il faut bloquer les dépôts de carburant

Les forces de l’ordre ont rouvert plusieurs dépôts pétroliers*. « Le blocage des sites est scandaleux. Il dérange qui? Ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller au travail. », s’exclame un internaute. Le secrétaire d’Etat aux transports, renchérit : « On ne peut pas se permettre une pénurie d’essence, il faut penser à toutes celles et tous ceux d’entre nous qui ont besoin de se déplacer (…), aux entreprises, aux transporteurs routiers, tout ce qui fait la vie de notre pays. » Dominique Bussereau a répété que la France ne connaîtra pas de pénurie, « nous avons des réserves ». Mais que fera l’Etat quand la conscience du pic pétrolier va entraîner l’affolement des marchés ? Le prix du bail dépassera très vite 300 dollars (en 1973, le prix du pétrole avait quadruplé), nous aurons un rationnement par les prix.  Il ne s’agira pas d’un blocage temporaire des douze raffineries françaises, mais d’une limitation drastique des quantités d’essence qui pénalisera surtout les catégories modestes.

Il y a actuellement une contradiction frontale entre ce qu’il conviendrait de faire (économiser l’énergie) et ce que nous faisons (brûler toujours plus de pétrole) . En effet toutes les actions nécessaires heurtent nos intérêts immédiats et nos modes de vie : renoncer à rouler dans une grosse cylindrée, modifier un régime alimentaire trop  carné, réduire les voyages aériens, consommer moins de biens matériels, toutes choses qui fonctionnent au carburant. Comme l’exprime Dominique Bourg**, « Nous subissons une tyrannie originale, celle qu’exerce la jouissance immédiate des individus à l’encontre d’enjeux vitaux à moyen et long terme pour le genre humain. »

Si nous étions dans un parti « vert », nous bloquerions de façon temporaire et renouvelée les dépôts pétroliers pour bien indiquer à la population ce qui va arriver un jour prochain : de moins en moins d’essence pour aller au boulot en voiture pour pouvoir amortir le prix de sa voiture et acheter toujours plus d’essence.

* LeMonde du 16 octobre

** Vers une démocratie écologique de Dominique Bourg et Kerry Whiteside (Seuil, 2010)

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pour une démocratie écologique

Nous sommes presque tous désolés de la disparition prochaine des Tuvalu* pour cause de réchauffement climatique. Mais personne ne croit plus sérieusement à la signature d’un accord contraignant fin novembre sur les émissions de gaz à effet de serre lors du sommet de Cancun. La question de fond se pose : la démocratie représentative est-elle maintenant suffisante pour prévenir les risques écologiques majeurs ? Le livre récemment paru de Dominique Bourg et Kerry Whiteside, « vers une démocratie écologique », pose sérieusement le problème :

                « Tout le monde sait qu’il y a péril en la demeure, mais personne ne semble déterminé à agir. Au cœur de ce paradoxe se trouve notre façon de décider collectivement. Et si notre incapacité d’agir nous renvoyait aux imperfections de notre système politique ? Protéger la biosphère exige de repenser la démocratie elle-même. Il est de plus en plus évident que les problèmes écologiques auxquels nous sommons confrontés ne peuvent être résolus par le gouvernement représentatif classique. » En conséquence, Dominique Bourg et Kerry Whiteside proposent d’adjoindre  au système représentatif classique d’autres processus institutionnels : bio-constitution, bio-sénat, Académie du futur, ONGE. Autant dire que cette réforme institutionnelle n’aura lieu que trop tard, après l’émergence de millions de réfugiés climatiques et/ou les effets socialement funestes du pic pétrolier.

                Nous proposons plus simplement de changer le mode de réflexion des élus. Il suffit pour instaurer une démocratie écologique que les élus, quel que soit le territoire d’appartenance dans lequel ils sont  désignés, tiennent compte dans leurs décisions non seulement de leurs administrés, mais aussi des tiers, absents par définition lors des délibérations démocratiques (ce qu’on appelle les acteurs-absents) : c’est-à-dire les individus des autres territoires, les générations futures, les non-humains. Alors les élus feront preuve d’une conscience élargie dans le temps et dans l’espace qui leur permettra de démontrer aux yeux de leurs concitoyens qu’ils agissent dans le bon sens. Agir dans le bon sens, c’est savoir se démarquer des intérêts  corporatistes et à court terme, du profit immédiat, des lobbies, etc. Agir dans le bon sens, c’est montrer qu’un élu n’est pas seulement l’avocat des intérêts présents, mais des intérêts futurs de la communauté biotique au sens large, humanité comprise. Agir dans le bon sens, c’est faire preuve de courage politique et ne plus penser constamment à sa prochaine réélection.

* LeMonde du 13 octobre, Ian Fry, l’homme qui négocie pour que les Tuvalu ne finissent pas sous la mer

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vivre comme l’indien moyen

Le réchauffement climatique dont raffolent les médias* pourrait nous faire oublier tout le reste. Il faut noter d’urgence que l’humanité engloutit déjà l’équivalent d’une planète et demie**. Ce qui veut dire que nous brûlons notre capital naturel, et quand notre maison (la biosphère) aura été dilapidée, il nous restera les guerres, les épidémies et les famines. Si rien ne change dans nos modes de consommation, l’humanité aura besoin de deux planètes en 2030. Il nous faut donc envisager de vivre comme des Indiens : si tout le monde vivait comme le citoyen indien moyen, l’humanité n’utiliserait même pas la moitié de la biocapacité de la planète…

Quelques réactions à cette information sur lemonde.fr*** :

– Max Lombard : Dans la mesure où la quasi-totalité de la population des pays émergents et même de ceux qui restent immergés souhaite vivre à l’occidentale, il est inutile que je me prive de mes vacances à la neige ou de mon steak.

– Remi : Si on diminuait le nombre d’habitants sur terre par deux… Cela ne poserait pas de soucis… Arrêtons de faire des gosses comme des lapins…

– André Wandoch : Le fond du problème est et restera le partage des richesses. De gré ou de force, on ne contournera pas cette unique solution. On va espérer que ce sera de gré.

                Sur ce blog, nous estimons depuis 2005 que la baisse du niveau de vie à l’occidental est absolument nécessaire. Un jour prochain la voiture individuelle sera même interdite car le pic pétrolier, c’est en ce moment-même. Quant au réchauffement climatique, il s’atténuera quand nous déciderons de ne plus brûler de ressources fossiles, événement qui ira de pair avec les conséquences fâcheuses du pic pétrolier. Quant à la démographie, malheureusement nous connaissons sa terrible inertie, ce qui ne veut pas dire que le modèle chinois d’un enfant par famille n’a pas pour vocation d’être généralisable. Qu’attendent les politiques pour mettre tout ça à leur programme ? Et éviter ainsi la catastrophe climatique !

* LeMonde du 12 octobre 2010, la perspective d’un accord sur le climat s’éloigne encore.

** le rapport « Planète vivante 2010 » de l’organisation écologiste WWF

*** planete/article/2010/10/13/l-humanite-engloutit-l-equivalent-d-une-planete-et-demie

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Europe Ecologie-les Verts

« Europe Ecologie Les Verts ». Tel sera sans doute le résultat de la fusion des écologistes de gauche à la mi-novembre. Mais qu’en est-il de leur programme ? Leur « Manifeste pour une société écologique » est manifestement socio-économique, certainement pas écologiste. Nous pouvons seulement lire au détour d’une phrase : « L’heure est venue de convaincre plus largement que l’écologie est autre chose qu’une niche spécialisée ou une thématique parmi d’autres. Il n’y a pas d’activités, de disciplines ou de secteurs qui échappent au prisme de l’impératif écologique. » Mais pour la concrétisation, rien ou presque. On demande le « respect des animaux en tant qu’êtres vivants », rien de plus ; les « droits du vivant » sont une simple annexe de l’émancipation des hommes et des femmes ; la « sanctuarisation du vivant et des équilibres naturels devrait se substituer à la pulsion dominatrice sur la nature », mais uniquement pour garantir la diversité biologique.

De plus la « Charte des valeurs » qui accompagne le manifeste n’accorde aucune valeur intrinsèque aux non-humains : il suffirait d’instaurer « un rapport respectueux et non violent entre l’être humain et la nature » et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il faudrait un « partage équitable des richesses et des ressources entre les peuples, entre les générations, entre les territoires et plus généralement au sein de la société », l’ensemble des besoins de la biodiversité, on n’en a rien à cirer. Nous sommes en présence d’une écologie très superficielle. En comparaison, la Déclaration de principes du Parti socialiste de 2008 était beaucoup plus écolo :

– Conscients de l’étroite interaction des activités humaines et des écosystèmes, les socialistes inscrivent la prise en compte de la planète au même rang de leurs finalités fondamentales que la promotion du progrès et la satisfaction équitable des besoins.

Les finalités du socialisme démocratique portent pleinement la volonté de préserver notre planète aujourd’hui menacée particulièrement par les risques de changement climatique et la perte de la biodiversité, de protéger et de renouveler les ressources naturelles.

NB : pour une information succincte sur l’Acte 1er du rapprochement entre les Verts et Europe Ecologie : les assises territoriales. (LeMonde du 10-11 octobre 2010)

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Géraud Guibert et l’écologie profonde (4/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici le dernier épisode d’un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

Le texte* de Géraud Guibert : « Dans la logique de l’écologie profonde, la question démographique est  essentielle et la diminution du nombre d’homme sur terre est un axe stratégique majeur. » (p.53-54)

=> notre analyse :

L’axe stratégique majeur de l’écologie profonde, qui est d’abord une philosophie (définie par Arne Naess), n’est pas la question démographique, mais la question des valeurs :

          le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

          la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

La question démographique ne résulte pas des préoccupations de l’écologie « profonde », mais du procès théorique fait à Malthus par Marx. Dans la réalité, la question démographique résulte de l’explosion démographique qui accompagne la révolution industrielle. D’ailleurs dans les années 1970, la préoccupation démographique était  politiquement prise en compte. Dans le rapport préparatoire à la première conférence des Nations unies sur l’environnement (Nous n’avons qu’une terre de Barbara WARD et René DUBOS – Denoël, 1972), il était dit : « Nous savons que la stabilisation de la population mondiale est une condition de survie. Le ressources de la biosphère ne sont pas illimitées, tandis que la progression géométrique de la reproduction semble ne pas avoir de bornes. »  Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle de 1974 : « Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La France de 100 millions de Français chère à M.Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »

Le texte* de Géraud Guibert :  « Les signes avant coureur d’une logique antihumaniste hautement contestable percent dans quelques cas. Dans la logique de l’écologie profonde… »

=> notre analyse : Arne Naess rejette le dualisme cartésien et prône la non-violence. On ne peut certainement pas dire qu’il s’agit d’une « logique antihumaniste ». Dans un livre paru récemment en France, J.Baird Callicott fait clairement le point sur la question de l’écofascisme :

 « L’éthique de la terre serait un cas de fascisme environnemental. Une population humaine de six milliards d’individus est une terrible menace pour l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Comme notre population s’accroît à un rythme effréné, notre devoir serait de provoquer une mortalité humaine massive.

Mais l’éthique de la terre n’implique aucun conséquence cruelle ou inhumaine. Cette éthique ne remplace ni ne recouvre les progrès moraux qui ont précédé. Les sensibilités et les obligation morales antérieures demeurent valides et prescriptives. Le fait que nous reconnaissions appartenir à une communauté biotique n’implique nullement que nous cessions d’être membres de la communauté humaine. L’éthique de la terre est une accrétion (une addition) aux éthiques sociales accumulées jusqu’à elle, et non quelque chose qui serait censé les remplacer. Notre souci est seulement d’étendre la conscience sociale de manière à y inclure la terre. »

* Tous écolos… et alors (2010)

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Jean Aubin et l’écologie profonde (3/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Jean Aubin : « La disparition prématurée de l’espèce humaine n’est pas totalement exclue. Tant mieux répondent certains tenants de l’écologie profonde… Pour ceux-ci, l’homme, superprédateur, est devenu une espèce malfaisante. Le mieux qui puisse arriver est qu’elle disparaisse pour laisser vivre la planète. Cette attitude de haine contre l’homme s’oppose totalement à notre regard. Nous partons ici d’un a priori humaniste… » (page 27)

– Notre analyse, envoyée à Jean Aubin : L’expression « certains tenants » (de l’écologie profonde) permet de pouvoir relayer n’importe quelle rumeur, mais ce n’est pas très moral vis à vis de ceux qui savent vraiment ce que deep ecology veut dire. Jean Aubin reprend des accusations qui se retrouvent chez des gens comme Ferry ou Cl Allègre dans l’intention de nuire.

Le terme d’écologie profonde a été introduit par Arne Naess dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». On peut maintenant lire Arne Naess en langue française (éditions wildproject). Cette philosophie repose sur l’épanouissement de Soi, ce n’est pas un anti-humanisme mais au contraire un humanisme élargi. Loin de vouloir la disparition de l’espèce humaine, elle repose sur l’art de débattre et convaincre selon les méthodes gandhienne de la non violence.

– Réponse de Jean AUBIN à cette analyse : « Reproche  mérité ! L’expression,  « certains tenants » permettait, me semblait-il, d’apporter une distinction suffisante, mais cela  ne semble pas être le cas : ma phrase reste  maladroite et  peut sembler jeter  le discrédit sur ce courant de pensée. Peut-être aurais-je dû écrire  certains déviants, ou mieux, ne rien écrire du tout sur un courant de pensée que je connais trop mal pour en parler… ça m’apprendra à ne pas faire le malin en parlant de ce qu’on connaît mal. Je vais essayer de trouver le temps de me familiariser davantage avec l’écologie profonde… »

* La tentation de l’île de Pâques (2010)

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Claude Allègre et l’écologie profonde (2/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Claude Allègre : « L’animal ou l’arbre doivent être protégés, respectés, pourquoi pas vénérés, et cela doit être inscrit dans la loi ! C’est la stratégie de la deep ecology qui poursuit en justice ceux qui coupent les arbres ou qui tuent les insectes avec le DDT. Tout ce qui est naturel est bon. Donc tout ce qui modifie la nature est à poursuivre, à condamner. L’homme et la société passent au second rang. Comme dit Marcel Gauchet, « l’amour de la nature dissimule mal la haine des hommes ». (p.61)

=> notre analyse : Le discours d’Allègre montre qu’il ne connaît pas du tout la philosophie d’Arne Naess, inventeur du mot deep ecology. Claude Allègre ne semble connaître que l’analyse médisante de Luc Ferry. Arne Naess n’a en effet jamais tenu les propos que lui prête  Allègre. D’autre part, critiquer une législation qui protégerait la nature et l’environnement paraît étrange de la part d’un homme en faveur de l’écologie réparatrice. Enfin une citation ne peut remplacer une analyse.

– Le texte* de Claude Allègre : « Luc Ferry distingue deux tendances. L’une, environnementaliste, pour laquelle l’homme est premier. Il faut aimer la nature d’abord par raison. La seconde attitude est celle qu’on appelle « l’écologie fondamentaliste » (deep ecology en anglais). Dans cette tendance, c’est la nature qui est première. Les environnementalistes sont des humanistes qui critiques le progrès de l’intérieur. Les éco-fondamentalistes sont  hostiles au progrès et à l’humanisme, leurs critique sont externes. (p.71)

=> notre analyse : Luc Ferry explique plus précisément que « les sources de l’écologie profonde seront localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale ». Il ne s’agit pas pour l’écologie profonde de placer l’homme en premier ou en second, mais de préciser une réalité : l’espèce humaine n’est qu’une partie de la biosphère et doit donc le ressentir. C’est cette réalité biophysique que la civilisation occidentale nous a fait oublier, d’où les crises écologiques actuelles, effondrement de la biodiversité, réchauffement climatique, désertification des sols, etc. Si nous avions appliqué la pensée d’Arne Naess, « le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque, ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. », nous n’en serions pas là.

– Le texte* de Claude Allègre : « Lorsque les mouvements écologistes sont apparus, ils portaient un vrai message, celui de la nécessaire harmonie que l’homme devait  trouver avec la nature. (p.76)

=> notre analyse : Arne Naess ne s’exprimerait pas autrement que Claude Allègre ! Comme quoi les procès d’intention nous empêchent de réaliser que nous avons un intérêt commun à défendre : l’harmonie écologique et sociale.   

* Ma vérité sur la planète (2007)

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Luc Ferry et l’écologie profonde (1/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Luc Ferry : « Arne Naess et George Sessions ont regroupé dans un manifeste les termes et les phrases clefs qui sont la base de l’écologie profonde. Il s’agirait de montrer qu’après l’émancipation des noirs, des femmes, des enfants et des bêtes, serait venu le temps des arbres et des pierres. La relation non anthropocentrique à la nature trouverait ainsi sa place dans le mouvement général de libération permanente qui caractériserait l’histoire des Etats-Unis. Cette présentation est fallacieuse. L’idée d’un droit intrinsèque des êtres de nature s’oppose de façon radicale à l’humanisme juridique qui domine l’univers libéral moderne. De « parasite », qui gère à sens unique, donc de façon inégalitaire, le rapport à la nature, l’homme doit devenir « symbiote », accepter l’échange qui consiste à rendre ce que l’on emprunte. Les sources de l’écologie profonde seront donc localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale. Robinson Jeffers, philosophe californien et spinoziste radical qui inspira les travaux d’écologistes profonds tels que George Sessions, en appelle de manière explicite à l’édification d’une philosophie « inhumaniste », seule susceptible à ses yeux de  renverser le paradigme dominant de l’anthropocentrisme.

=> notre analyse : Luc Ferry est un philosophe ayant des lettres, donc mélangeant allègrement Naess, Sessions, Michel Serres, Heidegger, Jonas, … sans citer autre chose de l’écologie profonde que la plate-forme en 8 points. D’ailleurs Arne Naess n’est pas américain, mais norvégien. Il paraît certain que Luc Ferry n’a pas lu sérieusement Arne Naess. Le livre fondateur de l’écologie profonde Ecology, community and lifestyle du philosophe norvégien Arne Naess a été écrit en 1976 et traduit en anglais en 1989.

Que l’on soit convaincu ou non par cette philosophie, on doit reconnaître qu’elle n’est en rien un anti-humanisme. Dans son écosophie, Arne Naess fonde la valeur de la « diversité » en général sur la valeur première de la « réalisation de soi » (self-realisation). La réalisation de soi passe en effet par celle « des autres », et ce qu’il entend par « les autres » excède les limites du genre humain : « La réalisation complète de soi pour quiconque dépend de celle de tous » ou « la diversité de la vie augmente les potentiels de réalisation de soi. » Quant à la radicalité de l’écologie profonde, il faut l’entendre au sens philosophique, et non au sens politique. On voit mal comment l’activisme du professeur Naess, explicitement nourri de l’éthique spinoziste et des principes de non-violence de Gandhi, pourrait nourrir une action « radicale ».

– Le texte* de Luc Ferry : « Dans tous les cas de figure, l’écologiste profond est guidé par la haine de la modernité, l’hostilité au temps présent. L’idéal de l’écologie profonde serait un monde où les époques perdues et les horizons lointains auraient la préséance sur le présent. C’est la hantise d’en finir avec l’humanisme qui s’affirme  de façon parfois névrotique, au point que l’on peut dire de l’écologie profonde qu’elle plonge certaines de ses racines dans le nazisme. Les thèses philosophiques qui sous-tendent les législations nazies (de protection des animaux) recoupent souvent celles que développera la deep ecology : dans les deux cas, c’est à une même représentation romantique des rapports de la nature et de la culture que nous avons affaire, liée à une commune revalorisation de l’état sauvage contre celui de (prétendue) civilisation.

=> notre analyse : Luc Ferry pratique la stratégie de l’amalgame, qui consiste à réduire tout le courant de l’éthique environnementale (sans même épargner les tentatives de Michel Serres ou Hans Jonas) à l’idéal type de la deep ecology, puis à assimiler cette dernière à une résurgence du nazisme. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, peut dès lors emprunter la forme du syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuit que la deep ecology est un éco-fascisme ! Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !!

Cette dérive antiphilosophique de Luc Ferry est d’autant plus dommageable qu’il ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour la deep ecology : « L’écologie profonde pose de vraies questions, que le discours critique dénonçant les relents du pétainisme ou du gauchisme ne parvient pas à disqualifier. Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. »

* Le nouvel ordre écologique (1992)

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journée mondiale pour le climat

Le 10/10/10, c’était la journée mondiale pour le climat, durant laquelle des ONG voulaient mettre l’accent sur le volontarisme : particuliers et entreprises doivent réduire de 10 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici fin décembre 2010. Des actions étaient prévues sous le haut patronage du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. Mais en France, on s’est contenté d’une balade à vélo au Carrousel du Louvre et d’un concert gratuit sur le parvis de l’Hôtel de ville… Le blog du Monde consacré à cet événement a même eu la mauvaise idée de présenter une vidéo britannique dans laquelle ceux qui refusent de réduire leurs émissions de CO2 sont déchiquetés par une explosion. L’ écoloscepticisme s’en trouve renforcé dans les  commentaires :

– Les écolo apparaissent en effet comme des despotes qu’il faut suivre si l’on ne veut pas finir mal!

– Des groupes de pression sont prêts à tuer pour faire avancer leurs idées.

– Pas le moindre message pédagogique dans ce clip. Aucun intérêt, sauf pour les anti-réchauffement qui trouveront de quoi discréditer les écolos une fois de plus…

                En résumé, le climat est mal parti !

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l’écologie est un anti-totalitarisme

La démocratie ne peut être par le peuple, vox populi peut vouloir et accepter le totalitarisme le plus stupide et le plus brutal. La démocratie ne peut être par la dictature de prolétariat, les travailleurs peuvent subir le totalitarisme d’une avant-garde bureaucratique et auto-désignée. La démocratie ne peut être par le libéralisme économique, le vote du consommateur peut se tourner vers les gadgets les plus improbables et les plus nocifs pour les équilibres de la biosphère. En fait, comme le souligne Claude Lefort*,  la démocratie n’est qu’un lieu vide qu’aucune force ne peut définitivement s’approprier. La démocratie est une dynamique résultant de la libre expression, pas de l’expression du peuple à un moment donné. La démocratie, c’est cette tension permanente entre légalité et légitimité, entre soumission aux traditions et ouverture vers un autre social.

                Le libéralisme d’Adam Smith et le communisme de Marx sont deux idéologies qui ont construit le changement sur une dialectique travail-capital financier. Capitalisme et socialisme ont ignoré le capital naturel, d’où cette accumulation de périls baptisés pic pétrolier, réchauffement climatique, extinction des espèces, désertification des sols, etc. Dans une démocratie véritable qui toujours encourage sa propre contestation, il existe cependant des déterminants qui sont biophysiques. Une société humaine ne peut survivre durablement que si elle accepte d’instaurer un équilibre durable avec les écosystèmes. Comme les matrices biophysiques de notre survie sont variables dans le temps et dans l’espace, la délibération humaine ne peut être que plurielle, toujours rattachée à des conditions écologiques particulières.

Il est urgent que le pouvoir politique devienne réaliste et prenne en considération la pérennité des ressources naturelles nécessaires aux générations présentes, aux générations futures et aux non- humains. Il est urgent que l’Etat, source potentielle de totalitarisme, laisse place à des communautés que puissent déterminer elles-mêmes leur autonomie énergétique et alimentaire. Il est urgent de comprendre que seule l’écologie est un anti-totalitarisme car cette vision du monde accepte la diversité des cultures humaines associée à la diversité des écosystèmes. Sinon, ce sera la barbarie d’un fascisme qui sera certainement pas écologiste.

* LeMonde du 9 octobre, Claude Lefort, ni socialisme ni barbarie

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toxicos de l’auto

Il n’est pas étonnant qu’Hervé Kempf consacre une chronique aux « autoxicomanes »*. Hervé Kempf est un des rares journalistes en France qui sache que le pic pétrolier est digne de considération, pas le Mondial de l’automobile. Ce qui est le plus étonnant, c’est que ce soit un journaliste du Monde qui l’écrive et qui en profite pour étriller le média qui le nourrit : «  Les médias ont laissé tout sens critique au garage, ils se sont transformés en démarcheurs publicitaires (…) Comme on ne peut pas penser que la publicité puisse avoir un quelconque effet sur le sens critique des médias, il faut croire que ceux-ci sont autoxicomanes, drogués à l’auto. »

                Nous en tirons la conclusion que les rédacteurs du Monde savent pertinemment qu’il faudrait consacrer plus de pages au pic pétrolier qu’au Mondial de l’automobile. Mais ils sont encore soumis aux recettes publicitaires provenant de l’industrie automobile, laissant à Hervé Kempf sa petite rubrique iconoclaste pour éclairer l’avenir : un jour les autoroutes auront le même destin que les pyramides d’Egypte, ne servir à rien. L’évolution des mentalités, le sevrage des toxicos de l’empire mécanique, passera par l’évolution des médias avant même de passer par le changement politique.

LeMonde du 6 octobre, Autoxicomanes.

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trop de touristes prennent l’avion

Aujourd’hui nous ne parlerons pas du tourisme par avion qui profite d’un kérosène détaxé pour abîmer des contrées lointaines et détériorer le climat. Aujourd’hui nous ne parlerons pas du tourisme du troisième âge qui multiplie les « long-séjouristes » puisqu’ils ont tout le temps. Nous parlerons de l’article du Monde « les retraités jouent les oiseaux migrateurs »* qui n’est en fait qu’une publicité déguisée pour les agences de tourisme.

Le journaliste François Bostnavaron cite « Sangho, Meditrad, Look Voyages, Marmara, Fram, Thomas Cook » pour n’oublier personne ou presque. Cela constitue les 4/5 de son article, sans aucune ombre au tableau idyllique qui est tracé : « On le voit, toutes les formules sont tentantes ». Pour conclure, François Bostnavaron nous conseille d’éviter les mauvaises surprises « en découvrant que les massages et le spa ne sont pas inclus ». Faut vraiment tout avoir quand on accède au troisième âge ! Heureusement un article même page mais bien moins long nous ramène sur Terre : Près d’une personne âgée sur deux ne part pas en vacances… Mais c’est surtout pour parler du soutien par le secrétariat d’Etat au tourisme permettant l’accès aux vacances pour le plus grand nombre :

par avion ?

* LeMonde du 7 octobre, page 27

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non à la fécondation in vitro

L’instinct maternel n’existe pas, avoir des enfants n’est pas un droit sans limites. En quoi par exemple la lutte contre la stérilité améliore-t-elle les  relations de l’humanité avec notre Terre-Mère ? La page Planète* consacre pourtant une page entière au britannique Robert Edwards, nouveau prix Nobel de médecine pour le développement de la fécondation in vitro. Que disent les scientifiques ?

René Frydman, « père » d’Amandine, premier bébé-éprouvette français en 1982, conçoit bien que la procréation médicalement assistée soulève une série de problèmes de nature éthique. Mais comme René Frydman est un scientifique au service de la technique, il n’a plus de repères si ce n’est les moyens de son financement ou l’ambition de sa notoriété. Tout devient alors possible dans le monde des riches : « Avec une dizaine d’embryons humains conçus in vitro, nous savons maintenant obtenir une lignée stable et immortelle de cellules souches. Imaginons que nous soyons capables de les faire se transformer in vitro en ovocytes ou en spermatozoïdes, pour un seul individu le nombre de descendants conçus in vitro n’aurait plus de limite. Il s’agit ainsi d’obtenir une forme d’immortalisation de la fertilité. » René Frydman n’envisage qu’une seule contrainte : il trouve impossible de remplacer la présence d’une mère pendant la durée de gestation et rejette ainsi le projet de créer un utérus artificiel ! Les présupposés des technolâtres se nichent dans les détails.

Jacques Testart a été le co-auteur avec René Frydman du bébé expérimental Amandine. Dans son livre de 2006, « Le vélo, le mur et le citoyen », Jacques Testart poussait un cri de colère : une recherche finalisée crée immédiatement le maquignon derrière tout chercheur qui trouve. Après avoir initié la stratégie des mères porteuses qui permet à une femelle remarquable de faire naître plusieurs veaux chaque année en transplantant dans les matrices de vaches ordinaires des embryons sélectionnés, il avait compris l’inanité de  sa tâche : en 1972, les excédents laitiers sont généralisés en Europe ! Il avait alors aidé à résoudre l’infécondité des couples humains. Avait-il enfin compris qu’on ne pouvait penser la recherche-développement en faisant l’impasse sur ses conséquences sociale-écologiques ? Non. Il a combattu les plantes génétiquement modifiées, pas les humains artificiellement créés. Quand Jacques Testart parle des couples séduits par la fivète (FIV, fécondation in vitro), il fait preuve d’une conception très limitée  de la démocratie : « Toutes les considérations du genre « Faut-il forcer la nature ? », « Il y a l’adoption ! », ne méritent d’être réfléchies que par les couples stériles eux-mêmes. L’important est de reconnaître la légitimité de la demande d’enfant formulée par un couple ». Jacques Testart fait du désir d’enfant une nécessité historique : «  Il n’y a ni caprice ni perversion, seulement l’expression ancestrale d’un désir obscur et partagé. On peut convenir que la fivète est une expérience, mais il n’y a aucune raison de la refuser aux demandeurs inféconds ».

Ces raisonnements non scientifiques révèlent des présupposés éthiques reposant sur la croyance que la stérilité, c’est le mal absolu. Mais le traitement de la stérilité n’est pas fait pour le bénéfice d’un enfant qui naîtra dans un monde déjà surpeuplé, mais pour le seul bénéfice de parents qui se refusent à assumer leur stérilité. Du point de vue écologique, il n’y a rien à gagner dans la manipulation du vivant quand cela touche les mécanismes de l’évolution (stérilité d’un couple, cohésion génétique des espèces…). Il faut savoir refuser de faire une partie de ce que la technique nous permet de faire, il faut retrouver le sens des limites.

* LeMonde du 6 octobre 2010, Le père de la fécondation in vitro Nobel de médecine

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pression du confort et salage des routes

Nos lendemains ne vont pas être tristes. Déjà pour une simple suspension de salage des routes l’hiver, le maire d’Annemasse se faisait insulter dans la rue et le maire de Thonon-les-Bains s’est fait agresser par ses administrés*. Le confort des automobilistes est si précieux que l’excès de sel pourtant nuisible pour la faune, la flore et les nappes phréatiques ne compte pas. Pour combattre la menace écologique, il faudrait modifier en profondeur notre mode de vie présent, ce qui est précisément, la pression de confort aidant, la solution la plus inadmissible pour le citoyen moyen. La pression du confort, c’est l’intégration dans un réseau sans lequel nous estimons ne pas pouvoir vivre : la bagnole individuelle, le TGV, l’ordinateur à la maison, le téléphone portable, toutes techniques en arrière desquelles se profile évidemment la silhouette des centrales nucléaires et l’épuisement des champs de pétrole. Il semble illusoire pour l’instant de demander à des gens vivants en symbiose avec le bien-être artificiel de ralentir à tous les sens du terme, matériellement et psychiquement, de se déconnecter ne serait-ce que quelques jours, laisser sa voiture au garage quand il neige trop, se contenter d’admirer la nature enneigée.

                Des « philosophes » comme Dominique Lecourt n’aident pas à la prise de conscience**. Pour Dominique Lecourt, la croissance ne peut rencontrer les limites de la planète. Pour Dominique Lecourt, il suffit de redécouvrir les valeurs de l’humanisme. Ce qui se résume en fait à cet acte de foi : « C’est par un effort massif dans la recherche et l’innovation que l’humanité aura chance de se tirer de la mauvaise passe où certains voudraient la voir se complaire. » Avec une telle hauteur d’esprit, il est clair que les interférences entre le salage des routes et les équilibres de la biosphère n’a sans doute aucune importance. Il est vrai aussi que pour Dominique Lecourt, le consensus autour de la question du réchauffement climatique n’a rien de scientifique. L’agrégation de philosophie ne mène pas nécessairement à la sagesse et à la clairvoyance.

* LeMonde du 5 octobre 2010, le salage des routes affecte les nappes phréatiques.

** Figaro du 3 octobre 2010, l’humanisme menacé par l’écologie.

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villes lentes, villes en transition

La révolution des « villes lentes » comme Ségonzac gagnent la France*, les villes en transition le reste du monde. Comme l’article du Monde est complet sur le mouvement Cittaslow initié par Pier Giogio Oliveti, allons voir du côté des villes en transition. Il ne s’agit pas simplement d’aménagements ponctuels, création de jardins partagés, structuration d’un marché de producteurs locaux,le cognac comme culture de la lenteur… il s’agit de promouvoir un nouveau modèle de société qui part du bas et qui tend à l’autonomie alimentaire et énergétique.

               Une stratégie de transition permettrait l’imbrication d’une multitude de plans locaux de limitation énergétique à l’image de celui de Totnes (9000 habitants)**. En effet, selon les travaux de nombreux spécialistes du réchauffement climatique et du pic pétrolier, nous ne disposons plus que d’une vingtaine d’années avant que les effets perceptibles de l’accumulation des crises ne nous fassent basculer dans une gestion permanente de l’urgence. Pour plus de résilience, l’autonomie et la relocalisation seront donc nécessaires. La publication au printemps 2010 du plan local de descente énergétique de Totnes, le premier à être réellement consistant, est un jalon important dans l’histoire du mouvement. Ouverts à tout habitant de Totnes désireux de s’y investir, des groupes thématiques ont été formés sur l’alimentation, les transports, l’énergie. Le plan de descente énergétique est donc le fruit d’un grand travail d’imagination collective, plutôt que le produit d’une expertise externe. Le résultat est pourtant bien plus ambitieux et visionnaire que ce que peuvent produire les démarches institutionnelles et vaguement coopératives telles que les Agenda 21 ou les plans climat territoriaux.

Il n’y a qu’au niveau local que nous avons une chance de pouvoir reprendre en mains notre futur.

* La révolution des villes lentes gagne la France (Le Monde du 3-4 septembre 2010)

** Transition in Action : Totnes and District 2030, an Energy Descent Action Plan de Jacqi Hodgson et Rob Hopkins (2008)

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Contador, t’as tort

Il y a la voix du peuple*, Contador est soutenu par tous les Espagnols, Contador est une personne propre, Contador nous explique le clenbutérol de façon convaincante, si la suspension pour dopage de Contador était confirmée, ce serait une injustice terrible… Et puis il y a la voix de la science**. Contador a affiché une puissance moyenne de 417 watts dans les cols, ce qui signe un dopage lourd avéré. Contador aurait besoin d’une VO2 (consommation maximale d’oxygène) de 99,5 ml/min/kg, un chiffre qui n’a jamais été atteint par aucun athlète dans aucun sport. Le clenbutérol*** trouvé dans les urines de Contador proviennent plus que probablement d’une transfusion sanguine avec son propre sang, extrait plusieurs mois avant alors qu’il utilisait du clenbutérol. La présence concomitante de résidus de plastique signerait la présence de la poche utilisée pour stocker le sang des transfusions. La voix du peuple contre la voix de la science, est-ce l’arrêt de mort d’une procédure démocratique sans consistance ?

                Notre époque est ainsi faite que la croyance religieuse s’effiloche alors que les croyances en n’importe quoi progressent. On croit que le cyclisme est la discipline reine et que ses champions sont au-dessus de tout soupçon. On croit que le réchauffement climatique est une pure invention. On croit que l’évidence n’a pas de raison d’être. Aujourd’hui l’irrationnel a changé de camp. Les thuriféraires de l’exploit sportif reflètent une société pervertie qui fabrique le consentement à l’inacceptable. On assiste au triomphe du sport spectacle, vivant sous la stimulation constante du culte des idoles. Le type d’être humain façonné par la société occidentale rend alors problématique tout engagement supposant une projection dans la durée.

                C’est pour cela, société du spectacle frelaté et société de consommation de tous produits, même les plus pervers, que le citoyen se retrouve dans l’incapacité de réfléchir vraiment aux enjeux écologiques du long terme. C’est pour cela que les procédures démocratiques ne reflètent que l’instant qui passe et non l’urgence écologique.

*L’Espagne fait bloc derrière son champion (LeMonde du 2 octobre)

**Les prouesses du coureur étonnaient les spécialistes (LeMonde du 1er octobre)

***Mauvais sang pour Alberto Contador (LeMonde du 2 octobre)

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l’Inde, entre Gandhi et l’absurde croissance

L’Inde est redevable à Gandhi des recettes qui auraient pu sauvegarder son autonomie. Le premier mouvement de résistance non violente conduit par Gandhi, de 1919 à 1922, avait pour thème la charkha (petit instrument ancestral de filage) et le khadi (toile artisanale), base d’une prospérité écrasée par la « machinerie de Manchester ». Gandhi voyait un grand danger dans toute innovation propre à élargir le fossé entre possédants et pauvres en induisant des besoins asservissants et impossibles à satisfaire. En 1930 en Inde, le mahatma avait entamé une campagne de désobéissance civile contre la taxe sur le sel imposée par la Couronne britannique. Ce modèle (philosophie du rouet) refusait techniques dures et intrusion des pays riches. Aujourd’hui, l’Inde bloque des projets miniers qui ne tiennent pas assez compte de l’environnement et des populations locales (LeMonde du 1er octobre). Gandhi, toujours ?

Malheureusement, il s’agit un blocage très partiel, l’Inde reste vouée à la croissance « durable ». Si les tendances se poursuivent, le nombre de voitures passera de 2 millions en 1971 à 537 millions en 2030. L’Inde fait de la surenchère par rapport à Renault (la Logan), le constructeur Tata commercialise une voiture à bas prix, la Tata Nano. L’Inde ne possède encore que 9 véhicules pour 1000 habitants. A quand le même taux d’équipement qu’en Allemagne, 450 pour 1000 habitants ? L’Inde deviendrait avant 2025 le troisième importateur net de brut, derrière les Etats-Unis et la Chine, et le troisième émetteur de CO2. Automobile et pétrole, produits de luxe et consommation de masse, l’Inde suit les traces des pays occidentaux et perd son âme.

Il n’y a qu’un domaine où l’Inde est vraiment à l’avant-garde de la souveraineté protégée. Elle n’a obtenu que trois médailles aux derniers Jeux Olympiques ; elle se fout complètement de la compétition dans le domaine sportif qui n’est pas le sien. Et puis, il n’est pas interdit d’espérer : Jairam Rasesh, ministre de l’environnement a interdit la culture commerciale de l’aubergine OGM. A quand le retour à Gandhi autour de l’idée du swadeshi (l’autosuffisance nationale) ?

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mourir écolo

Nu je suis né, nu je mourrai. Nous voulons être enterrés à même la terre, sans habits ni cercueil, offrant nos restes à dame Nature. De toute façon, tu es poussière et tu retourneras poussière. Notre temps est un cycle, se décomposer lentement, revivre autrement ; la gestion de ton cadavre doit participer au recyclage global. Si nous étions un peu plus sophistiqués, nous ferions comme à Paris ; la commune fournit une sépulture gratuite aux personnes décédées sans ressources ni famille. Des caissons en béton étanche sont équipés d’un système d’introduction de l’air afin que les espèces qui aident au recyclage de l’organisme puissent accéder au festin. L’oxygène accélère le dessèchement du corps et l’évacuation des gaz de décomposition est assurée. Il n’y a aucune pollution et le caveau peut être récupéré à l’infini : tous les cinq ans, il est à nouveau disponible.

Voici un peu moins écolo. LeMonde du 30 septembre nous présente un cimetière « vert » made in Australia. A Kemps Creek, il faut un cercueil, des vêtements biodégradables et pas de pierre tombale ni plaque commémorative. Alors le GPS est recommandé pour suivre notre trace évanescente, c’est l’émetteur dans le cercueil qui guidera les survivants.

Même le temps de notre sépulture est récupéré par le greenwashing, c’est lamentable et anti-écolo. Le souvenir des morts est dans notre tête, pas au chevet d’un corps en décomposition.

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Le journal Le Monde et l’action directe

Il est si rare qu’un quotidien d’information générale incite à la désobéissance civile qu’on ne peut que le remarquer. Hervé Kempf, dans « le sable de Cancun », ne se contente pas de constater que Greenpeace et l’écologiste Bill McKibben ont lancé un appel à l’action directe non-violente : « Nous sommes face aux industries les plus puissantes du monde, nous ne les vaincrons pas en étant gentils. » Après l’échec de Copenhague, les négociations internationales sur le climat s’enlisent et Cancun en décembre ne fera sans doute pas exception. Hervé Kempf pense dorénavant que seul un mouvement civique dont les membres s’impliquent physiquement peut maintenant « faire pencher la balance dans le bon sens ». Hervé Kempf prend même l’exemple des faucheurs volontaires qui ont fait preuve d’une « lutte efficace ». Hervé Kempf de conclure : « Les citoyens du climat pourraient s’en inspirer. »

Contre Hervé Kempf, la réaction d’Ebolavir dans le monde.fr : « Entre la construction d’une légende (la libéralisation du commerce international arrêtée par les altermondialistes) et l’appel au terrorisme, on a l’impression que le réchauffisme dérive dangereusement. »

Notre commentaire : D’abord merci à Hervé. Il est trop rare qu’un journaliste prenne position face à l’inertie du monde politique officiel, incapable de prendre les mesures qui s’imposent contre les risques écologiques (tout en finançant le système spéculatif à coups de milliards). Protester en dehors des limites prescrites par la loi, ce n’est pas combattre la démocratie. Cela lui est au contraire absolument essentiel. Une sorte de correctif à la lenteur des canaux habituels, une manière de forcer le barrage de la tradition. Ensuite non à Ebolavir : faut pas pousser, l’action directe non-violente n’est pas du terrorisme. Le « terrorisme » est du côté des grandes entreprises qui utilisent tous les moyens pour perpétuer leur emprise. Le « terrorisme » est du côté des grands groupes qui ont manipulé l’opinion publique pour cultiver le climato-scepticisme. Le « terrorisme » n’est pas du côté de l’action non-violente des ONG et des citoyens du climat.

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mesure d’urgence au journal Le Monde

thèse : Ancien membre du conseil scientifique de l’Institut français du pétrole, Bernard Durand annonce la survenue du pic pétrolier dans cinq à dix ans. Il suggère des « mesures d’urgence » pour endiguer une crise économique sans précédent (LeMonde du 29 septembre).

antithèse : Supplément du Monde du 29 septembre sur le Mondial de l’automobile ; grande photo sur un monstre de 288 ch, vitesse de pointe à 240 km/h. Voitures électriques et greenwashing

synthèse : Première mesure d’urgence à prendre, supprimer les présentations de bagnoles dans LeMonde. Ce qui veut dire soutenir l’indépendance de la presse face au pouvoir publicitaire…  

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