énergie

Marc Fontecave, un pronucléaire en plein délire

Dans une récente tribune au « Monde », le professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences Marc Fontecave juge ainsi la pétition « L’Affaire du siècle » : « Attaquer la France en justice est à la fois injuste, idiot et inopérant ». Il a un seul argument : « l’Hexagone, grâce à l’énergie nucléaire, est un leader mondial en matière de limitation des gaz à effet de serre. » Voici quelques commentaires sur lemonde.fr :

PIERRE-ALAIN D. : Il aurait été préférable que LE MONDE signale aux lecteurs l’appartenance de M. Fontecave au conseil scientifique d’EDF.

Phil : Fontecave, des arguments spécieux d’une grande paresse intellectuelle, donneuse de leçons qui plus est. Pauvre collège de France… La France a pris des engagements internationaux qu’elle ne respecte pas; l’attaque en droit est parfaitement justifiée. Quant aux considérations sur le nucléaire elles sont affligeantes, mais qui mordrait la main de celui qui le nourrit ?

Dance Fly : La tribune de M. Fontecave est à la ramasse: il réagit comme si le nucléaire était menacé. Ce n’est pas le cas. Je crois que nous sommes tous à peu près d’accord sur l’objectif : se débarrasser le plus vite possible des énergies fossiles.

ALAIN PANNETIER : Belle preuve supplémentaire d’autisme de l’establishment scientifique français. L’électricité, c’est 25% seulement de notre consommation d’énergie. Ce sur quoi on attend une démarche volontaire du gouvernement c’est sur les 75% restants (transports et chauffage). Et là le bilan est moins reluisant. Comparée au reste des pays de l’OCDE, la France est clairement dans l’immobilisme.

le sceptique : Le rapport GIEC 2018 écrit : « Nuclear power increases its share in most 1.5°C pathways » (p.131). Les trajectoires avec moins de nucléaire sont minoritaires. On peut choisir de les privilégier pour éviter d’être trop dépendant du nucléaire, mais il faut chiffrer et débattre du coût public.

Moaurf : Fontecave : « personne ne semble trouver choquant que des citoyens français attaquent leur propre pays en justice« . C’est quoi ce présupposé ? Bah non, ça se fait ailleurs, et ici sur d’autres sujets. Fort heureusement les Etats peuvent être poursuivis, sinon quoi, on admettrait, en d’autres circonstances, les dérives totalitaires d’un régime? Un Etat est aussi victime de ses représentants.

Fact Man : Cher Mr Fontecave, il semble que ce sont plutôt vos positions qui demanderont un temps long (sic) pour bouger. Vous dites que la France représente peu : les Accords de Paris devaient unir les pays, on en voit – ou plutôt pas – le résultat. Vous dites que le nucléaire nous dédouane d’efforts poussés sur les énergies : 24000 ans pour perdre juste la moitié de sa radioactivité, au plutonium de nos centrales. En même temps : 2MW français en éolien offshore, 5355MW en Allemagne… Voilà un chemin.

Jamaiscontent : M. Fontecave décrète qu’il est impossible de produire notre électricité & énergie pour les transports à partir des seules EnR. Peut-être, mais si j’en attends une démo, je vais attendre longtemps. Il le sait, point. D’autre part, utiliser le nucléaire ne fait en rien de nous des exemples en matière d’environnement, qui est loin de se limiter au seul CO2: pollutions autour des anciennes ou actuelles mines d’U, question des déchets, et Bolsonaro raserait bien une réserve de l’Amazonie pour de l’U.

ALAIN PANNETIER : Le week-end se termine. Les cyber-rhéteurs ont débattu. Plus de 400 commentaires. Nettement moins de 400 arguments. Argument massue d’après les immobilistes : « La pétition est inutile, stupide, et même contre-productive. Car il n’y a pas de solution. Nous sommes les meilleurs de la classe. Les pollueurs sont les autres. Cocorico. » Sauf que… le sens de la pétition est tout autre. Les « anti » feignent d’ignorer que le problème n’est pas l’électricité mais tout le reste. Les transports, le chauffage.

* LE MONDE du 31 décembre 2018, Pétition « L’Affaire du siècle » : « Attaquer la France en justice est à la fois injuste, idiot et inopérant »

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Climat et pétrole devraient gâcher la fête de Noël

Qui dit augmentation de la combustion de pétrole pour les fêtes de fin d’année dit aussi augmentation des émissions de gaz à effet de serre… Le Manuel de Transition (publié en 2010) nous décrit ainsi cette interdépendance : « Changement climatique et pic pétrolier sont les jumeaux de l’hydrocarbure. Ces deux questions sont tellement interreliées que si on les considère isolément, une grande partie du problème nous échappe. Sans pétrole à bon marché, vous ne seriez pas en train de lire ces lignes en ce moment. Quand vous vous mettez vraiment à y penser, ce n’est pas seulement ce livre qui n’existerait pas. La plupart des choses qui vous entourent dépendent du pétrole à bon marché pour leur fabrication et leur transport. Ce n’est pas pour rien qu’on parle des carburants fossiles comme d’une très vieille lumière solaire ; ils ont une incroyable densité énergétique. On estime que 40 litres d’essence contiennent l’équivalent énergétique de 4 ans de labeur manuel humain. Nous pouvons appeler « Intervalle du pétrole » le bref interlude de 200 ans où nous aurons extrait du sol la totalité de cette extraordinaire substance et l’aurons brûlée… Le climat planétaire est nettement en train de se réchauffer ; il n’est plus permis d’en douter. Jusqu’où est-il réaliste de permettre à la température de monter ? La réponse est qu’idéalement, nous devrions mettre un terme à toutes nos émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui même, mais ce n’est manifestement pas ce qui va se passer... »

En effet nous voulons toujours plus de pétrole alors que laisser une majorité du pétrole accessible sous terre pour limiter le réchauffement climatique est déjà une nécessité. Les « gilets jaunes » qui ne veulent pas de la taxe carbone et la multinationale Total, qui leur fournit leur dope, vont dans la même direction, droit dans le mur. Nous sommes vraiment en train de soutirer les dernières gouttes de pétrole, ainsi en Angola*. On profite de la dépendance de ce pays envers la merde du diable ; l’or noir représentant 95 % de ses exportations et assure 40 % de la production du pays, soit environ 15 % du PIB. Les zones les plus accessibles, d’abord à terre, ont d’abord été épuisées. A l’orée des années 1980, le gisement (bloc 3) était situé à quelques encablures des côtes angolaises et à une profondeur d’une centaine de mètres. On a ensuite foré à 700 mètres, puis on est descendu de plus en plus au fil du temps. On utilise techniquement des FPSO (Floating Production Storage and Offloading) pour exploiter le offshore profond [« deep offshore »], qui représente 20 % de la production de la compagnie. Aujourd’hui le bloc 17 produit de l’« huile » enfouie à 1 600 mètres sous la surface de la mer à une distance moyenne de 200 kilomètres des terres. Plus loin encore, il y a le bloc 32, à 260 kilomètres des terres. Il faut chercher le pétrole à une profondeur d’eau d’environ 2 000 mètres, à laquelle il faut ajouter une perforation de la couche terrestre qui peut atteindre 1 500 mètres (soit une distance totale de 3 500 mètres sous la coque de la FPSO). Mais la folie humaine n’a pas de limites. Le bloc 48 est situé dans des eaux ultra-profondes, à 400 kilomètres de Luanda. Il y a une profondeur de 3 600 mètres d’eau et il s’agira du puits d’exploration le plus profond jamais réalisé. Autant dire qu’une telle démesure technologique accroît énormément les risques d’une marée noire.

Les jumeaux hydrocarbures (pic pétrolier et réchauffement climatique) nous imposent une descente énergétique.Refuser cet état des faits, c’est vouloir accélérer l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle. Il ne s’agit pas de faire du catastrophisme, mais de constater une réalité biophysique. Ça va finir mal, on le sait, mais Total, gouvernement angolais et gilets jaunes se tiennent par la main. L’échec de la COP21 nous montre encore une fois que nous ne faisons rien collectivement pour éviter les drames présents et à venir. Tant que nos concitoyens auront besoin de carburant pour aller au travail… l’écologie et les générations futures seront bien oubliées.

* LE MONDE économie du 14 décembre 2018, En Angola, la quête périlleuse du pétrole en haute mer

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CLIMAT, les gilets verts à l’assaut de Macron

Occupons les ronds-points, bloquons les raffineries, ouvrons les barrières de péages, rentrons sur les pistes d’aéroport, fermons les centrales à charbon, et tant pis s’il y a quelques violences… Pourquoi se gêner, c’est la seule méthode pour que Macron se mette à l’écoute du peuple. Car l’heure est grave, le réchauffement climatique s’accélère et pourtant notre président a favorisé toutes les sources d’énergie fossile. L’Etat est d’ailleurs poursuivi devant la justice par des ONG pour inaction climatique. Elles réclament la réparation des préjudices moral et écologique subis, et la mise en œuvre des mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés. « Malgré de nombreuses annonces, expliquent-elles dans leur recours, la France ne respecte quasiment aucun des objectifs et engagements qu’elle s’est elle-même fixés a minima et se contente de repousser l’effort sur les années à venir. »

Elles appellent au soutien de leur action par le biais d’une pétition accessible sur le site www.laffairedusiecle.net. Déjà plus de 1 million 400 000 signatures en quelques jours atteint ce samedi 22 décembre. Le mouvement de révolte contre l’État et son inaction en matière climatique se généralise. On dépasse en nombre la pétition des gilets jaunes qui avaient mis Macron dans tous ses états. Il vit maintenant reclus, conspué, menacé alors qu’il avait condamné la taxe carbone pour faire plaisir aux GJ et signé un chèque énorme pour augmenter le pouvoir d’achat (et donc rouler plus souvent en bagnole !).

Au Royaume-Uni, le mouvement Extinction Rebellion* mène des actions chocs pour alerter sur le changement climatique. Il prône des actions fortes et pacifistes. En octobre, une centaine d’universitaires du pays ont signé un texte de soutien. 6 000 personnes ont bloqué les ponts de la capitale anglaise. Le samedi 17 novembre. Les jours précédents, d’autres avaient été arrêtés pour avoir interrompu le trafic, peint des slogans (lavables à l’eau) et s’être enchaînés devant le 10 Downing Street ou avoir obstrué l’entrée du ministère de l’énergie. On prévoyait d’occuper les studios de la BBC le 21 décembre. Leur symbole est noir, « Rebel for Life », un sablier à l’intérieur du cercle de la Terre : le temps nous est compté. En France, l’écologiste « radicale » Corinne Morel-Darleux, reprend le flambeau : « Cette désobéissance civile qui s’inscrit dans la durée, partout dans le pays, permet de sortir de la culture du nombre : pas la peine d’acheminer des cars vers la capitale pour une manifestation monstre, quelques personnes menant des actions locales sont efficaces. Et cela transforme les arrestations en victoire. » Il faut tenter l’impossible pour éviter l’impensable, endossons des gilets verts.

* LE MONDE du 22 décembre 2018, Au Royaume-Uni, le mouvement Extinction Rebellion mène des actions chocs pour alerter sur le changement climatique

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Les décroissants contre les « gilets jaunes »

Un mois que l’insurrection des gilets jaunes a débuté, le mensuel « La Décroissance »* avait porté un regard critique qui nous semble pertinent.

Fièvre jaune : Bravo Nostra Decroissanssus ! Ce jour du 17 novembre 2018 est à marquer d’une pierre « jaune » ! Depuis dix ans que je te lis, tu nous a toujours prédit le scénario d’une France « imbécile » manifestant pour « plus de fric, de pétrole, de bagnoles et autres bimbeloteries inutiles », se révoltant et bloquant un système consumériste qu’elle idolâtre. La bêtise absolue s’est emparée d’une France dont le gilet « jaune » lui va si bien, tous unis dans l’absurde, quel spectacle pitoyable ! (Serge Wallpott, lecteur de La Décroissance)

Autoroutes cyclables : Je pensais naïvement que, vu les cataclysmes dus au réchauffement climatique qui se sont abattus ces derniers mois sur notre planète, les gens aillaient être volontaires pour changer de mode de vie ! Eh bien non, ils protestent parce que le prix des carburants ont augmenté de quelques centimes alors que le prix de l’essence devrait au minimum être doublé. Il est inadmissible que se déplacer en voiture coûte moins cher que de prendre le train. (Jean-Claude Tosan, lecteur)

A bout de souffle : Je ne suis pas fan des gilets jaunes. La classe moyenne qui étale son exaspération sur la place publique et revendique son pouvoir d’achat a bien été séduite, d’abord, par les sirènes de la consommation permanente érigée en art de vivre. L’accumulation de bien matériels a créé un édifice instable, prêt à s’écrouler dès qu’un imprévu apparaît (ici hausse du carburant). Lorsque surgira une vraie crise, il y aura bien des réveils douloureux. (Pierre Marthouret, lecteur)

Le piège se referme : Quant au mode d’action adopté pour exprimer la révolte des gilets jaunes, il a de quoi réjouir les vélorutionnaires que nous sommes : bloquer des ronds-points, des rocades, des autoroutes, des accès aux centre commerciaux, mais aussi des dépôts pétroliers, ça a tout de même plus d’impact que les habituelles manifs-balades… Profitons-en pour balayer un lieu commun utilisé par les adversaires de la décroissance afin de nous discréditer : « Comment osez-vous parler de décroissance alors que des gens n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois ? » Rappelons-le, la décroissance a pour premiers impératifs l’auto-limitation et le partage, c’est un combat égalitaire qui s’en prend aux modes de vie les plus prédateurs. Ceci posé, on ne va tout de même pas railler la défense du veau de tôle de notre civilisation, la sacro-sainte bagnole. Car même si les gilets jaunes posent des questions essentielles, il n’en reste pas moins que la défense de l’automobile et du style de vie consumériste qui va avec est au cœur de leur lutte. C’est leur intraveineuse de pétrole que les dépendants du volant réclament au meilleur marché… Et évidemment il ne faut pas croire une seconde ce gouvernement quand il jure mordicus de vouloir sauver la planète avec sa petite taxe carbone : s’il se piquait d’écologie, il mettrait fin au déploiement des infrastructures routières. Comme le disait Nicolas Sarkozy lors de la crise économique de 2008, « l’État est prêt à tout pour sauver l’industrie automobile »… Malgré l’hypocrisie de la taxe carbone, nous soutenons, à l’opposé des gilets jaunes, que les carburants ne sont pas assez chers, vu les ravage qu’ils provoquent. (Pierre Thiesset, journaliste)

* extraits de « La Décroissance », décembre 2018-janvier 2019

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Fin du pétrole, les gilets jaunes n’en savaient rien !

Journaliste du MONDE* : « En 2010, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) annonçait que le pic de production du pétrole avait été atteint en 2006. Et pourtant, huit ans plus tard, la production continue à augmenter et le prix du baril est aujourd’hui loin du record atteint en 2008. Donner une date pour la fin du pétrole semble donc particulièrement difficile. » L’article reste vague, ce que ne fait pas le blog de Matthieu Auzanneau, un spécialiste qui a écrit une monumentale histoire du pétrole, Or noir. Résumé de son article Minuit et quart :

Oilman : Mes pires craintes sont en train de se réaliser. Les signes du changement climatique deviennent évidents à qui veut bien les voir. Mais qu’advient-il de l’autre grand péril qui menace nos sociétés techniques, et qui est lui aussi engendré par notre consommation d’énergie ? Que dire aujourd’hui de l’imminence du pic pétrolier, c’est-à-dire d’une possible cure de sevrage forcée de notre première source d’énergie ? Sans le shale oil (pétrole de schiste), et sans la résurgence du pétrole en Irak (au terme de près de quarante ans de guerres, la production mondiale de brut aurait effectivement atteint depuis 2005 un pic, ou plus exactement un plateau ondulant. Cette stagnation de la somme des extractions des principaux pays pétroliers mondiaux se produit en dépit du fait que les dépenses d’investissement (les « Capex ») dans le développement de la production d’hydrocarbures ont plus que doublé entre-temps. Autre élément persistant du diagnostic : les découvertes de pétrole conventionnel ont atteint un nouveau point bas en 2017 ; elles n’ont jamais été aussi rares et faibles depuis les années 1940, en dépit des efforts d’investissements et des quelque progrès techniques accomplis depuis plus d’un demi-siècle. Bref, les limites physiques à la croissance économique, telle qu’elle est alimentée depuis 150 ans par le pétrole, me paraissent se dessiner de plus en plus nettement.

Il serait judicieux d’être prudent, et prévoyant, et consistant, mais non…La France n’est pas à la hauteur de l’accord de Paris sur le climat. Une chose encore : la Syrie et le Yemenle Venezuela et peut-être même le Mexique démontrent aujourd’hui avec quelle soudaineté et quelle cruauté peuvent s’effondrer des nations à la suite (à cause ?) d’un déclin de leurs ressources énergétiques. Un historien russo-américain, Peter Turchin, a démontré de façon convaincante l’existence de cycles historiques de croissance et d’effondrement des sociétés liés à la capacité – ou à l’incapacité – des ressources naturelles à perpétuer le développement de ces sociétés. A travers les exemples de l’empire romain, de la France du Moyen Age, ou encore de la Russie impériale, on y voit les sociétés d’abord croître sans développement des inégalités entre le peuple et les élites, puis la population et les revenus des classes populaires passer par un maximum, permettant aux élites de proliférer grâce à la captation d’une rente abondante comme jamais. Puis : les guerres, les famines, longtemps…

La sobriété que je souhaite n’est pas juste une somme de choix individuels. Il est question de la sobriété des grands systèmes complexes qui nous permettent de vivre, d’une réorganisation favorisant systématiquement la simplicité et la robustesse de nos modes de production et de nos modes de vie. Ceci réclame une conversation collective historique, adulte et raisonnable. Nous sommes de plus en plus nombreux à percevoir clairement cela. Faisons-le savoir, et vite.

* LE MONDE du 14 décembre 2018, Quand commencera-t-on à manquer de pétrole ?

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Incompatibilités entre « gilets jaunes » et écolos

Ce blog n’a pas appelé à la marche pour le climat ce Samedi 8 décembre* car on n’y voit aucune complémentarité avec les manifestations des Gilets jaunes le même jour. L’origine est similaire, mouvements horizontaux nés sur Facebook, mais les objectifs sont complètement contradictoires. Cela va entretenir la confusion dans les esprits. Laissons la parole aux commentateurs sur le monde.fr* :

PIERRE DUMONT : D’emblée de jeu et sans aller plus loin, les mouvements horizontaux non structurés et animés par la colère ou le ressentiment ne mènent à rien

DR : Difficile d’imaginer la convergence d’un mouvement pour le bien commun et la planète d’un côté, et un autre centré sur les biens personnels et nihilistes. Déjà voir Mélenchon et Le Pen main dans la main s’est étonnant mais là ce serait la cohabitation de la glace et du feu…

JS : L’alliance des gilets-jaunes avec les écologistes ? Quelle bonne blague… les gilets-jaunes dans leur immense majorité haïssent les écologistes, les « bobos » parisiens, les néos-ruraux illuminés, le bio et les végétariens. Cette convergence est un fantasme de l’extrême gauche qui a paralysé « Les Verts » pendant des années et décrédibilisé le mouvement écologiste.

PATRICK ROSA : Un mouvement contre le réchauffement climatique qui voudrait fusionner avec les gilets jaunes? C’est-à-dire le mouvement limite insurrectionnel dans la droite lignée des bonnets rouges qui nous avait coûté à l’époque l’instauration de l’écotaxe et qui nous coûte maintenant le relèvement du prix des carburants??? C’est pas la carpe et le poisson là, c’est le mammifère et le dinosaure qu’on essaie de marier.

JS : Après l’alliance Le Pen – Mélenchon – Dupont Faignant -Wauquiez… voilà l’alliance de ceux qui s’opposent à la taxe carbone, la limitation de vitesse, le diesel et le contrôle technique avec ceux qui défendent la taxe carbone, les limitations de vitesse, la fin du diesel et le contrôle anti-pollution des véhicules. Les français sont-ils devenus fous ???

GILLES SPAIER : Le monde publie plein d’articles sur l’écologie, le réchauffement qui nous menace et « en même temps » a maintenant une rubrique consommation directement liée à amazon qui vante les trucs « high tech » fabriqués en Chine. Vous commandez, demain c’est vous par avion. Bonjour l’empreinte carbone!. Le Monde est de plus en plus schizophrène.

TROPTARD : Les démarches sont antinomiques. La démarche des gilets jaunes c’est poursuivre la société de consommation, pouvoir consommer comme avant… La démarche des mains rouges c’est réduire le PIB et s’orienter vers la décroissance… La décroissance, c’est diminuer le travail, réduire les revenus, le périmètre de vie… Il faut comprendre que de toutes façons c’est perdu et que le seul moyen de s’en sortir c’est le survivalisme…

* LE MONDE du 8 décembre 2018, La mobilisation citoyenne pour le climat prend racine

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Victoire des gilets jaunes, la taxe carbone est morte

Pour lutter contre le réchauffement climatique nous sommes passés du marché à la taxe carbone, demain nous aurons la carte carbone. Dans une tribune*, Christian Brodhag acte l’échec avéré du marché des permis d’émission, compromis boiteux entre décisions des entreprises et quotas de CO2 fixés par l’administration. Aujourd’hui on a voulu fixer le prix du carbone avec une progressivité dans le temps qui donne de la prévisibilité aux investisseurs et aux ménages. Mais ce système a deux défauts fondamentaux. Le concept d’une tarification identique du carbone en tous lieux et pour toutes les familles ne tient pas compte des inégalités sociales. Il est d’autant plus difficile à justifier que des secteurs comme les transports aérien et maritime y échappent. Il faut aussi considérer l’usage de la rente fiscale. Or l’objectif de Macron est de taxer l’environnement pour alléger le coût du travail. Ce raisonnement strictement économique ne peut justifier la captation de la taxe carbone par le budget général de l’État. En effet le gilet jaune ne voit là qu’un impôt supplémentaire et nullement une transition énergétique en œuvre. Mais on ne voit pas précisément ce que Brodhag voudrait faire de l’argent tiré de la taxation de l’essence : « Une approche institutionnelle de la régulation du climat, promouvant des solutions concrètes répondant aux situations réelles, doit être construite avec tous les acteurs, notamment les citoyens…Il faut mobiliser toutes les innovations techniques, sociales et organisationnelles… » Langue de bois sans impact concret sur les consciences.

Par contre la taxe carbone, si elle avait été bien expliquée et mise en œuvre progressivement depuis plusieurs années, aurait permis aux gens de comprendre les fondements biophysiques de leur niveau de vie. Dans son programme lors de la présidentielle 1974, l’écolo René Dumont écrivait : « Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons par exemple contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production d’isolants pour logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne. » De tels objectifs, confirmés par la hausse constante du carburant, aurait changé les comportements, approché lieux de vie et travail, appris à se passer le plus souvent de la voiture, généralisé le covoiturage et le vélo, etc. Si l’essence était à trois euros aujourd’hui, nous serions vraiment entrés dans une société en lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas le cas, et les résistances des gilets jaunes à quelques centimes de plus sur le carburant montre que nous sommes collectivement dans un cul-de-sac. L’impasse est d’autant plus tragique que Macron a décidé de supprimer pour une année la taxe carbone mais sans remettre en place le symbolique ISF. Aux yeux des gilets jaunes, tout pour les riches, rien pour l’écologie. La taxe carbone à laquelle ont résisté tous les gouvernements français depuis des années n’est donc plus d’actualité.

Alors que devraient proposer les gilets jaunes à la place de fantasmes comme la démission de Macron ou « les lycées aux lycéens » ? La mise en place d’une carte carbone. Chaque citoyen se verrait doter d’une carte à puce (une de plus !) sur laquelle un crédit de points CO2 serait attribué. Puis en fonction de ses consommations (voyages, transports, chauffage…), des points seraient débités de cette carte, nous apprenant ainsi à surveiller nos propres émissions de gaz à effet de serre. Le calcul de l’allocation reposerait sur un « budget carbone » annuel. Un plan-cadre fixé à (très) long terme – pour les 20 ans à venir – est bâti à partir des réductions d’émissions décidées politiquement avec l’aide des experts du GIEC. Tous les ans, ce montant, converti en unités carbone, est ensuite réparti entre les organisations (industries, hôpitaux, collectivités…) et les résidents du pays, selon la part des ménages dans la consommation d’énergie nationale. Cette méthode de rationnement est effectivement beaucoup plus égalitaire et efficace qu’une taxation à géométrie variable. En France, le rationnement fait presque immédiatement penser aux heures sombres de la Seconde guerre mondiale. Mais si le rationnement a été une période difficile en temps de guerre, il a été aussi l’un des principaux instruments grâce auxquels la démocratie a pu s’organiser pour transcender les souffrances. Le rationnement doit sa mauvaise réputation à son association à l’idée de pénurie… alors qu’il est une réponse à la pénurie, et non sa cause. En fait le rationnement présente deux aspects qui, tout en étant liés, sont bien distincts : d’une part  la garantie d’un minimum de partage, et d’autre part la limitation de ce que les gens sont autorisés à consommer. Beaucoup d’entre nous rejetons le second, mais en temps de pénurie nous exigerons le premier !

* LE MONDE du 8 décembre 2018, « La taxation du carbone n’a pas fait l’objet d’une réelle analyse critique »

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Bonne nouvelle, la fin du fioul domestique dans 10 ans

Le gouvernement compte mettre fin aux chaudières au fioul d’ici dix ans*. Bonne idée ! Le fioul (ou fuel) est un combustible dérivé du pétrole, le baril doit donc être importé même s’il est transformé en France. C’est une énergie non renouvelable, émettrice de gaz à effet de serre, et en voie de disparition, le pic pétrolier est passé depuis plusieurs années. On ne remplacera pas le fuel par des bio-liquides, qu’ils aient pour origine des algues ou des résidus agricoles. Compter sur l’innovation « qui nous sauvera un jour » participe de l’aveuglement collectif qui nous empêche de réagir comme il le faudrait. Notons d’ailleurs que la biomasse n’a pas pour destination première le chauffage qui dissipe irrémédiablement l’énergie, elle entre dans le processus de recyclage des éléments nécessaires à la vie. Jusqu’à présent on a ajouté le sources d’énergies les unes aux autres sans jamais penser à restreindre nos besoins, d’où la crise climatique. Dire la vérité de l’impasse que constitue les carburants fossiles, c’est augmenter politiquement les prix (taxe carbone) pour changer les comportements, ainsi en l’occurrence revenir aux temps passé où la maison passive est celle qu’on ne chauffe pas si ce n’est pour confectionner les repas. Il y aura bien sûr des gilets jaunes qui défendront le fuel domestique, mais ce type de mouvement ne peut rien contre les réalités biophysiques des ressources limitées de la planète. Croire comme les entreprises du secteur que le fin du fioul est un mauvais choix relève donc de l’illusionnisme.

Ainsi ce communiqué de presse du 26/11/18 de la FEDIE (Fédération française représentant et défendant les distributeurs d’énergies indépendants) : « Fin du fioul domestique dans 10 ans ? 1600 entreprises en danger et 10 millions d’utilisateurs concernés. Alors que la transition énergétique est en route, l’énergie liquide dé-soufrée que l’on trouve déjà chez certains distributeurs ne pollue pas plus que le gaz(1) et avant dix ans, l’énergie liquide de chauffage, renouvelable, sans origine fossile, issue des déchets et résidus agricoles et forestiers sera certainement disponible à 90%. Aux arguments d’énergie polluante, étrangère et chère, nous répondons :

– Que le fioul est majoritairement issu de raffineries françaises et que le gaz, l’uranium et les métaux rares des batteries viennent de l’étranger,

– Que selon leurs propres chiffres(2), l’énergie liquide de chauffage est avec le bois et le gaz de réseau, dans le trio de tête des énergies de chauffage les moins chères, bien en

deçà de l’électricité, du propane et des réseaux de chaleur,

– Qu’il n’y a pas d’abonnement à payer ni de compteurs intelligents qui scrutent sa consommation,

– Que s’il est devenu aussi cher, c’est aussi en partie à cause des taxes (1/3 du prix final),

– Que notre énergie liquide est capable à terme de réduire ses émissions de 90% en ayant recours aux biocombustibles,

Et que de changer d’énergie coûtera cher aux français alors qu’il est plus économique de faire évoluer leur énergie liquide. Nous sommes persuadés qu’une autre transition écologique est possible, une transition qui n’exclue pas mais qui intègre toutes les énergies vers leur propre transition et qui ne surtaxe pas les français. »

* LE MONDE du 15 novembre 2018, Comment le gouvernement compte mettre fin aux chaudières au fioul

1 – Selon étude américaine du NORA sur les « ultra-low sulfur heating oil »
2 – Selon base Pégase du gouvernement : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-ligne/r/pegase.html

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PPE, rien ne va plus, le gouvernement a les pétoches

Avec l’annonce de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) pour dix ans le 27 novembre, Macron cultive désormais la maxime « il est urgent d’attendre ». Quand il rapproche en même temps « Fin du monde et fin du mois », cela veut dire qu’il a perdu tout courage pour faire progresser la transition énergétique : un pas en avant et en même temps deux pas en arrière. Le philosophe as de la finance et maintenant président de la république ne voit qu’une chose, son avenir politique devient de plus en plus compromis. Et ce n’est pas en essayant de faire plaisir en même temps aux gilets jaunes et aux ceintures vertes qu’il va sauver son quinquennat. Il devient un président « normal » comme l’a été son prédécesseur Hollande, mou, flasque, sans idées structurelles, englué dans le court-termisme. Voici ses deux décisions qui constituent deux pas en arrière :

PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie)* : Treize experts ont inauguré le Haut Conseil pour le climat que le chef de l’Etat a mis en place le 27 novembre avec pour rôle d’évaluer les mesures prises par l’exécutif en matière de transition écologique. Un nouveau comité Théodule ! Un effet d’annonce pour un aéropage qui constatera que la France continue de ne pas respecter ses engagements sur le climat : les émissions nationales de CO2 sont reparties à la hausse depuis 2015 et ont excédé en 2017 de 7 % le plafond à ne pas dépasser pour parvenir à la neutralité carbone au milieu du siècle. Il est ridicule de lancer « Make our planet great again  » quand on a peur de tour ce qui pourrait fâcher le peuple des consommateurs français.

Loi mobilité** : Les péages urbains ont été retirés du projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) qui doit être présenté le 26 novembre en conseil des ministres. Il s’agissait pourtant de limiter la circulation automobile dans les centres urbains et de réduire les nuisances environnementales, à commencer par la pollution de l’air. En fait pas de péages urbains parce que les élus chargés de le faire n’en veulent pas, Hidalgo en tête. Concernant la création d’une vignette pour les poids lourds, aucune décision n’était prise pour l’instant. Un blocage des routes par les poids lourds, c’est autre chose que quelques manifestants à pied et en gilet jaune. De toute façon le projet de loi mobilité ne mentionne pas l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui est une aberration car les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre.

* LE MONDE du 27 novembre 2018, Un Haut Conseil pour le climat, la nouvelle idée de l’exécutif pour expertiser les politiques publiques

** LE MONDE du 27 novembre 2018, le gouvernement renonce aux péages urbains et ajourne la vignette poids lourds

origine de l’expression « comité théodule » : L’essentiel pour le général de Gaulle, président de la République française, c’est ce qui est utile au peuple français. Ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte… » (Charles de Gaulle, 25 septembre 1963)

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Le nucléaire, on n’en veut pas mais on en voudrait +

Les Français sont adeptes du « et en même temps ». A 43 %, ils estiment que la réduction à 50 % (contre près de 75 % aujourd’hui) de la part de l’électricité d’origine nucléaire doit être effective en 2025. Seuls 8 % souhaitent un report au-delà de 2035*. Un commentateur sur lemonde.fr s’exclame : « Et le pourcentage de français qui vont beugler comme des veaux quand l’électricité sera plus cher après la fermeture des centrales nucléaires, il est de combien ? ». On lui répond, «  99,72% d’après un sondage au doigt mouillé… »

Il est même fort probable qu’un référendum préconisant la construction de plusieurs EPR obtiendrait un oui massif quand on expliquera aux gens que sortir du nucléaire voudrait dire baisser le niveau de vie moyen. Les manifestations à rallonge des « gilets jaunes » contre quelques centimes de plus à la pompe montrent la répulsion des Français à mettre l’écologie en acte. Même les graves accidents de Tchernobyl et de Fukushima n’ont pas vraiment freiné l’attrait du nucléaire. Alors que devrait faire le gouvernement s’il était pédagogue ?

– Faire en sorte que la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) soit non seulement discuté en Assemblée nationale (ce qui ne sera pas le cas), mais fasse l’objet de plusieurs émissions de télévision à des heures de grande écoute.

– Montrer que si le nucléaire connaît très peu d’accidents de personnes comparés par exemple aux mines de charbon, l’irradiation d’une zone par dysfonctionnement d’une centrale oblige à un déplacement forcé de population.

– Expliquer que faire passer la durée de vie des centrales de 40 ans à 50 ans, voire 60 ans, c’est accroître les risques d’accident dans un pays où les centrales nucléaires sont toujours à proximité de bassins de vie très peuplés.

– Constater que dans un scénario maximaliste qui verrait tous les réacteurs prolongés jusqu’à leurs 60 ans, la France passerait entre 2038 et 2050 de 63 gigawatts de capacité installée à… 14 gigawatts. Soit une baisse radicale de 75 % de la production d’électricité nucléaire en un temps record. C’est ce qu’on appelle l’« effet falaise »**.

Même le scénario favori d’EDF – la construction de six EPR outre celui de Flamanville entre 2030 et 2050 – serait largement insuffisant pour combler le déficit créé par les fermetures d’un parc en fin de vie.

Montrer la difficulté technique de construire des nouveaux réacteurs. Les travaux pour l’EPR (réacteur pressurisé européen) de Flamanville, seul projet en cours, a débuté en 2007 et connaît contre-temps sur contre-temps sans compter l’explosion des coûts.

– Les coûts du démantèlement sont sous-évalués et qui paiera quand EDF n’aura plus ses recettes du nucléaire pour y pourvoir ?

– Politiquement nos élus ne savent plus que penser, de toute façon le pouvoir depuis 1974 ne leur a jamais demandé leur avis. Fin juin 2018, 100 parlementaires LRM signaient une tribune dans Le Monde pour demander que la PPE soit examinée à l’Assemblée. Le gouvernement y a opposé une fin de non-recevoir***. Les citoyens ont été mis devant le fait accompli. Comment défendre un projet qui n’a aucune assise démocratique ?

– C’est demain 27 novembre que le gouvernement doit présenter la feuille de route énergétique de la France (la PPE) pour les dix prochaines années. La ligne de crête est étroite pour Emmanuel Macron, qui pourrait être tenté par l’immobilisme.  « Au sein de la PPE, les sujets les plus importants sont ce qui concerne les transports et le logement », évacue un conseiller de l’exécutif****.

Conclusion : Il ne faut pas ce raconter d’histoires, fournir de l’électricité deviendra de plus en plus difficile. Il nous faudra donc réduire drastiquement nos besoins, que les gilets jaunes pro-nucléaires le veuillent ou non…

* LE MONDE du 23 novembre 2018, Une majorité de Français souhaite une baisse rapide du nucléaire

** LE MONDE du 22 novembre 2018, L’« effet falaise », ou pourquoi il faut préparer des fermetures de centrales nucléaires

*** LE MONDE du 22 novembre 2018, Nucléaire : les députés macronistes peinent à se forger une opinion

**** LE MONDE du 22 novembre 2018, Diminuer la part du nucléaire ? Macron tenté par l’immobilisme

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Protéger l’emploi, dans le nucléaire ou l’agriculture ?

Certains aiment opposer emploi et écologie, mais ils s’appuient sur une raisonnement parcellaire et trop souvent sectoriel. Ainsi Marie-Hélène Autissier : « Les scénarios Ampère et Volt sont définis par RTE (Réseau de transport d’électricité). Pour réduire la part du nucléaire à 50 % de la production totale à l’horizon de 2030, Ampère préconise la fermeture de 16 réacteurs entre 2020 et 2030, réduisant le parc nucléaire de 63 gigawatts à environ 50 GW. Pour arriver à 50 % d’électricité nucléaire en 2035, Volt préconise pour sa part la fermeture de 9 réacteurs et un parc nucléaire de 55 GW. De tels scénarios conduiront inéluctablement à des arrêts d’activité dans nos régions et généreront des pertes d’emplois – avec leurs conséquences sur la vie locale. Le scénario Ampère entraînera la suppression de 70 000 à 120 000 emplois directs, indirects et induits, tandis que le scénario Volt ferait perdre entre 35 000 et 65 000 emplois. »*

Le système actuel fait qu’il y a destruction créatrice, les emplois perdus dans une filière sont jusqu’à présent créés ailleurs.  Et les métiers d’avenir, c’est le retour à la paysannerie et à l’artisanat relocalisés. Les commentaires sur lemonde.fr disqualifient la vision Autissier de protection de son propre emploi :

Consterné : Ce genre d’argument laisse toujours dubitatif devant l’intelligence humaine. On a dans le même genre : « je gagne du pognon avec les armes, il ne faudrait surtout pas que l’on arrête de s’étriper » , ou bien « je me gave en vendant des antirétroviraux, il faut absolument que les gens continuent de se refiler le SIDA ».

kwa ti yanga : Il y a quelques années, « au nom de l’emploi », certains regrettaient la fermeture d’usines d’armement fabriquant, entre autres, des mines anti-personnel. Personnellement, je trouvais que c’était plutôt une bonne nouvelle. Des emplois il y en a à pourvoir dans les EPHAD, comme assistant de vie scolaire auprès des enfants handicapés ou dans les filières ayant vocation à respecter l’environnement plutôt que de compromettre l’avenir. De mémoire, la demi-vie du plutonium est de 30 000 ans…

Anti septique : Bof, les emplois des intérimaires des sous-traitants, contaminés dans les centrales pourront être avantageusement remplacés par des emplois dans les économies d’énergie… D’autre part, des emplois dans la gestion des déchets, il y en a pour des millions d’années, à Bure par exemple.

Julien de Prabère : Serions-nous condamné à poursuivre indéfiniment cette filière infernale pour maintenir des emplois ? Faudrait-il continuer à ériger des mastodontes diffusant dans notre environnement deux fois plus d’énergie sous forme de chaleur qu’ils n’en produisent ?

Jean TRESPEUCH : Cet argument, maintes fois évoqué, de la justification d’une activité parce qu’elle crée des emplois ne tient pas la route, en effet. C’est comme si on affirmait qu’il faut plus d’accidents de la route pour fournir des emplois aux médecins, aux chirurgiens, aux infirmières et à bien d’autres encore !!! Ce qui est recevable, en revanche, c’est d’anticiper la fin de l’énergie nucléaire, (dangereuse et maintenant trop coûteuse) pour éviter de nouveaux déserts industriels (cf. mines, sidérurgie).

VV : Les centrales nucléaires ne sont pas éternelles de toute façon. Mais la reconversion fait partie du chantier. Il y a déjà le chantier énorme de déconstruction. Ensuite la production future qui si l’on en croit nos pro-nucléaire coûte plus cher. Plus cher donc plus d’emploi sur tout le territoire national.

ALAIN PANNETIER : « Il faut continuer le nucléaire parce que c’est mon gagne-pain » n’est pas un argument très convaincant. Surtout au vu des injections de capital qui ont été nécessaires pour conserver Areva et EDF à flot. On aurait peut-être pu utiliser cet argent si rare dans le budget de l’état pour s’engager plus résolument vers des technologies plus novatrices, plus génératrices d’emplois non subventionnés.

MICHEL SOURROUILLE : Pleurons la disparition d’emploi… dans l’agriculture ! La population active agricole, familiale et salariée, atteignait 6,2 millions de personnes en 1955, soit 31 % de l’emploi total en France. En 2000, cette part est tombée à 4,8 % avec 1,3 million de personnes. En 2017, la ferme France compte 453 113 chefs d’exploitation en comptant non seulement les agriculteurs mais aussi les entrepreneurs paysagistes, exploitants de centres équestres, entrepreneurs de travaux agricoles !!

* LE MONDE du 24 novembre 2018, « Tout le monde n’est pas d’accord pour réduire la part du nucléaire »

NB : Marie-Hélène Autissier est employée de la filière nucléaire depuis quarante ans et syndiquée à l’UNSA SPAEN (Syndicat professionnel autonome des agents de l’énergie nucléaire).

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Transition ? Plutôt révolution énergétique en marche

La grogne sur les carburants ne doit pas faire oublier qu’une majorité de nos concitoyens est désormais sensibilisée à l’urgence écologique. Le gouvernement le ressent et commence à prendre des directions impensables il y a quelques temps. Ainsi il compte mettre fin aux chaudières au fioul d’ici dix ans* alors que près de dix millions de Français utilisent encore ce mode de chauffage très polluant. L’État prendrait en charge « un tiers du coût global de transformation ». Comme sur le carburant, le gouvernement joue aussi sur le levier fiscal : le prix du fioul est également alourdi de taxes qui représentent déjà un tiers de son prix. La conversion vers des solutions alternatives n’est toutefois pas une mince affaire pour les gens concernés. Rappelons un précédent. En 2011, le gouvernement grec avait remonté à 80 % la taxe sur le fioul domestique, largement utilisé en Grèce, pour l’aligner sur celle appliquée au carburant pour voiture. Le prix du litre avait doublé, trop pour une population paupérisée. Les écoles d’une dizaine de municipalités du nord du pays ont prévenu qu’elles fermeraient leurs portes lors des grands froids. Dans une interview du 2 juillet 2005, le ministre de l’environnement britannique, Elliot Morley, encourageait ses concitoyens à « penser l’impensable » : la mise en place de cartes de rationnement énergétiques individuelles. On s’approche, on s’approche de la carte carbone.

Autre signe que la révolution écologique est en cours. Après la France et le Royaume-Uni, le gouvernement espagnol souhaite interdire la vente de voitures diesel et essence dès 2040**. Ce projet entre dans le cadre d’une future loi sur la transition énergétique qui vise à « décarboniser » son économie d’ici à 2050 avec un système électrique qui devrait exclusivement reposer sur des sources d’énergies renouvelables. Cependant, le vote de la loi sur la transition énergétique n’est pas acquis ! Le gouvernement n’a pas la majorité des sièges au Parlement. Rappelons qu’après l’attaque de Pearl Harbor, les États-Unis se sont retrouvés en guerre du jour au lendemain, sans avoir rien planifié. Le président Roosevelt a immédiatement interdit de vendre une voiture neuve aux États-Unis. Point à la ligne.

De toute façon en 2050 le prix du baril sera à 200 ou 300 euros hors taxes, le fioul aura disparu parce que hors de la portée des bourses et les voitures thermiques deviendront aussi recherchées qu’un minitel en 2018.

* LE MONDE du 15 novembre 2018, Comment le gouvernement compte mettre fin aux chaudières au fioul

** Le Monde avec AFP 14 novembre 2018, L’Espagne veut interdire la vente de véhicules essence et diesel dès 2040

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Ne prenez pas la bagnole le 17 novembre, ça va chauffer

Des centaines de collectifs ont appelé à une journée de blocage des routes pour protester contre la hausse du prix des carburants. La manifestation a reçu le soutien de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, Nicolas Dupont-Aignan et même Jean-Luc Mélenchon. Mais nous sommes prévenus par Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur : « Gilets jaunes, le gouvernement n’acceptera aucun blocage total le 17 novembre. » Voici quelques réactions sur le monde.frù établissant quelques vérités:

CLAUDE BACHELIER : Le Pen, Wauquiez, Dupont Aignan, Mélenchon et sans aucun doute Besancenot, voilà l’alliance qui prétend nous gouverner demain et qui veut imiter l’Italie de l’extrême droite alliée à l’extrême gauche et réciproquement… Ça promet!!!

Gilz : Oui, soutien de Mélenchon : « si nos amis sont dedans, et bien nous serons fiers d’eux », a-t-il déclaré l’autre jour. « Leur colère (la colère de ceux qui iront bloquer) est juste, digne et mérite le respect ».

Loriot : D’un côté c’est réjouissant que la base dite silencieuse et apolitique s’exprime dans ce mouvement des gilets jaunes. De l’autre, je suis effaré du sujet choisi : l’augmentation des taxes sur les carburants. Ces Français veulent donc vivre au jour le jour, sans se préoccuper des graves problèmes d’environnement qui arrivent à toute vitesse. Il sont sans doute électeurs de ce fameux politicien qui disait : « Nous sommes au bord du gouffre, c’est ie moment de faire un grand pas en avant… »

Jeannie C. : La distance médiane domicile-travail en France est de 7,9 km (ça descend à 5,6 km pour les employés). Même dans les espaces à dominante rurale, cette distance médiane est de 10,2 km. Largement faisable à vélo (éventuellement à assistance électrique), toute l’année avec les bons équipements. Alors qu’on arrête avec le discours selon lequel une large majorité de Français doit prendre la voiture pour aller travailler. Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280781

Antibody : Si tous ceux qui le PEUVENT roulaient à vélo plutôt qu’en voiture, parmi ceux à moins de 8km de leur job notamment, ceux qui ne PEUVENT PAS faire autrement gagneraient un temps précieux, avec moins de bouchons, moins de temps de trajet, moins de consommation et, de fait, moins de pollution. Il ne vous a pas échappé que d’autres pays le font.

Lecteur : Leur slogan à la manif « On veut continuer a niquer la planète pour pas cher ! » Ridicule. Y a 100 choses a reprocher a ce gouvernement plus importantes. Que tout le monde se fasse au covoiturage, ça demande une orga et quelques petits détours, mais réduction immédiate de tous les bouchons, économies, écologies, et en prime sanction pour le gouvernement qui ne se gavera plus de taxe si vraiment les gens vont moins a la pompe.

PASCAL D. : Jusqu’à maintenant, le blocage total des routes n’a été accepté que lorsqu’il était le fait des routiers ou des agriculteurs.

Philippe : Le délit d’entrave à la circulation existe: « Le fait, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d’employer, ou de tenter d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. » Que nos policiers et gendarmes sortent leurs carnets.

Jérôme : Une manif ça s’organise et se déclare en Préfecture avec laquelle on discute du trajet, de la sécurité et de tout un tas de détails pratique.

David S : SI les Français sont de plus en plus sensibles à l’écologie, pourquoi se plaignent-ils du prix des carburants ? Au contraire, ils devraient juger que leur prix n’est pas assez élevé.

Claude Hutin : Avec le traitement compulsif et obsessionnel des sujets écologistes par les médias, il serait étonnant que les Français ne se sentissent pas concernés par l’écologisme. Cela ne veut pas dire qu’ils adhèrent. L’exemple des gilets jaunes montre bien qu’on peut se sentir concernés par la hausse des taxes sans adhérer à l’idée d’une écologie qui plombe la vie quotidienne et l’économie.

Michel PHILIPS : Une chose est « d’avoir conscience », une autre de « se décider à agir » (accepter de payer plus cher son essence).

* Le Monde avec AFP 13 novembre 2018

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Yannick JADOT : « La taxe carbone est utile SI… »

« La taxe carbone est utile si elle sert à des politiques écologiques ». Plus facile à dire qu’à mettre en place. Voici des extraits de l’analyse* de la tête de liste EELV pour les Européennes quant à la hausse du prix du carburant :

« Nous autres, écologistes, n’avons eu de cesse de marteler que les questions environnementales et les questions sociales étaient liées. Le consentement à l’impôt, même juste, s’affaisse à mesure que grandit l’injustice sociale et fiscale. La vision productiviste de l’aménagement du territoire, partagée pendant des décennies, par une droite et une gauche obsédées par la croissance a créé une situation intenable. Depuis plus d’un demi siècle, tout a été conçu, envisagé, aménagé à partir d’un postulat : la voiture individuelle comme principal moyen de déplacement. Adieu donc gares, trains, tram. Adieu paysans, services publics et commerces de proximité. Bonjour étalement urbain, autoroutes, rocades et ronds-points. Bonjour grandes surfaces et agro-industrie, bonjour villes bétonnées et polluées par la publicité. Comment prétendre défendre le climat quand le pouvoir soutient la voracité de Total pour le pétrole au large de la Guyane, pour l’huile palme issue de la déforestation ? Les élites d’hier sont dépassées, coincées entre le réflexe pavlovien de maintien d’un modèle absurde et la nécessité absolue de faire face aux réalités climatiques.

Agir sur le prix du carburant ne suffit pas pour en limiter l’usage car beaucoup de Françaises et de Français n’ont pas d’autres choix que de rouler en voiture. Mais un devoir de vérité s’impose. L’usage du pétrole entraîne des destructions majeures : changement climatique et effondrement de la biodiversité. Par ailleurs, les réserves d’énergies fossiles ne sont pas infinies. C’est ce qui explique qu’elles sont, et seront, de plus en plus chères. Chacun sent qu’il faut construire un autre modèle, où la politique fiscale, notamment, concoure à engager vigoureusement la transition écologique. Aujourd’hui, seulement 19 % de la fiscalité carbone est destinée à financer la transition énergétique. C’est du vol pur et simple. 100 % de ces recettes doivent servir à financer la transition énergétique : transports collectifs, efficacité énergétique, valoriser le passage de la voiture au vélo pour celles et ceux qui en ont la possibilité. De plus la sauvegarde du climat est un impératif catégorique qui ne peut être poursuivi que dans la justice sociale. Le carburant des riches (le kérosène) ne doit plus être exonéré de taxes. C’est d’ores et déjà possible pour les vols intérieurs. Il faut également l’obtenir au moins au niveau européen pour les vols internationaux en révisant la convention internationale de Chicago qui date de… 1944. Le carburant de la mondialisation et des délocalisations (le fioul lourd pour les porte-conteneurs) doit également être fiscalisé. Pour être juste, il faut accompagner les plus fragiles pendant la période de transition par des chèques énergies sur critères géographiques et sociaux. »

Quant à la manif des gilets jaunes prévue le 17 novembre 2018, Jadot n’en dira rien. Tant qu’EELV n’aura pas le courage de ses idées écolos, elle ne percera pas dans l’opinion publique.

* https://reporterre.net/La-taxe-carbone-est-utile-si-elle-sert-a-des-politiques-ecologiques

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Déchets nucléaires : ça commence à cogner à Bure

(Le Monde avec AFP 13 novembre 2018, Un opposant au site d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure condamné à trois mois de prison ferme)

Le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse) a rendu, mardi 13 novembre, sa décision concernant six militants antinucléaires contre le projet d’enfouissement de déchets du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure. L’un d’entre eux a été condamné à trois mois de prison ferme. En état d’ébriété et le visage dissimulé, il avait insulté et menacé les gendarmes. Un autre opposant a écopé d’une peine de trois mois de prison avec sursis pour avoir insulté et craché sur un gendarme. Quelques réactions sur lemonde.fr :

Claude Hutin : Enfin. Depuis les faucheurs on attendait que la justice réagisse pour faire respecter la loi. Il y en a assez des violences des fanatiques écologistes.

Pierre @ Hutin : Vous préférez sans doute les fanatiques religieux. Faut dire que quand ils cognent ils n’y vont pas par quatre chemins. Des centaines de morts ! Respect.

marie : La justice a raison de punir sévèrement ces individus qui cherchent n’importe quel prétexte pour mettre le désordre.

Pierre @ marie : Vous voulez parler des délinquants qui mettent les banlieues en coupe réglée depuis 30 ans ?

Laurent Jacques @ marie : Ne feriez-vous pas vous même un peu de tintouin si on entreposait une poubelle nucléaire au fond de votre jardin ? Vu de ma fenêtre, ils méritent une médaille.

MICHEL SOURROUILLE : la désobéissance civique passe par la non-violence, sinon une opposition d’ordre écologique, compréhensible en soi par tous, devient inaudible…

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A qui doit profiter la hausse du prix du carburant ?

D’un côté c’est «Coup de pompe», «Cher carburant», «Le gouvernement assassine le petit peuple», «La voiture c’est essentiel pour aller travailler», «des enfants moins gâtés à l’approche de Noël»… De l’autre on raille ces «ploucs» qui n’ont rien compris et qui feraient mieux de prendre leur vélo  et de se contenter d’offrir pour Noël une orange à leurs rejetons ! Le président Macron emboîte le pas : « Les mêmes qui râlent sur la hausse du carburant, réclament aussi qu’on lutte contre la pollution de l’air parce que leurs enfants souffrent de maladies. »  Comment créer dialogue et empathie, entre ces deux mondes ? Qui a raison ? C’est la question à laquelle sont confrontées nos sociétés, plus schizophrènes que jamais.

La fiscalisation du carbone, le fait de faire payer davantage tous les utilisateurs d’énergie fossile pour économiser une ressource qui deviendra de plus en plus rare tout en nous léguant le réchauffement climatique, ne prête pas à contestation. La transition écologique, le fait de rompre avec notre boulimie d’énergie qui émet des gaz à effet de serre, est une nécessité absolue. Agiter un gilet jaune ne change rien aux réalités biophysiques de la fin du pétrole à bas prix. Encore faut-il le comprendre, et cela ne se fera pas sans douleur. La voiture est tant glorifié par les médias, les publicitaires et les politiques qu’elle est devenue une idole indétrônable. Il faudra bien sûr lutter contre les inégalités, envisager un revenu maximum autorisé et préparer un rationnement par une carte carbone. Il faudra aussi expliquer où va aller l’argent alors que la taxe carbone peut être considéré comme un impôt supplémentaire. Que va faire l’État d’une ressource financière qui deviendra de plus en plus importante, la taxation des carburants préfigurant la taxation du fuel et de tous les autres produits à base de carbone ?

L’État macroniste a commencé à transférer ces sommes aux entreprises pour allègement des charges. Cet objectif strictement économique a déjà été suivi en 2016, il s’agissait de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. C’est là un soutien à l’économie croissanciste qui ne peut qu’accroître la demande d’énergie fossile et les émissions de gaz à effet de serre. Des alternatives plus écolos sont présentées ici et là. Utiliser l’argent pour conserver les services publics de proximité dans les territoires isolés. Reconstruire les réseaux ferrés locaux et subventionner le commerce de proximité. En gros relocaliser, relocaliser, relocaliser. Mais tant que les ménages pourront utiliser leur véhicules personnels, cela restera lettre morte. Nous vivons un cercle vicieux où l’automobile à complètement détruit la vie territorialisée pour mettre la mobilité à l’honneur et rendre absolument nécessaire le transport individuel motorisé. Comme disent les décroissants, il nous faut adopter un nouvel imaginaire !

En complémentarité de l’interdiction de la publicité pour les voitures, l’interdiction des grandes surfaces péri-urbaines, en attendant le dévoiturage en marche, la plus neutre des destinations des recettes de la taxe carbone serait le désendettement de l’État. Il y aurait baisse immédiate des impôts de façon globale tout en nous mettant sur la voie d’une baisse du niveau de vie moyen après paiement des taxes carbone ; ce désendettement profitera aussi aux générations futures. On ne peut perpétuellement vivre à crédit, ni au niveau financier, ni au niveau de l’empreinte écologique. Rappelons que depuis longtemps on nous indique politiquement qu’il faudrait diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, donc bouleverser notre mode de vie. Il est temps de s’en rendre compte un jour ou l’autre. Bientôt il sera trop tard pour en prendre conscience de façon policée…

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Manifester le 17 novembre, une hérésie anti-climat

Le blocage national du 17 novembre approche à grand pas. A moins de quelques jours des manifestations « spontanées », les « gilets jaunes » maintiennent plus que jamais leur colère face à l’augmentation du carburant. L’heure est désormais à l’organisation du ras-le-bol fiscal, opérations escargots et autres blocages routiers se tiendront partout en France. Le gouvernement s’affole, opération déminage, cadeau chèque-énergie, défiscalisation de l’aide aux transports, prime à la conversion… 400 à 500 millions d’aide contre 300 millions d’euros rapportés par la taxe carbone cette année! C’est un contre-sens total, anti-écolo : il faudrait limiter le recours aux déplacements motorisés, on les subventionne !

Des marches pour le climat, démarches pour presque rien. Mais quand l’écologie devient punitive, touche le porte-feuille, le « peuple » se soulève en masse. Le routier Eric Drouet, vu à la télé : « Moi qui suis en contact avec tous les groupes, je peux vous dire que ça va bouger de partout, du tunnel du Mont-Blanc au pont de Tancarville. Ça va être du jamais-vu… BFM a prévu de n’être que sur ça tout le week-end ». D’autant plus que la fiscalité écologique est utilisé pour baisser les charges pour les entreprises, pas pour favoriser la transition énergétique. Ne comptons pas sur le ministre de l’écologie F. de Rugy pour expliquer ce qu’il faudrait penser, il est aux abonnements absents. Pourtant c’est simple, il faut nous préparer à un pétrole hors de prix avec l’épuisement des ressources fossiles, un stock non renouvelable. Il est donc nécessaire de voir le prix du carburant et du fuel augmenter tout le temps pour l’économiser, réduire nos besoins, se rapprocher de son lieu de travail, se déplacer autrement, se chauffer à minima, modifier les infrastructures routières et le système de production. Cela ne peut se faire d’un coup de baguette magique. Manifester comme les « gilets jaunes » contre cette inéluctable évolution, c’est faire le malheur des générations futures qui se retrouveront un jour au pied du mur, en détresse à la fois climatique et énergétique. On se refuse encore à envisager la carte carbone, un système de rationnement égalitariste où les riches ne pourront plus se payer des vacances lointaines, où l’utilisation de l’avion deviendra rarissime, où il n’y aura plus de gadgets motorisés du type 4×4, SUV, quads, hydrojet. Alors c’est encore les plus pauvres qui seront les plus touchés par la pénurie énergétique à venir. Comme complément d’analyse, les commentateurs sur le monde.fr à un article* sur les « gilets jaunes » :

Fouilla : Les automobilistes bloquent… les automobilistes. C’est d’une rare imbécillité.

rire jaune : Allez les jaunes, vive le diesel, les cancers et les pesticides. On ne va quand même pas prendre le TER ou le vélo pour aller au supermarché acheter des cadeaux de noël Made in China à nos enfants et des produits alimentaires bourrés de glyphosate. On tient à nos libertés et à nos SUV !

Ha : Si le litre était à 3 €, on prendrait sa voiture au minimum (trajets indispensables) et on réfléchirait avant d’aller à 1km acheter le pain ou accompagner les enfants en voiture là où on marchait ou prenait son vélo au même âge. Et la prolifération des pavillons n’aide pas.

Rockrol : Rappel: une heure de SMIC achète 6 litres d’essence contre 3 en 1974 avec des voitures consommant moitié moins. L’essence est si peu chère qu’on utilise sa voiture polluante beaucoup trop et que le nombre de voitures en circulation a explosé. Ce modèle nous conduit à étouffer collectivement dans des embouteillages quasi-permanents avec une explosion des maladies respiratoires et allergiques. Le ras le bol fiscal ne justifie pas tout !

* LE MONDE du 13 novembre 2018, « Clairement, l’objectif des “gilets jaunes”, c’est de monter sur l’Elysée »

Manifester le 17 novembre, une hérésie anti-climat Lire la suite »

Dire la vérité, c’est augmenter le prix du carburant

« Conduire pollue, et cette pollution tue, et tuera pour plusieurs siècles en ce qui concerne le gaz carbonique. La levée de boucliers concernant la hausse du prix du carburant constitue un moment de vérité écologique. Le principe pollueur-payeur justifie que ces dommages soient intégrés au prix des carburants à la pompe. Ce principe a cette vertu qu’il incite les pollueurs à intégrer dans leurs décisions les dommages générés par leur émission de gaz carbonique comme s’ils en étaient eux-mêmes les victimes…  Les doutes d’une partie de la population sur la légitimité du pouvoir à garder le contrôle de ses choix budgétaires est une mauvaise nouvelle pour notre démocratie. Le gouvernement sera-t-il capable de résister au court-termisme de nombre de nos concitoyens, plus attachés à la défense de leur pouvoir d’achat qu’à leurs responsabilités envers les générations futures ? »

Ces paroles éclairées de Christian Gollier*, président de l’Association européenne des économistes de l’environnement (EAERE), montrent que même des économistes peuvent raisonner autrement que business as usual et intempérance pétrolière. Le prix élevé de l’essence va modifier les habitudes de consommation et le choix de la résidence. En termes de lutte contre la pauvreté, l’abandon de nos ambitions climatiques serait catastrophique, puisqu’on sait que ce seront les plus démunis sur cette planète qui seront aussi les plus vulnérables aux aléas climatiques. Voici quelques avis complémentaires sur lemonde.fr :

le sceptique : Christian Gollier dit : « sacrifier un petit peu de notre bien-être actuel pour éviter de faire porter aux générations futures des dommages climatiques sévères »… a) comment sacrifier seulement « un petit peu » en divisant rapidement par 4 les émissions de gaz à effet de serre ? ; b) quel effet sur le climat et les émissions mondiale, quand on a dépassé cette année les 100 millions de barils/jour de pétrole, et qu’il se vend 80 millions de voitures par an, 2 fois plus que dans la décennie 90 ?

JB : Les voitures représentent 15 % environ du C02 émis en France. On entend jamais parler des mesures à prendre ou prises pour les autres 85%.

F.P. : Un plein par semaine, 2000 litres de fuel par an. Le chauffage d’une maison individuelle, de 2 à 4000 litres du même carburant suivant le niveau de chauffage et le degré de vétusté de l’installation. Quand pourrons-nous voir des photos de CHAUDIERES pour illustrer des articles sur la survie de la planète ?

Moa : Le transport représente 33% du CO2 émis en France, le chauffage 22%

Arguments pseudo rationnels : Pendant ce temps, le gouvernement claironne l’objectif de faire croitre jusqu’à 100 millions par an le nombre de touristes venant chaque année en France, et ce ne serait qu’un début. Sachant que le tourisme est parmi les activités les plus polluantes en termes de CO2, comment peut-on intellectuellement, concilier cet objectif avec celui de baisser les émissions de ce gaz ? Des contradictions comme celle là, on peut en trouver des centaines. Pour ce gouvernement, l’écologie n’est qu’un prétexte…

HA : Pas mieux. Le tourisme est une plaie pour le climat et une manne pour l’économie, les armes sont une plaie pour les populations sur qui on les utilise mais rapportent des centaines de milliards. Le « en même temps » a bon dos. Il va falloir choisir un jour. On ne peut pas vendre des EPR et des Airbus et espérer préserver la planète. Construire des véhicules (même moins polluants ) et éviter les maladies respiratoires, consommer des biens importés du bout du monde et limiter le réchauffement..

syfre : L’inertie du climat est d’au moins 40 ans, donc pour 2038 c’est déjà plié depuis longtemps, je dirais que c’est même plié pour au moins jusqu’en 2120. Les profs d’économie devraient prendre des cours de physique.

* LE MONDE du 10 novembre 2018, « Le prix élevé de l’essence modifie les habitudes de consommation et le choix des constructeurs à long terme »

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L’illusion d’une énergie offerte par les algocarburants

Notre article en janvier 2011, bio-fuel et bourrage de crâne : « On nous trompe. Les médias font des effets d’annonce qui laissent encore croire à des lendemains qui chantent. Ainsi LE MONDE* nous promet du biocarburant à base d’algues et à « un faible prix de revient du baril ». Le corps de l’article est beaucoup moins optimiste. La fabrication industrielle de BFS (Bio Fuel Systems) doit démarrer seulement courant février. Et plutôt que de pétrole, les responsables de BFS préfèrent parler de « dépollution » et de « valorisation du CO2 ». Y’a plus que des nuances ! Quatre cinquièmes de page pour une simple start up… »

LE MONDE** aujourd’hui est beaucoup plus critique : « Jean-Philippe Steyer, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), estimait en 2016 que « Les moyens technologiques destinés à produire de “l’algocarburant” sont de manière générale plutôt énergivores ». Le français Lafarge, qui a mené des tests sur l’un de ses sites, en 2011, a jugé que le rapport matière/énergie n’était pas satisfaisant. Certains continuent à y croire : ExxonMobil a annoncé en mars vouloir produire dix mille barils de carburant à base d’huile d’algue à horizon 2025. A titre de comparaison la France consomme 1,6 millions de barils par jour. L’usine expérimentale ouverte par BFS en Espagne, à Alicante, a fermé en 2014. L’entreprise était débitrice du fisc espagnol les salariés n’étaient plus payés depuis un an. Les autres usines planifiées n’ont jamais été mises en service. »

Il n’y a pas de miracle, il n’y a rien qui puisse concurrencer le pétrole, facilement transportable, à valeur énergétique importante, fourni gratuitement par la nature. Un commentateur sur lemonde.fr voit juste : « Encore une fausse bonne idée : utiliser des algues (ou tout autre culture) pour en faire du carburant ça revient à casser le processus (à base de photosynthèse) que la nature utilise pour stocker le CO2 et à remettre le dit CO2 dans l’atmosphère … laissez les algues sédimenter dans les fonds marins, attendez quelques dizaines de millions d’années et vous aurez du combustible fossile … vos algues ne sont que le début de la chaîne du combustible fossile. » La fin du pétrole marquera la fin de notre pouvoir d’achat, la fin de notre niveau de vie, la fin de nos déplacements en voiture individuelle, la fin du tourisme de masse, la fin de nos gaspillages et de nos enfantillages. Malheureusement certains croient encore au miracle, au complot, « les solutions sont occultées par les multinationales », « on nous cache tout », « bientôt le moteur à eau », « vive la voiture à air comprimé »… Pour contester la connerie ambiante, j’ai mis le gilet jaune sur le guidon de mon vélo.

* LE MONDE du 29 janvier 2011, la révolution du « pétrole bleu »

* LE MONDE du 9 novembre 2018, le biopétrole, un miracle qu’on nous aurait caché ?

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OUI aux taxes carburants, écologie oblige

Point de vue d’un membre d’EELV : « Je me réjouis que le débat soit lancé sur notre positionnement concernant l’actualité intense liées à l’augmentation de la fiscalité diesel. Le silence de notre formation politique devient difficile à tenir, et je souhaite que nous nous positionnions clairement contre l’appel à manifester le 17 novembre. Ceci pour plusieurs raisons :

  1. L’alignement de la fiscalité Diesel sur celle de l’essence est une mesure que nous avons portée. Ce qui est en train d’être mis en œuvre par le Gouvernement Macron, que cela nous plaise ou non, est dans la continuité du travail mené par nos parlementaires dans le précédent mandat, notamment l’amendement Dantec au Sénat sur la CCE. Cette mesure a un bien-fondé écologique certain. Nous devons en soutenir le principe sans ambiguïté.
  2. La conduite du changement nécessite des messages clairs. Laisser dire tout et n’importe quoi sur la fiscalité écologique pourrait coûter cher à la transition écologique. Nous risquons dans cette séquence une forte régression. Nous devons nous battre pour défendre la fiscalité écologique, dans sa globalité bien entendu, au sens où nous l’entendons. Je suis extrêmement inquiète de la tournure que prend la situation. La question de la taxe diesel est en train de cristalliser un fort mécontentement, sur la base d’arguments relevant de l’amalgame, des fausses informations, de l’irrationnel. Voir cet article des décodeurs : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/11/05/le-debat-sur-le-prix-des-carburants-pollue-par-des-intox_5379195_4355770.html.

Ce que j’attends d’une communication nationale :

  • Rappeler que le vrai problème est la raréfaction des ressources, la grave situation géopolitique et notre dépendance, l’augmentation du prix du pétrole, qui constitue 60 à 70% de l’augmentation, pas l’alignement du diesel sur l’essence. Que cette augmentation était inévitable, que la situation va aller en s’aggravant. Dans cette situation, faut-il que l’État rentre dans une spirale de compensation des augmentations du prix de la matière première et maintienne envers et contre tout le système du tout voiture en place ? Non : d’une part, ce serait un puits sans fond, d’autre part, ce serait écologiquement irresponsable.
  • Rappeler que les véhicules des particuliers représentent à eux seuls 15% des émissions de GES en France. C’est un réel enjeu de diminuer ces source d’émission au regards des enjeux climatiques. C’est aussi un réel enjeu du point de vue de la santé : 48.000 morts prématurés en France chaque année liés à la pollution de l’air. Le modèle du tout-voiture n’est tout simplement pas vivable.
  • Affirmer notre soutien à l’alignement du diesel sur l’essence : l’avantage donné au diesel était un non-sens écologique et sanitaire. A condition : 1/ que cela s’inscrive dans une approche de fiscalité écologique et socialement équitable (avantages, soutiens, et incitations pour changer de modes de vie. Exemple : indemnités kilométriques vélo, prime à la casse, chèque énergie…) 2/ de proposer des alternatives dès aujourd’hui.
  • Demander au Gouvernement d’aller plus loin dans les mesures de compensation pour les plus modestes qui sont aujourd’hui piégés dans le modèle tout-voiture. Soutenir un chèque énergie avec une composante incitative pour les plus modestes (cela pourrait être géré par les CCAS, en lien avec l’Anah et les Régions… à voir).
  • Demander au Gouvernement un grand plan mobilité à court terme (2019 doit être l’année des solutions immédiates, reposant non sur de nouvelles infrastructures mais sur les organisations collectives : plans de déplacements territoriaux avec rabattage sur des chronobus en milieu rural sur les axes avec suffisamment de fréquentation, synchronisation des horaires voitures-navettes-trains-travail pour favoriser les solutions collectives…) et à moyen terme (cesser projets inutiles type GCO, mettre le paquet sur les infrastructures collectives).

Quand à la demande d’affectation des recettes de la fiscalité écologique à la transition écologique, pour moi, cela mérite débat. C’est certainement une étape dans le processus. Au final, il faudrait que chaque mesure du PLF soit écolo-compatible. »

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