Les points de vue d’après Sainte-Soline sur l’utilité ou non de la violence militante sont très différents dans le mensuel « La décroissance » de mai 2023. Mais la destruction de biens nuisibles à l’environnement prônée par Andreas Malm nous semblent un incontournable.
Alain Refalo : La condamnation de la violence policière d’État à Sainte-Soline, à laquelle je souscris, ne saurait passer sous silence la dérive violente de groupes qui n’ont d’autres objectifs que la violence à l’encontre des représentants de l’État… Alors que la violence première provient de méga-bassines qui portent atteinte aux écosystèmes, celle-ci est reléguée au second plan au profit de l’agressivité des manifestants, considérés alors comme la cause première des violences… Le recours à la violence est synonyme de défaite programmée.
Soazic Le Bot : Réaffirmons notre engagement pour la non-violence qui se définit par une ligne rouge : ne jamais s’en prendre aux personnes. Mais quand des biens servent à perpétrer l’injustice sont identifiés, chaque fois que cela est possible, déconstruire plutôt que détruire, démonter plutôt que saccager, défaire plutôt que casser. Multiplier les mises hors service aux effets paralysants peut être important. Des petites pannes mineures peuvent neutraliser des systèmes entiers.
Stephen Kerckhove : Face aux urgences écologiques, avons-nous d’autres choix que ceux d’une action déterminée reposant sur une radicalité pleinement assumée ? A l’heure où notre monde se délite, nous n’avons plus le droit d’être inefficaces. Nous avons une obligation de résultat, au risque d’être co-responsable du drame entraîné par un capitalisme destructeur. La question de la légitime défense écologique, y compris dans sa forme violente, ne peut plus être écartée d’un revers de la main. Gesticuler et cliquer n’ont pour effet qu’entretenir l’idée que nous pourrions stopper l’effondrement en consentement à opérer un petit geste militant… Notre force ne doit pas reposer sur la violence, mais sur le nombre… La fin est dans les moyens.
Laurent Samuel : Pour un « vétéran » qui a participé le 30 juillet 1977 au rassemblement de Creys-Malville contre le surgénérateur nucléaire Superphénix, les reportages en direct de Sainte-Soline avaient un air de déjà vu. A l’époque Vital Michalon est tué, les poumons éclatés par la déflagration d’une grenade offensive. Ce drame semble avoir « vacciné » le mouvement contre la tentation du recours au sabotage, prôné par François d’Eaubonne au nom de la « contre-violence » et qui avait participé en 1975 à un attentat contre la centrale nucléaire de Fessenheim. Près de cinquante ans plus tard, le choc de Sainte-Soline, relancera-t-il les actions citoyennes sur le terrain ? En tout cas le caractère pacifique du rassemblement contre l’autoroute A69 le 22 avril 2023 montre que la violence n’est pas inéluctable. Pour moi, le débat démocratique, l’information du public, la participation aux élections et la résistance civile non-violente restent les meilleurs moyens de convaincre nos concitoyennes de l’urgence d’agir pour sauver le climat et la biodiversité.
Pierre Thiesset (qui classe Andreas Malm comme écoartuffe) : Notre homme revendique haut et fort la violence : « Quand commencerons-nous à nous en prendre physiquement aux choses qui consument cette planète – la seule sur laquelle les humains et des millions d’autres espèces peuvent vivre – et à les détruire de nos propres mains ? » trépigne-t-il dans son fameux livre Comment saboter un pipeline. » Inutile de dire que ce boute-feu s’est délecté du spectacle de Sainte-Soline. La voie que préconise un Andreas Malm quand il assène que l’avenir est « au communisme de guerre écologique », c’est celle du totalitarisme. Avis à Andreas Malm : les mots ont des conséquences. Il est très facile de se faire exalté derrière son clavier, d’appeler du haut de sa chaire universitaire à passer à l’offensive devant l’urgence de la catastrophe écologique… mais quand des corps meurtris sont laissés sur le carreau, on ne peut pas se défausser de sa responsabilité.
Andreas Malm (dans le livre cité par Thiesset) : Deux membres des Catholic Workers, Jessica Reznicek et Ruby Montoya, tout au long du printemps 2017, ont perforé à plusieurs reprises un pipeline en construction. Elles justifient : « Après avoir épuisé toutes les formes d’action possibles, dont la participation à des réunions publiques, la collecte de signatures pour réclamer des études d’impact environnemental, la désobéissance civile, les grèves de la faim, les manifestions, boycotts et campements, nous avons constaté l’incapacité évidente de notre gouvernement (américain) à entendre les revendications populaires. »…
Elles ont fini par sortir de la clandestinité en revendiquant publiquement leurs actions : « Nous prenons la parole pour encourager d’autres à entrer dans l’action, le cœur pur, pour démanteler l’infrastructure qui nie notre droit à l’eau, à la terre et à la liberté. »
Pour aller plus loin grâce à notre blog biosphere
CLIMAT, faut-il saboter les pipelines ?
CLIMAT : « Comment saboter un pipeline »
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« Nous sommes les Soulèvements de la terre »
Urgence écologique, le rôle de la violence
Andreas Malm, le Karl Marx de l’écologie
Noël Mamère prend partie pour la castagne
Je suis assez d’accord avec Pierre Thiesset, au sujet de cet Andreas Malm.
Comme quoi je peux reconnaître que même chez les trotskystes il y a des cons.