Le pire du pire aux journées d’été de l’écologie politique
On peut considérer les journées d’été d’Europe Ecologie – Les Verts comme une université, un moment de formation. Mais tout dépend des intervenants et de l’objectif de la rencontre. Nous étions en atelier, dans une salle de classe bien pleine, pour assister ce vendredi 22 août aux échanges sur la question : « Un tourisme durable est-il possible ? ». Cette question n’a pas été traitée. Nous avons eu quatre discours de ce qu’on doit appeler des représentants de l’office de tourisme. On a vanté l’attractivité de la région Rhône Alpes ou les charmes de la station de ski à Piau Engaly. On a parlé emploi, peu importe si cet emploi était justifié ou non. On a causé des remontées mécaniques comme « outil indispensable à la survie du territoire ». Le label « station verte » est présenté comme un écotourisme « dans un cadre naturel » où il y a un « hébergement touristique »… et un « office du tourisme » ! N’oublions pas le vélo électrique qui, comme chacun sait, ne pollue pas directement. Et de temps en temps on s’offre quelques indulgences, aujourd’hui appelée « compensation carbone ». Bordeaux est fier de son tourisme d’affaires, et puis cette ville du vin fait tellement briller les yeux. etc. etc. Le temps passe, on tourne en rond, il ne reste plus que 10 minutes pour donner la parole à la salle. Une multitude de mains se lèvent, il n’y aura pas d’échange véritable.
Mais le premier commentateur fait la synthèse : « Pendant une heure et 20 minutes, on a évité de parler d’écologie. La dernière phrase sur la brochure de présentation de l’atelier indiquait : écologie et tourisme sont-ils compatibles ? Nous restons sur notre faim. Pourtant on sait que le tourisme est un phénomène récent, commencé au XIXe siècle par le tour d’Europe de quelques privilégiés anglais. Si le tourisme de masse est arrivé, c’est seulement grâce à l’abondance provisoire des ressources fossiles qui ont facilité les déplacements de masse. La fin du pétrole marquera la fin du tourisme. Un écologisme conséquent devrait donc promouvoir la phrase « moins vite, moins loin et moins souvent ». » On peut dire bien plus et faire une critique globale du tourisme.
Un écologiste devrait connaître les écrits de Bernard Charbonneau, ainsi Dans le jardin de Babylone (1969) : « Les mass media diffusent quotidiennement les mythes de la Mer, de la Montagne ou de la Neige. Le touriste n’est qu’un voyeur pour lequel le voyage se réduit au monument ou au site classé. Partout l’artifice cherche à nous restituer la nature. Isolé de la nature dans son auto, le touriste considère d’un œil de plus en plus blasé le plat documentaire qui se déroule derrière le miroir. Admirer les glaciers à travers les vitres d’un palace n’empêche pas de se plaindre de la faiblesse du chauffage. Un touriste ne vit pas, il voyage ; à peine a-t-il mis pied à terre que le klaxon du car le rappelle à l’ordre ; le tourisme et la vraie vie ne se mélangent pas plus que l’huile et l’eau. Avec la société capitaliste, le tourisme est devenu une industrie lourde. L’agence de tourisme fabrique à la chaîne quelques produits standard, dont la valeur est cotée en bourse. Il n’y aura plus de nature dans la France de cent millions d’habitants, mais des autoroutes qui mèneront de l’usine à l’usine – chimique ou touristique. Le touriste change de lieu chaque fois plus vite – jusqu’au moment où le voyageur n’est plus qu’un passager affalé qui ronfle dans le fauteuil d’un avion lancé à mille à l’heure. Ce qui rend les voyages si faciles les rend inutiles. L’avion fait de Papeete un autre Nice, c’est-à-dire un autre Neuilly. Les temps sont proches où l’avion pour Honolulu n’aura pas plus de signification que le métro de midi. Tourisme ? Exactement un circuit fermé qui ramène le touriste exactement à son point de départ. »
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