Apocalypse Now… ou ménager la chèvre et le chou

Les premiers renoncements apparaissent. Sous pression des électeurs, les gouvernements britannique, allemand ou suédois reviennent sur des décisions favorables à la transition écologique déjà actées. Au Parlement européen, les doutes grandissent sur la pertinence du Pacte vert. En France, la loi sur la lutte contre l’artificialisation des sols ou celle sur le rythme de l’isolation des passoires thermiques sont ouvertement contestées. Les chefs d’Etat ne parlent plus d’urgence écologique et réclament une « pause » dans l’action. L’éditorial du MONDE rentre dans l’air du temps, il faudrait une transition écologique qui ménage la chèvre et le chou ! C’est du défaitisme… qui nous prépare l’apocalypse.

éditorial : Au fur et à mesure que les réglementations et restrictions entrent en vigueur et que les appels à la sobriété énergétique et consumériste se multiplient, la crispation des opinions publiques se fait de plus en plus palpable. Il faut respecter les engagements climatiques tout en sachant créer l’adhésion la plus large possible. Il est donc nécessaire de trouver un discours équilibré : réaliste sans être anxiogène, volontariste en évitant les injonctions péremptoires. lLenjeu ne consiste pas à ce que les gens acceptent la transition comme seul moyen d’éviter la catastrophe. C’est aussi de leur donner l’espoir d’un futur plus enviable que celui qui les attend. Il s’agit de les convaincre que la bataille ne se mène pas contre eux, mais dans leur intérêt. Ce récit d’une transition écologique désirable et juste reste à écrire.

Seule certitude, il doit privilégier l’encouragement plutôt que la culpabilité permanente. Laisser penser que les objectifs sont hors d’atteinte ou qu’ils réclament trop d’efforts conduirait à entretenir un défaitisme.

Le point de vue des écologistes réalistes, donc apocalyptiques

ExtinctionRebellion : Être « réaliste sans être anxiogène » ?!? Les climatologues aimeraient bien, je pense, mais c’est malheureusement impossible. La réalité du changement climatique est anxiogène. L’enjeu est sans doute plutôt d’être lucide, donc réaliste et anxiogène. Perso, c’est plutôt de constater le niveau global d’inconscience, d’égoïsme et d’inaction, qui m’angoisse.

Jacques Py : Cette année cataclysmique qui indique clairement une accélération de l’évolution de cette crise climatique, et il ne faudrait pas affoler les gens ? Nous entrons dans une phase de cette crise climatique qui défie toutes les prévisions et justifie les alertes des scientifiques, et il faudrait continuer à nous hâter lentement. Pourquoi pas affoler si c’est la condition d’une mobilisation devenue urgente !

Tubal : L’ampleur himalayenne des efforts à fournir par tous dans tous les domaines de la vie rend illusoire l’existence d’un discours « sexy » sur ce sujet, qui ne sonne pas comme un enfumage… Il vaut mieux un discours réaliste, qui seul permettra ce qui apparaît aujourd’hui évident : pour atteindre les objectifs climatiques des COP en 2050, seule la contrainte des comportements et l’exemple du châtiment permettrait de surmonter les obstacles dans les délais impartis.

Philémon Frog : Dire que nous sommes très très loin de faire les efforts indispensables pour éviter un effondrement civilisationnel dans 60 ou 75 ans n’est pas du défaitisme, c’est de l’information : soit on prend des mesures radicales, coercitives, assorties de sanctions lourdes en cas de transgression, soit nos enfants auront à reconstruire un monde sur des ruines.

Taz : L’horizon d’effondrement est proche de 30 ans à mon avis, sous l’effet ciseau du RC et de la raréfaction des énergies fossiles au rythme de consommation actuelle.

Michel SOURROUILLE : Longtemps on a vécu comme les « gentils membres » des clubs de vacances qui bronzaient en autarcie dans un camp retranché avec la misère tout autour. Tant que le buffet était plein, la mer chaude et les strings achalandés, pas une seule question à se poser. Pic pétrolier, famines ici ou là, guerre en Ukraine, j’oublie tout. Et puis le niveau de la mer a monté et aussi le prix du baril. Le soleil est devenu notre ennemi… Voilà qu’on ne peut plus consommer la planète ! Le buffet n’est pas à volonté. Comme souvent les catastrophes sont à double lecture : on peut y voir la fin du monde. Ou plus modestement la fin d’un monde. Et l’obligation d’en inventer un autre, de toute urgence. Si possible plus juste, moins prédateur, habitable. Honnêtement, si on n’était pas poussés au cul par les dérangements climatiques, jamais on ne se serait mis au boulot. Merci la catastrophe. Ajoutons que la planète ne négocie pas…

 Certains vont croire que nous sommes obsédés par la fin des temps, nous sommes seulement réalistes, il nous faudra survivre à l’apocalypse, et vivre !

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere.

17 janvier 2020, Australie, les flammes de l’apocalypse

19 octobre 2019, Les vrais activistes de l’apocalypse

5 octobre 2019, L’apocalypse éclairée d’Yves Cochet

22 septembre 2019, Les 8 apocalypses climatiques selon DWW (David Wallace-Wells)

25 décembre 2018, Jean-Baptiste Fressoz annonce l’apocalypse joyeuse

23 août 2018, The End, BD de Zep qui nous annonce l’apocalypse

14 décembre 2017, Quatre degrés séparent la civilisation de l’apocalypse

26 mars 2014, Prêcheurs d’apocalypse, Ph. Aghion et Marc Fontecave

14 mars 2014, La fin du charbon au Royaume-Uni, un air d’apocalypse

21 septembre 2013, un intellectuel face à l’apocalypse, Bruno Latour

29 mars 2013, Nucléaire, scénario catastrophe ou apocalypse vraie ?

10 novembre 2012, Autopsie de l’Apocalypse, Patrick Simon s’égare

14 décembre 2011, survivre à l’apocalypse, les survivalistes

6 novembre 2011, Bruckner etc, écolophobie et réalisation de l’apocalypse

9 janvier 2011, pétrole apocalypse à Paris (conférence sur le pic pétrolier)

5 mars 2010, l’apocalypse devient réelle (Crise écologique, crise des valeurs)

12 septembre 2009, Vision d’apocalypse (Vivre sans pétrole, de J.A. GREGOIRE, 1979)

23 février 2009, prêcheurs d’apocalypse (Fairfield Osborn, La planète au pillage, 1948)

3 juillet 2008, apocalypse now (Yves Cochet et Jacques Grinevald)

BIBLIOGRAPHIE

2005 Pétrole apocalypse d’Yves COCHET

2011 Le fanatisme de l’apocalypse de Pascal Bruckner

2012 Autopsie de l’Apocalypse de Patrick Simon

4 réflexions sur “Apocalypse Now… ou ménager la chèvre et le chou”

  1. – « Le défi climatique se retrouve instrumentalisé […] alors qu’il devrait nous inciter à tous œuvrer dans le même sens [tous ensemble tous ensemble ouai ouai !] Il est nécessaire de trouver un discours volontariste […] De même qu’il n’y a pas eu de mondialisation heureuse, il n’y aura pas davantage de transition écologique douce et harmonieuse […] Le 3 octobre, nous avons appris que la France a poursuivi un rythme de 4,3 % de recul de ses émissions de gaz à effet de serre au premier semestre, pas si éloigné des 5 % inscrits dans la planification écologique [et blablabla] » (Editorial Le Monde)

    C’est exactement le genre de discours «volontariste» pour faire avancer la fumeuse Transition.
    Qui, entendez bien, ne sera ni douce ni harmonieuse. Pour les gueux bien évidemment.
    si Manu arrêtait de déconner avec son jet-ski, l’objectif des 5% serait déjà atteint. 🙂

  2. ON nous rabat les oreilles avec le Réchauffement, les climatosceptiques, l’écologie, la Transition, les économies d’énergie, la sobriété et blablabla. Et en même temps Manu sur son jet-ski, les bagnoles toujours plus grosses, les fortunes toujours plus grosses, les courses mécaniques, les jeux du Cirque, la Compétition, les gadgets et les innovations à la con etc. etc. etc.

    Ménager la chèvre et le chou (satisfaire des intérêts contraires) ne vise qu’à éviter les conflits.
    Cette politique (c’en est une) est a priori louable, personne n’a a gagné avec le Gros Bordel.
    Seulement il faut voir ici qui, de la chèvre et du chou… est le plus ménagé, chouchouté etc.

    1) Qu’est-ce qui explique cette « pause » dans l’action ? (si on peut parler d’action)
    Je l’ai dit X fois, cette Transition n’est qu’un piège à cons. Encore une fois elle ne vise qu’à satisfaire les intérêts des gros (les Total and Co), les tenants du Système. ( à suivre )

    1. Les peuples sont juste appelés à suivre, comme des ânes ou des chèvres, à dire amen.
      Les coups de gueules de ces derniers ne servent que d’alibis aux premiers pour freiner ou accélérer la transition. Parce que ne nous leurrons pas… transition il y a !
      ( transition = état intermédiaire entre un état et un autre. )

      2) Quel est cet état que les Total & Co nous préparent, nous programment ?
      Un état de servitude encore plus grande dans lequel le dit citoyen sera totalement privé de liberté (d’agir et de penser). Un état, un monde, dans lequel l’esclavage sera la liberté, le mensonge la vérité, la guerre la paix etc.

      3) Apocalypse Now… Le Meilleur des mondes … qu’elle est la pire catastrophe ?
      Les écologistes « réalistes, donc apocalyptiques » sont évidemment animés des meilleures intentions. N’oublions pas que l’enfer n’est pavé que de ça. Et que la peur n’est pas forcément bonne conseillère. La Trouille encore moins. ( à suivre )

      1. Ceci dit, n’allons pas croire pour autant que les Total and Co ont déjà gagné la partie. Ceux-là aussi naviguent à vue, il y a tellement d’éléments qui leur échappent, et/ou sur lesquels ils n’ont aucune prise, que l’avenir reste imprévisible. Et heureusement !
        Tout laisse évidemment à penser que l’avenir ne sera pas rose, vert n’en parlons pas, qu’il sera chaud, très chaud etc. Faisons en sorte qu’il ne soit pas plus noir que ce qu’il se doit d’être. En attendant, cultivons la joie de vivre, la solidarité, la simplicité, la bienveillance, les vraies valeurs. Lisons La Décroissance, les textes des Anciens, écoutons François… Gardons le moral, ne sombrons pas dans l’éco-anxiété et le Catastrophisme, encore moins dans le Je-m’en-foutisme, le Grand N’importe Quoi.
        Et pour ça à chacun sa came. 🙂

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