Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant le mois de juillet. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…
Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse
Au début des années 1970, l’idiotie de la croissance économique n’était encore perceptible par personne. Étudiant en faculté de sciences économiques entre 1967 et 1971, j’en sais quelque chose. Pourtant Pierre Massé, du commissariat au plan, écrivait à l’époque que si la production continuait de progresser à son rythme actuel, elle conduirait à doter en 2070 chaque Français d’une centaine d’automobiles et à fabriquer avant l’an 3000 un volume de produits manufacturés dépassant celui de la Terre, de la Lune et de Vénus réunis. En 1971 je note ma perplexité : « Pourquoi la croissance, pourquoi consommer, pourquoi toujours plus, pourquoi faire des enfants ? Pourquoi se déplacer, pourquoi ne pas trouver le bonheur avec sa voisine de palier ? A quoi sert-il de consacrer des millions de francs pour découvrir un nouveau produit pharmaceutique quand on sait par ailleurs que le cancer est causé en grande partie par la multiplication des substances carcinogènes ! La solution, remplacer le plus avoir par le plus être. Jusqu’ici les médias diffusent les mythes de la société moderne, la richesse, le développement, l’exhibitionnisme et le gaspillage… Je considère personnellement comme possible la décroissance. »
Pourtant tout autour de moi on ne jurait déjà par la croissance, les « Trente Glorieuses ». C’est idiot, c’est un déni de réalité. Le 15 Juin 1972, je découpe un article sur le cri d’alarme de Sicco Mansholt, président de la commission du Marché commun : « La race humaine, menacée par la pollution, l’accroissement démographique et la consommation désordonnée de l’énergie, doit modifier son comportement, si elle veut tout simplement ne pas disparaître… La grande crise devrait culminer autour de l’an 2020. » Même jour, un autre article où s’exprime Philippe Saint Marc : « Nous sommes dans un train qui roule à 150 km/h vers un pont coupé. Le monde court à la catastrophe écologique s’il ne procède pas rapidement à une réorientation fondamentale de la croissance économique. » Ces déclarations se basaient sur le rapport au club de Rome (sur les limites de la croissance) publié en juillet 1971. J’ai lu ce livre aussitôt que paru en langue française.
« Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire. Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. » [Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology, The Limits to Growth (traduction française Halte à la croissance ? aux édition Fayard, 1972)]
Exactement comme un cancer qui étend ses métastases et finit par détruire les système vitaux sur lesquels il repose, une économie en expansion continue détruit de plus en plus rapidement l’hôte qui le nourrit, la Biosphère. La croissance pour la croissance, c’est l’idéologie de la cellule cancéreuse. Que faut-il faire ? Sicco Mansholt répondait : « Il faut réduire notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance, celle de la culture, du bonheur, du bien-être. C’est pourquoi j’ai proposé de substituer au PNB « l’Utilité nationale brute » ou, comme on le dit plus poétiquement en français, le Bonheur national brut. »
Sauf à attendre une avancée technique improbable qui de toute façon va créer plus de problèmes qu’elle n’en résoudra, il n’y avait pour moi qu’une seule réponse, en phase avec les réalités biophysiques : je suis devenu objecteur de croissance avant la popularisation de cette expression car la volonté d’augmenter indéfiniment le PIB dans un monde fini me paraissait une absurdité. J’ai animé en septembre 2002 un débat montrant que seule la décroissance du niveau de vie de la classe globale pouvait sauver la planète. Devant la surprise et l’incompréhension de mon assistance (tous des encartés… chez les Verts), j’ai compris que l’écologie ne pouvait pas encore passer par l’abandon raisonné et volontaire de notre confort, même quand on se veut politiquement très vert. Il n’empêche que la décroissance humaine, qu’elle soit décroissance démographique, décroissance productive ou décroissance de la vanité humaine, est la seule issue raisonnable à la crise qui s’annonce. L’histoire de notre vie est rythmée par la naissance, la croissance et la mort. On ne peut échapper aux cycles de la nature. Sauf à vouloir nous entre-tuer davantage, ce qui est une option toujours possible.
(à suivre… demain sur ce blog biosphere)
Déjà paru :
On ne naît pas écolo, on le devient, introduction
Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver
Abeille, qui ne pique que si on l’embête
Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après
Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable
Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence
Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?
Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !
Amour, une construction sociale trop orientée
Animal, une facette de notre humanité trop ignorée
Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur
Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître
Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage
Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés
Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine
Si des fois Michel a l’intention d’écrire un bêtisier de la Croissance… il pourrait peut-être s’inspirer de ce petit businessman. Extraits :
– « Être obsédé par la croissance : le mindset des plus grands […]
L’obsession de la croissance : un délicieux mélange d’ordre et de chaos […]
Tout, absolument tout peut être amélioré, développé et poussé plus loin pour atteindre la perfection. […] Cette attitude, ce mindset est à votre portée. Ouvrez votre esprit et observez les autres ! Inspirez-vous des modèles de succès et des champions ! »
( Obsession de la Croissance. Cet ami qui vous veut du bien – davidlaroche.fr )
Ah c’est sûr, dans son genre celui-là n’est pas loin de la perfection.
Et quand je vois combien il est grand … eh ben je suis fier d’être tout petit.
Ah toutes ces conneries qu’on trouve sur le Net !!!
– « Je vous invite à télécharger cette vidéo sur les 6 obsessions qui permettent aux meilleurs comme Jeff Bezos ou Elon Musk d’avoir des business qui cartonnent. »
Misère misère !
– « Pourquoi la croissance, pourquoi consommer, pourquoi toujours plus [etc. etc.] »
Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Et puis pour quoi ? Pour quoi faire ? Pour faire quoi ? etc.
Voilà en effet les seules questions qui vaillent. Et qu’on devrait se poser à tout bout de champ, à longueur de journée. Exemple : Pourquoi, en 1971… ce cher Michel se posait-il toutes ces questions ? Et pourquoi avait-il besoin de noter sa perplexité ? Avait-il l’intention d’écrire un livre ? Et si oui, ne pensait-il pas qu’il y en avait déjà assez ?
Tiens… et pourquoi suis-je en train d’écrire ça ? Moi qui n’ai pas l’intention d’en rajouter…
Tiens… je vais y réfléchir. D’ailleurs c’est ce que je vous conseille de faire.
On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste. 🙂
« Croissance, un objectif économique débile » Oui et c’est bien pour ça que l’écologie ne peut pas être de gauche, puisque les électeurs et les élus de gauche réclament toujours des hausses de dépenses publiques ! Or des hausses de dépenses publiques impliquent systématiquement de la croissance afin de rembourser les crédits correspondants à ces dépenses publiques ! Le quoi qu’il en coûte de la gauche, on a vu avec Macron comme bien d’autres avant lui, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande ! Il suffit de regarder deux courbes parallèles, celle de la dette et celle des dépenses publiques ! Donc l’écologie ne peut pas être de gauche, puisque tant les électeurs que les élus de gauche refusent de réduire les dépenses publiques !! Ils veulent TOUJOURS PLUS de dépenses publiques ! Les dépenses publiques sont en croissance !
– « Oui et c’est bien pour ça que l’écologie ne peut pas être de gauche, puisque [et blablabla]. Donc l’écologie ne peut pas être de gauche, puisque [et patati et patata] »
Eh ben ça oui c’est de la démonstration ! Dans les règles de l’Art ! Chapeau bas, BGA, encore une fois tu m’as con vaincu. Mais, dis-nous, si l’écologie n’est pas de gauche… alors de quoi peut-elle être ? Pas de droite, ni d’extrême droite, quand même, si ? Sarko, Manu, Marine, Zemmour, Trump, Bolsonaro et Jean Passe écolos, depuis le temps ça se saurait, non ?
Du centre alors, avec Bayrou ? « Le centre, variété molle de la droite » qu’il disait Mitterrand. Et sur ce coup il n’avait pas tort, cet homme de droite.
Ah mais oui, j’oubliais… elle est au delà. Quelque part au dessus si ce n’est au dessous. Oui et c’est bien ça, elle est vraiment là, l’écologie. Au dessous, du caniveau.
Toujours en train de railler sans démontrer le contraire de ce que je dis !! Prouve moi mathématiquement que l’on puisse accroître les dépenses publiques sans croissance ? Accroître les dépenses publiques en décroissance, ça doit être possible selon toi puisque tu railles mon commentaire pour affirmer que ce je dis est faux. Vas y ! Explique nous tout ça par des démonstrations mathématiques, je t’écoute ? Alors comment accroître les dépenses publiques en décroissance ?
On nous dit, on te dit : « La réduction des dépenses publiques favorise la croissance économique. Pas de croissance sans réduction de la dépense publique ! »
On nous dit, on te dit : « Pour sauver le système des retraites, il n’y a pas trente six solutions… soit on cotise plus, soit on cotise plus longtemps ! »
Et toi tu le crois. Et ce ne sont là que deux exemples. Mais qu’est-ce que tu veux en fait, hors-mis que je te démontre ce que tu n’es pas fichu de comprendre ?
Pas la Croissance tout de même, si ? Alors arrête de faire le perroquet, décolonise ton imaginaire, et dis-toi que tant que tu resteras dans ce cadre de pensée (ce dogme économique) tu n’avanceras pas.
En fait, ce que tu veux, c’est tout connement la réduction des dépenses publiques.
Mais d’abord, quelles dépenses publiques ?
Et puis pourquoi souhaites-tu les voir baisser ?