politique

Strauss-Kahn Président, tel est le vœu de l’oligarchie

DSK va se présenter. De source sûre. Il s’est fait rétamer par Ségolène la dernière fois, il a un moral de tueur, il veut nécessairement revenir dans l’arène politique française. Il croit que la France a besoin de lui, il croit que les socialistes sans lui, c’est Sarko qui reste au pouvoir. DSK sera donc Président. LeMonde* trace de lui un portrait  flatteur, le nouvel actionnaire du Monde Matthieu Pigasse, est de ses amis, comme Bernard-Henri Lévy, membre du conseil de surveillance du Monde. Déjà les agences de publicité parient sur son image ; Euro-RSCG met au service de DSK ses meilleurs employés. Sarko fricotait avec les riches, DSK sera l’idole des riches. DSK se repose dans un riad raffiné de Marrakech, il a un petit pied à terre de 4 millions de dollars à Washington, tout le monde veut loger chez lui ; il n’a pas besoin d’aller sur le yacht des autres. Sa femme Anne Sinclair rappelle qu’elle peut payer ; son grand-père était le marchand d’art Paul Rosenberg. Ses amis jonglent avec les langues comme avec les fuseaux horaires ; au temps de la mondialisation, quoi de mieux comme président qu’un serviteur du FMI. Strauss-Kahn est devenu un spécialiste du management à l’américaine, DSK sera un parfait Président de droite…

                Argh, erreur ! Nos conseillers nous rappellent que Dominique (Strauss-Kahn) serait socialiste. Bon, passons, entre la social-démocratie et l’UMP, il y a l’épaisseur d’un cheveu. Au Parti de gauche, on pense tout haut que si le PS était encore socialiste, il devrait exclure Strauss-Kahn. L’eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit a jugé que Dominique StraussKahn serait un bon candidat, il a oublié de dire « de la droite ». Une figure tutélaire de l’écologie, Alain Hervé, estime sur son blog que les socialistes Strauss-Kahn, comme d’ailleurs Royal, Aubry, Fabius, Vals, Hollande… n’ont aucune idée de ce qu’est l’écologie. D’ailleurs la candidate écolo Eva Joly connaît bien Strauss-Kahn, elle l’a mis en examen. « DSK président », hurlait pourtant un cœur de supporter en marge des journées d’été du PS en août 2006. DSK présentait alors son programme écolo : « Encore plus de croissance économique et tous les problèmes environnementaux seront résolus. » Où est la différence avec la droite ?

Terminons par une anecdote**. En juin 1984, le socialiste Pierre Moscovici téléphonait à celui qui fut son professeur à l’ENA, Dominique Strauss-Kahn, pour lui demander ce qu’il pensait de l’Inspection des finances : « C’est la meilleure business-school française. Vous y restez quatre ans et vous gagnez plein de fric. » Et le Trésor ? « C’est un peu moins bien, mais là aussi vous gagnez du fric. »

Laissons maintenant les citoyens de la gauche social-écologiste, si cela existe, trancher aux prochaines primaires socialistes. Le peuple obtient toujours ce qu’il mérite…

* LeMonde du 3 février 2011, Dominique Strauss-Kahn, L’embarras du choix

** L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2010)

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l’abominable pouvoir des journalistes

Michel Rocard passe près d’un tiers de son temps à répondre aux médias. Il n’a aucune légitimité électorale pour cela, mais au moins il dit des choses sensées, contrairement à bien d’autres. Par exemple devant les élèves du Centre de formation des journalistes : «  Vous futurs journalistes allez devenir des spécialistes de l’événement et de l’instantané. Or la politique relève du long terme. La brièveté des messages implique que l’on n’aille pas vers la complexité. Vous chercherez seulement le choc de la petite phrase. »*

                Bien vu, la démocratie fout le camp. Comme l’analyse Hervé Kempf**, l’échange d’arguments rationnels qui forme la conversation de la démocratie a été transformé par l’avènement de la radio et des techniques de manipulation de masse. La révolution de l’imprimerie avait créé au XVIIIe siècle les bases des Lumières, c’est-à-dire la libre circulation des idées. Mais la télévision est devenue aujourd’hui la source dominante d’information. Or les écrans nous entraînent dans un nouveau monde où chaque événement fait son entrée en scène à toute vitesse et disparaît aussitôt pour céder la place à un autre. C’est donc un monde sans beaucoup de cohérence ni de sens ; un monde qui ne nous demande pas d’agir et ne nous le permet pas non plus ; un jeu de « coucou, me voilà ! » Ainsi aux Etats-Unis, le dialogue politique est conduit pour l’essentiel au moyen d’annonces télévisées de trente secondes. Alors on recherche la petite phrase. Les élus pensent que ce qui compte c’est ce qui est dit dans les spots de 30 secondes. En France de toute façon, les journalistes coupent la parole des politiques au bout de 10 secondes ! Alors, pour expliquer politiquement des questions aussi complexes que le pic pétrolier…

                Le problème, c’est que les médias-papiers tombent dans le même travers, la recherche de la petite phrase et le culte de l’événementiel. Les événements en Tunisie sont oubliés grâce aux événements en Egypte, qui seront oubliés grâce à… Sarkozy était devenu un spécialiste de ce jeu de « chaises musicales », une connerie faisant oublier la précédente. Cette tendance à la désinformation n’est pas innocente, elle protège l’oligarchie dominante (qui possède d’ailleurs la plupart des grands médias) puisqu’elle empêche de penser. Alors nous n’avons plus les moyens d’agir face aux menaces écologiques, déplétion pétrolière, réchauffement climatique, etc. Et le débat « démocratique » se limite dans la presse à qui va gagner les prochaines élections. Hervé Kempf n’envisage qu’une issue probable : « Une assez large fraction de l’oligarchie reconnaîtra l’ampleur du danger environnemental et imposera à l’autre un changement radical. » Comme il ajoute qu’il y faudra aussi de la vertu, l’avenir semble joué d’avance : les plus faibles seront les premières victimes…comme d’habitude.

Nous aimerions qu’il en soit autrement…

* LeMonde du 1er février 2011, chronique de Franck Nouchi : petite phrase

** L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2011)

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l’oligarchie, ça suffit, out !

Le gotha mondial des affaires et de la politique s’était retrouvé le 26 janvier dernier à Davos pour le premier jour du Forum économique mondial. Trente-cinq chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que deux mille cinq cents décideurs du monde entier. La Chine a dépêché en Suisse la plus nombreuse délégation officielle (66 personnes). Davos, c’est donc le rassemblement d’une bonne partie de l’oligarchie qui nous domine.

                L’oligarchie se réunit régulièrement, le groupe Bilderberg depuis 1952, la commission Trilatérale depuis 1973, le Forum économique mondial depuis 1987. Ces hommes et ces femmes partagent des convictions : la globalisation, la libre circulation du capital, le marché interconnecté pour permettre aux multinationales de progresser. L’oligarchie ne se dissimule plus. Dans la débâcle de 2008, la branche politique de l’oligarchie a mobilisé l’épargne publique pour éviter l’effondrement, la branche financière a continué à piller. Quand le profit est placé au-dessus de l’intérêt général, la morale est pervertie. Comme l’écrit Hervé Kempf*, « les puissants ne sont pas les meilleurs, ils visent d’abord la conservation de leur puissance, ils gouvernent en vue de leur propre but qui est, dans le capitalisme finissant, une accumulation sans limites de richesses et de prestige ostentatoire. En Egypte la classe dirigeante, qui pressure le peuple avec un cynisme éhonté, fait éduquer dès le plus jeune âge ses enfants en anglais ou en français, et non en arabe, la langue du pays. L’oligarchie mondiale n’a pas d’autre patrie que celle de l’argent ». Notons que les forums antérieurs n’avaient rien vu venir de la crise financière de 2008, l’oligarchie ne peut envisager que sa prospérité à court terme.

Cette oligarchie n’est pas prête à assumer les responsabilités que le pic pétrolier et autre épuisement des ressources imposent. Elle est contestée en Egypte, elle sera contestée un peu partout dans le monde. Mais comment la remplacer quand on sait que le pouvoir ne sera jamais dans la rue ?

*L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2010)

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bien parti pour la décroissance

Les Décroissants présentent des candidats aux cantonales. Ils ont bien du courage. Pourtant leurs « 10 chantiers de la Décroissance » méritent attention :
1. Valoriser l’expérimentation locale, associative et collective, encourager le bon usage. Faire évoluer le rapport à la propriété et au partage des richesses. Construire une politique de « ménagement du territoire » au service des individus.
2. Inciter la population à privilégier les transports doux (vélo et marche à pied) ou collectifs en augmentant les dessertes des bus et en pratiquant une politique tarifaire attractive. Créer des services de co-voiturage et de voitures partagées.
3. Développer une agriculture paysanne (biologique et de proximité) qui protège l’environnement et enrichit la vie rurale, en facilitant la mise à disposition de terres cultivables. Rechercher l’autonomie individuelle et locale par les jardins partagés, la mise en place de réseaux et les circuits courts, grâce aux subventions accordées aux associations et aux communes. Permettre aux collèges de préparer les repas de cantine à partir d’aliments biologiques locaux.
4. Mettre en œuvre des plans de réduction de la consommation d’énergie, encourager la production locale d’énergie avec le fond d’aide à l’énergie. Agir pour le recyclage et le tri à la source des déchets ménagers.
5. Promouvoir la mise en place d’une dotation inconditionnelle d’autonomie (DIA), à travers des droits de tirage sur les services publics, regroupant également les différentes activités de l’aide sociale, et aussi la santé, la culture, les transports, l’énergie, l’eau, la nourriture, l’accès au foncier, l’information, et la formation.
6. Concevoir des conférences au niveau départemental sur l’innovation sociale et écologique en particulier sur les expériences coopératives, l’habitat partagé, l’économie sociale et solidaire et la limitation des revenus.
7. Relancer la « production » de biens basés sur les échanges relationnels et conviviaux par le soutien ou la création de monnaies locales et régionales, de Systèmes d’Echanges Locaux, de groupement d’achats et de banques du temps.
8. Encourager une croissance de la richesse des rapports humains en soutenant la transmission des savoir-faire traditionnels locaux. Aider les pédagogies alternatives. Soutenir les initiatives d’auto-construction dans le domaine de l’habitat (par, entre autres, le fond de solidarité pour le logement).
9. Réorienter la recherche et la formation vers la transition écologique et créer des filières dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie, de l’habitat, des transports, de l’artisanat et du tourisme écologique.
10. Permettre aux citoyens de s’impliquer réellement dans les instances de démocratie participative, organiser rencontres et débats. Œuvrer contre l’agression publicitaire et soutenir la mise en place de médias locaux indépendants.
Pour les rejoindre :
http://www.partipourladecroissance.net/

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le parti communiste est-il écolo ?

Georges Marchais avait déclaré, à la fin des années 1970 : « Au dessus de 40 000 francs par mois, je prends tout. » Il n’a pas été écouté. Aujourd’hui Carlos Ghosn touche 9,2 millions d’euros de rémunération annuelle. Si on distribuait cette somme aux salariés du groupe Renault, calcule un lecteur du Monde*, cela ne leur apporterait que 76 euros chacun. Noël Guibert en tire la conclusion que l’égalitarisme sommaire est une impasse, prenant l’exemple de la catastrophe économique que fut l’Union soviétique. Que répondre quand on est de gauche et écologiste ?

                D’abord qu’un sursalaire, au lieu d’être payé au dirigeant ou même aux salariés de l’entreprise, peut aller à une baisse des prix. C’est le consommateur d’automobiles qui fait la richesse de Renault, pas Carlos Ghosn. Ensuite l’Union soviétique n’a pas explosé à cause d’un « égalitarisme sommaire », mais au contraire à cause des inégalités de pouvoir qui existaient entre nomenklatura et citoyens de base. Enfin l’inégalité des revenus accroît la crise écologique en mettant en place un cercle vicieux diabolique : faut acheter une voiture parce que mon voisin en a une, mais j’en veux une plus grosse puisque mon voisin vient d’en acheter une. Comme dit une publicité ignoble qui passe en ce moment, j’achète pas cette voiture, elle n’est pas assez chère pour moi. Alors s’envole les émissions de gaz à effet de serre…

                De toute façon tirer ses revenus, comme Carlos Ghosn, d’un secteur d’activité qui nous incite à brûler une énergie fossile irremplaçable est un crime contre les générations futures. Georges Marchais avait raison de condamner la plus-value que s’accapare l’oligarchie dominante. Il n’en reste pas moins que le Parti communiste était à l’époque productiviste et le prolétariat à la fois amoureux de sa bagnole et aveugle devant le système « soviétique ». Le communisme français d’aujourd’hui ne semble pas avoir beaucoup réfléchi depuis les années 1970 !

LeMonde du 19 janvier 2011, courrier du jour de Noël Guibert (revenu maximum).

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Marine Le Pen est-elle écolo ?

La fille succède au père, leMonde s’interroge sur les ressorts du Front national nouveau : « En matière d’écologie, Mme Le Pen va loin, puisque la décroissance et la dénonciation de la logique consumériste ont fait leur apparition, tout comme le thème de la relocalisation, rapprochement des lieux de production et de consommation. » Sur le site FN, on en connaît un peu plus. Pour l’extrême droite, l’environnement est une préoccupation conservatrice, donc de droite. Pour Jean-Marie Le Pen, « La défense d’une harmonie entre la nature et l’activité humaine, ce que l’on nomme aujourd’hui l’écologie, fut le thème de la première publication du Front National en 1974 ». Par nature, le FN veut donc sauvegarder le patrimoine de la France qui s’incarne dans un peuple et dans une civilisation, mais aussi dans un terroir, avec ses paysages, sa faune et sa flore. Concernant les problèmes globaux de la planète, le nationaliste FN pense pourtant que des accords internationaux s’imposent dans le cas de la protection des océans et de l’atmosphère. De même « les oiseaux migrateurs, les poissons et cétacés dans les océans ne connaissent pas les frontières et une action internationale s’impose. » Car le FN aime la nature et les animaux : « La défense de l’environnement exige le respect des paysages, des animaux qu’ils soient de compagnie, de travail ou de boucherie, le respect des dons de la nature que sont l’air, l’eau, le ciel, la terre ou la mer. » Le FN va même jusqu’à affirmer que le respect de la vie est le fondement de son programme : « La manière dont un peuple traite les animaux, y compris ceux qui le nourrissent, est révélateur de son état de conscience morale. »

                Mais, parce que l’écologie est transversale, le FN refuse la création de tout nouvel impôt écologique : « la véritable approche écologique doit consister à affecter à la défense de l’environnement une part du produit fiscal provenant de toutes les taxes existantes.e Et le FN récuse toute gouvernance écologiste mondiale. Si le FN prône le retour à une agriculture « traditionnelle », il se garde bien de prendre partie sur le bio. Le FN veut réduire progressivement les consommations d’énergie fossile. Mais pas question de simplicité volontaire ou même de taxe carbone, il s’agit de parier sur les améliorations techniques (isolation, moteur sobre, nouvelles énergies…). De toute façon le FN reste nucléocrate : « La France fait déjà partie des bons élèves en matière de CO2 grâce à l’énergie nucléaire notamment (85% de notre électricité). »

                Enfin la relocalisation reste nationaliste, le FN nie toute autre communauté de base. Ainsi Louis Aliot, compagnon et tête pensante de Marine Le Pen, se dit en bisbille avec les Identitaires : « Les Bretons ils sont bien gentils mais la Bretagne sans la France, c’est plus la Bretagne quoi qu’ils puissent en dire. La Catalogne, le Pays Basque… ce sont des particularismes qui ne peuvent pas remettre en cause l’unité de la France. La France, ce n’est pas un puzzle, c’est un creuset. »

* leMonde du 18 janvier 2011, Faut-il avoir peur de Marine Le Pen ?

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WikiLeaks, d’intérêt public

 Ce que dit Timothy Garton Ash * « On accède à une qualité spéciale de compréhension lorsqu’on dispose d’un large éventail de sources, mais l’historien doit patienter vingt ou trente ans avant de pouvoir accéder aux archives diplomatiques. Voici avec WikiLeaks, exposées à la vue de tous, les jugements francs et parfois brillants que portent les diplomates américains. C’est le rêve de l’historien. Et le cauchemar du diplomate (…) Il y a un intérêt public à savoir comment fonctionne le monde et ce que l’on y fait en notre nom. Il y a aussi un intérêt public à ce que la politique étrangère soit menée de façon confidentielle. Et ces deux intérêts sont contradictoires. »

Notre commentaire : Ce professeur d’histoire à l’université d’Oxford parle pour ne rien conclure. Car l’essentiel est de résoudre les contradictions ! Si les divers gouvernants agissaient en toute transparence puisqu’ils agissent en notre nom, il n’y aurait pas besoin de fuites et de lanceurs d’alerte. Comme dit Bruno PERRIN sur lemonde.fr :

«  Je viens d’écouter Védrine à la radio et j’ai beaucoup ri. Sur la dictature de la transparence, sur les dérives du monde numérique, etc. Il ne faut pas espionner l’Etat, pas divulguer les secrets d’Etat, etc. Et il prend comme exemple la vie privée. Mais WikiLeaks ne parle pas de notre vie privée. Par contre, les entreprises et les services publics ne se privent pas de collecter des données privées sur notre compte. Il me prend pour un débile, Mr Védrine ? Je dois tout donner et rien recevoir ?? »

* LeMonde du 2.12.2010, Les documents secrets révélés par WikiLeaks relèvent de l’intérêt général.

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ce que révèle WikiLeaks de notre démocratie

La superficialité des écrits des diplomates américains révélés par LeMonde  grâce au site WikiLeaks ne mérite pas quatre pages*.  Par contre l’existence de WikiLeaks revitalise notre démocratie vacillante. Car aujourd’hui il y a transparence des humbles et anonymat des puissants. Dans toute démocratie véritable, c’est l’inverse qui devrait être vrai. Analysons la plaidoirie pro domo de l’ambassadeur des Etats-Unis en France**. Selon Charles Rivkin, « La franchise du dialogue au sein des gouvernements et entre les gouvernements est au cœur des relations internationales. Les diplomates doivent être assurés que ces discussions garderont leur nature privée » ! Cette phrase montre bien la dissymétrie du pouvoir instauré de façon illégitime par nos gouvernants. En effet un gouvernement  n’est que l’émanation des citoyens, ce qui veut dire que les citoyens doivent être au courant de tout ce que disent et font les gouvernants en leur nom. C’est pourquoi les écrits des diplomates sont par nature  publics et non « privés ». Malheureusement il n’en est pas ainsi.

Les diplomates sont d’abord au service de « ces princes qui nous gouvernent*** » et non directement au service de l’intérêt général. La politique étrangère américaine obéit aux principes édictés par Machiavel. L’objectif de Machiavel était de servir le prince et la puissance de l’Etat, les conseillers des présidents aux USA ont le même. Pour nous tous, en tant que citoyens, l’expérience historique devrait nous pousser à rejeter Machiavel, à refuser la soumission, aux princes et aux présidents, et à étudier par nous-mêmes les fins sous-jacentes aux politiques nationales. Il a toujours existé des gens qui pensaient par eux-mêmes, contre l’idéologie dominante, et c’est lorsqu’ils étaient suffisamment nombreux que l’histoire a connu ses moments les plus glorieux****.

Que de documents en France sont classés secret défense alors qu’il ne s’agit que de protéger les intérêts des puissants ! Aujourd’hui Internet permet l’expression anonyme des lanceurs d’alerte et la veille citoyenne. Le site Internet WikiLeaks, créé en 2006, a publié des milliers de documents dénonçant des méfaits perpétrés par des politiciens, des fonctionnaires et des hommes d’affaires du monde entier. WikiLeaks est indispensable. Pas le fait de délayer dans des quotidiens de référence ce que nous savons déjà !

* LeMonde du 30 novembre, WikiLeaks décryptages (4 pages)

** LeMonde du 30 novembre, le Etats-Unis regrettent la divulgation de documents secrets par le site WikiLeaks

*** titre du pamphlet de Michel Debré en 1957. En résumé, les citoyens votent, et entre deux élections, ils ferment leur gueule.

**** lire Howard Zinn, Désobéissance civile et démocratie

 

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ne pas confondre désobéisseur et désobéissant !

 « La démocratie en dissidences » titre LeMonde des livres du 17 septembre. Très bien, comme titre. Parfait, une page entière consacrée aux politiques de la désobéissance.  Mais la théorie désobéissante n’a pas commencé en 1846 avec le pamphlet de H.D.Thoreau. Mais la désobéissance civile n’a pas commencé en 1963 avec l’appel des 121 pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Mais insister sur la démocratie délibérative, c’est dévaluer la thématique de la lutte contre l’injustice aujourd’hui.

                Bien avant le refus de Thoreau de payer ses impôts à un gouvernement en guerre, le refus du service armé, ainsi que du serment à l’empereur a constitué la position officielle de l’Eglise jusqu’en 314, date du Synode d’Arles. Les sectes issues de la réforme (par exemple les Anabaptistes) continueront à prêcher dès le XVe siècle l’observation à la lettre des prescriptions du Nouveau Testament concernant le refus des serments et de devoir de ne pas résister au mal. Toutes les désobéissances non-violentes découlent de cette prise de position, à l’origine religieuse.

L’appel des 121 est dans la stricte continuité du texte d’Etienne de La Boétie sur la servitude volontaire, publié pour la première fois en 1576 : « Comment il peut se faire que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a de pouvoir de leur nuire sinon tant qu’ils ont vouloir de l’endurer, qui ne saurait leur faire mal aucun sinon lorsqu’ils aiment mieux le souffrir que le contredire (…) Plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent et détruisent, plus on leur donne, plus on les sert, de tant plus ils se fortifient  et deviennent toujours plus forts. Si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point, ils demeurent nus et défaits, et ne sont rien. »

En effet, la cause profonde des conduites les plus injustes ou les plus cruelles est moins le sadisme de quelques individus que la soumission collective à l’autorité. Or notre société tout entière est basée sur une organisation injuste et cruelle, que ce soit la militarisation de la société, l’exploitation des travailleurs dans les entreprises, le pillage des ressources de la biosphère, etc. L’insurrection des consciences devrait donc être permanente, elle n’est que diffuse et médiatisée seulement sur des questions secondaires. Il nous faut donc une formation permanente à la désobéissance civile, c’est ce qu’essaye de mettre en place les désobéissants (à ne pas confondre avec les « désobéisseurs », tant aimés du Monde).

http://www.desobeir.net/

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l’extrême droite progresse. Inéluctablement ?

Le fascisme est en train de progresser dans les mentalités et les actes. Il suffit de feuilleter le Monde du 16-17 mai pour s’en apercevoir. On critique à Montreuil l’accueil de familles roms, estimées trop nombreuses. En France, des apéros géants sont interdits, la rétention de sûreté prévoit l’enfermement continu (sans limite de durée) de détenus pourtant libérables, de nouvelles lois durcissent sans cesse les peines. En Espagne, on suspend un juge parce qu’il ouvre une procédure pénale sur les crimes du franquisme. En Hongrie, l’extrême droite arbore au nouveau parlement l’écusson des milices pronazies de l’entre-deux-guerres.

Il suffit aussi d’interroger nos proches pour comprendre que la burqa est considéré comme une atteinte absolue à l’intégrité de la France et des femmes. Le venin de l’insécurité fait ses effets alors que jamais la présence policière et militaire un peu partout n’a été aussi manifeste. Il est vrai que les médias font leurs ventes et leurs gros titres sur des sujets prétendus sensibles dans un contexte où jamais le PIB mondial n’a été aussi élevé ; la richesse monétaire ne fait pas le bonheur et la convivialité. Nous sommes donc pessimistes parce que tout nouveau choc économique ou écologique ne pourra que renforcer les instruments de coercition et les mouvements fascistes. Comme l’exprime par exemple Harald Welzer, « L’ère des Lumières pourrait s’achever avec les guerres du climat au XXIe siècle. Les trois régulations de l’action humaine, l’Humanisme, la Raison et le Droit, ont historiquement succombé à chaque attaque, dès qu’elle fut un peu  rude. Il se pourrait qu’un jour le modèle tout entier de la société occidentale, avec toutes ses conquêtes en matière de démocratie, de libertés, de tolérance, de créations artistiques, apparaisse aux yeux d’un historien du XXIIe siècle comme un vestige incongru. Si du moins il y a encore des historiens au XXIIe siècle. »

Il y a des articles qu’on écrit dans l’espoir de se tromper.

Pour en savoir plus, Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard)

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NAC ou science citoyennes ?

Notre époque est soi-disant à la modération, il y a tant de saloperies dont on n’a pas besoin ; ainsi des animaux de compagnie. La France est déjà envahie, avec 10,7 millions de chats et 7,8 millions de chiens. Mais cela ne suffit plus, il faut du nouveau, de l’exceptionnel, de l’excentrique. La mode est donc au NAC, les nouveaux animaux de compagnie (LeMonde du 17 avril). Le furet arrive en tête, avec plus d’1 million de spécimens. Chacun y va de son envie du moment, serpent ou araignée, iguane ou mygale, gerbille ou cafards, sans compter les innombrables hamsters, souris et autres insectes.

Tous ces passionnés de l’observation, de la génétique et de la coloration feraient mieux de laisser les animaux dans leurs milieux naturels. Car les réseaux sciences citoyennes ont besoin de leur amour pour les animaux. Un autre article du Monde nous veut en effet « tous naturalistes » ! Des scientifiques professionnels font de plus en plus appel à des citoyens passionnés qui procèdent bénévolement à des comptages pour améliorer le recensement de la faune et de la flore : observation des oiseaux, des reptiles, des papillons, des chauve-souris, fleurs… La plupart de ces études confortent le constat d’un environnement en crise. Le modèle du savoir qui sort du laboratoire peut être efficacement relayé par un modèle de co-construction avec les citoyens. Avec des naturalistes multiples, on peut mieux cerner la dynamique des populations, Internet permettant la mise en réseau des observations de chacun.  Ainsi du programme STOC, suivi temporel des oiseaux communs  Résultat ? Ces populations ont depuis 1989 décliné de 20 % en milieu agricole.

A l’heure où la biodiversité est en péril, certaines personnes se mobilisent pour faire quelque chose. D’autres préfèrent leurs animaux de compagnie. Il n’y a sans doute rien à espérer des affectifs qui préfèrent leur NAC même quand ils sentent mauvais comme le furet. Mais peut-être qu’ils achètent leur saloperie tout en œuvrant pour la planète ? Il est permis d’espérer…

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le PS n’a pas de couilles

Refusons la langue de bois. Le PS est un vieux parti impotent et impuissant aussi courageux qu’un ectoplasme. Nous nous rappelerons toujours cette université d’été à la Rochelle où aucun débat n’avait été organisé à propos du projet de traité de constitution européenne. Pourtant les socialistes devaient organiser un référendum interne sur la question. Mais il ne fallait pas en débattre publiquement, cela aurait fait désordre ! Nous nous rappelons encore ce jour funeste où députés et sénateurs socialiste réunis pour voter en Congrès la Charte de l’environnement ne sont pas arrivés à trancher entre le oui et le non à cette constitutionnalisation. Alors la consigne a été le refus de vote ! Nous nous rappelons aussi la contribution climat-énergie universelle approuvée par le bureau national, ce qui voulait dire a minima « taxe carbone ». Mais la pseudo-écolo Ségolène a dit non à la taxe carbone, Valls dit actuellement toujours oui, Bartolone se gausse hypocritement de la « défunte taxe carbone » tout en se drapant dans le social-écologisme. A force de ne pas débattre et de ne pas travailler, le PS n’arrive jamais à déterminer une position commune, il ne peut pas s’affirmer comme « force de proposition ».

Il n’est donc pas étonnant que sur la problématique des retraites, les socialistes ne soient pas « pressés d’ouvrir un débat qui risque de les diviser » (LeMonde du 31 mars). Henri Emmanuelli se plaint que Sarkozy veuille « lancer la machine à diviser la gauche et à créer la zizanie ». Mais Henri n’a pas besoin de la droite pour foutre le bordel. Alors que le référendum interne du PS avait dit oui au traité constitutionnel européen, il avait à l’époque enfourché le non, allant à l’encontre d’une des procédures la plus démocratique qui soit, le référendum. Avec de tels dirigeants (n’oublions pas le « non, sauf si… » de Fabius !), le PS restera un vieux parti d’élus inamovibles. Le PS ne veut rien comprendre à la question du financement des retraites, rien à la question européenne, rien à l’écologie, rien de rien.

Marisol Touraine espère encore : « Il faudra avoir mis nos idées au clair (sur la retraite) avant l’été. » Marisol, tu ne pourras pas arriver à tes fins avec un partenaire qui n’a pas de couilles.

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Quelle société voulons-nous ?

Quelle société voulons-nous pour la fin de ce siècle ?

 

Cette question nous parait si importante que nous te laissons la parole (rubrique commentaire) sur cette thématique pendant une semaine.

Si tu veux nous donner ton point de vue de façon confidentielle, nous écrire biosphere@ouvaton.org

 

Remarque méthodologique : Philippe Chalmain, qui vient d’écrire « le XXIe siècle raconté à mon petit-fils », estime que la population du globe se stabilisera autour de 10 milliards d’humains. D’autres pensent que les blocages d’approvisionnement de l’espèce humaine aura au contraire fait diminuer fortement la population d’ici la fin de ce siècle. Si on s’exprime ainsi, on sera hors-sujet.

La question porte sur un volontarisme, une utopie en action : par exemple, sur la question démographique (mais il y a bien d’autres problématiques), voulons-nous la liberté totale de procréation pour le XXIe siècle, une procréation encadrée, de quelle façon, etc.…

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la liberté parisienne

Un réfugié iranien en France se pose une seule question : « Que vais-je faire de cette liberté maintenant que je ne cherche plus à savoir ce que les autorités pensent de moi ? » Bienvenu Afshin Ghaffarian en France, le pays où on ne sait plus quoi faire de sa liberté. Dans un monde normal, on sait toujours ce qu’on doit faire. Dans la société industrialisée, on ne sait plus si on doit utiliser plutôt son iPod, son iPhone ou son prochain achat, l’iPad. La liberté dans le monde occidentalisé, ce n’est plus de danser ou de travailler à son rythme, c’est de choisir comment se brancher à la prise électrique pour surfer dans un monde virtuel et jouir des programmes numériques.

 

Il devrait y avoir des pays normaux qui puissent permettre de vivre collectivement le juste milieu entre le pays totalitaire comme l’Iran, où on peut pendre haut et court pour « manifestation » des personnes qui étaient déjà en prison le jour de cette manifestation, et la France « libérale » qui se drogue au gadget électronique…

 

NB : pour connaître toute l’histoire du danseur iranien, LeMonde du 29 janvier

 

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démocratie et écologie

quelques exemples des relations complexes entre démocratie et écologie :

1/4) la démocratie comme perception des limites

La démocratie moderne était inséparable des possibilités en apparence infinies de la puissance des technologies et du marché. Tout nous paraissait donc possible. La démocratie à venir devra en revanche accorder cette même puissance à un monde fini, bondé et fragile. Il va donc nous falloir apprendre à borner le pouvoir de faire par la sagesse de l’autolimitation. Ce sera d’autant plus difficile que l’histoire nous a malheureusement enseigné que seul le pouvoir est capable d’arrêter le pouvoir.

2/4) la force des traditions joue contre notre futur

C’est à cause de notre cerveau tout puissant qui fomente les idées les plus baroques que nous arrivons trop souvent à l’impasse la plus totale. Bertrand Méheust  l’exprime dans son livre, La politique de l’oxymore : « Je suis convaincu qu’une catastrophe est en gestation, mais je ne partage pas la conviction que les démocraties modernes possèdent les ressorts nécessaires pour la prévenir et l’affronter. Je crains que la métamorphose espérée n’intervienne trop tard pour enrayer la crise écologique, et ne manifeste ses effets que pendant et après la catastrophe, un peu comme le pacifisme n’empêche pas les guerres mais se développe dans leur sillage. En effet toute société cherche à persévérer dans son être. Mais comme nous vivons dans un monde fini, sa saturation globale est inéluctable, ou, pour dire les choses de façon plus brutale, la saturation se traduira pour l’humanité par une véritable descente aux enfers. Chaque instant qui passe nous éloigne davantage du moment où un autre avenir serait encore possible. »

3/4) la démocratie et le choc du futur

Dieter Birnbacher posait, dans son livre La responsabilité envers les générations futures (1994), la question de savoir si la démocratie moderne était en mesure d’être le lieu d’une éthique du futur. Ce n’est pas évident car une conscience prévoyante, centrée sur le long terme, est synonyme de renoncements. Elle entre donc en conflit avec les aspirations immédiates des individus, leur préférence pour le présent. Renoncer à la voiture ? Mais nous sommes bien obligés d’avoir une voiture !

Nous sommes dans une démocratie du spectacle et de la compassion, pas du raisonnement froid des climatologues ou de l’Aspo (qui prévoit pour bientôt le pic pétrolier). Les politiques pensent d’abord à l’acceptabilité sociale d’une taxe carbone, pas à sa nécessité. Il faudra donc que la catastrophe serve de pédagogie. Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’une succession de crises. Par exemple, pendant la crise du prix du pétrole de septembre à décembre 2008, il s’est répété que le système libéral occidentalisé était dangereux et non durable. Cela a servi de choc psychologique faisant avancer la perception révolutionnaire de la structure crisique de notre société thermo-industrielle. Le baril de pétrole atteignant 150 dollars était un signal prix fort qui a laissé des traces, qui a modifié la perception des personnes. L’état d’esprit qui accueillera une nouvelle crise du pétrole, avec une perception plus aiguë des limites de notre planète, sera donc notablement différent de ce qu’il était précédemment.

4/4) démocratie et acteurs-absents

Rosanvallon décrivait récemment la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. »

Il faudrait donc que chaque citoyen (en position de décision délibérative) se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui ne sont pas invités à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Il faut d’ailleurs remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles (et perturber le climat) uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix du pétrole s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. Cela ne pourra changer que quand chacun d’entre nous pourra se projeter dans le temps long et l’espace infini, y compris sur ce blog.

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l’essentiel du Monde

Né le 18 décembre 1944, LeMonde a 65 ans. Bon anniversaire, nos vœux les plus sincères. Mais que ce quotidien soit notre journal de référence ne veut pas dire qu’il soit exempt de critiques. Voici nos propres codicilles en réponse aux deux questions posées (cf. supplément rattaché au Monde du 19 décembre).

1) Aujourd’hui, « Le Monde», indépendant politiquement et économiquement, est-il encore essentiel ?

biosphere : cette question est biaisée car elle tient pour acquis l’indépendance du Monde. Or la forte dépendance d’un quotidien envers les recettes publicitaires empêche une véritable liberté de parole. En effet, pour faire plaisir aux annonceurs, le journal est bien obligé de célébrer la société de consommation. Alors, quand on a ignoré mentalement toutes les pages de pub apparentes ou camouflées, on peut certes aller à l’essentiel. Mais toute vérité étant relative et en gestation chaque lecteur doit faire évoluer sa propre synthèse : si l’information apportée par notre quotidien est essentielle, elle n’est qu’un préalable. Si tout journaliste est un passeur des faits et gestes de nos sociétés, il lui est difficile dans le cadre d’un journal événementiel de ranger les idées dans un ordre convenable. Nous ne pouvons pas nous contenter de ce savoir en miette, il nous faut une grille préalable d’analyse. Construire un tel tamis, chausser des lunettes théoriques, c’est l’objectif de ce blog « biosphere ».

2) Quel rôle « LeMonde »  a-t-il joué dans votre propre histoire ?

biosphere : Le problème des lecteurs, c’est qu’ils peuvent difficilement faire entendre leur voix. Le courrier des lecteurs est une approche partielle que nous avons déjà utilisée, mais le miracle est arrivé : lemonde.fr permet à tous les abonnés de créer leur propre blog. Ce serait d’évidence un outil formidable pour progresser ensemble dans la recherche de la vérité si les commentateurs ne cherchaient pas souvent l’affirmation de soi au lieu de construire une cohérence collective. Mais encore une fois merci au quotidien d’avoir mis en ligne les blogs lemonde.fr et quand Le Monde cessera d’être croissanciste grâce (entre autres) à notre action, tout sera presque parfait.

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l’art de conclure

Pour les passionnés de  ce blog, que retenir de cette semaine ?

1) la question technologique

– Laurent Berthod : « L’erreur fondamentale des partisans de l’empreinte écologique est de penser que les ressources sont finies. Elles ne le sont pas, car les ressources disponibles évoluent avec l’évolution des besoins de l’homme et, encore plus, avec l’évolution des techniques. »

– YMB : « Il n’y a pas assez de métal pour fabriquer suffisamment de voiture pour 6,7 milliards de personnes, alors pour 15 milliards… »

– Biosphere : « Le capitalisme cherche à détourner l’attention du public de plus en plus conscient du désastre imminent en lui faisant croire que la technologie, instance en quelque sorte extérieure à la société des hommes, pourrait surmonter l’obstacle. »

2) la question idéologique

– Jean-Gabriel Mahéo : « Les affirmations sur la destruction de la planète, sur le saccage, la destruction, sur la fin des ressources, sur l’équation surpopulation = pauvreté, tout cela, c’est de l’idéologie. »

– Sébastien : « Je ne chercherai pas à convaincre les détracteurs de ce blog car ils partent d’un postulat totalement différent pour argumenter leurs idées : l’homme en tant qu’être supérieur est légitimement en droit d’exploiter la biosphère. »

– Biosphere : « L’humanité, jusqu’à présent espèce parmi d’autres espèces, est devenue un agent géologique, c’est-à-dire apte à transformer la structure de la biosphère. Le niveau de gaz  carbonique dans l’atmosphère est plus élevé qu’il n’a jamais été depuis près d’un million d’années, la disparition des espèces qu’il provoque est comparable en ampleur avec celui qui a emporté les dinosaures, etc. Le faisceau de preuves stratigraphiques est suffisant pour que la reconnaissance de l’anthropocène comme nouvelle ère géologique soit proposée à la discussion internationale (communiqué de la Société géologique de Londres, début 2008).

3) la question de la liberté

– libertéchérie : « Le fait même d’évoquer l’éventualité d’un contrôle des naissances est une absurdité très profonde. Il n’est bien évidemment de richesses que d’hommes. D’hommes libres. »

– Nicolas : Oui, évidemment, la terre peut nourrir 30 milliards d’humains. Tout comme on peut tenir à 20 dans une cabine téléphonique. Mais est-ce que c’est vraiment mieux ?

– Biosphere : « Bien sûr, nous sommes d’autant plus sûrement aliénés que nous croyons n’avoir jamais été plus libres. »

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Lévi-Strauss, in memoriam

Une source d’inspiration de ce blog, Arne Naess, est mort au début de cette année 2009.  Un autre de mes maîtres à penser, Claude Lévi-Strauss, vient de mourir. Plutôt que de vaines éloges, je lui laisse la parole, une parole qui à mon avis donnera une colonne vertébrale à notre XXIe siècle :

« J’ai connu une époque où l’identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. (…) Puisque au cours du dernier siècle j’ai assisté à une catastrophe sans pareille dans l’histoire de l’humanité, on me permettra de l’évoquer sur un ton personnel. La population mondiale comptait à ma naissance un milliard et demi d’habitants. Quand j’entrai dans la vie active vers 1930, ce nombre s’élevait à deux milliards. Il est de six milliards aujourd’hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite, si rapidement, ajoutent certains, qu’à l’échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité, non pas seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d’espèces animales et végétales.

De ces disparitions, l’homme est sans doute l’auteur, mais leurs effets se retournent contre lui. Il n’est aucun, peut-être, des grands drames contemporains qui ne trouve son origine directe ou indirecte dans la difficulté croissante de vivre ensemble, inconsciemment ressentie par une humanité en proie à l’explosion démographique et qui – tels ces vers de farine qui s’empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme, bien avant que la nourriture commence à leur manquer – se mettrait à se haïr elle-même, parce qu’une prescience secrète l’avertit qu’elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces bien essentiels que sont l’espace libre, l’eau pure, l’air non pollué.

Aussi la seule chance offerte à l’humanité serait de reconnaître que devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d’égalité avec toutes les autres formes de vie qu’elle s’est employée et continue de s’employer à détruire.

Mais si l’homme possède d’abord des droits au titre d’être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l’humanité en tant qu’espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l’humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l’existence d’autres espèces.

Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création.

Seule cette façon de considérer l’homme pourrait recueillir l’assentiment de toutes les civilisations. La nôtre d’abord, car la conception que je viens d’esquisser fut celle des jurisconsultes romains, pénétrés d’influences stoïciennes, qui définissaient la loi naturelle comme l’ensemble des rapports généraux établis par la nature entre tous les êtres animés pour leur commune conservation ; celle aussi des grandes civilisations de l’Orient et de l’Extrême-Orient, inspirées par l’hindouisme et le bouddhisme; celle, enfin, des peuples dits sous-développés, et même des plus humbles d’entre eux, les sociétés sans écriture qu’étudient les ethnologues.

Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l’homme une partie prenante, et non un maître de la création.

Telle est la leçon que l’ethnologie a apprise auprès d’elles, en souhaitant qu’au moment de rejoindre le concert des nations ces sociétés la conservent intacte et que, par leur exemple, nous sachions nous en inspirer. »

Source : L’ETHNOLOGUE DEVANT LES IDENTITES NATIONALES

Discours de Claude Lévi-Strauss à l’occasion de la remise du XVIIe Premi Internacional Catalunya, 2005.

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Obama, en liberté conditionnelle

Le jury Nobel (de la paix) attend beaucoup d’Obama, le monde entier attend beaucoup d’Obama, nous attendrons en vain. Autant je suis personnellement libre de ma pensée pour défendre les intérêts de la biosphère, autant Obama est contraint dans ses actes pour pacifier l’humanité. Autant je suis libre de transcender en parole  les intérêts des humains parce que je n’ai pas de statut social apparent, autant Obama est obligé de protéger les intérêts des Américains du nord parce qu’il a été élu pour cela. Pour Obama, les valeurs de l’Amérique sont le travail et le patriotisme, pas la paix mondiale. Les humains, surtout quand ils sont présidents, se croient libres parce qu’ils ont conscience de ce qu’ils font. Mais en fait ils ne font que répondre aux causes qui déterminent leurs actions.

Le nouveau président des Etats-Unis avait dit lors de son discours d’investiture : «  La façon dont nous consommons l’énergie menace notre planète », «  Nous allons lutter contre ce fléau qu’est le réchauffement de la planète », « Nous ne pouvons pas consommer sans réfléchir les ressources du monde ». Cela n’était qu’un recueil de bonnes intentions qui n’engagent personne. Et d’ailleurs, le président Obama avait posé deux conditions au changement qui ne peuvent que l’empêcher de finaliser ses intentions :  « Faire redémarrer la croissance, construire routes et ponts… » et « Nous n’allons pas nous excuser pour notre mode de vie, nous le défendrons sans relâche ». Or la paix du monde nécessite une baisse du niveau de vie américain. C’est la défense du niveau de vie américain qui avait empêché G.Bush de ratifier le protocole de Kyoto, c’est le niveau de vie américain qui est devenu le modèle à imiter au-delà de ce que notre planète peut supporter, c’est le mythe de la croissance quantitative qui nous empêche de trouver d’autres voies d’épanouissement.

LeMonde du 11-12 octobre nous révèle d’ailleurs que Barack Obama a une compréhension limitée des affaires internationales. On lui a donné le prix Nobel pour ce qu’il doit maintenant accomplir, mais c’est quelqu’un qui n’a encore rien réalisé. La situation internationale  dépasse sa compétence. Dans le même numéro du Monde et à deux mois de Copenhague, les Américains bloquent toujours la négociation climatique. Ils veulent encore laisser de côté les engagements contraignants du protocole de Kyoto, ils ne peuvent agir en l’absence d’une législation votée par le Congrès américain. Le jury Nobel s’est trompé, Obama, va montrer qu’il n’est qu’un américain moyen alors qu’il devrait déclarer l’état de guerre face aux crises écologiques qui s’annoncent…

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