autres solutions reposant sur des prouesses technologiques incertaines. De 1991 à 2006, on devait tester trois axes, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. L’option alternative d’un « entreposage de longue durée en surface » a fini aux oubliettes. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques. Dire que la loi Bataille de 1990 prévoyait qu’en 2006 tout serait résolu par la loi !!! Nous avions écrit cela sur notre blog le 18 décembre 2007. Il faut attendre juin 2008 pour que le ministère de l’écologie lance un appel à candidatures « afin d’identifier les sites volontaires » pour accueillir un centre de stockage de déchets radioactifs. Le rapport Roussely juge encore en 2010 « indispensable que l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) définisse de façon urgente la planification concernant le centre de stockage profond (à 500 mètres sous terre dans la région de Bure). En janvier 2011 le député Christian Bataille, dans un rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, se fâche : « La gestion des déchets nucléaires est une chose trop sérieuse pour la confier à leurs producteurs (…) Au nom de la rentabilité à court terme, les industriels (EDF, Areva, Commissariat à l’énergie atomique) remettent en cause la conduite par l’Andra du projet de stockage géologique. » Nous sommes en 2017 et rien n’est encore assuré quant à l’avenir des déchets nucléaires. Les études devront encore se poursuivre pour caractériser les capacités de confinement de la roche .

« On voit mal comment le projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) des déchets les plus radioactifs pourrait être conduit dans les délais prévus. »* Il s’agit de matières à haute activité et à vie longue – des dizaines, pour certaines des centaines de milliers d’années. Aucun pays n’a encore mis en œuvre le stockage géologique. Les rares expériences approchantes ont mal tourné, en Allemagne ou aux États-Unis. Les déchets de la filière nucléaire restent, en l’état actuel de la science et de la technologie, son talon d’Achille. L’industrie nucléaire poursuit benoîtement ses activités alors qu’elle devrait les interrompre immédiatement tant qu’une solution aux problèmes des déchets n’est pas trouvée.

La Biosphère fonctionne selon des processus de recyclage, les humains ont abandonné cette réalité pour ne s’intéresser ni à la pérennité des ressources naturelles nécessaires à leur activité, ni à la gestion des déchets. Une activité humaine qui ne tient pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets) n’est pas une activité raisonnable… D’autant plus qu’envisager une gestion des déchets sur des siècles est une imposture, on sait que les sociétés humaines sont essentiellement fragiles sur le long terme. En un siècle passé, qu’a déjà connu la France ? Deux guerres mondiales, plusieurs chocs pétroliers, des crises financières… Comment répondre de la sécurité du Cigéo dans le siècle qui vient, alors que les menaces d’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle se précisent (réchauffement climatique, blocage énergétique…) ? Le nucléaire n’est pas une filière d’avenir, c’est un avenir d’insécurité ; il y a de fortes chances que les déchets soient laissés à l’air libre, sans que les générations futures aient les moyens de s’en occuper. Le choix du nucléaire était une entourloupe ! Une seule solution, la sortie programmée du nucléaire…

* LE MONDE du 2 mars 2017, Déchets nucléaires, l’impasse

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