Nous ne voyons nulle part d’altruisme inconditionnel (hormis quelques figures exceptionnelles type Gandhi), que ce soit dans des petits groupes ou dans de grandes communautés. Il pourrait en être autrement. Individuellement et collectivement, nous avons toujours théoriquement le choix. Car c’est notre socialisation qui formate nos sentiments. D’un côté l’égoïsme, le chacun pour soi, la violence à fleur de peau, les conflits familiaux et de voisinage, etc. Au niveau collectif, l’exubérance irrationnelle mais si merveilleuse du pillage total de la planète par un consumérisme de satisfaction immédiate. De l’autre nous pourrions cultiver l’altruisme, l’empathie envers autrui et l’ensemble du vivant et plus généralement une austérité assumée pour laisser des ressources viables aux générations futures et de l’espace pour les autres espèces vivantes. On peut donc de façon contradictoire adhérer aux codes d’une bande de prédateurs ou se sentir concerné par l’avenir lointain. Parvenus au point où nous en sommes, une planète exsangue, nous voici sommés de choisir entre une évolution fondée sur des sentiments positifs où l’emporteraient l’amitié, la solidarité, la coopération, la fraternité, la convivialité, les forces de l’esprit et, pour tout dire, l’amour, et une société encore et toujours traversée d’intenses compétitions aboutissant à des conflits généralisés et à un cataclysme écologique sans précédent. En d’autres termes, nous n’avons pas le choix, mais nous n’en avons pas encore conscience.T el devrait être le postulat d’un écologiste, combattre l’égoïsme et favoriser l’altruisme.
Selon la morale en vigueur, nous pouvons faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et nous devons assurer aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. C’est ce qu’on appelle une éthique de la réciprocité. La plupart du temps, on pratique la réciprocité directe, je te redonne l’équivalent de ce que tu m’as donné. C’est typique de l’échange marchand, j’ai obtenu l’objet ou le service, je paye directement en monnaie. C’est là une conception étriquée de l’éthique. Car qui dit réciprocité dit aussi relation. Il commence à exister une réciprocité généralisée, se comporter de telle façon que si les autres faisaient de même, la société deviendrait meilleure. Peu importe le résultat immédiat, l’important est d’indiquer le chemin à suivre. Par exemple, si tout le monde était objecteur de conscience, rejetant l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus de guerres. Le gros problème réside dans le « si ». Les objecteurs en France ont été très peu nombreux en France malgré le fait qu’ils aient obtenu officiellement un statut en 1963, et plus personne n’en parle aujourd’hui avec la suspension du service militaire pour les jeunes. On ne peut guère attendre des autres qu’ils pratiquent la réciprocité généralisée dans une société qui célèbre le culte des armées et le choc des nations. Mais si tu ne commences pas à agir pour le bien commun, qui le fera ? Au niveau écologique, la tentative des colibris est une autre application : l’exemplarité de ceux qui pratiquent la simplicité volontaire pourrait servir de catalyseur, et devenir un mouvement de masse. Mais à l’heure de la consommation de masse et de l’abondance à crédit, les changement de comportements individuels et collectifs restent microscopiques.
Envisager une réciprocité intergénérationnelle, considérer des êtres qui n’existent pas encore et agir pour leurs intérêts futurs, demande encore plus d’ouverture d’esprit qu’une réciprocité généralisée uniquement adaptée aux temps présents. Il nous faudrait répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Cette belle phrase, popularisée par le Sommet de la terre de Rio en 1992, a été malheureusement considérée comme donnant droit à encore plus de croissance économique. L’oxymore « développement durable » de Rio a laissé place à l’imbécillité de l’expression « croissance verte », et maintenant nous subissons le mot fourre-tout « transition écologique ». Des mots, des mots pour mélanger l’inconciliable. L’inflation d’oxymores aujourd’hui tels que « voiture propre », « fonds de placements éthiques », « entreprises citoyenne », « croissance durable », « guerre propre », « agriculture raisonnée », « marché civilisationnel », « financiarisation durable », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », « vidéoprotection »… est symptomatique d’une société qui se grise de paroles pour ne pas penser à une rupture radicale avec la société thermo-industrielle. Tourner complètement le dos à notre confort exosomatique actuel est pourtant une condition incontournable pour pouvoir laisser quelques miettes aux générations futures. Nous devrions tous connaître l’expression « acteurs absents », l’avenir s’en porterait mieux.
En savoir plus sur l’éthique de la réciprocité :
15 avril 2014, Choisir l’égoïsme du présent ou l’altruisme envers avenir
15 octobre 2017, De l’ère de la compétition à la loi de la réciprocité
4 novembre 2017, Quelle boussole pour diriger mon action envers autrui ?
29 juin 2020, Le colibri, emblème de l’écologie en marche
En savoir plus sur l’éthique intergénérationnelle :
28 mai 2019, De la génération 1968 à la génération climat
19 mars 2019, Les générations futures font entendre leurs voix
2 février 2012, les coûts cachés du nucléaire, l’oubli des générations futures
18 janvier 2012, Tribunal pour les générations futures : la surpopulation
Intéressant article du 15 avril 2014 : « Choisir l’égoïsme du présent ou l’altruisme envers avenir ».
Après avoir fait parler J.P Dupuy, l’auteur de l’article dit : « Le philosophe Jean-Pierre Dupuy se trompe, rien ne fonde une obligation de faire des enfants tout en pensant à leur avenir lointain. »
Et il donne ensuite la parole à Georgescu-Roegen :
– « Peut-être le destin de l’homme est-il d’avoir une vie brève, mais fiévreuse, excitante et extravagante, plutôt qu’une existence longue, végétative et monotone. Dans ce cas [etc.] »
Des deux (ou des trois si on compte l’auteur) qui se trompe et qui a raison ?
Rappelons qu’un scientifique ne prétend pas détenir la vérité, un philosophe non plus. Toutefois les deux cherchent à s’en approcher, de façons certes différentes.
– J.P Dupuy a dit : « Si nous devions être la cause de ce que la porte de l’avenir se referme, c’est le sens même de toute l’aventure humaine qui serait à jamais détruit.»
Le philosophe comme le scientifique émettent ici une hypothèse, un scénario possible. L’un dit «peut-être…», l’autre «si…», avant de nous dire la conséquence. Sauf que le philosophe nous parle ici de responsabilité, d’obligation et de devoir. Normal, ce sont justement les spécialités du philosophe. Pour autant n’allons surtout pas penser qu’un scientifique serait exempté de ce genre de recherches, ou incompétent en la matière.
Comme moi et tant d’autres Jean-Pierre Dupuy veut croire en «l’aventure humaine». En ce surhomme, ou plus-homme, n’ayant rien à voir avec les délires transhumanistes. Bref en ce Sapiens enfin digne de ce nom. Peut-être avons-nous tout simplement besoin d’y croire, en attendant.
En attendant, de sortir de cette hypothétique impasse conceptuelle et tout ce qu’on voudra, qu’on me dise comment un esprit sain dans un corps sain pourrait se réjouir à l’idée qu’un jour, l’humanité disparaîtra. Jusqu’à oser dire «bon débarras !»
– « Tel devrait être le postulat d’un écologiste, combattre l’égoïsme et favoriser l’altruisme. »
Aujourd’hui le véritable écolo se doit donc d’être altruiste, dans le genre Gandhi. Quand je disais que rien n’est éternel, adieu l’Écologisme et bonjour le Bouddhisme.
Nul besoin d’exotisme, sous nos latitudes nous devrions faire aussi bien avec ce bon vieux Christianisme. Nul besoin de croire en ses promesses, le Paradis, la vie éternelle et blablabla. Retournons à ses mythes, acceptons sa morale, croyons en ses valeurs : l’amitié, la solidarité, la coopération, la fraternité, la convivialité, les forces de l’esprit et, pour tout dire, l’amour.
Ah l’Amour ! Et inspirons nous de ses saints, l’Abbé Pierre, Mère Térésa etc. amen.
– « nous avons toujours théoriquement le choix. […] nous voici sommés de choisir entre […]
nous n’avons pas le choix, mais nous n’en avons pas encore conscience. »
Choisir !? Entre 50 marques de lessives, entre X destinations de voyages, entre je ne sais combien de sexes et de genres et j’en passe. Choisir entre la peste et le choléra, entre le Bouddhisme et le Christianisme, entre l’altruisme et l’égoïsme etc.
Théoriquement, pour choisir il faut être libre. Nous n’avons donc pas trop le choix.
Mais nous n’en avons pas conscience, en effet.
Mais qu’est ce que l’altruisme si ce n’est de l’égoïsme ? Une forme extrême en quelque sorte. La forme la plus belle certes. Mais si nous la voyons ainsi là encore ce n’est que parce qu’on nous l’a toujours dit : L’égoïsme c’est pas beau c’est pas bien et patati et patata.
Or tout ce qui vit est animé par cette force de vie qu’on appelle tantôt ceci, tantôt cela. L’homme est un animal des plus étranges, certains individus prennent même du plaisir à se faire du mal. Après tout, à chacun sa came, en attendant.
Mais bien sûr une huître n’est pas consciente de tout ça, elle se fout pas mal de ses copines de parc, de ses petits, des baleines du Cap’tain et des conneries de celui qui la bouffera. Quand son environnement est pollué, elle crève, tout simplement. Tout ça n’est que de la biologie, lisez donc Henri Laborit. La vie (la Vie) n’a pas fini de nous révéler tous ses secrets, dans ce domaine la recherche doit se poursuivre.