biosphere

conservatisme politique et conservationnisme écologiste

Il y a une définition politique du conservatisme, tout ce qui est hostile aux changements. Cette vision est péjorative puisqu’il s’agit de se satisfaire de ce qui est plutôt que de ce qui pourrait être. Car les partisans de l’innovation ne jurent que par le progrès. Mais a-t-on gagné à faire disparaître le connu pour aller vers l’inconnu ? Michael Oakeshott (1901-1990) creuse le sillon du conservatisme* : « Le conservateur ne saurait sacrifier à la légère un bien connu pour un mieux inconnu. (…) Pour lui, se trouver égaré, dérouté ou naufragé n’a rien de magique. S’il est contraint de se lancer sur des eaux inconnues, il considère comme une vertu de sonder les profondeurs à chaque encablure. » Enfin une analyse qui se différencie de la gauche progressiste et de la droite risque tout. Enfin une analyse qui rejoint la formulation actuelle du principe de précaution inscrit dorénavant dans la Constitution française malgré tous les cris d’orfraie des techno-scientifiques. Oakeshott critique les gourous du management, qui considèrent que le conservatisme est « une gêne malencontreuse pour le développement en cours ».

Cette prise de position rejoint la nécessité de conserver la nature contre la puissance technique et économique de l’activité humaine. L’environnementalisme anthropocentrique est l’hériter de la « conservation » dont le chef de file fut Gifford Pinchot (1865-1946) qui prônait l’usage avisé des ressources naturelles. On ne passe pas contrat avec des plantes, des animaux, des machines ou des gènes, objets et non sujets de transactions ; la protection qui leur  est accordée découle de l’intérêt que les humains tirent de leur contrôle et de leur bonne conservation. Mais il y a aussi une autre approche, plus profonde, de la conservation de la nature : la conservation de la biodiversité nous invite à repenser notre rapport au monde vivant. Les évaluations économiques, l’extension de la quantification, sont incapables de rendre compte des valeurs en jeu. Mesurer, calculer, c’est s’épargner la véritable tâche qui nous incombe, celle d’une réflexion profonde sur ce qui nous lie et nous oblige, vis-à-vis de nos contemporains, des générations futures et du monde naturel.

Aldo Leopold** défend la thèse selon laquelle la conservation de la nature est un état d’harmonie entre les hommes et la terre : « Toutes les éthiques élaborées jusqu’ici reposent sur un seul présupposé : que l’individu est membre d’une communauté de parties interdépendantes. Son instinct le pousse à concourir pour prendre sa place dans cette communauté, mais son éthique le pousse aussi à coopérer… L’éthique de la terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre… Sur les 22 000 plantes et animaux supérieurs originaires du Wisconsin, il y en a peut-être 5 %, à tout prendre, qui sont successibles d’être vendus, mangés ou utilisés de quelque manière que ce soit à des fins économiques. Pourtant ces créatures sont des membres de la communauté biotique et si (comme je le crois) la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elles devraient alors avoir le droit de continuer à exister. »

* LE MONDE économie du 13 juin 2012, du bon usage du conservatisme

** Almanach d’un comté des sables d’Aldo Leopold (1946)

conservatisme politique et conservationnisme écologiste Lire la suite »

la vérité médiatique sur les climatosceptiques

Le trophée Diderot-Curien a été remis pour la première fois à deux journalistes : Stéphane Foucart (Le Monde) et Sylvestre Huet. Le physicien Etienne Klein en donne clairement la raison : « Sans doute avez-vous lu comme moi un livre intitulé « 1984 » dans lequel George Orwell  montre que dans les régimes totalitaires, la vérité est toujours mise en question. Ce n’est pas seulement que les hommes politiques des régimes totalitaires recourent plus qu’ailleurs au mensonge : c’est plutôt que la distinction même entre la vérité et le mensonge devient floue dès lors qu’elle est mise en face d’exigences purement pragmatiques d’utilité et de convenance. Dans ces régimes, ajoute Orwell, même la science n’est plus invulnérable aux attaques idéologiques, et la notion d’information objective perd de son sens : l’histoire se trouve réécrite en fonction des besoins du moment, et les découvertes de la biologie ou de la physique peuvent elles aussi être niées si elles sont jugées inappropriées. Lorsqu’il advient, un tel état des choses constitue ce qu’on pourrait appeler le « triomphe cognitif du totalitarisme » : on ne peut même plus l’accuser de mentir puisqu’il a préalablement réussi à abroger l’idée même de vérité… Il y a quelques temps, je pensais encore que ce danger ne menaçait que les pays totalitaires. Mais la vraie-fausse controverse sur le changement climatique m’a fait douter car elle venait illustrer au sein même des sociétés démocratiques la nouvelle fragilité du discours scientifique, sous l’effet conjoint de deux phénomènes : d’une part des « conspirations en plein jour», c’est-à-dire des mensonges publiquement assénés ; d’autre part des stratagèmes pour ne pas accorder de crédit à ce que nous savons, surtout si les implications intellectuelles ou pratiques de ces savoirs nous dérangent… Heureusement  il existe des journalistes scientifiques courageux et compétents qui, inlassablement, débusquent et dénoncent les contre-vérités. »

Le combat des auto-proclamés « climato-sceptiques » Claude Allègre et Vincent Courtillot – a produit un effet médiatique dévastateur en raison de la complaisance montrée par de nombreux médias de masse – télés, radios, périodiques – pour un discours en définitive fondé sur une sorte « d’anti-science », dont l’un des résultats est de faire reculer dans l’opinion publique la compréhension du fonctionnement de la science contemporaine.

Si Stéphane Foucart et moi-même ont finalement pu résister à la pression, y compris à l’intérieur de nos journaux, et pu dénoncer les « mensonges«  dont parle Etienne Klein, c’est aussi en raison de la mobilisation des scientifiques de cette discipline, insultés sur la place publique par Claude Allègre.

Sylvestre Huet

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2012/05/le-prix-diderot-curien-de-lamcsti-remis-%C3%A0-deux-journalistes.html

LE MONDE du 12 juin 2012 n’a fait qu’une brève sur la question

la vérité médiatique sur les climatosceptiques Lire la suite »

La fée électricité est-elle une mégère ?

L’électricité, pourquoi faire ? On ne se pose jamais assez cette question. Nous n’avons pas besoin de lumière artificielle la nuit. Même s’il s’agit de s’éclairer à l’énergie solaire. Un article du MONDE* célèbre le photovoltaïque en Inde : « On nous a expliqué que l’électricité pouvait venir directement du soleil sans passer par le gouvernement (grâce au photovoltaïque)… Ca ne vaut pas l’électricité des riches (branchés sur le réseau), mais au moins mon mari n’a pas à parcourir des kilomètres pour recharger son portable et je pourrai fabriquer davantage de cigarettes le soir. » S’il s’agit de faire fonctionner un portable ou, plus grave, de fabriquer des cigarettes, nous ne voyons pas l’avantage d’une électricité photovoltaïque. Les pauvres devraient se contenter de la lumière offerte directement par le soleil, les riches aussi… La lumière artificielle la nuit détériore nos rythmes circadiens et nous fait travailler plus que de raison !

En fait LE MONDE vante les start up, ces entreprises qui font du bénéfice sur les pauvres en Inde. Pour l’achat d’un panneau solaire qui alimente deux ampoules et une prise électrique, Selco cible ceux qui gagnent entre 2 et 3 dollars par jour ! Ce qui veut dire que 95 % des clients contractent un emprunt pour ce panneau. Pour un équipement dont la garantie n’est que de huit ans. Les 300 millions d’Indiens qui ne sont pas encore privés d’électricité ne connaissent pas leur bonheur, ils ne sont pas encore esclaves de la fée électricité…

La lumière directe du soleil est un bien indispensable, pas l’électricité et les cellules de silicium.

* LE MONDE du 12 juin 2012, En Inde, des pauvres s’éclairent à l’énergie solaire

La fée électricité est-elle une mégère ? Lire la suite »

Dieu est grand, le virus est son message

« Jean-Michel est un fanatique convaincu que  son dieu est sa religion vaincront. C’est de son devoir de croyant de mener le combat de Dieu pour ses frères humiliés de par le monde. Dans le laboratoire du centre de recherche biologique où il est employé, Jean-Michel a travaillé dur. Il a étudié des échantillons de virus prélevé sur des volailles asiatiques. Il a trouvé une forme de ce virus qui est très agressive, mais qui a un temps d’incubation assez long. Cela peut permettre une propagation efficace, d’autant que le virus s’étend aussi bien de manière aérienne que par les fluides. Ce virus n’est pas mortel, du moins c’est ce que pense Jean-Michel. Il compte en badigeonner le contenu sur les poignées de porte des hôtels, il en déposera dans les avions. Il a fait exploser sa carte de crédit, mais ça en vaut la peine. Au cours des deux prochaines semaines de congé, il va beaucoup voyager, Paris, Londres, Miami, Francfort, Milan… Dieu est grand ! »

In Survivre à l’effondrement économique de Piero San Giorgo (p.126)

« Jean-Michel regrette ce qu’il a fait. Le virus qu’il a libéré a fait des ravages. Il n’était pas mortel pourtant, mais le chaos qui en a résulté a été gigantesque. Toutes les grandes villes ont été rapidement touchées. L’effondrement du système hospitalier puis de toute  l’économie a plongé le monde dans une spirale de violence inouïe. Jean-Michel attend l’inévitable dans la chambre où il s’est réfugié. Des immeubles sont incendiés par les pillards, Il a peur. »

In Survivre à l’effondrement économique de Piero San Giorgo (p.183)

« En juin 2001, le gouvernement des Etats-Unis a mis en œuvre un exercice de simulation d’épidémie : l’opération Dark Winter. Il s’agissait de tester la résilience du système hospitalier en cas d’épidémie. Les résultats ont montré que tout le système allait très vite s’effondrer. Dans la simulation, le virus en question n’a pas pu être contenu et, en quatre jours seulement, il s’était propagé au-delà des frontières, et allait provoquer le même chaos à travers le monde. Si un tel virus était lâché dans la nature par un Etat ennemi ou par une organisation terroriste, les effets seraient dévastateurs. Les élites d’un Etat totalitaire, craignant de perdre son statut ou simplement voulant réduire une population trop consommatrice de ressources, pourraient utiliser un virus contre sa propre population. Ce n’est pas un scénario à exclure. Les donneurs d’ordre pourraient choir de faire vacciner ceux qui seraient désignés pour survivre. Après tout, si des dictateurs comme Hitler, Staline, Mao ou Pol-Pot ont pu donner l’ordre d’assassiner une partie de leur population, qui nous assure qu’il en serait différemment aujourd’hui ? »

In Survivre à l’effondrement économique de Piero San Giorgo (p.125)

Dieu est grand, le virus est son message Lire la suite »

Locavore, l’art de cuisiner dans le futur

Les locavores mangent local. Tout ce qui n’a pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 km (ou 30, ou 200) est interdit de séjour dans les assiettes de ceux qui adoptent la façon de manger locavore.  Le New Oxford American dictionary a fait de locavore son mot de l’année 2007. Ce sera le mot d’ordre du XXIe siècle. Pour économiser l’énergie et conforter la sécurité alimentaire, il faudra produire et consommer le plus possible localement sa nourriture. Mais le locavore que nous deviendrons tous de gré ou de force après le choc pétrolier n’aura pas la vie facile. Manger local, ce sera souvent faire vache maigre, avec de préférence un régime très végétarien. Une compensation cependant, manger quelque chose de local nous permet de rencontrer de vraies personnes, et pas seulement des liens abstraits car simplement monétisés. C’est par exemple la tentative des AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne) en France ou ailleurs, qui associe étroitement un producteur local et ses clients.

Le rôle des médias est essentiel dans l’inversion des interactions spéculaires, c’est-à-dire notre condamnation du consumérisme en imitant d’autres modèles. Prenons le programme télévisons du 4 au 10 juin 2012 : Cinq familles deviennent locavores dans « 200 km à la ronde » sur France 5, tous les jeudis à 20h35 à partir du 7 juin. Voici le témoignage de Didier Guillot : « On nous a vidé le frigo. Il ne nous restait qu’une bouteille d’huile d’olive d’un ami de Lézignan et un bocal de cornichons et de piments de mon père. Pas de café, pas de chocolat, pas de corn flakes, pas de sucre… Le premier matin, nous avons cueilli trois fraises au jardin et fait une tisane de romarin. Et après, nous avons filé au marché de Bérat faire des courses locales. Puis, tout s’est mis en place petit à petit. Nous avons trait des vaches, ramassé du miel, fait réduire de l’eau de mer pour avoir du sel, aidé un vigneron à Montauban, fait un concours de pizzas à Lézat et rencontré plein de producteurs locaux qu’on ne soupçonnait pas. Nous avons partagé un repas « locavore » au restaurant avec 55 convives… »

Etre locavore, c’est remplacer le temps passé à travailler pour courir les grands magasins par un temps plus long consacré à la cuisine, en épluchant les légumes ou cultivant son potager. Nous avons tout à y gagner…

Locavore, l’art de cuisiner dans le futur Lire la suite »

anthropisation et fin de l’humanité « humaniste »

Aujourd’hui 43 % des écosystèmes terrestres sont anthropisés, utilisés pour subvenir aux besoins de 7 milliards d’humains. Une simple règle de 3 suggère qu’il faudra faire grimper ce taux à quelques 55 % pour 9 milliards d’envahisseurs en 2050*. Comme l’activité humaine a besoin pour perdurer de s’accompagner de biodiversité, autant dire que nous sommes à la veille d’une « bascule abrupte et irréversible » comme le note la revue Nature. Une étude d’Anthony Barnosky, cosignée par une vingtaine de chercheurs, pointe l’imminence, d’ici à « quelques générations », d’une transition brutale vers un état de la biosphère terrestre inconnu d’Homo dit sapiens depuis l’émergence de l’espèce, voici quelque 200 000 ans. Alors il faut voir la réalité, pas dans les discours politiques, à la télé !

Mardi 5 juin, Arte diffusait « Survivre au progrès », un documentaire de Roy et Crooks inspiré de Brève histoire du progrès, de Ronald Wright. Notre espèce mérite de s’éteindre, elle y travaille durement. La course à la croissance, la doctrine du progrès bienfaisant, la société de surconsommation conduisent-ils inéluctablement l’humanité à sa perte. Notre cerveau n’a que très peu évolué depuis 50 000 ans, et il réagit encore à des stimuli primaires. Les mécanismes primitifs de notre matière grise seraient parfaits pour résoudre les problèmes immédiats ; moins pour les prises de décision à long terme. Aucune raison de se croire supérieurement intelligent alors que nous détruisons jour après jour notre habitat**. Comme l’écrivait Ronald Wright, « Si la Biosphère ne peut plus assurer notre subsistance parce que nous l’aurons dégradée, la Nature haussera simplement les épaules en concluant que laisser des singes diriger un laboratoire était amusant un instant, mais que, en fin de compte, c’était une mauvaise idée ».

Soyons clairs, la démocratie est menacée. Si les individus doivent choisir entre la sécurité et la liberté, ils choisissent l’autorité. L’extrémisme sera une solution de court terme aux problèmes du long terme. Donc ce ne sera pas une solution. Pourtant, dans deux semaines, nous constaterons que la conférence internationale Rio + 20 débouchera sur du vide.

* LE MONDE, 8 juin 2012 La biosphère mondiale à la veille d’une crise irréversible

** LE MONDE, 7 juin 2012 Le piège du progrès

anthropisation et fin de l’humanité « humaniste » Lire la suite »

contre l’anthropocentrisme de l’art et des élections

L’Américaine Carolyn Christov-Bakargiev dénonce l’anthropocentrisme et plaide pour « l’émancipation » – et non la protection – des animaux et des plantes. « il n’y a aucune différence fondamentale entre les femmes et les chiens, ni entre les hommes et les chiens. Il n’y en a pas non plus entre les chiens et les atomes qui constituent mon bracelet.  » (…) « La question n’est pas de savoir si nous devons accorder le droit de vote aux chiens ou aux fraises mais comment une fraise peut faire part de son intention politique ». Selon Carolyn, dans une vraie démocratie, tous doivent pouvoir s’exprimer*.

S’exprimant ainsi, Carolyn aborde la question des acteurs absents, ceux qui ne participent pas à la prise de décision, mais qui sont pourtant concernés par cette prise de décision : non seulement les non-humains, mais bien sûr aussi les générations futures. Tout le problème est de savoir comment accorder un droit de vote à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Tout simplement en s’en faisant leur représentant. Un décisionnaire qui ne représente pas dans ses choix une bonne analyse dans l’espace (considération de tous les éléments de la planète) et dans le temps (considération du futur) n’est pas un bon démocrate.

Carolyn Christov-Bakargiev va encore plus loin, elle remet en cause les fondements anthropocentriques de l’art. Il n’y a « absolument aucune différence » entre l’art humain et des produits créés par les animaux. « Construire une ruche a aussi un sens supérieur », remarque-t-elle. N’y aurait-il donc rien de particulier qui caractériserait l’art ? « Rien. Rien ou tout. Vous dites qu’il y a un lien entre une peinture rupestre et un Mondrian parce que vous venez de l’histoire de l’art et non de la physique quantique. Mais quand vous regardez pourquoi les hommes des cavernes peignaient, cela ne se différencie pas fondamentalement de la raison pour laquelle l’araignée tisse sa toile. C’est une question de survie, de nourriture et de plaisir. »

                L’art n’est qu’une technique à laquelle on attribue une valeur esthétique. Au début la diversité des pratiques musicales et gestuelles dans les sociétés premières, c’était l’art de communier dans un groupe. Puis l’art dans les sociétés complexes a été relié à une religion, puis au soutien d’un ordre politique. Maintenant c’est l’art marchand dont le contenu devient l’absence de contenu, autrement dit la licence de faire n’importe quoi pourvu que ça se vende. L’idée de communication sociale s’est fourvoyée dans une liberté dévoyée. Il y a plus d’art dans la contemplation d’un nuage que dans un tableau de la Joconde. Car le nuage nous unit à l’eau et à la vie, Leonard de Vinci croupit dans un musée.

* LE MONDE du 7 juin 2012, Les femmes, les chiens, les tomates : tout est culture

contre l’anthropocentrisme de l’art et des élections Lire la suite »

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit

Quand vous avez un enfant, vous vous réjouissez, au départ, qu’il grandisse et se développe physiquement. Mais si à l’âge de 18 ou 20 ans il continuait à grandir, vous vous inquiéteriez. En fait quand sa croissance physique est terminée, vous voulez de la croissance qualitative, vous voulez qu’il se développe intellectuellement. Malheureusement, les hommes politiques agissent comme s’ils ne comprenaient pas la différence entre croissance quantitative et qualitative. Ils poussent automatiquement le bouton de la croissance quantitative. C’est pourtant un mythe de croire que celle-ci va résoudre le problème de la zone euro, de la pauvreté, de l’environnement… La plupart des problèmes, nous ne les résolvons pas. Si vous résolvez le problème à un endroit, la pression va se déplacer ailleurs. Nous n’avons pas résolu le problème des guerres, nous n’avons pas résolu le problème de la démographie.

En revanche, les problèmes se résoudront d’eux-mêmes parce que vous ne pouvez pas avoir une croissance physique infinie sur une planète finie. Donc la croissance va s’arrêter. Tous les signes le montrent, le changement climatique, la dislocation de la zone euro, les problèmes alimentaires… sont les symptômes d’un système qui s’arrête. Les crises et les catastrophes sont des moyens pour la nature de stopper la croissance. Nous aurions pu l’arrêter avant, nous ne l’avons pas fait donc la nature va s’en charger. Le changement climatique est un bon moyen de stopper la croissance. La rareté des ressources est un autre bon moyen. La pénurie de nourriture aussi. Quand je dis « bon », je ne veux pas dire bon éthiquement ou moralement mais efficace. Ça marchera.

En 1972, nous étions à 85 % environ de la capacité maximum de la Terre à supporter nos activités. Aujourd’hui, nous sommes à 150 %. Quand vous êtes en dessous du seuil critique, c’est une chose de stopper les choses. Quand vous êtes au-delà, c’en est une autre de revenir en arrière. Donc oui, la nature va corriger les choses. Malgré tout, à chaque moment, vous pouvez rendre les choses meilleures qu’elles n’auraient été autrement. La résilience est un moyen de construire le système pour que, lorsque les chocs arrivent, vous puissiez continuer à fonctionner, vous ne vous effondriez pas complètement. Je pense que nous allons voir plus de changement dans les vingt ans à venir que dans les cent dernières années.

Condensé d’une interview de Dennis Meadows par TerraEco

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit Lire la suite »

Dépénalisation du cannabis, Duflot pour, l’écologie contre

La dépénalisation du cannabis, c’est « la position » d’Europe Ecologie-Les Verts, depuis « très longtemps ». En tant que chef de parti Cécile Duflot a déclaré sur RMC et BFM TV : « Il faut considérer que le cannabis, c’est comme l’alcool et le tabac, même régime ; une politique de santé publique et de prévention, notamment vis-à-vis des plus jeunes. »

Ce positionnement résulte de l’amalgame qu’il y a eu au moment de la formation des Verts entre un gauchisme issu de mai 1968 bercé par les illusions du slogan « il est interdit d’interdire » et l’écologie scientifique qui s’intéressait réellement au devenir des écosystèmes. Il faut que l’écologie politique abandonne son aspect permissif pour atteindre sa maturité. Il faut que Cécile Duflot sache dire « Non, cela ne doit pas se faire ». Rappelons que le principe actif du cannabis, le THC tétrahydrocannabinol, est inscrit sur la liste des stupéfiants. Des doses fortes entraînent rapidement des difficultés à accomplir une tâche, perturbant la perception du temps, la perception visuelle et la mémoire immédiate, et provoquent une léthargie*. Est-ce cela qu’on attend d’un écolo, l’inconscience citoyenne ? L’appareil respiratoire est exposé aux risques du tabac qui accompagne le joint. Il y a des difficultés de concentration, donc des difficultés sociales, une dépendance psychique possible, des dédoublements de la personnalité… Ces effets peuvent se traduire par une forte anxiété et favoriser la survenue de troubles psychiques. Est-ce cela que les écologistes défendent, des citoyens en difficulté ?

Nous savons combien il est difficile de résister à l’addiction à l’alcool ou au tabac, il n’est nullement besoin de favoriser une drogue supplémentaire. D’autant plus que le cannabis est un produit importé, un comble quand on prône la relocalisation. Quant au cannabis produit sous serre, bonjour la consommation d’énergie ! Aux surfaces cultivées pour produire de l’alcool, du tabac ou du cannabis, on ferait mieux de privilégier les cultures vivrières et de laisser le plus possible de surface non cultivées pour la biodiversité. Un peuple écolo est un peuple exemplaire, il ne fume pas, ni tabac, ni cannabis. Simplicité volontaire oblige.

* Drogues, savoir plus, risquer moins (www.drogues.gouv.fr)

Dépénalisation du cannabis, Duflot pour, l’écologie contre Lire la suite »

un nom à connaître, peut-être, Nicole BRICQ

Nicole Bricq, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; une socialiste, pas un écolo ! Le PS va-t-il enfin prendre la main et s’occuper de la planète ? Grâce à Nicole et au pôle écolo du PS en 2008, la déclaration de principe du Parti socialiste allait en effet très loin : « Conscients de l’étroite interaction des activités humaines et des écosystèmes, les socialistes inscrivent la prise en compte de la planète au même rang de leurs finalités fondamentales que la promotion du progrès et la satisfaction équitable des besoins (art. 3). » Mais la même déclaration se donne un objectif qui fait mal à la planète : « Les socialistes agissent pour que la croissance économique s’effectue en renforçant la cohésion sociale (art.7)… Pour les socialistes, L’Union européenne doit avoir pour mission de favoriser une croissance durable (art. 20). »

Il ne suffit donc pas de dire, comme Nicole Bricq,  « Je veux porter la « social-écologie » ». Car réconcilier social et écologie ne va pas de soi pour des militants qui préfèrent la croissance et pour un parti de cadre qui a toujours privilégié le conservatisme social. Nicole l’affirme, « il est hors de question que la transition écologique se fasse sur le dos des pauvres ». Mais elle ne dit rien de la résorption des inégalités, condition première pour accepter les nécessaires contraintes pour ramener le niveau de vie français dans des limites compatibles avec les ressources de la planète. Comme Nicole considère aussi qu’il faut une « acceptation sociale » des mesures environnementales, alors on peut déjà dire que rien ne passera dans les faits, ni taxe carbone, ni économies d’énergie, le peuple répugne aux efforts à accomplir. Le « débat sur la transition énergétique » est déjà clos, le candidat Hollande avait exclu de sortir du nucléaire, il veut même continuer dans la voie des EPR. D’ailleurs, pour le gaz de schiste, il n’est pas question d’arrêter, mais seulement de faire connaître, en toute « transparence », les permis octroyés ! Quant à une « Conférence environnementale », on a déjà vu ce qu’a entraîné le Grenelle sarkozyste de l’environnement : pschiiiiiiiit. Car le « nouveau modèle de développement » n’a jamais trouvé d’application autre que croissanciste. Prendre en compte « les exigences environnementales mais aussi économiques », c’est enfin donner une prime aux entreprises qui ont déjà placé leurs lobbies dans les couloirs des ministères.

Nicole Bricq convient qu’il y a « de petites différences culturelles entre certains de mes collègues et moi ». Pour avoir fréquenté pendant des années les socialistes, nous savons que ce n’est pas une « petite » différence, c’est un gouffre infranchissable. Nous ne savons pas encore si Nicole va tomber dans le gouffre….

LE MONDE du 5 juin 2012 / Nicole Bricq : « L’écologie n’est pas un luxe pour bobos »

un nom à connaître, peut-être, Nicole BRICQ Lire la suite »

ASPO, descente énergétique à partir de 2013-2015

Ouverture de la conférence de l’ASPO (association pour l’étude du pic péttroler et gazier) à Vienne le 30 mai 2012.

Selon son président, Kjell Aleklett, l’atterrissage risque d’être plus brutal que ce qu’annoncent les économistes : « Les lois de la physique sont plus fortes que les lois de l’économie« . La production de pétrole – non conventionnel inclus – est entrée depuis 2005-2006 dans une phase de plateau instable. Selon Robert Hirsch, ancien directeur de la prospection pétrolière chez Exxon, ce plateau arrivera à son terme et entamera une décrue de 5 à 7 % par an à partir de 2013-2015. Le monde, dont l’énergie est fournie à 85 % par les fossiles, sera confronté à des turbulences et des tensions comparables à celles qui ont accompagné les chocs pétroliers de 1973 et de 1980. A ceci près que, cette fois, il s’agit d’une évolution géologique irréversible et non pas d’une décision provisoire des pays de l’OPEP de fermer les robinets. Face à une telle urgence, les gouvernements devraient déjà préparer leurs populations à être confrontés à des pénuries.

Reste que les compagnies pétrolières gardent les données « sous le paillasson« , alors qu’il s’agit d’informations cruciales pour l’avenir. Pour sa dixième conférence, l’ASPO a invité l’OPEP et l’AIE ; les deux organisations ont décliné l’invitation. Aux Etats-Unis, c’est l’industrie pétrolière qui domine la politique et empêche la transition énergétique.

Texte complet d’Agnès Sinai sur

http://www.actu-environnement.com/ae/news/10-ans-aspo-pic-petrolier-15841.php4

ASPO, descente énergétique à partir de 2013-2015 Lire la suite »

4/4) Croiiiiiiiiiiiiissance, l’Afrique est mal partie

Le premier rapport sur l’empreinte écologique de l’Afrique a été présenté à Arusha, en Tanzanie*. L’empreinte écologique se mesure en surfaces de terre et en eau nécessaires pour couvrir les besoins d’un individu ou d’une activité mais aussi pour absorber les déchets générés. Elle est à rapporter à la biocapacité qui, à l’inverse, évalue les surfaces disponibles. En quarante ans, cette biocapacité a fondu de 40 % et le rapport prévoit que, par la seule croissance démographique, la pression exercée sur les écosystèmes va doubler d’ici à 2040. L’agriculture et la destruction des forêts sont les principales causes de cette dégradation Si chaque Africain consomme en moyenne deux fois moins de « capital naturel » que la moyenne mondiale par habitant, la dégradation de l’environnement met en péril les efforts de lutte contre la pauvreté en faveur d’une population qui continue de croître très rapidement. Sur les 45 pays pour lesquels des données sont disponibles, 25 consomment davantage de ressources naturelles que leur « biocapacité ». Ils étaient 7 en 1961.

Jim Leape, le directeur général du WWF plaide devant une aéropage de banquiers et de ministres des finances : « Il est de notre responsabilité de protéger nos écosystèmes… avoir de l’eau, des sols, préserver ses forêts, c’est aussi important que construire des routes ou des hôpitaux…Nos sociétés dépendent de ces infrastructures vertes. » A la question de savoir si la République démocratique du Congo (RDC) devait renoncer à exploiter le pétrole qui se trouve probablement dans le sous-sol du parc national des Virunga, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, Jim Leape a répondu « oui » sans hésiter.

L’assemblée est restée perplexe ; les financiers sont allergiques à la parole écolo. La RDC, aussi étendue que l’Europe, est un des pays les plus pauvres du continent. On utilisera ce prétexte pour accaparer ses richesses au profit des plus riches. Pauvres de tous les pays, révoltez-vous, refusez la civilisation minière et sa croissance qui ne profite qu’aux riches !

* LE MONDE | 02.06.2012, L’Afrique confrontée à ses limites écologiques

4/4) Croiiiiiiiiiiiiissance, l’Afrique est mal partie Lire la suite »

3/4) psychanalyse de la croiiiiiiiiiiiissance hollandiste

La tendance à persévérer dans son idée même quand elle est fausse a été explicitée dès 1947 par le psychologue américain Kurt Lewin, le théoricien de la dynamique de groupe. C’est l’effet de gel : la décision de se comporter de telle ou telle manière étant prise, elle va en quelque sorte geler l’univers des options possibles et conduire quelqu’un à rester sur son opinion première. Une personne comme François Hollande, connu pour faire plaisir au peuple, croit que le choix de la croissance est le bon. Il s’est engagé sur cette voie vis-à-vis de lui-même et de son parti. Malgré les dettes financières et écologiques qui devraient commander l’austérité, il persévère dans l’erreur pour ne pas se renier. Ensuite il rationalise ses contradictions. Enfin il se justifie en voyant que d’autre dirigeants l’accompagnent dans son délire croissanciste. Car cet effet de gel se double du mécanisme de l’interaction spéculaire.

Hollande ne fait que répéter en boucle ce que le parti socialiste répète depuis longtemps : seule la croissance économique sauve le peuple et ses emplois. En termes savants, on dit qu’il y a interactions spéculaire, on agit comme devant un miroir. Toute société dépend des perceptions croisées entre individus : je me représente comment les autres se représentent les choses et moi-même. L’individu soumis à la volonté de croissance ne se demande pas s’il veut pratiquer la frugalité joyeuse puisque la pensée unique se veut croissanciste. La gauche veut de la croissance, la droite aussi, et l’extrême droite, et l’extrême gauche. L’hypothèse de l’interaction spéculaire nous permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu et de la société. L’un et l’autre se forment mutuellement. Les politiciens comme François Hollande ne disent pas autrement que la vulgate des économistes et le sens commun des citoyens. L’erreur est partagée, elle est assumée.

Mais la réalité écologique est plus dure que les idées humaine, la planète a ses limites physiques et nous avons déjà franchis plusieurs garde-fous. Alors récession et décroissance, pénuries et hausse des prix vont scander notre condition humaine. Il y aura un peuple écolo quand il y aura effet boule de neige : tu fais des économies d’énergie parce que j’en fais et parce qu’il faut que nous fassions tous de même. Encore une interaction spéculaire, mais à l’opposé du croiiiiiiiiiiiissancisme.

3/4) psychanalyse de la croiiiiiiiiiiiissance hollandiste Lire la suite »

2/4) croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande

Les grandes aventures humaines ont toujours eu pour objectif de dépasser les limites. Les expéditions de Marco Polo, Vasco de Gama, Magellan, Colomb… ont toutes un point commun : aller voir ce qui se passait au-delà de la limite connue. La Lune est à 400 000 kilomètres de la Terre, séparée par le vide. Qu’à cela ne tienne, un peuple entier se mobilise pour parvenir à y faire une promenade. L’ère industrielle a fait de la technique le terrain de jeu favori pour tutoyer la limite. Aujourd’hui, que l’on soit grand sportif, grand drogué, grand patron ou grand artiste, on est « grand » quand on a dépassé une limite.

Dans le livre The limits to Growth – The 30-year update (2004), il est presque uniquement question des limites, non point pour les dépasser, mais au contraire pour s’en accommoder. L’idée de base qui a nourri ce livre est d’une simplicité biblique : pour que les hommes puissent produire, qu’il s’agisse de nourriture ou de la fusée Ariane, il leur faut des ressources naturelles. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique perpétuelle », nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par « effondrement », il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, de la production industrielle et alimentaire par tête. En 1972, The limits to Growth soulignait que la seule manière d’éviter cette issue était de stabiliser le PIB mondial au niveau de 1975 et d’affecter tout progrès technique à venir à « faire plus propre à consommation constante », et non à favoriser une consommation croissante. Ce n’est pas le chemin que nous avons suivi depuis.

Une question lancinante, devenue plus urgente que jamais, n’a toujours pas trouvé d’enceinte où être débattue à son juste niveau : si la croissance doit, à relativement court terme, devenir un simple souvenir, comme organiser un avenir qui soit désirable ?

Préface résumée de Jean-Marc Jancovici au livre Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers(éditions Rue de l’échiquier, 2012, première édition en anglais 2004)

2/4) croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande Lire la suite »

1/4) on a élu un perroquet, Hollande, croiiiiiiiiiiiiiiiissance

C’est la croissance rose qui l’a emporté en France. Etonnant, non ? Avec le soutien de la croissance rouge, ses tambours et ses sifflets (11 %), l’apport un peu riquiqui de la croissance verte (2,3 %) et la bienveillance de la croissance orange (environ la moitié de ses 8 %). On s’est bouché le nez sur des débris de croissance brune (1/3 de 17 %), mais quelques électeurs du FN avaient finalement préféré sanctionner la croissance bleue.

Alors, allez savoir comment cette croissance vert-rose va cohabiter avec les croissances des autres couleurs, par exemple la vraiment noire, celle du charbon, ou la couleur invisible du nucléaire. Et  comment va-t-on obtenir cette croiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance ? Puisque nous sommes dans la magie, écoutons les magiciens. Le président entrant Hollande : « C’est la mission qui désormais est la mienne, c’est-à-dire de donner à la construction européenne une dimension de croissance, d’emploi, de prospérité, d’avenir. » Les syndicats : « Lors d’une rencontre avec la chancelière Angela Merkel, des syndicalistes de neuf pays de l’UE ont réclamé un pacte social et de croissance, s’insurgeant contre l’austérité mise en oeuvre pour régler la crise de la dette. » La présidente du MEDEF, Laurence Parisot. « Il faut aussi se demander comment créer un choc de croissance sans aggraver le déficit. »

Incantations contre lois de la physique, qui va l’emporter ? Notre ami Lavoisier, bien avant Georgescu-Roegen, avait quand même mis tout le monde en garde : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Et Carnot d’ajouter que cela n’allait que dans un sens, du chaud au froid. Quand c’est tiède, ça ne bouge plus !

Le texte précédent est un résumé de l’éditorial de Bruno Clémentin. Lisez son mensuel (La décroissance, juin 2012, dans les kiosques), on y apprend à résister aux perroquets.

1/4) on a élu un perroquet, Hollande, croiiiiiiiiiiiiiiiissance Lire la suite »

François de Rugy, un député vraiment écolo ?

Nous éditons un bimensuel*. Notre dernier numéro parle de François de Rugy. Vous pouvez vous abonner gratuitement en envoyant un simple message à biosphere@ouvaton.org. En résumé, l’argumentaire de François de Rugy permet de cerner deux conceptions différentes de l’engagement écologiste :

« Il y a une sensibilité plus radicale, mais que je pense moins efficace en matière de participation aux politiques publiques : c’est les fondamentaliste. Et puis il y a celles et ceux qui ont une approche plus pragmatique, les réalistes. J’assume pleinement mon appartenance à cette deuxième branche de l’écologie politique. »*

 En conséquence François de Rugy, député Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Loire-Atlantique depuis 2007, cultive l’écologie superficielle, anthropocentrique. Il s’attaque aux « catastrophistes », comme le font les intellectuels libéraux qui pourfendent les « fanatiques de l’apocalypse ». Il privilégie l’emploi et la préservation du niveau de vie des Français, ce qui nécessairement détériore les conditions de vie dans d’autres pays ainsi que les perspectives pour les générations futures. Il critique l’éloge de la lenteur et oublie qu’il faudrait aller moins loin, moins vite et moins souvent. Les prises de position de François de Rugy sont tellement proches de la vulgate socialiste que son positionnement d’écologiste devient imperceptible. Mais pour être élu, il est sans doute nécessaire actuellement d’en passer par là…

A quoi peut bien servir un député écolo de François de Rugy (2012, éditeur Les petits matins)

François de Rugy, un député vraiment écolo ? Lire la suite »

sans sentiment de nature, la biodiversité fout le camp

Il paraît que le 22 mai  était le jour de la fête de la biodiversité et que la France lance un véritable ONB (Observatoire national de la biodiversité)*. Un autre article du MONDE même page pose le problème de fond : « Les sociétés humaines ont oublié qu’elles faisaient partie de la biodiversité, or elles ont besoin que la biodiversité fonctionne pour garantir leur bien-être et leur cadre de vie. »** Notre relation à l’écosystème reste en effet le grand absent du système de socialisation de nos enfants maintenant que la plupart des familles sont urbanisées et coupées de la nature. Cynthia Fleury, qui a co-dirigé l’ouvrage L’exigence de la réconciliation. Biodiversité et société, constate : « L’environnement est le parent pauvre de l’éducation. Notre citoyenneté doit pourtant nécessairement passer par un apprentissage de ce qui nous environne, comme étant la condition de notre humanité. » Ah, « l’environnement » ! Le mot pour dire que l’homme est au centre et tout le reste de la nature à l’extérieur, pour nous servir.

Le chemin va donc être très long pour ressentir à nouveau que nous faisons partie de la nature et que les écosystèmes ont au moins autant d’importance que nos sociétés humaines. Nous conseillons un certain nombre de lectures pour aller plus loin :

2008 Ecopsychologie pratique, retrouver un lien avec la nature de Joanna Macy  et M.Y. Brown (Le souffle d’or)

2009 Nous réconcilier avec la Terre par Hervé René Martin et Claire Cavazza (Flammarion)

2010 L’éthique de la terre de John Baird Callicott (recueil de divers textes aux éditions Wildproject)

2010 Philosophie de la biodiversité (petite éthique pour une nature en péril) de Virginie Maris

2011 Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique (DEEPWATER HORIZON) de Stéphane Ferret

2011 Pensées de la terre de J.Baird Callicott (éditions Wildproject)

* LE MONDE du 31 mai 2012, La France se dote d’un observatoire pour veiller sur la biodiversité

** LE MONDE du 31 mai 2012, La nature, « une affaire véritablement humaine »

sans sentiment de nature, la biodiversité fout le camp Lire la suite »

Gerondeau-Obama, des cornucopiens* du gaz de schiste

Pour Christian Gerondeau, aucune crainte d’un blocage énergétique à prévoir car nous avons de « L’énergie à revendre » (titre du chapitre 7 de son livre**) : « Le progrès technique ouvre l’accès à d’importantes sources de pétrole qui éloignent de nombreuses décennies la perspective de son épuisement… La fin du charbon n’est pas envisageable avant le XXIIe siècle… Le gaz de schiste couvrira les besoins des USA pendant bien plus de 100 ans. » Notons que Gerondeau n’envisage que des sources d’énergie non conventionnelles, affreuses pour l’environnement : sables bitumineux, biocarburants ou gaz de schiste. Gerondeau comme d’habitude aligne les contre-vérités : « Sur le plan des pollutions locales, le gaz naturel est très propre car il n’émet pas d’oxydes de soufre ni de particules (p.206)… Des milliers de puits sont forés chaque année sans conséquences négatives aux Etats-Unis (p.210)… Il n’existe aucune preuve que le CO2 émis par le gaz de schiste ait une influence significative sur le climat (p. 212). »

Il est vrai que fin janvier 2012 le président Obama avait lui aussi célébré le gaz de schiste : « Nous avons presque 100 ans de réserves de gaz naturel et mon administration va faire tout ce qui est possible pour développer cette énergie… On n’a pas besoin de choisir entre notre environnement et notre économie. » M. Obama a glorifié la technique de fracturation hydraulique qui, dit-il, n’aurait pas vu le jour sans l’appui de fonds publics. Comme Obama n’est pas à une contradiction près, il a aussi exhorté le Congrès à mettre un terme aux subventions à l’industrie pétrolière. Comme si gaz et pétrole n’étaient pas de la même engeance !

Critiquons l’aspect climatosceptique de Gerondeau-Obama grâce aux dernières études scientifiques. L’exploitation du gaz de schiste a un bilan en gaz à effet de serre équivalent, voire supérieur à celui du charbon***. En effet la fracturation de la roche entraîne un relâchement important de méthane, un gaz dont le coefficient de réchauffement est vingt-cinq fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Cela s’accompagne en outre de la formation de nombreux autres hydrocarbures nocifs pour la santé. Critiquons la perspective temporelle de Gerondeau-Obama qui se limite à un siècle à peu près, pas de quoi assurer l’avenir des générations futures. Il nous faut allonger l’horizon temporel des hommes politiques ; votons pour des candidats qui pensent aux conséquences en termes de siècles à venir…

* Un cornucopien est un illusionniste qui estime que les innovations technologiques permettront à l’humanité de subvenir éternellement à ses besoins matériels. Le terme lui-même vient du latin cornu copiae signifiant corne d’abondance.

** Christian Gerondeau, Ecologie, la fin (édition du toucan, 2012)

*** LE MONDE du 30 mai 2012, L’exploitation du gaz de schiste serait aussi nocive pour le climat que le charbon

Gerondeau-Obama, des cornucopiens* du gaz de schiste Lire la suite »

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows

Contre le rapport de 1972, Limits to Growth, Christian Gerondeau s’esclaffe : « Les auteurs ont commis une erreur classique : ils ont simplement prolongé les tendances du passé. Ils n’avaient pas tenu compte de la capacité d’adaptation des hommes et des potentialités du progrès. De nouvelles ressources énergétiques furent découvertes, la démographie mondiale s’effondra, les rendements agricoles firent des progrès insoupçonnés et le développement technique atteignit une ampleur que personne n’avait imaginée. »*

Un des auteurs du rapport de 1972, Dennis Meadows, lui répond indirectement lors d’un entretien récent avec le quotidien LE MONDE : « Tout scientifique comprend qu’il y a des limites physiques à la croissance de la population, de la consommation énergétique, du PIB, etc. Pourtant, l’idée commune est, aujourd’hui encore, qu’il n’y a pas de limites. Pour les économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc à un besoin de croissance. Or la croissance va s’arrêter en partie en raison de la dynamique interne du système et en partie en raison de facteurs externes, comme l’énergie. L’énergie a une très grande influence. La production pétrolière a passé son pic et va commencer à décroître. Or il n’y a pas de substitut rapide au pétrole pour les transports, pour l’aviation… La Chine a considérablement détérioré son environnement, en particulier ses ressources en eau, et les impacts négatifs du changement climatique sur ce pays seront énormes. Certains modèles climatiques suggèrent ainsi qu’à l’horizon 2030 il pourrait être à peu près impossible de cultiver quoi que ce soit dans les régions qui fournissent actuellement 65 % des récoltes chinoises…

Les politiciens sont élus pour peu de temps. Leur but est de paraître bons et efficaces pendant leur mandat; ils ne se préoccupent pas de ce qui arrivera ensuite. Supposons que je sois un magicien : la première chose que je ferais serait d’allonger l’horizon de temps des hommes politiques. Pour qu’ils ne se demandent pas quoi faire d’ici à la prochaine élection, mais qu’ils se demandent : « Si je fais cela, quelle en sera la conséquence dans trente ou quarante ans ? » Si vous allongez l’horizon temporel, il est plus probable que les gens commencent à se comporter de la bonne manière. »**

* Christian Gerondeau, Ecologie, la fin (édition du toucan, 2012)

** interview par LE MONDE du 26 mai 2012, La croissance mondiale va s’arrêter

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows Lire la suite »

« Ecologie, la fin » : Christian Gerondeau fait l’idiot

Dans  Ecologie, la fin (2012), Christian Gerondeau redéploie son « paradoxe » déjà énoncé dans CO2 : un mythe planétaire (2009) : vouloir la réduction des émissions de gaz à effet de serre est idiot car l’homme utilisera inexorablement toutes les énergies fossiles, les besoins des pays émergents faisant loi. Il est vrai que Gerondeau est contradictoire, croyant au progrès mais fataliste puisqu’il n’y aurait rien à faire contre nos émissions de gaz à effet de serre. Le problème, c’est qu’un tel discours incite à ne rien faire contre le réchauffement climatique.

Soyons clairs, ses livres ne sont pas crédibles, ses propos sont dangereux. Une ministre française de l’Environnement s’adressait ainsi à Christian Gerondeau après une émission télévisée : « Vous n’êtes pas dans le rôle du méchant, vous êtes le méchant. » Une autre ministre, de l’autre bord politique, a demandé à Gerondeau au cours d’une émission radiophonique s’il aimait ses petits-enfants pour oser affirmer que nous ne pouvions rien à l’accroissement des émissions planétaires de CO2. Mais Gerondeau nous apparaît imperméable à toute remise en cause. Il est vrai que son âge (il est né le 23 mars 1938) et ses diplômes (Polytechnique et Pont et Chaussées) ne le préparent pas à un questionnement sur les limites de la société thermo-industrielle. Il a été même président de la Fédération française des automobiles clubs, donc intoxiqué par la voiture et la nécessité du pétrole.

Il appartient à la secte climatosceptique qui pratique la religion du progrès et de ses illusions. Il n’a aucun sens des limites de la planète, aucune conscience de l’épuisement des ressources du sol et du sous-sol. Il croit que son dernier livre marquera la fin de l’écologie alors que l’écologisme sera la grande nécessité du XXIe siècle. Comme les autres écolosceptiques, il attaque dans « Ecologie, la fin » aussi bien Rachel Carson que le Club de Rome, les malthusiens, les éoliennes et surtout le GIEC. Gerondeau est un marchand de doute au service du capitalisme libéral, pro-nucléaire bien entendu et baignant dans un positivisme sans faille contre ceux qui ont une « vision négative » de l’avenir de la planète. En fait il veut nous mener au désastre puisque son discours peut se résumer ainsi : « Dormez, braves gens, dormez, il n’y a rien à faire contre le réchauffement climatique, nous avons beaucoup de gaz de schiste et de sables bitumineux, c’est l’abondance pour un siècle ». Gerondeau n’est pas capable de se projeter plus loin dans le temps, après lui le déluge !

« Ecologie, la fin » : Christian Gerondeau fait l’idiot Lire la suite »