énergie

Pic de l’uranium, la fin du nucléaire

Les réserves prouvées d’uranium sont de 2,5 millions de tonnes, la production annuelle de 54 000 tonnes, nous aurions donc pour 46 ans seulement de réserves. Comme certains prévoient un doublement des capacités électronucléaires, le délai de pénurie se raccourcit d’autant ; les ressources seront entièrement consommées d’ici à 2035. Aucune découverte récente n’a été réalisée en dehors de l’extension de gisements déjà connus ; comme les teneurs en uranium sont de plus en plus faible, il faut de l’énergie, beaucoup d’énergie pour en produire. Or le pic pétrolier est dépassé, l’énergie sera un autre facteur limitant.

Alors Robert Vance, analyste à l’Agence pour l’énergie nucléaire, se met à rêver : « Si le prix de l’uranium montait très haut, il pourrait devenir rentable d’exploiter des sources d’uranium alternatives, comme les phosphates ou l’eau de mer. »* La concentration d’uranium dans les roches de l’écorce terrestre est de l’ordre de 3 g/tonne, et de 3 mg/d’uranium par mètre cube d’eau de mer, soit mille fois moins que dans les roches. Or les techniques d’extraction de l’uranium par matrice à échange d’ions est très gourmande en énergie et les coûts liés à son extraction sont exorbitants. Le minerai considéré comme exploitable a une teneur de l’ordre de 1 à 2 kg d’uranium par tonne de minerai, soit plusieurs centaines de fois la concentration naturelle moyenne du sol. D’autres rêvent à la génération IV du  nucléaire, à l’avenir toujours aussi flou. En France on mise encore sur l’ASTRID, Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration. Ce n’est qu’un pari, indigne substitut improbable aux économies d’énergie. De toute façon ces improbables réacteurs ont quand même besoin pour leur démarrage de plutonium, donc d’uranium !

Y’a pas de doute, il faut sortir du nucléaire. Il est nécessaire de s’organiser de toute urgence pour que nos besoins en énergie soient juste équivalents à l’énergie réellement renouvelable. C’est pas gagné, d’autant plus que presque personne n’a conscience de cette inéluctable perspective

* * Science & Vie n° 1136, mai 2012, Cuivre, or, uranium, phosphore… Alerte à la pénurie

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Le président Hollande confronté à la descente énergétique

Pierre-René Bauquis, spécialiste du pétrole, a popularisé avec d’autres spécialistes une pétition Mobiliser la société face au pic pétrolier : «  Le pétrole facilement accessible et bon marché est derrière nous… Or force est de constater que le fonctionnement de notre société dépend aujourd’hui d’une croissance économique soutenue qui va de pair avec une consommation toujours plus importante d’énergie. L’urgence apparaît donc d’anticiper une inexorable descente énergétique. Il est indispensable que les responsables politiques prennent conscience de cet enjeu et fassent preuve d’anticipation. »*. Pierre-René Bauquis insiste plus récemment : « Nous sommes désormais proches du maximum soutenable de la production pétrolière mondiale. Ce « peak oil » devrait se situer vers 2020 (+ ou – 5 ans) et à un niveau de l’ordre de 100 millions de barils par jour. »**

La fin du quinquennat du président Hollande risque donc de se heurter au pic pétrolier, pétroles non conventionnels inclus. Autant dire que le début de son quinquennat se heurte à la crise de l’endettement, crise qui sera amplifiée par le choc des hydrocarbures en panne sèche, sans oublier le problème du réchauffement climatique. Pourtant, dans LE MONDE, une voie unanime s’élève pour célébrer les mérites du PIB. Construisons une Europe de la relance*** chantent en cœur jacques Attali, Pascal Lamy et bien d’autres. Il s’agit de créer des « projects bonds », soi-disant « de la bonne dette » ! La croissance doit être « véritable » comme pour d’autres le travail devait être « vrai ». Mais les projets envisagés comme générateurs de croissance sont absurdes : aéronautique (lié au prix du kérosène), industries numériques (déjà 3 % de l’électricité mondiale), efficacité énergétique (source d’effet rebond). Nos penseurs répètent tous la même chose et oublient complètement que la descente énergétique va bloquer la croissance économique. Un politique digne de ce nom nous parlerait à l’heure actuelle d’austérité, de rigueur, de sobriété énergétique, de frugalité joyeuse et de changement de civilisation. Un politique digne de ce nom n’envisagerait jamais un blocage du prix de l’essence !

Bien entendu l’austérité n’est pas le meilleur programme électoral et nombre de gouvernements en font actuellement l’expérience. Mais à flatter les électeurs et à cultiver la facilité des promesses, on cristallise les tensions et on fait le jeu des populismes de droite comme de gauche. Les gouvernements qui résistent en Europe sont ceux qui appliquent des politiques d’austérité drastique. Angela Merkel a raison, François Hollande a tort.

* Le Monde.fr,| 22 mars 2012, Mobiliser la société face au pic pétrolier

** LE MONDE ECONOMIE, 9 mai 2012, Nouvelles découvertes et gaz de schiste retarderont à peine le pic pétrolier

*** LE MONDE du 9 mai 2012, Construisons une Europe de la relance

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les dangers du charbon (3/3)

Tous les pays ne sont pas égaux devant les dangers du charbon. La Chine est de loin le pays le plus touché, car son développement actuel repose sur une consommation de charbon croissant à marche forcée, comme dans les pays européens au cours de leur Révolution Industrielle, avec des précautions qui ont été longtemps très insuffisantes tant pour l’extraction du charbon que pour son utilisation, et corrélativement peu de considération pour la vie humaine. Dans les campagnes chinoises, le charbon est aussi très utilisé pour le chauffage et la cuisine, et cela en atmosphère confinée. Plus de la moitié de la mortalité mondiale due au charbon seraient ainsi le fait de la Chine. L’Inde n’est guère mieux lotie. L’Ukraine et la Russie ont encore de très grands progrès à faire.

Les citoyens de l’Europe se croient à l’abri, car dans leur inconscient collectif est ancrée l’idée que seuls les accidents dans les mines représentent un danger. Très égoïstement, ils pensent que c’est exclusivement l’affaire des ouvriers mineurs, surtout ceux de pays lointains car la sécurité dans les mines européennes s’est considérablement améliorée depuis les débuts de la Révolution Industrielle. Ils ne se sentent donc pas directement concernés. Ce en quoi ils ont tort : les atteintes à l’environnement dues à l’extraction du charbon et au stockage de déchets sont très importantes. Les plus spectaculaires sont en Europe Centrale et de l’Est, en particulier dans les pays où l’on utilise beaucoup le lignite, Allemagne, Pologne et Pays des Balkans principalement. D’autre part, si la mortalité dans les mines est en Europe bien plus faible qu’en Chine, et si le charbon n’y est plus guère utilisé pour le chauffage et la cuisine, la mortalité due à la pollution atmosphérique par les installations industrielles utilisatrices de charbon, en particulier les centrales électriques, reste importante : Les estimations actuelles pour l’Europe des 27 sont d’environ 30 000 morts prématurées par an, dont 10 000 en Allemagne et 1000 en France, et de 10 fois plus pour la prévalence des maladies graves.

En Europe comme ailleurs, le charbon est donc de loin la plus dangereuse des sources d’énergie, même si elle l’est beaucoup moins qu’en Chine. C’est d’autant plus regrettable que, à défaut de vouloir remplacer les centrales à charbon actuelles par des centrales ne fonctionnant pas au charbon, ce qui serait la meilleure solution, l’accélération de leur remplacement par des centrales modernes, sans supprimer cette mortalité, la diminuerait déjà de beaucoup.

Les pressions pour améliorer cette situation sont insuffisantes, et en Europe les médias européens sont étonnamment discrets sur le sujet. Pour avoir une idée plus précise des dégâts provoqués, les études épidémiologiques approfondies autour des centrales à charbon, mais aussi des exploitations et des stockages de déchets et de cendres devraient être systématiques, et leurs résultats devraient être largement diffusés, en particulier en Allemagne et dans les pays de l’Europe Centrale, de l’Europe de l’Est et des Balkans,  qui sont les plus concernés. C’est bien loin d’être le cas actuellement.

Bernard DURAND (connu pour son livre La crise pétrolière)

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les dangers du charbon (2/3)

Les accidents dans les mines provoquent chaque année dans le monde la mort de 10 000 à 20 000 mineurs. Cependant, contrairement à une idée fort répandue, la mortalité la plus importante dans les mines n’est pas celle due à ces accidents, mais celle due aux maladies professionnelles : A l’échelle mondiale, elle est de l’ordre de 500 000 morts chaque année, principalement à cause de la prévalence d’une très grave maladie pulmonaire, la silicose, due aux très fines poussières de silice en suspension dans l’atmosphère des mines.

Une deuxième très grande source de mortalité est due à l’utilisation domestique du charbon en espace confiné pour le chauffage et la cuisine, surtout dans les pays en voie de développement et émergents. Elle touche surtout les femmes et les enfants et est à peu près aussi importante que celle due aux maladies professionnelles. Elle est due principalement aux particules très fines contenues dans les fumées et à l’oxyde de carbone produit par des combustions en déficit d’oxygène, mais aussi à des composés organiques dangereux présents dans les fumées, tels que les hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP), et dans certains cas à des contaminations de l’alimentation par des polluants minéraux contenus dans le charbon, tels l’arsenic, le fluor, le sélénium ou le thallium.

La troisième et la plus grande source de mortalité est la pollution atmosphérique émise par les industries utilisatrices de charbon, au premier rang desquelles la production d’électricité. Elle provoquerait, selon les modélisations actuelles, de l’ordre du million de morts chaque année dans le monde. Les coupables sont surtout les particules extrêmement fines, de taille inférieures à 10 μ (PM10), contenues dans les cendres volantes (fly ash), qui peuvent pénétrer au plus profond des poumons et peut-être même dans la circulation sanguine.

Avec un ordre de grandeur de 1 à 2 millions de morts chaque année dans le monde, peut-être plus, et un nombre bien plus considérable encore de malades gravement atteints, le charbon est donc la plus dangereuse de toutes les énergies utilisées par l’homme, et cela de très loin. C’est en fait, avec une prévalence de l’ordre de grandeur de celle du paludisme,  une des principales causes de mortalité dans le monde. C’est aussi l’énergie dont on sait qu’elle contribue le plus à l’augmentation de l’effet de serre additionnel, par les émissions de CO2, mais aussi de méthane, qu’entraîne son utilisation. C’est pourtant l’énergie dont la croissance est la plus importante actuellement, parce qu’elle est de plus en plus utilisée par les pays émergents très peuplés à développement rapide, en premier lieu la Chine et l’Inde, mais aussi par de grands pays industriels. (à suivre)

Bernard DURAND (connu pour son livre La crise pétrolière)

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les dangers du charbon (1/3)

De tous les combustibles carbonés fossiles, le charbon produit lors de sa combustion les plus fortes quantités de CO2, pour une même quantité d’énergie produite. En 2008, avec 12,6 Gt de CO2 émis, il était responsable de 34% des émissions anthropiques de CO2, de 43 % des émissions dues aux combustibles fossiles, et de 72 % des émissions dues à la production d’électricité. Cela faisait de son utilisation le plus fort contributeur des activités humaines à l’effet de serre additionnel ! Ces proportions ont depuis encore un peu augmenté, du fait de la part grandissante du charbon dans l’approvisionnement énergétique mondial.

C’est à peu près uniquement sur cette base que l’on discute à l’heure actuelle dans les médias français des dangers de l’utilisation du charbon comme source d’énergie.  Ce faisant, il n’est guère expliqué qu’il présente aussi de sérieux dangers pour la santé publique et pour l’environnement, qui ne se limitent pas aux effets des accidents dans les mines. Certes des documentaires télévisés sont parfois présentés à ce sujet pour des pays lointains tels que la Chine, l’Australie ou les Etats-Unis, mais les journalistes sont curieusement quasiment muets sur la situation en Europe, et plus spécifiquement en Allemagne, en Pologne, en Ukraine, en Russie et dans les pays balkaniques, principaux producteurs de charbon Européens. Cette situation contraste avec celle des Etats-Unis, où le débat est devenu depuis quelques années très vif. On peut alors se demander quelles sont les raisons de la timidité des médias français à pratiquer dans ce domaine un devoir d’information qu’elles revendiquent si fort dans d’autres !

Les dangers entraînés par l’usage du charbon comme source d’énergie sont très importants, multiformes, et présents à toutes les étapes de la filière, de l’extraction à l’utilisation.

Ces ravages commencent par les graves atteintes à l’environnement que provoque son extraction dans les grands pays producteurs, en particulier quand les exploitations se font à ciel ouvert. Les surfaces concernées sont considérables: pour ne parler que des pays européens, rien qu’en Allemagne 1500 km2 environ ont déjà été bouleversés pour y exploiter le lignite, et 10 000 km2 seront menacés dans l’avenir. Plus de 100 000 personnes ont été déplacées et leurs habitations détruites. Les déchets, tant des exploitations, sous forme de stériles et de boues de lavage, que de la combustion du charbon, sous forme de cendres en provenance plus particulièrement des centrales électriques, se comptent à l’échelle mondiale en milliards de m3 par an. Leur stockage se fait dans des conditions trop souvent précaires. Il est impossible pour l’instant d’évaluer la mortalité et la morbidité qui résultent dans les populations riveraines de ces atteintes à l’environnement, parce qu’il n’y a que très peu d’études épidémiologiques approfondies à ce sujet. Mais il existe dans certains cas des évidences de maladies qui y sont liées. (à suivre)

Bernard DURAND (connu pour son livre La crise pétrolière)

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Que va faire François Hollande de sa victoire ?

Le vote écologique était indispensable, il n’a recueilli que 2,3 % des suffrages aux présidentielles le 22 avril ! La social-démocratie fait cocorico avec 28,6 %. Le vote utile anti-Sarko et les priorités du court-terme ont encore frappé. Donc c’est clair, il ne faut rien attendre en matière d’économies d’énergie d’un Etat français bientôt dirigé par les socialistes, ni d’ailleurs des délibérations européennes* qui tournent en rond.

En 2007, le Conseil européen avait adopté l’objectif de réduction de 20 % de la consommation d’énergie de l’Union européenne à l’horizon 2020. Mais nous n’économiserons que 58 millions de tonnes de pétrole en 2020, alors que le projet prévoyait 151 millions de tonnes. Comme le note le journaliste, « l’effort spontané des Etats est insuffisant pour placer l’Europe sur la bonne trajectoire de réduction ». Pourtant on se refuse aux contraintes. La faute à des procédures démocratiques paralysantes : bras de fer entre les trois institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil des ministres), réticences de certains Etats dont la France, lobbying des compagnies énergétiques, campagne présidentielle inepte, etc.

Il n’empêche, l’Union européenne présente chaque année un déficit de 450 milliards d’euros en raison de ses importations de gaz et de pétrole. Et cela coûtera de plus en plus cher avec l’épuisement de ces ressources ; les économies d’énergie sont donc incontournables. Puisque la « démocratie » électorale  ne peut nous préparer aux lendemains qui déchantent, les ménages vont devoir assumer le prix croissant du baril, avec ou sans blocage du prix à la pompe, c’est-à-dire se déplacer moins, se chauffer moins, économiser l’électricité, etc. Puisque ce n’est pas un comportement choisi, ce sera une obligation subie. Le quinquennat de François Hollande ne va pas être pavé de pétales de rose…

Les nécessaires économies d’énergie ne se feront dans la sobriété heureuse que si chacun commence à agir en ce sens dans sa vie quotidienne. Envoyez-nous vos expériences de simplicité volontaire, nous en parlerons sur ce blog. Merci.

* LE MONDE du 20 avril 2012, L’Europe est désunie sur les objectifs de réduction de la consommation d’énergie

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Droit de réponse contre l’avocat du groupe Total

Dans LE MONDE* daté du 21 avril, juste avant le premier tour, le comité de rédaction laisse passer, est-ce un hasard de calendrier, un point de vue de l’avocat de Total titré méchamment « Eva Joly a une vision obscurantiste ». Cet avocat, Jean Veil, croit encore que l’or noir irriguera notre société pour des siècles et des siècles : « Sans le pétrole comment vivriez-vous, Eva Joly ? Sans le pétrole, pas de chauffage, pas d’électricité. Sans le pétrole, pas d’avion, pas de voiture, pas de train non plus. Iriez-vous en traîneau tiré par des rennes de Paris à Oslo ? Sans le pétrole, disparition de tellement d’autres choses, vos lunettes par exemple… » Selon Jean Veil pétrole = lunette alors que les lunettes ont été portées bien avant l’ère, très récente, du pétrole. Les premières lunettes sont apparues en Italie à la fin du treizième siècle, alors que le premier forage date de 1859. Ce n’est pas le plus grave dans ses affirmations.

Comme Jean Veil constate que « le sous-sol de l’Europe de l’Ouest ne recèle ni pétrole ni gaz », il en tire la conclusion que les pétroliers doivent aller dans des pays non démocratiques, qu’ils ne doivent pas payer d’impôts sur les bénéfices en France, ni être jugé au pénal en France (dans l’affaire de l’Erika). Pour Jean Veil, la fin justifie les moyens, tout le pouvoir aux pétroliers ! Cet avocat de la merde du diable termine ainsi sa diatribe contre Eva Joly : « Ce qui, à mon avis, vous sépare des dirigeants de Total, ce n’est pas l’éthique, c’est votre vision obscurantiste. Il est vrai que, pour voir clair, il faut du pétrole. »

Le pétrole rend Jean Veil aveugle quant à l’avenir. Jean Veil peut peindre la vie en rose grâce à l’or noir, il ne sait pas encore que cela va bientôt se terminer. Car le pic pétrolier n’est pas du domaine politique, il est de l’ordre de la réalité géophysique. Alors, Jean Veil, comment voyez-vous la vie sans le sang bitumineux qui irrigue notre société ? Comment, Jean Veil, voyez-vous l’ère de l’après-pétrole dans laquelle il nous faudra bien vivre un jour ou l’autre ?

Pour voir clair, ce n’est pas du pétrole et de ses sous dont on a besoin, mais de courage pour pratiquer la simplicité volontaire et les économies d’énergie. Votons écologie !

* LE MONDE du 21.04.2012, Eva Joly a une vision obscurantiste

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Mobiliser la société face au défi pétrolier

La prépondérance de l’événementiel fait oublier l’essentiel.  Huit pages autour de Mohamed Merah dans LE MONDE papier du 23 mars, mais   une tribune* formidable, exceptionnelle, cosignée par les rares qui réfléchissent encore en France, n’a pas été retenue pour une publication dans la version papier du MONDE ; elle n’a pas été considérée comme étant au « coeur » de l’actualité.  A vous de juger de son contenu à l’heure où le prix du carburant décolle :

« Après plus d’un siècle d’augmentation importante de la production et de la consommation de pétrole, la Terre s’essouffle et la notion de « pic de production », autrefois ignorée, s’impose comme une réalité inéluctable. Cette tension se manifeste d’ores et déjà à travers le déploiement de techniques d’extraction demandant toujours plus d’investissements, d’énergie et de matériaux. En effet, lorsque des réserves sont limitées, le rythme de leur exploitation suit une courbe croissante, puis elle plafonne à son maximum en formant un plateau, avant de décroître. C’est le cas du pétrole facilement accessible et bon marché dont la plupart des experts, y compris, désormais, l’Agence internationale de l’énergie, admettent qu’il a atteint son pic de production mondial il y a quelques années.

Malgré les découvertes de gisements récemment médiatisées, le monde continue de consommeer beaucoup plus de pétrole qu’il n’en trouve par l’exploration. L’extraction du pétrole difficile, appelé non-conventionnel (sables asphaltiques, pétrole de roche-mère, grands fonds marins…) sera beaucoup plus coûteuse et surtout beaucoup plus lente. Elle ne permettra donc pas d’éviter la baisse de la production mondiale après un plateau qui ne devrait durer que jusqu’en 2015-2020. Les énergies alternatives, même si elles sont développées à un rythme soutenu, ne pourront pas compenser le déclin de la production de pétrole, que ce soit en quantité ou en coût de production. Aucune solution de substitution aux carburants liquides n’est disponible à l’échelle de la demande, actuelle ou future.

A l’avenir, nous disposerons fatalement de moins d’énergie et de ressources alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur Terre et que les pays émergents sont en phase d’industrialisation rapide. Par ailleurs, les pays exportateurs consomment une part toujours plus importante de leur production pour alimenter leur développement.

Or force est de constater que le fonctionnement de notre société dépend aujourd’hui d’une croissance économique soutenue qui va de pair avec une consommation toujours plus importante d’énergie et de ressources. L’urgence apparaît donc d’anticiper une inexorable descente énergétique. Les limites physiques devraient déclencher une réelle transition de la société vers une diminution majeure de notre dépendance aux ressources non renouvelables, par un changement profond des comportements, de l’organisation du territoire et de notre économie. Si cette transition n’est pas anticipée, elle sera subie de manière chaotique et provoquera des conséquences économiques désastreuses, à l’image de la crise des subprimes. Les fondements de la démocratie et la paix pourraient donc être menacés.

Dans ce contexte, il est indispensable que les responsables politiques, mais aussi l’ensemble des acteurs sociaux et économiques ainsi que les citoyens français, prennent conscience de cet enjeu et fassent preuve d’anticipation, car nous sommes face à un péril réel pour la cohésion sociale et le fonctionnement de l’ensemble des secteurs vitaux de notre collectivité. Les signataires de cet appel invitent tous les candidats à l’élection présidentielle à tenir compte de cette situation urgente. Ils leur demandent de prendre position sur cette question, dans le cadre de débats et de propositions politiques concrètes. Celles-ci devront être compatibles avec la réalité physique de l’extraction des ressources et permettre de faire face à la décrue énergétique de notre société. »

* Le Monde.fr | 22.03.2012 – Mobiliser la société face au pic pétrolier

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Il faut dénoncer le pétrole de schiste et Harold Hamm

La société actuelle nous berce d’illusions. Ainsi, grand titre dans LE MONDE*, « Les Etats-Unis redeviennent exportateur net de produits pétroliers ». Suit un article dithyrambique sur la success story de l’or noir américain : « Une révolution énergétique est en marche avec le développement des pétroles de schistes. » Mais si on lit attentivement l’article, quelques phrases nous interpellent : « Reste un problème majeur, celui de la gestion de la ressource en eau pour produire ce type d’hydrocarbures… Harold Hamm demande au gouvernement d’assouplir les règles environnementales… Harold Hamm se rallie à la candidature du républicain Mitt Romney, aux côtés des lobbyistes du charbon et des sables bitumineux. »

La journaliste Anne Michel termine son article ainsi : « Harold Hamm devrait gagner quelques places dans le classement de Forbes (classement des grandes fortunes). » Anne Michel aurait du conclure en disant que Harold Hamm commet des crimes contre l’environnement, se lie aux climatosceptiques et à un parti de religieux du libéralisme croissanciste, est un menteur invétéré qui veut faire croire que les USA vont être totalement indépendants au niveau énergétique à la fin de la décennie (pour combien de temps, à quel prix ?). Anne Michel ne fait pas son travail de journaliste, c’est-à-dire révéler ce qui se cache derrière le discours de ceux qui ont tout intérêt à nous laisser vivre dans l’insouciance.

Cet article relève de l’intoxication médiatique du citoyen, pas besoin de s’inquiéter, « Dormez braves gens, dormez, les riches s’occupent de vous », le pic pétrolier n’existe pas, on trouvera toujours du pétrole de schiste et du gaz de schiste, de toute façon il y aura un jour la quatrième génération de réacteurs nucléaires, puis la fusion sera maîtrisée, puis….. l’enfer sera sur Terre. Peu importe, nous aurons gagné beaucoup d’argent. Harold Hamm dont Anne Michel fait le panégyrique a commence sa carrière comme pompiste. Il s’est improvisé par la suite expert dans l’exploration pétrolière et du gaz. Son sens commercial lui permet de pratiquer la fracturation de notre planète pour gonfler sa fortune. Les vrais experts en ressources pétrolières nous ont averti que le pic pétrolier est derrière nous. Un journaliste devrait en tirer la conclusion que le chaos socio-économique se cache derrière Harold Hamm.

* LE MONDE du 13 mars 2012, l’extraction des huiles de schiste a réduit la dépendance énergétique du pays.

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Les automobilistes sont-ils stupides ?

Donner le pouvoir au peuple alors que les automobilistes sont stupides ? C’est stupide ! C’est pourtant ce que font en France les présidentiables qu’ils soient de gauche ou de droite. Face à la montée des prix de l’essence, les électeurs renaclent, les politiques embrayent. Même Eva Joly ne va pas assez loin dans l’écologisme. Elle s’engage à ce que chaque Français-e bénéficie d’un service public de transports à moins de dix minutes à pied de chez lui et à ce que, d’ici la fin du prochain quinquennat, la France produise des voitures consommant moins de 2 litres aux 100 km. Rien sur la fin programmée du règne de la voiture. François Hollande a proposé le blocage des prix à la pompe pour pouvoir établir ensuite une TIPP flottante (taxe intérieure sur les produits pétroliers) à l’avantage des consommateurs. Sarkozy a qualifé de « plaisanterie » le blocage du prix du pétrole, mais il n’a rien à proposer comme alternative. Marine Le Pen propose un plan d’action immédiat pour contrer l’ascension des prix de l’essence : baisse de la TIPP, sur-taxation des profits des grandes entreprises pétrolières et gazières. Contre les populistes qui cajolent les automobilistes, que faire ? Que font les Etats-Unis ?

Les prix de l’essence augmentent, la popularité d’Obama baisse… Ses adversaires attaquent son bilan en capitalisant sur les prix élevés de l’essence à la pompe, qui dépassent par endroits le seuil symbolique des quatre dollars par gallon (3,78 litres). Obama a le demi-courage d’affirmer qu’on ne peut pas se sortir de la question énergétique en forant toujours davantage. Mais il garde toujours une optique de production d’énergie ; il réitère son appel à une stratégie « complète » de développement des sources d’énergie américaines : « pétrole, gaz naturel, éolien, solaire, nucléaire, biocarburants ». Aucune mention des nécessaires économies d’énergie.

Du côté des entreprises, tout est aussi mis en oeuvre pour perpétuer le gaspillage de l’énergie. Airbus et les compagnies British Airways, Virgin Atlantic, Lufthansa, Air France, Air Berlin et Iberia affirment officiellement vouloir « alerter » les dirigeants « sur les conséquences économiques » de la taxe carbone européenne qui constituerait une menace « inadmissible » pour leur secteur d’activité*.

Il faudrait donc flatter le goût du peuple pour l’essence (le kérosène) à bas prix alors que les ressources pétrolières s’épuisent. Pourtant la contrainte géologique est imparable, la rareté croissante fera obligatoirement augmenter les prix. Faire croire le contraire, c’est tromper le peuple, c’est faire du populisme, c’est prendre les électeurs pour des imbéciles.

* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 11.03.12 |

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LE MONDE, les gaz de schiste et la fuite en avant

L’édito du MONDE* est clair : puisque le pétrole flambe, il nous faut du gaz de schiste ! Aucun perspective de long terme dans cet édito, uniquement l’appât facile de l’énergie fossile. Car le gaz, qu’il soit conventionnel ou de schiste, est une ressource non renouvelable dont les réserves sont un peu plus grandes que celles du pétrole, mais pas beaucoup plus. Nous ne sommes pas à la veille d’un « âge d’or du gaz », mais des « âges sombres » du réchauffement climatique et de la pénurie d’énergie. Gratter la terre jusqu’à ses dernières traces de richesse ne nous prépare pas à un avenir radieux, mais à un futur d’épouvante. Reculer aujourd’hui la date des nécessaires économies d’énergie, c’est vouloir demain la panique sociale.

L’édito du MONDE prolonge de façon inconsidérée l’avis de son chroniqueur Martin Wolf**. Wolf reconnaît que le gaz de schiste aux Etats-Unis ne couvrira que quarante années de consommation. Wolf estime de façon contradictoire que « substituer le gaz au charbon ou au pétrole est souhaitable du point de vue des émissions de gaz à effet de serre ». Mais il souligne en même temps que le gaz émet un peu plus de la moitié du gaz carbonique émis par le charbon et 70 % de celui émis par le pétrole. Ce n’est pas rien, d’autant plus si nous utilisons le gaz en grandes quantités. L’impact sur l’environnement de la « fracturation hydraulique » (injection d’eau et de produits chimiques) est important. Si Wolf déclare qu’à ce jour « aucune preuve d’une contamination des nappes phréatiques n’a été établie », il envisage cependant un « pacte faustien » avec le gaz de schiste : avantages à court terme, graves inconvénients à long terme. Wolf conclut : « Hâtons-nous lentement. »

Les éditorialistes du MONDE n’ont pas cette retenue, ils croient que « le pire n’est jamais certain ». Comme d’habitude, la défense de l’environnement passe après la défense de l’emploi, même dans un journal « de référence ». La question se pose : peut-on encore avoir confiance en la ligne directrice du MONDE ? J’en doute, d’autant plus que les commentaires critiques sur les éditos du MONDE sont systématiquement censurés…

* LE MONDE du 29 février 2012, Le pétrole flambe, le gaz de schiste attend

** LE MONDE économie du 28 février 2012, L’âge d’or du gaz

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une présidentielle où l’inanité se dispute à la vacuité

Une présidentielle où l’inanité se dispute à la vacuité, ce n’est pas moi qui le dit, mais Michel Rocard dans une interview au MONDE*. Rocard met les points sur les « i », la croissance économique voulue tant par Sarkozy qu’Hollande et consorts est derrière nous : « Nous sommes partis pour des années de croissance faible et même de récession. Il faut le dire clairement…. D’abord la crise financière n’est pas réglée… Et il y a le pic pétrolier qui sonne le glas de notre modèle de prospérité. La hausse des prix est inéluctable, elle va fortement peser sur le pouvoir d’achat, la récession menace… » Rocard veut que nous soyons radicaux dans nos manières de penser de nouvelles régulations : « Le monde de demain sera un monde de temps familial abondant, de soins aux enfants et de retour à des relations amicales festives… Une société moins marchande, moins soumise à la compétition, moins cupide. » Rocard ne parle pas explicitement de décroissance conviviale, mais les termes y sont !

Le seul problème du discours de Rocard, c’est son attachement diabolique au nucléaire : « La sortie du nucléaire va créer une véritable famine énergétique au moment où la quantité de pétrole et de gaz vont baisser. C’est suicidaire ! On ne peut imposer une telle brutalité, cela va conduire à la guerre civile. » Aucune mention des sinistres inconvénients du nucléaire, aucun appel à maîtriser nos consommations d’énergie. Rocard a 82 ans, il est encore dans ses souvenirs de jeunesse, mais au moins il sait que la croissance infinie dans un monde fini est une absurdité. Avec lui, la présidentielle aurait été un peu moins centré sur les choses inessentielles et les petites phrases.

* LE MONDE du 26-27 février 2012, La société de demain sera moins marchande et moins cupide

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campagne présidentielle française et déni du pic pétrolier

Rapport Besson sur l’énergie en 2050 : le déni de réalité continue. Deux misérables petites phrases sur le pétrole, et c’est tout : « Le problème de notre balance commerciale (…) justifie que l’on porte une attention particulière (…) aux énergies notamment, (…) faut-il le dire, les hydrocarbures conventionnels ou non, dont les réserves, si elles étaient prouvées et exploitables avec un total respect de l’environnement, apporteraient un soulagement significatif au déséquilibre des comptes extérieurs. » Les auteurs du rapport, Claude Mandil et Jacques Percebois, estiment que les réserves sont « abondantes », mais que leur accès est « de plus en plus difficile » : très bien, cela va-t-il s’aggraver, et jusqu’à quel point ? « La contrainte climatique devrait par ailleurs apparaître plus tôt que la contrainte géologique » ? C’est-à-dire ? Peut-on avoir quelque détail sur cette assertion étrange, portant sur un enjeu séculaire central ? Bien sûr que non. Ah si, pardon ! Un peu plus loin figure tout de même une précision : les auteurs du rapport, citant la compagnie BP, indiquent : « Les réserves prouvées de pétrole s’établissent à fin 2010 à plus de 40 ans de production actuelle, et ce ratio est assez stable depuis plus de 20 ans. » L’analyse s’arrêtant là, il faut supposer que le fait que le ratio entre réserves et production de brut ait été stable depuis vingt ans implique nécessairement qu’il le restera encore pour les vingt siècles suivants…

Comment un rapport de deux cents pages, intitulé « énergies 2050 » et portant le sceau de la République française, peut-il évacuer aussi lestement la question cruciale de l’avenir de la production pétrolière mondiale ? Lacunaire pensée magique. Depuis le début des années 80, l’humanité consomme chaque année plus de pétrole qu’elle n’en découvre, et le fossé ne cesse se creuser. Mais rien de tout ça ne semble bouleverser les auteurs d’un rapport censé éclairer la nation sur les périls réels. Il est vrai que Claude Mandil, 70 ans, membre du conseil d’administration du groupe Total, n’a jamais cru au pic pétrolier ; en tout cas, cet ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) élude la question avec constance. Si la République française s’enfonce dans le déni, elle n’y est certes pas seule. En 2010, l’hebdomadaire The Observer racontait comment les hauts fonctionnaires britanniques se montrent en interne très inquiets de la déplétion des réserves de brut, tout en refusant de crier publiquement au loup.

La peur du syndrome de Cassandre, encore et toujours. Tragiquement logique. Evidemment, il ne faut pas perdre de vue que, comme le rappelle un haut fonctionnaire français : « le rapport commandé par Eric Besson n’avait qu’une seule fonction, politique : défendre le nucléaire ». D’ailleurs, de Greenpeace au Front National, tout ce qu’on entend à propos de l’énergie dans la campagne présidentielle n’a  trait qu’au nucléaire. Exit le pétrole dont la dernière goutte servira certainement pour une guerre…

Source : http://petrole.blog.lemonde.fr/2012/02/23/rapport-besson-sur-lenergie-en-2050-le-deni-de-realite-continue/

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la nullité des propos de Gérard Mestrallet

Le problème de nos sociétés à la spécialisation professionnelle trop avancée, c’est que chacun défend son métier ou son entreprise sans pouvoir prendre de distance. D’où des propos limités, si ce n’est mensongers. Ainsi de Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, un financier à 3,3 millions d’euros de revenus en 2010. Que c’est bon la fusion du groupe privé Suez de Mestrallet et un service public comme Gaz de France. Miam, miam. Mestrallet* met en garde au sujet de l’éolien et du solaire, qu’il juge plus coûteux que son salaire. Analysons :

«  Le nucléaire a toujours sa place dans le mix énergétique. »

Notons que la filiale électrique de Suez (Electrabel) est un partenaire d’EDF de longue date, que Suez a des participations croisées dans des centrales nucléaires en France et en Belgique, que Suez souhaitait aussi participer au programme de réacteur nucléaire EPR. Voici pourquoi celui qui était PDG de la banque d’investissement Suez soutient le nucléaire : par intérêt d’entreprise !

« On a trop tendance en Europe à croire que les énergies renouvelables vont se substituer au nucléaire. »

Le nucléaire est une source d’énergie non renouvelable, Mestrallet raisonne sur le court terme. Car il est obligatoire dans le long terme de calquer nos besoins uniquement sur les énergies renouvelables. Notons d’ailleurs que la France n’a ni charbon, ni pétrole, ni gaz… ni uranium. La France est contrainte, elle a déjà utilisé toutes les ressources du sol français,.

« Dans de nombreux pays, le gaz va prendre la place occupée par le nucléaire. »

Mondialement les ressources d’uranium ne dépassent pas 60 ans, le gaz conventionnel pas beaucoup plus de cinquante ans.

« Le gaz est une énergie propre et sûre en termes d’approvisionnement grâce à la diversité des sources. »

Le gaz n’est pas une énergie propre, elle émet moins de gaz à effet de serre que le pétrole, mais elle en émet pas mal. Le gaz n’est pas une énergie sûre, la Russie peut couper du jour au lendemain le robinet des gazoducs, elle l’a déjà fait.

«  Il faudra rouvrir le  dossier des gaz de schistes et l’extraire… La France dispose des plus grandes réserves de gaz non-conventionnel d’Europe. »

Mestrallet est l’exemple type du prédateur absolu. Il veut sucer le sang de la terre jusqu’à la dernière goutte. Il s’en fout des conséquences lointaines, il vit au jour le jour pour son objectif immédiat, fournir du gaz.

« Les énergies renouvelables sont plus coûteuses que les autres formes de production d’électricité. »

Mestrallet ne doit pas avoir  lu le dernier rapport montrant que le coût du nucléaire est largement minimisé. De toute façon l’électricité produite par le charbon, le gaz ou le pétrole ne tient pas compte que ces sources d’énergie non renouvelables ont été mises à disposition « gratuitement » par la nature. Or rien n’est véritablement gratuit dans la nature, nous payons le prix de la combustion des ressources fossiles par le réchauffement climatique.

« Privilégier les énergies renouvelables pénaliserait notre compétitivité… L’énergie [bon marché] est nécessaire pour la croissance et pour l’emploi. »

Comme chacun sait, Mestrallet ne pense qu’aux « trois milliards d’êtres humains qui vivent avec moins de 2 euros par jour »** et qui ont donc énormément besoin de croissance économique. Comme tous ces prêcheurs pour leur propre paroisse, Mestrallet veut nous faire croire que la croissance infinie sur une planète dont on a  déjà dépassé la capacité de charge est encore possible ! Comme chacun sait, Mestrallet pense qu’« Il y a urgence écologique pour la sauvegarde de notre planète et le futur de nos enfants. La croissance économique fondée sur l’utilisation massive de ressources n’est plus possible. »***  Très bien, très bien, Gérard Mestrallet, tu as tout compris. Malheureusement ce PDG ajoutait tout de suite : « Pourtant, renoncer à la croissance économique est impossible. » Les contradictions n’étouffent pas Mestrallet, ses propos sont d’une nullité affligeante.

* LE MONDE du 7 février 2012, « Privilégier les énergies renouvelables pénaliserait notre compétitivité »

** LE MONDE « Argent ! » du 1er avril 2007

*** LE MONDE du 21 décembre 2007

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pic pétrolier, pic de la mondialisation, pic de notre civilisation

Le pic pétrolier ne signifie pas que le monde soit à court de pétrole. Cette expression décrit le moment où la production pétrolière ne peut plus augmenter. A ce moment, il reste encore beaucoup de pétrole. Mais il est tout simplement beaucoup plus difficile à découvrir et à extraire, ce qui signifie qu’il devient très ardu, voire impossible, d’accroître la production mondiale. L’offre reste stable pendant un temps (en plateau), puis finit par entrer en phase de déclin terminal. La perspective du pic pétrolier n’est plus une théorie marginale soutenue par quelques alarmistes. C’est une réalité géologique. Compte tenu du rôle fondamental du pétrole dans nos économies, cela signifie le début d’une nouvelle ère dans l’histoire humaine.

Face à une production pétrolière stagnante, la demande continue de croître considérablement : La Chine, l’Inde, la Russie… , ce qui implique une concurrence croissante pour accéder à une offre limitée. Les principes économiques de base indiquent qu’avec une offre qui stagne et une demande qui augmente, le pétrole va devenir beaucoup plus cher – une configuration qui est déjà à l’œuvre. Le problème du pic pétrolier, par conséquent, n’est pas que nous soyons à court de pétrole, mais que nous soyons déjà à court de pétrole bon marché. Actuellement, le monde consomme environ 89 millions de barils par jour, soit 32 milliards de barils par an. Ces chiffres stupéfiants expliquent pourquoi le pétrole est comparé à un élément vital de la civilisation industrielle. Comme pratiquement tous les produits d’aujourd’hui sont dépendants du pétrole, l’âge du pétrole cher renchérira les prix des marchés du commerce mondial. Le pic pétrolier se traduira donc probablement par un « pic de la mondialisation ». Certains spécialistes de l’énergie estiment même que le pic pétrolier pourrait signifier la « fin de la croissance économique », car les économies ont besoin d’énergie bon marché pour se développer. Ce qui pourrait bien provoquer une relocalisation des économies – non pas en raison de décisions de responsables politiques, ni d’une revendication citoyenne – mais simplement comme la conséquence de marchés réagissant à la hausse des cours du pétrole.

L’avenir ne ressemblera en rien au passé, et nous devrions nous préparer à cela – psychologiquement, socialement, économiquement et politiquement. La montée des sociétés de consommation depuis la révolution industrielle n’a été possible qu’en raison de l’abondance des combustibles fossiles bon marché. A titre d’exemple, en l’absence de pétrole, l’australien moyen devrait mobiliser environ 130 « esclaves énergétiques », travaillant huit heures par jour, pour maintenir son style de vie. Les consommateurs du monde entier devraient commencer à se préparer à une forte révision à la baisse de ces styles de vie si intensifs en énergie et ressources qui sont largement prisés aujourd’hui. Bien que l’exigence de consommer moins de choses provoquera un grand – et désagréable – choc culturel pour tous ceux qui ne l’ont pas anticipé, on pourrait bénéficier de cette transition en adoptant volontairement un mode de vie plus simple. Consommer moins, vivre plus. Cela vaut la peine d’y réfléchir.

Nous devons réinventer une « bonne vie », au-delà de la culture du consumérisme. Si nous attendons que le consumérisme soit abandonné sous la contrainte des circonstances, la transition vers l’après ne sera pas une bénédiction mais une malédiction.

Samuel Alexander, Sydney Morning Herald, 11 janvier 2012

Le Dr Samuel Alexander est co-directeur du Simplicity Institute (www.simplicityinstitute.org), un institut de recherche qui traite des questions liées à la consommation durable, au pic pétrolier et à l’économie post-croissance.

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3163

 

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les coûts cachés du nucléaire, l’oubli des générations futures

Le rapport de la Cour des comptes sur les coûts passés, présents et futurs de la production d’électricité nucléaire en France a ceci de particulier qu’il ne vient qu’après des décennies de production. C’est significatif d’une absence totale de prévision, on produit d’abord, on se préoccupe ensuite des conséquences… quand on y est obligé. Ce phénomène n’est pas propre à l’industrie nucléaire, mais le problème supplémentaire est l’échelle de temps. Berkeley*, la première centrale britannique ouverte en 1962, a été fermée en 1989 et il faut attendre fin 2010, après moult péripéties, pour la mise sous scellés des deux réacteurs. Reste, à partir de 2074, à transférer les déchets radioactifs dans un lieu de stockage géologique profond… qui n’existe pas encore. Cent vingt-deux ans se seront écoulés entre le début de la construction et une conclusion qui n’est même pas finale.

Le nucléaire présuppose une société riche et stable sur le long terme, ce qui n’est pas le cas. Nul ne sait si la Grande-Bretagne ne sera pas à feu et à sang dans dix ou trente ans, après une crise socio-économique et écologique qui balayerait la planète. Qui voudra alors se charger des déchets radioactifs ? Car la planète est déjà à bout de souffle. Un rapport indique que nos modèles de développement ne sont tout simplement pas compatibles avec les limites de la planète**. Et la prépondérance du court terme dans les négociations internationales laisse déjà prévoir que Rio + 20 parlera de tout et n’aboutira à rien. Notre société thermo-industrielle au sommet de sa puissance financière et technologique n’est pas capable de traiter à l’heure actuelle les problèmes qu’elle crée, à plus forte raison demain : 85 % des stocks de poissons sont surexploités, 75 % des services rendus par la nature sont en déclin, limiter le réchauffement climatique à 2°C est de plus en plus hors de portée, etc.

La gestion du nucléaire est en liaison étroite avec ce constat d’alerte et d’impuissance. L’évaluation des coûts du nucléaire devient secondaire quand on sait que demain on aura à peine de quoi se payer l’essentiel. Une seule solution, bâtir localement des communautés de résilience

* LE MONDE du 1er février 2012, Berkeley, symbole de la complexité du démantèlement

** LE MONDE du 1er février 2012, Le rapport de l’ONU avant le sommet de Rio + 20

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Agrocarburants, pas assez pour la voiture

Nous ne pouvons faire face à la crise de l’énergie que si notre consommation arrive tendanciellement à correspondre aux énergies renouvelables. Il faut donc nous préparer à nous passer de pétrole, de gaz, d’uranium, de charbon. Cela veut dire obligatoirement descente énergétique pour que nos besoins, démesurés à l’heure actuelle, correspondent à nos ressources, de plus en plus limitées. L’avenir serait donc aux agrocarburants, le biodiesel à la place du gazole, le bioéthanol à la place de l’essence. Or au niveau mondial les agrocarburants ne procurent que 2,5 % environ du total des carburants utilisés pour le transport routier. Sachant en plus que le bioéthanol ne permet de parcourir que 68 km contre 100 pour l’essence, et le biodiesel 92 km contre 100 avec du gazole, il faudrait que le transport mondial diminue au moins de 98 %.

De plus les agrocarburants contribuent déjà à la déforestation. Au Brésil, en Indonésie ou en Malaisie, les cultures nécessaires se développent souvent au détriment de la forêt vierge : le bilan écologique est alors clairement négatif, la forêt ne sert plus à lutter contre le réchauffement climatique. Si nous ajoutons le fait que les changements d’affectation des sols entraînent la perte d’écosystèmes captant le CO2, la situation devient encore plus tendue. Enfin la compétition actuelle entre les terres agricoles qui sont consacrées aux agrocarburants et celles dédiées à l’alimentation est un facteur important de la hausse des prix des denrées alimentaires depuis 2008, donc source de famine et de troubles sociaux.

La conclusion est donc nette, nous ne pourrons pas utiliser que très peu d’agrocarburants quand il faudra se passer de ressources fossiles non renouvelables. La solution est simple, supprimons le plus rapidement possible la voiture et le camion.

source des données utilisées :

LE MONDE | 24.01.12 | Un bilan très modéré pour les biocarburants français

LEMONDE.FR | 25.01.12 | Agrocarburants : un cocktail qui coûte très cher à la pompe

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Je ne voterai pas François Hollande au premier tour

Je ne voterai pas François Hollande au premier tour. Pourquoi ? Parce qu’Hollande n’est pas écolo ; il propose un blocage « temporaire » du prix de l’essence. Hollande prend pitié des consommateurs « qui n’ont pas d’autres moyens que d’utiliser leur voiture pour aller au travail. » … « Il n’est pas possible d’avoir une montée du prix telle qu’elle est aujourd’hui. » *

Mais que ferait Hollande élu président si le prix du baril explose ? Il n’aurait aucun moyen d’agir car la France est un pays entièrement dépendant d’un marché mondial du pétrole brut. Si l’État bloque le prix de l’essence et que le prix du baril continue à progresser, il devra payer la différence qui se chiffrera en dizaines de milliards d’euros ! Regardons au Nigeria ce qu’a entraîné la fin des subventions à l’essence, la révolte ! Cette promesse d’Hollande est un mensonge pur et simple, un véritable déni de la raréfaction tendancielle du pétrole. C’est la distribution de bonbons sauce socialiste.

Il faut au contraire utiliser le signal prix pour que les ménages recherchent sérieusement des alternatives au véhicule individuel. Un blocage « temporaire » du prix de l’essence nie la réalité d’une demande de pétrole qui commence à dépasser l’offre de pétrole. Un candidat écologiquement responsable aux présidentielles françaises programmerait une hausse continue et durable du prix de l’essence pour que les citoyens se préparent aux chocs pétroliers à venir. Nous avons vécu trop longtemps à crédit, au détriment des ressources fossiles. Il n’est plus temps de faire rêver au monde tel qu’il est, il faut nous préparer à affronter un avenir difficile. Nous ne sommes pas des enfants…

* LeMonde.fr avec AFP | 19 janvier 2012, François Hollande propose un blocage du prix de l’essence

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Le prix de l’essence n’a jamais été aussi bas !?

Le prix moyen du litre de super sans plomb 95 n’a jamais été aussi haut. Il a atteint 1,5563 euro vendredi 13 janvier 2012 en France. Il n’était qu’à 1 euro en janvier 2005. LE MONDE* ne voit que deux raisons à cette envolée, les tensions géopolitiques (Nigeria, Iran) et la faiblesse de l’euro pour payer en pétrodollars. En réalité, le prix de l’essence n’a jamais été aussi bas ! En effet, il ne reflète pas du tout le fait que nous ayons franchi le pic pétrolier depuis 2008 ; le baril, pour refléter la rareté croissante, devrait être déjà dix ou cent fois plus cher qu’il n’est actuellement. J’estime que le prix du SP95 devrait être aujourd’hui de 100 euros au moins si nous avions progressivement augmenté son prix depuis le premier choc pétrolier en 1974.

Dans sa campagne présidentielle de 1974, René Dumont était bien plus écolo qu’Eva Joly en 2012 : « Sait-on que si tous les habitants du globe consommaient autant de pétrole que les Américains, les réserves prouvées ne tiendraient guère plus d’un an ? Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. Pour faire 10 000 km, on consacre 150 heures à sa voiture (gain de l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien, conduite, embouteillage, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton. Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons par exemple contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composantes de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne… Nous consommons 2 fois plus d’énergie qu’en 1963 ; sommes-nous 2 fois plus heureux ? Le Français consomme 2,85 fois moins d’énergie que l’Américain ; est-il trois fois moins heureux ? En surexploitant les combustibles fossiles, on vole les ressources des générations futures. Quel monde laisserons-nous à nos enfants ? »

LE MONDE et Eva Joly devraient relire le programme écolo de 1974, ils auraient des discours plus pertinents…

* LE MONDE du 18 janvier 2012, Le prix de l’essence atteint des sommets en France

** à vous de choisir, les objectifs de l’écologie politique (Pauvert, 1974)

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Pétrole nigérian, sang de jésus ou merde du diable ?

Demandons à un Français s’il accepterait que du jour au lendemain on double le prix de l’essence. Ce serait la révolution. Doublons le prix de l’essence au Nigeria, c’est la guerre civile. Pas seulement pour des raisons pétrolières. Mais essentiellement pour cela à l’heure actuelle. Le 1er janvier, le gouvernement a supprimé les subventions au secteur pétrolier qui coûtait 5 % du PNB. Le litre à la pompe est ainsi passé du jour au lendemain de 0,30 à 0,66 euros. LE MONDE trouve cette mesure « excellente »* car la subvention profitait d’abord aux classes urbaines fortunées. Les églises chrétiennes ont qualifié d’« immorale » cette décision du gouvernement qui pèse de façon disproportionnée sur les plus pauvres. Qui a raison ?

Les subventions au pétrole représentaient quatre fois le budget de la santé. N’y avait-il pas là une anomalie ? Le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) dit que l’usage des contraceptifs s’améliore. Fait-on suffisamment dans un pays de 160 millions d’habitants ? Le Nigeria compte autant de chrétiens que de musulmans ? Quelle partie de la rente pétrolière a été consacrée à la diminution des tensions ethniques ? La majorité des Nigérians vivent avec moins de deux dollars par jour. A-t-on besoin de pétrole à ce niveau de revenu ? Ils percent les pipelines pour se le procurer. Dès fois ça explose. Est-ce une société durable ?

Les Africains nomment l’essence le « sang de jésus ». Pour un des pères-fondateurs de l’O.P.E.P., Perez Alfonso, le pétrole c’est plutôt la mierda del diablo, la merde du diable ! En termes moins imagés, on parle de la rente pétrolière comme d’une malédiction pour un pays producteur de pétrole. Le Nigeria a donc la malchance de sa chance : les recettes pétrolières peuvent atteindre 50 milliards de dollars. Où va donc cet argent ? Dans une croissance économique factice, dans la corruption, dans les détournements de fonds, dans les dépenses somptuaires, etc. Il n’est donc pas étonnant que 70 % de Nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté. De toute façon, admettons que le Nigeria bâtisse, comme le souhaite l’éditorial du MONDE**,  un secteur public. Quand il n’y aura plus de pétrole, à quoi servira un secteur public qu’on ne pourra plus financer ?

* LE MONDE du 10 janvier 2011, grève générale au Nigeria contre le doublement du prix des carburants

** Editorial : Le Nigeria et la menace d’une guerre civile

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