biosphere

surinformés et désinformés, donc infantilisés

Nos sociétés occidentalisées sont à la fois surinformées, sous-informées et désinformées. La coupe du monde 2010, qui n’apporte pourtant aucune information véritable, prend plusieurs pages et souvent les grands titres, même dans Le Monde. Cette prédominance du sport-spectacle, le foot un jour, le tennis le lendemain et la F1 entre-temps est renforcée par la main-mise de la culture de masse sur les informations. Quand on ajoute les faits divers, genre « La tempête tropicale Alex devrait épargner les opérations anti-marée noire » ou « Affaire Bettencourt : Sarko apporte son soutien aux Worth », il ne reste pas grand chose pour la réflexion.

                C’est pourquoi la surinformation entraîne la sous-information. Les éléments de connaissance réellement nécessaires à la compréhension du monde contemporain et à la perception des enjeux de long terme passent inaperçus dans le maelström des nouvelles du jour. De plus, du secret-défense au secret industriel, les outils ne manquent pas pour garder secrètes des informations importantes. Enfin, nous ne pouvons être satisfaits de la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation. Comme si tout cela ne suffisait pas à appauvrir la réflexion humaine, s’ajoute la désinformation systématique opérée par les grands intérêts économiques. Une longue chaîne d’outils extrêmement performants, qui va de travaux scientifiques financés par l’industrie jusqu’au lobbying, permet de diffuser des informations inexactes ou trompeuses et d’entretenir de faux débats et controverses illusoires.

Surinformées, sous-informées et désinformées, l’essentiel est donc oublié. Même Le Monde minimise des débats essentiels comme « la course au pétrole arctique manque de garde-fous » ou « la sécurité alimentaire est la grande absente aux débats du G20 ». La déformation de l’information est d’autant plus perceptible dans une société dont l’idéologie dominante nous a fait oublier depuis deux siècles les limites de la planète et le sens des limites. Alors que les crises actuelles et à venir devraient nous inciter à la simplicité du mode de vie et à la sobriété énergétique, ce sont les annonces automobiles qui structurent le bas de page du Monde.fr. Ce blog voudrait rompre avec le bavardage, mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi, avec nos modestes moyens, nous avons mis en ligne un réseau de documentation qui pourrait permettre à chacun de mieux décrypter les grand évènements de notre société mal-informée. Il est possible de nous écrire après inscription si vous avez des informations à faire partager.

NB : les informations citées ci-dessus sont extraites du Monde.fr du 25 juin

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le prix du gaz augmente, peut-il en être autrement ?

Les politiques, de droite comme de gauche, nous préparent des lendemains qui déchantent. En trois mois, les prix du gaz ont progressé de 12 à 15 % en moyenne pour les 10,8 millions de foyers utilisant cette énergie (cuisine, eau chaude, chauffage). La précarité énergétique explose : entre 2008 et 2009, le nombre de coupures est passé de 10 000 à 100 000. Environ 300 000 consommateurs risquent la coupure en 2010. Indexé sur le prix du pétrole qui monte qui monte, d’autres voudraient que le prix du gaz suive le marché à court terme, déprimé à cause de la surabondance actuelle de gaz aux provenances nombreuses : Norvège, Algérie, Russie, Pays-Bas. (LeMonde du 26 juin)

La ministre Christine Lagarde réclame une pause pendant six mois de la hausse des tarifs du gaz. Mais après ? Notons que les réserves de pétrole sont environ de 40 années vu la consommation actuelle, mais le gaz s’épuise presque aussi vite, 50 années de réserves. Que vont faire les riches et les pauvres quand le pétrole et le gaz atteindront bientôt des hauteurs non prévues par nos « experts » (en libéralisme). Pourtant, en toute logique économique, la rareté croissante entraîne la hausse des prix, mais les marchés qui fonctionnent dans le court terme n’indiquent rien de cette évidence. Demain, bientôt, se chauffer deviendra un luxe et ce n’est pas en décrétant une pause que les contraintes géophysiques disparaîtront.

Le manque de courage politique n’est pas propre à Mme lagarde. En 2006 le ministre de l’économie et des finances Thierry Breton s’était opposé à une augmentation de 7,5 % ; il ne respectait même pas des règles qu’il avait lui-même édictées. Dans le texte de la motion finale du Mans (novembre 2005), le PS avait constaté que  « L’équilibre de la planète est en danger, la fin des énergies faciles est programmée ». Nous serions bien curieux de savoir si les socialistes décideraient une augmentation ferme et résolue du prix du gaz s’ils revenaient au pouvoir en 2012… Les vrais politiques sont ceux qui regardent la réalité en face et qui nous permettent de faire face aux difficultés.

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le principe de précaution contre l’irresponsabilité

Le chlrodécone est un « scandale sanitaire », mais c’est aussi la preuve que sans application du principe de précaution, il y a irresponsabilité des producteurs. Pourquoi se gêner d’ailleurs, l’Etat agit ensuite pour essayer de limiter les dégâts. Ainsi il pourrait « fournir à la population la possibilité de connaître son degré d’exposition au pesticide » (éditorial du Monde du 24 juin). Nous estimons que l’Etat (les contribuables) n’a pas à réparer les méfaits entraînés par le productivisme agro-industriel. Il faut que le principe de précaution s’applique a priori à touts les activités humaines qui impliquent la mise sur le marché de nouveaux produits, ou de produits déjà en circulation mais non encore suffisamment analysés par de véritables scientifiques sans aucun lien avec le monde économique. Quelques phrases d’un livre récent qui permettent de saisir les données essentielles du débat :

« Comment comprendre la guerre déclarée par l’Académie des sciences au principe de précaution qui exige la recherche scientifique de réponses aux questions posées par les avancées technologiques ? Les rapports sont préparés par un petit nombre de membres dont certains entretiennent des rapports étroits avec l’industrie.

« Pour les géants industriels, si les connaissances ne permettent pas de connaître les risques de leurs produits mis sur le marché, il va de soi qu’ils ne sauraient en supporter les conséquences. A tous les coups, ils gagnent.

« Les opposants au principe de précaution seraient plus crédibles dans leur démonstration s’ils acceptaient d’assumer la responsabilité liée au risque inhérent à la mise sur le marché de tel ou tel produit. Mais il n’en est rien, la société contemporaine repose sur le principe du cobaye/payeur.

« Le principe de précaution ne s’applique évidemment pas à la recherche fondamentale, ni même à la recherche appliquée. Il ne joue que pour la mise en place de nouveaux produits ou de nouvelles technologies susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et/ ou sur la santé humaine. Par voie de conséquence seul le domaine marchand, celui de l’application des technologies, est en cause.

« Loin d’entraver la recherche, le principe de précaution apparaît comme un principe d’incitation à obtenir le plus rapidement possible les réponses aux questions qui restent posée du fait de l’incertitude scientifique. C’est donc un accélérateur de recherche.

« On pourrait dire qu’entre le chlordécone, l’amiante, les PCB et le bisphénol A, la France est l’un des pays qui applique le moins le principe de précaution.

in « Sans le nucléaire on s’éclairerait à la bougie (et autres tartes à la crème du discours technico-économique) » de Corinne Lepage et Jean-François Bouvet.

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principe de précaution ou principe d’irresponsabilité ?

Fallait-il adopter le principe de précaution sur le chlordécone ? Le chlordécone est un produit phytosanitaire, pesticide de la famille des organochlorés. C’est un polluant organique persistant (POP), non biodégradable et très toxique pour l’homme à travers des effets tels que l’apparition de problèmes neurologiques ou la délétion de la spermatogenèse. Récemment une étude  a montré que ce perturbateur endocrinien était responsable d’un accroissement significatif du risque de cancer de la prostate. La demi-vie (délai au bout duquel la moitié de la quantité présente aura disparu) du chlordécone dans le sol est de six siècles. Cette molécule synthétisée pour la première fois en 1952 a été commercialisée dès 1966 aux Etats-Unis sous le nom de Képone. En 1976, ce pesticide est interdit aux Etats-Unis car son caractère dangereux est révélé par l’apparition d’effets toxiques sur les employés d’une usine de production et par la pollution de l’environnement proche de cette usine. Le Centre international de recherche contre le cancer a classé la chlordécone comme « cancérogène possible » pour l’homme dès 1979.

                Pourtant cet insecticide n’a été interdit en métropole qu’en 1990 et utilisée en Martinique et en Guadeloupe depuis 1973, par dérogation jusqu’en1993. LeMonde du 23 juin 2010 titre : « Aux Antilles, le scandale sanitaire du chlordécone ». La pollution durable des sols et l’exposition de la population avec  augmentation des cancers est avérée. Mais sur la même page Planète, un autre titre prend le problème  à l’inverse : « Le débat s’engage sur le principe de précaution ». On ressent un certain doute sur la validité du principe de précaution. Le professeur Alain Grimfeld, président du CPP (comité de la prévention et de la précaution), insiste sur la prise en compte du rapport « coûts-bénéfices », absent de la formulation actuelle du principe dans la Charte de l’environnement. Nous retrouvons l’idée de « coût économiquement acceptable » explicitement formulée par d’autres. En fait beaucoup de scientifiques et de politiques, porte-paroles des lobbyistes, soutiennent le principe d’irresponsabilité. On comprend dans leurs propos que l’économique devrait primer sur l’enjeu écologique et sanitaire. D’où le scandale du chlordécone en France, après bien d’autres scandales. On pourrait dire qu’entre le chlordécone, l’amiante, les PCB et le bisphénol A, la France est l’un des pays qui applique le moins le principe de précaution.

                Notons que la Cour suprême des Etats-Unis vient d’autoriser la luzerne transgénique de Monsanto, donnant tort à un groupe d’agriculteurs bio alors que les études d’impact des OGM sur l’environnement n’avaient pas été faites. Toujours le principe d’irresponsabilité contre le Principe de précaution !

http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2010/06/22/la-cour-supreme-des-etats-unis-autorise-la-luzerne-transgenique-de-monsanto_1376786_3244.html

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le bonheur national brut quitte le Bhoutan

Nous avons depuis longtemps oublié le sens du bonheur national brut (BNB) pour nous jeter dans l’impasse du Produit Intérieur Brut (PIB). Le bonheur, c’est l’art de la frugalité heureuse, c’est une communauté réduite et solidaire, c’est une souveraineté énergétique et alimentaire territorialisée, c’est l’inverse de ce que pratique une société thermo-industrielle qui s’est mondialisée. Le Bhoutan pouvait encore échapper aux diktats d’une société consumériste dilapidant les ressources naturelles. La télévision n’avait été introduite qu’en 1999, la capitale Thimphu (50 000 habitants) n’avait ni feu rouge, ni ascenseurs, le tourisme était endigué. Le Bhoutan avait même adopté le principe du BNB lors d’une tribune prononcée par son roi devant les Nations unies en 1972 : gouvernance responsable, conservation d’une culture traditionnelle, sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources. Malheureusement le quatrième principe, « croissance et développement économiques » ne pouvait que démolir rapidement les principes précédents : il faut augmenter le PIB en imitant un modèle occidental qui est en train de faire faillite. Ce n’est pas parce que le Bhoutan a fixé le visa touristique à 200 dollars par jour qu’il se protège de personnes qui sont loin d’être des ethnologues et qui ne respectent pas les mœurs du lieu où ils arrivent. Une production d’énergie renouvelable, à base hydroélectrique, se trouve confronté au réchauffement climatique mondial et à la fonte des glaciers, ce qui rend le débit des fleuves irréguliers. L’acceptation de l’aide internationale met à mal l’objectif d’autosuffisance. (LeMonde du 22 juin).

Le Bhoutan est donc sur la mauvaise voie. Les « progressistes » pensent dorénavant qu’il faut voir le monde extérieur et se frotter à ses défis, c’est-à-dire qu’il faut perdre son âme. Les candidates à « Miss Bhoutan », le premier concours de beauté jamais organisé dans ce petit royaume de l’Himalaya, étaient nombreuses. A la télévision, on a déjà assisté à la première émission de « Bhutan idol », version locale de « Star Academy ». Tout est possible dorénavant, on a construit un stade et la route nationale est élargie ; on importe des travailleurs immigrés et on laisse l’Inde financer jusqu’à 70 % du budget national.

Le Bhoutan a cédé aux ravissements de la société occidentalisée et même aux vertiges de l’éducation scolaire. En conséquence le contact avec la Nature et les rapports de proximité vont disparaître à la vitesse d’une voiture : la Biosphère ne peut plus être tranquille, même sur les bords de l’Himalaya.

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corrigé dissertation bac SES (22 juin 2010)

Sujet de dissertation : Comment la solidarité s’exerce-t-elle en France aujourd’hui ?

Analyse du sujet : Nous sommes dans un contexte de crise financière durable. Après la crise des subprimes (endettement immobilier privé), qui débute aux Etats-Unis et entraîne une récession mondiale, l’UE est maintenant confrontée à une crise de l’endettement public qui risque là aussi de faire effet domino : d’abord la Grèce, puis la Roumanie, l’Espagne, la Grande Bretagne et pourquoi pas la France. Or le système  de solidarité repose principalement sur la redistribution financière par l’Etat : moins de rentrées fiscales et difficulté de remboursement des emprunts antérieurs veut dire difficulté de financer la solidarité. Cette solidarité est multiple, qu’il s’agisse de solidarité entre les actifs occupés et les chômeurs, entre les bien-portants et les malades, entre les actifs et les retraités. Pourtant cette solidarité oublie d’autres solidarités dont il faudrait aussi s’occuper, la solidarité avec les autres pays, la solidarité avec les générations futures (pour leur laisser des ressources naturelles suffisantes), la solidarité avec les autres formes du vivant (protection d’une biodiversité en déconfiture).

La pratique de la solidarité est donc à un tournant historique, il va falloir faire des choix. On voit déjà tous les problèmes posés par le nouveau plan de financement des retraites en France, avec grèves à répétition. Pourtant le sujet posé regarde l’ampleur de la question solidaire par le petit bout de la lorgnette : « Comment » et « aujourd’hui »

Analyse du  document 1 : le « comment » est posé par ce document : solidarité publique qui passe par l’Etat ou solidarité privée qui passe par la famille ou par l’individu ? Nous sommes arrivés aux limites d’un Etat Providence devenu non seulement « bureaucratique », mais super-endetté. Alors, est-ce le moment de revenir aux anciennes solidarités, dites de proximité ? Est-ce le moment d’aller jusqu’au bout de la logique du libéralisme économique, dégraisser le mammouth étatique pour faire confiance à la responsabilité individuelle ? Le document exprime le fait qu’une telle solution entraînerait une expansion des inégalités et suggère une coexistence nécessaire de la solidarité privée et publique. Notons que l’auteur du document, Serge Paugam, est connu pour avoir affirmé que l’assistance ne peut constituer une solution globale à la pauvreté : il y a différentes formes de pauvreté, intégrée, marginale ou disqualifiante.

Nous pourrions ajouter que la réactivation des solidarités de proximité ne peut vraiment être efficace que si les différents territoires deviennent plus autonomes et prennent en charge leur sécurité énergétique et alimentaire. Notons que ce sont déjà les conseils généraux, au niveau des départements, qui gère le RSA et autre forme de solidarité.

Analyse du  document 2 : Pour 100 consacré aux dépenses de protection sociale, il y a 38,3 qui va au poste vieillesse. La retraite constitue donc la principale dépense, à 10 points au-dessus du poste maladie. Le papi-boom n’a pas du tout été anticipé en France, l’âge légal de la retraite est au contraire passé de 65 ans à 60 ans avec l’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981. De plus l’essoufflement durable de la croissance et la montée structurelle du chômage ne peut que faire augmenter plusieurs autres postes de dépenses.

Les gouvernements successifs ont fait preuve d’imprévoyance, d’un manque de courage politique flagrant, surtout du côté de la gauche malheureusement.

Analyse du  document 3 : constat sur les inégalités des solidarités de proximité selon les milieux sociaux. Qu’est-ce qu’on attend pour instaurer un revenu maximal admissible ? Quand le patron de la FIFA touche 4 millions de dollars par an, quand les parachutes dorés se multiplient, la société devient obscène et la solidarité se limite à faire payer les moins riches, les plus riches étant protégés par le bouclier fiscal.

Analyse du  document 4 : il est intéressant de constater que les syndicats ne jouent  aucun rôle dans l’aide aux jeunes salariés !

Analyse du  document 5 : on préfère des associations à but particulariste (sport, la belote au club du 3e âge, loisir et fêtes) plutôt que les associations à but universaliste comme les syndicats.  Comme le document ne donne qu’une image de l’engagement associatif à un moment donné, il faut donc ajouter que le capital social, base des solidarités de proximité se délite au fil du temps au profit de l’individualisme (particulariste).

Analyse du  document 6 : Nous retrouvons dans ce document la logique du XIXe siècle, une solidarité limitée à l’assistance aux plus démunis. Nous tournons la page de l’Etat-providence instauré en France après la seconde guerre mondiale, l’assistance du berceau à la tombe pour tout le monde. Le document laisse une question sans réponse, la question de l’avenir de la solidarité, ce qui peut former l’ouverture du sujet en conclusion.

Nous pensons qu’il faut regarder la réalité en face, la prépondérance de l’Etat central dans une économie qui se disloque non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour des raisons écologiques (pic pétrolier, réchauffement climatique, chute de la biodiversité, dégradation des sols, etc.) est derrière nous. Le lien de solidarité, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, ne se situera pas simplement au niveau des solidarités publiques (sécurité sociale), individuelles (resto du cœur, charité…) ou familiales (en argent ou en nature), mais dans des solidarités de proximité retrouvées (voisinage, territoire d’appartenance, communautés diverses).

NB: nous répondrons directement sur ce blog à toute question pertinente sur ce sujet de dissertation.

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contre la relance du nucléaire

La Suède veut construire des nouvelles centrales, n’importe quoi ! Les nucléocrates ont tort de se réjouir, cette décision n’est qu’un leurre : en décidant qu’aucun argent public ne sera attribué, les autorités suédoises ont en réalité déjà enterré tout projet industriel. De plus la loi fait porter aux propriétaires des réacteurs une responsabilité totale en cas d’accident. Les investisseurs potentiels se rappelleront qu’en 2006 un court circuit avait provoqué le black-out d’un réacteur suédois à Forsmark. Deux générateurs de secours ayant refusé de démarrer pendant plus de 20 minutes, le cœur du réacteur nucléaire n’a plus été refroidi suffisamment. Selon un ancien responsable de cette centrale, « c’est l’événement le plus dangereux depuis Harrisburg et Tchernobyl ». Comme de plus aucune compagnie d’assurance ne couvre le risque nucléaire, il faut être fou ou techno-dévot pour croire au nucléaire en Suède ou ailleurs.

Le nucléaire était et restera une source d’énergie complètement marginale. La part du nucléaire dans l’électricité mondiale est passée en peu de temps de 17 % à moins de 13 %, et continue de chuter. Au niveau de la consommation totale d’énergie, le nucléaire couvre moins de 2 % de la consommation mondiale d’énergie, une part infime et en déclin (c’était encore 2,5 % en 2007). A comparer avec les énergies renouvelables qui couvrent déjà 18 % de la consommation mondiale d’énergie : encore insuffisant, certes, mais l’atome est largement perdant !

Enfin le nucléaire est non seulement bridé par l’épuisement des réserves d’uranium (pas plus de 60 ans au rythme de la consommation actuelle), mais il faut aussi tenir compte des risques :

          La gestion durable des déchets radioactifs, toujours sans solution dans le monde entier ;

          La dépendance des pays par rapport à la nécessité d’importer l’uranium, l’exploitation des pays producteurs ;

          La militarisation de la société nucléarisée, nécessaire pour une activité centralisée, très dangereuse, et susceptible d’attentats terroristes ;

          La prolifération, ce qui permet à des pays de construire des centrales et d’accéder à la bombe.

L’idée défendue par les sociaux-démocrates suédois, au pouvoir de 1994 à 2006, était que les réacteurs actuels ne seraient démantelés que lorsque leur production d’électricité serait compensée par de nouvelles sources d’énergie. Nous constatons là où ailleurs qu’aucun politique n’a le courage d’expliquer à la population que la seule solution durable est de diminuer la consommation d’énergie. C’est seulement parce que nous regardons la réalité en face qu’un sursaut est possible.

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démocratie nucléaire à la suédoise !

Ainsi va la démocratie, qui dit « sortir du nucléaire » un jour et son contraire le lendemain. En 1980, les Suédois avaient choisi 2010 comme date butoir pour le démantèlement du nucléaire. Nous sommes en 2010 et le parlement suédois vient de voter en faveur du remplacement des dix réacteurs nucléaires du pays lorsque ceux-ci seront arrivés au terme de leur durée d’exploitation. Alors qu’un référendum  en 1980 permettait d’abandonner le nucléaire, une loi prévoit maintenant l’abandon du démantèlement (« La Suède fait volte-face », LeMonde du 19 juin). Vox populi n’est pas la voix de Dieu ! Comment s’y retrouver ?

Sur 10 commentateurs de l’article du Monde, 8 sont le fait de pro-nucléaires qui crient déjà victoire de façon concertée :

– Le nucléaire fait quand même moins de dégâts que le pétrole.

– Lucide réalisme de la Suède. Loin du « politiquement correct écologiste ».

– Rattrapés par la réalité…

– Il est peut-être temps que la France engage le même débat courageux et décide de renouveler son parc de centrales nucléaires, voire de l’élargir, avant qu’il ne soit trop tard …

– Décision de bon sens. Pas d’alternative au nucléaire aujourd’hui. La bêtise a été d’arrêter Superphénix…

– ça sent la fin du pétrole, bientôt on reparlera de la surgénération à cause du faible stock mondial d’uranium.

– La seule réponse crédible pour l’Occident à l’explosion de la demande d’énergie est le nucléaire, voir aussi : Radiation and Reason: The Impact of Science on a Culture of Fear

– Nous savons maintenant – Radiation and Reason: The Impact of Science on a Culture of Fear – que le nucléaire a été diabolisé et qu’il présente, pour le moment la seule alternative sérieuse au pétrole…

Le débat paraît donc « ouvert ». Mais pour nous il est réglé, les Suédois aujourd’hui font la même erreur que Sarkozy, le nucléaire n’a pas d’avenir : le lobby pro-nucléaire n’a pas d’argument. La preuve ? Les commentaires ci-dessus s’expriment seulement en termes incantatoires.

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Grenelle 2 : l’enfumage est dissipé

Notre société thermo-industrielle n’est pas du tout préparée à l’ère de l’après-pétrole. Il faut une énorme marée noire pour que Barack Obama commence à se pencher sur la question. Pourtant les Lloyds, premier assureur mondial de risque, s’inquiètent : « Même avant que nous atteignions le pic pétrolier (ndlr : le moment où la production entamera un déclin irréversible, c’est-à-dire en ce moment), nous pourrions assister à une pénurie de pétrole à cause de la hausse de la demande d’énergie en Asie. » Mais en France, nous faisons comme si demain allait être pareil qu’avant-hier, on prévoit toujours la construction d’autoroutes et de lignes TGV, même au détriment de la biodiversité. La trame « verte et bleue », censée protéger la biodiversité, diminue comme peau de chagrin : le texte initial prévoyait la « compatibilité » des infrastructures avec les schémas régionaux de cohérence écologique. Le texte final, en fin de navette, stipule qu’elles devront seulement les « prendre en compte », sans aucune obligation (LeMonde du 18 juin). Le Grenelle va de renoncements en renoncements.

Le parti socialiste émet sur le Grenelle 2 un communique de presse (18 juin 2010) qui se veut assassin :  « Les parlementaires UMP ont confirmé et encore aggravé en Commission Mixte Paritaire les renoncements du Grenelle de l’environnement. Qu’il s’agisse des nombreux obstacles de procédure et des seuils infligés à l’éolien, de la non opposabilité des trames verte et bleue aux infrastructures linéaires de l’Etat, de l’usage des produits phytosanitaires dans l’agriculture, l’accord conclu entre les sénateurs et les députés UMP n’a sauvé ni le contenu ni l’honneur de la loi Grenelle 2. Les parlementaires UMP ont emboîté le pas au Président de la République. « Toutes ces histoires d’environnement, ça commence à bien faire » avait-il déclaré au salon de l’agriculture. Le Parlement a fermé le ban !

Le problème, c’est que si le PS était au pouvoir, connaissant les parlementaires socialistes comme on les connaît, la trame verte aurait été enterrée et l’ère de l’après-pétrole resterait un slogan vidé de son sens. Quant aux parlementaires américains, ils sont encore bien plus loin d’un véritable plan climat…

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le Mondial fait grossir

Pour savoir ce qui compte vraiment dans ce Mondial, il faut vraiment chercher. Ainsi nous apprenons que les nutritionnistes donnent un carton rouge à la FIFA. Le fonds mondial de recherche sur le cancer accuse la Fédération internationale de football d’avoir mal choisi ses sponsors qui « vendent des produits malsains : Coca Cola, McDonald’s ou les bières Budweiser ». Ces firmes ont le droit d’afficher leurs publicités sur tous les sites du Mondial alors qu’elles encouragent le surpoids (LeMonde du 16 juin).

                Les supporters du Mondial sont des gogos qui entretiennent le piège à fric. Julio Grondana, le président de la commission des fiances de la FIFA, est clair : « En ces temps d’instabilité économique, la coupe du monde s’avère être une valeur sûre qui combine le suspense et le divertissement et constitue une excellente plate-forme pour les marques commerciales. » Les six partenaires privilégiés de la FIFA, Adidas, Coca Cola, Emirates, Hyundai, Sony et Visa ont permis de mettre en place médiatiquement cette folie footbalistique non pour la vision de petits joueurs qui courent derrière un ballon, mais d’abord pour gonfler leur chiffre d’affaires. La FIFA engraisse d’ailleurs les 24 membres de son comité exécutif, largement mieux rémunéré que n’importe quel grand patron d’une grande entreprise. Son président, Joseph Blatter, dont la rémunération est classée secret-défense, émargerait à près de 4 millions de dollars par an. Entre mafieux, on se comprend.

                Et pendant qu’on amuse les voyeurs du ballon rond, la planète crève sous le poids de la dilapidation des ressources naturelles par les firmes multinationales…

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la philo au bac, aujourd’hui et demain

La philosophie est restée une discipline rébarbative dont l’utilité et l’intérêt nous échappent. Cette matière scolaire dénature son étymologie philo-sophia, « amour de la sagesse ». Les trois incontournables de la discipline philosophique, la liberté, la vérité et la justice, n’ont jamais incité les professeurs et leurs élèves à militer contre l’aliénation, les oxymores et les inégalités ; on se contente de réciter ses classiques morts il y a déjà fort longtemps. Si la mission de la philosophie consiste à nous débarrasser de nos illusions afin de nous aider à mieux vivre, pourquoi n’est-ce pas une critique en règle du système capitaliste libéral qui nous mène de plus en plus vite contre le mur formé par les limites de la planète ? Pourtant les quelque 500 000 candidats aux baccalauréats général et technologique 2010 ont entamé les épreuves ce jeudi 17 juin avec la philosophie.

Le philosophe Ollivier Pourriol croit actualiser son métier en sortant sortir un livre sur le foot, Eloge du mauvais geste. Ainsi, le coup de tête de Zidane ne serait pas seulement un mouvement incontrôlé, commis sous l’emprise de la colère, mais « un geste fou, réalisé avec une technicité d’ingénieur ». Zidane ne frappe pas Materazzi à la tête mais au cœur, « siège du courage et de la colère ». Cantona, en donnant un coup de pied inouï à un supporteur qui l’insulte, n’est pas simplement une brute épaisse. Il « donne une leçon de morale ». En « Diogène des stades », il se jette « comme un chien enragé sur l’imbécile qui a eu le malheur de croiser le chemin de son exigence. Cantona philosophe à coups de crampons ». N’importe quoi, comme si frapper quelqu’un était excusable, comme si le foot-spectacle pouvait servir d’exemple pour rechercher la sagesse alors que c’est une vaste entreprise d’intoxication des masses.

Nous conseillons aux maîtres-philosophes de se pencher plutôt sur la philosophie de l’écologie, seul domaine où ils pourraient encore apporter quelque chose aux lycéens. Voici quelques lectures possibles :

2010 Crise écologique, crise des valeurs (Défis pour l’anthropologie et la spiritualité) sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch (Labor et fides)

2009 Ecosophies, la philosophie à l’épreuve de l’écologie (MF) auteurs français et américains

2009 Crise éthique, éthique de crise ? (Entropia n° 6)

2007 La fin de l’exception humaine de Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

2004 La perte des sens (recueil de textes d’Ivan ILLICH) Fayard

1997 Du bon usage de la nature (pour une philosophie de l’environnement de Catherine et Raphaël Larrère (Flammarion 2009)

1991 Philosophie de la crise écologique de Vittorio Hösle (Wildproject, 2009)

1976 Ecologie, communauté et style de vie d’Arne NAESS (MF, 2008)

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NOUS PREPARONS LA GUERRE

Les ventes d’armes n’ont pour finalité que de semer la souffrance et la mort. Pourtant les dirigeants de l’industrie d’armement ne se cachent pas, ils tiennent même salon du 14 au 18 juin au parc des expositions de Paris à Villepinte. Depuis 1967 où il se tenait dans la ville éponyme de Satory, ce supermarché de la mort n’a cessé de se réunir tous les deux ans et de croître. A Eurosatory, le client avisé peut se procurer l’attirail complet de l’assassinat de masse, depuis l’arme de poing jusqu’au char d’assaut.

LeMonde du 15 juin s’inquiète d’une possible diminution des budgets de recherche pour l’armement en ces temps de sacrifice ! Heureusement que les marchés à l’exportation restent porteurs, + 10 à 20 % hors de la zone euro ! Il faut bien troquer son essence contre des tanks avec l’Arabie saoudite ou le Qatar. Et puis la vente des équipements destinés à la surveillance aux frontières a fait un grand bond en avant ! LeMonde n’a pas d’état d’âme, le journaliste Dominique Gallois pleure même sur les difficultés de rapprochement Thales-Safran dans l’optronique (mariage de l’optique et de l’électronique) militaire.

LeMonde devrait au contraire exprimer une protestation étayée contre le commerce des armes et réclamer la fermeture d’Eurosatory. En 1998, des protestataires venus d’Angleterre avec CAAT (Campaign Against Arms Trade), d’Italie avec le groupe VERDI (jeunes verts), des Pays Bas avec l’association d’objecteurs AMOK avaient rejoint les groupes français COT, APOC, CLOC, MOC et CNT ainsi que quelques représentants du MAN et de l’Union Pacifiste. Mais en 2010, les pacifistes sont muets ou presque, le Mondial tient les médias et nous fait oublier que les armes servent à tuer et que ceux qui les vendent planifient des massacres.

En l’an 2000 le collectif pour fermer Eurosatory était composé de plus de 50 groupes. Le 15 juin 2010, un petit rassemblement contre les Profiteurs de guerre et les Marchands d’armes était prévu à 18h à Paris au Mur de la Paix (Champ de Mars). Dans un monde qui prépare la guerre, comment penser à sauvegarder les équilibre écologiques ?

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le Mondial des gogos

Nous sommes inquiets, le virus se répand encore plus vite que celui de la grippe A. Déjà 26 milliards de Terriens intoxiqués en 2006, combien pour le Mondial 2010 ? (26 milliards, audience cumulée des retransmissions télévisées des matches du Mondial allemand, LeMonde du 10 juin 2010). Les Terriens n’éprouvent pas le besoin d’aimer le foot, mais les chaînes de télé et les puissances d’argent arrivent à les convaincre d’aduler le foot. Depuis 1998, les droits télévisés ont quasiment décuplé pour atteindre cette année un pactole estimé à 1,4 milliards d’euros. Comme la société de croissance arrive aux bouts de  ses possibilités étant donné l’épuisement des ressources de la planète, il lui faut trouver une alternative, il lui faut amuser le peuple, le divertir pour continuer à le dominer. Le culte du sport en arrive à copier les recettes de la religion pour anesthésier les gens ; et les gens croient atteindre le nirvana (factice et très temporaire, surtout quand « leur » équipe perd !) alors qu’ils sont devenus des victimes consentantes. Il n’y a pas de véritable liberté de choix, le supporter est pris dans un engrenage, l’adhésion à un groupe qui acquiert sa cohérence en voulant la déroute des adversaires, les signes extérieurs de reconnaissance (écharpe, maillots…) comme dans les systèmes fascistes, la beuverie pour sceller une amitié de connivence, les vuvuzelas qui vous percent les tympans ou la simple addiction en solitaire devant son poste retransmettant le match si attendu…

Cette addiction est non seulement véhiculée par les médias, mais soutenue par les politiques. Un président sud-africain pouvait même délirer : « Un jour les historiens évoqueront la Coupe du monde 2010 comme le moment où l’Afrique a redressé la tête et a résolument tourné le dos à des siècles de pauvreté et de conflits. » Nicolas Sarko, footeux 1er : « Qu’y a-t-il de plus fort que le football ? » Les dirigeants les plus puissants de la planète déroulent le tapis rouge devant les bureaucrates de la FIFA quand il s’agit de plaider la cause de leur pays pour obtenir le Mondial. Lorsque la FIFA prend une décision, elle est plus respectée que l’ONU qui empile des résolutions foulées au pied par les protagonistes. On n’a pas à s’aplatir devant la Fifa, on doit revaloriser l’ONU et ridiculiser la Fifa, fief des corrupteurs.

                Si les médias, les politiques et les Terriens avaient prêté autant d’attention au réchauffement  climatique qu’au Mondial de foot, le sommet de Copenhague aurait été un franc succès. Mais le capitalisme libéral préfère que les humains s’intéressent au foot-spectacle plutôt qu’à leurs conditions de vie présentes et futures…

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Dieu n’aime pas le foot

Dieu n’aime pas le foot, c’est devenu un concurrent trop en vogue, un substitut trop parfait. Le foot est en effet une religion, habillé des mêmes oripeaux, une tenue spéciale sur le stade ou dans les gradins, des chants comme à la messe, le culte des sanctifiés du ballon rond, des trophées en forme de calice, la ferveur d’une communauté en transe, des foules de supporters confites en dévotion. Plus besoin d’aller à la messe quand on aime le foot.

Les politiques aiment le foot. La ministre Rama Yade, qui a paraît-il toujours maintenu sa confiance dans l’équipe de France, demande même aux Français de devenir le 12e homme de l’équipe de France et de s’abstenir de toute polémique. Le ministre François Baroin sera consultant sportif sur Europe 1 pendant la durée du Mondial. L’Etat va consacrer 150 millions d’euros dans la perspective de recevoir l’Euro 2016. On dilapide des fonds publics au bénéfice de kermesses commerciales (LeMonde du 12 juin). Les millions n’ont pas englouti l’émotion, ils l’ont entretenue. Un petit Africain ne veut plus qu’une chose, signer dans un grand club pour s’offrir une voiture de sport et des pages dans la presse people. Le sport est devenu un vaste spectacle agrandi à l’échelle de la planète : divertir pour dominer !

Pourtant les Français n’aiment pas le foot, ils sont 42 % à ne pas s’intéresser au Mondial contre 35 % à s’y intéresser. Mais comme les  croyants, les politiques et les médias transforment une activité d’enfant qui consiste à courir derrière un balle en une liturgie adulée, les raisonneurs n’ont pas droit à la parole. Le foot est un moyen utilisé par la société de croissance pour cultive la démesure, l’hubris, l’absence de limites portée par l’Occident au détriment des équilibres de la biosphère. Comme la plupart des activités humaines, les jeux de ballon ont besoin d’une relocalisation, de redevenir un jeu et pas un sport, de retrouver le sens des limites.

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lettre ouverte à Edgar Morin

Edgar, tu nous invites à résister, d’accord, mais à qui, à quoi ? Tu vaudrais décoloniser l’imaginaire, parfait, mais lequel ? Tu nous invites seulement à « épouser les combats de notre temps » (LeMonde du 11 juin 2010). Un peu court, pour un grand intellectuel hors norme. De ton temps, puisque tu es né en 1921, il était assez facile de savoir à quoi résister, le nazisme, la guerre coloniale en Algérie, le communisme stalinien. Mais aujourd’hui, alors que les générations présentes sont menacées d’une amnésie généralisée,  ton interview ne nous aide pas beaucoup à savoir à quoi résister ! Dans notre société dont tu soulignes la complexité, la publicité habille en blanc même les idées les plus révolutionnaires, les entreprises habillent en vert l’environnement et la nature, les politiques retournent leur veste ! Alors, que faire ? « Fonder une éthique qui articule la poétique au prosaïque » ? Des mots, juste des mots ! Quand, comme tu nous le conseilles, nous avons pu percevoir les deux aspects contradictoires d’un même combat, en fait nous n’avons pas progressé !

Nous pensons sur ce blog que c’est la démarche de Xavier Renou qui est la meilleure, intégrative et efficace. Avec d’autres, il a créé en novembre 2006 le collectif « les désobéissants », un réseau informel de militants de l’action directe. Parce qu’ils voulaient se battre pour la défense de la vie et de la justice sociale, il ont décidé de s’organiser en un groupe de volontaires et d’activistes prêts à agir de manière directe et non violente aussi souvent que nécessaire/possible. Ils constataient le cloisonnement et la concurrence entre les activistes militants. Mais, que nous soyons altermondialistes ou anti-mondialisation libérale, protecteurs du requin ou amoureux de la biosphère, anticapitalistes ou antiproductiviste, antinucléaires ou casseur de pub, écoguerriers ou faucheur d’OGM, malthusiens ou néo-luddite, objecteurs de conscience ou objecteur de croissance, nous agissons tous dans la même direction, avec un objectif commun, réaliser une société plus juste et plus durable.

La convergence des militants est difficile, chacun a ses mots d’ordre et sa propre organisation. En respectant l’autonomie de chacun, les désobéissants se contentent de proposer des occasions de rencontres au cours de stages. On peut alors s’entraîner ensemble aux méthodes et techniques de l’action directe non-violente, on échange des idées. Il était nécessaire de donner aux activistes ces opportunités de formation. Edgar, pour résister et combattre, tu devrais nous parler des désobéissants, de leurs stages et de leur site http://www.desobeir.net/. Merci Edgar.

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pour en finir avec les OGM

Après avoir tout voulu autoriser, libre-échange et OMC obligent, nous sommes en passe de tout interdire. Alors notre époque est devenue schizophrène ; ainsi la commission européenne veut multiplier les autorisations de plantes transgéniques, mais les Etats seront libres de les interdire ! (LeMonde du 10 juin). Que penser pour retrouver la raison ?

Il ne faut pas avoir des OGM une vision centrée sur la valorisation des bio-ingénieurs européens ou le respect des lois de la compétitivité internationale : il faut regarder ce que les OGM entraînent structurellement. En fait les OGM ne sont que l’aboutissement ultime d’un processus de dépossession des paysans de leur propre savoir : ce qu’il faut planter est fabriqué dans un laboratoire lointain adossé à un système financier sur lequel il n’y a plus de prise possible. Cette évolution a commencé bien avant les OGM, avec les hybrides. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’agriculteur sélectionnait lui-même les variétés les plus résistantes, dont il récoltait les semences pour l’année suivante. C’était un cycle autogéré, même si certaines semences pouvaient être achetées Puis l’activité du sélectionneur est devenue un métier à part entière. Afin de protéger les nouvelles créations, un Certificat d’obtention végétale (COV) fut créé. Tout agriculteur devait utiliser les semences proposées par les catalogues officiels de semences. En France, 90 % des courgettes hybrides F1 sont aux mains de trois grands groupes semenciers : Syngeta, Limagrain et Monsanto. Cinq multinationales semencières possèdent 75 % des semences potagères et dix groupes détiennent 50 % de toutes les semences mondiales. L’enjeu est donc de taille, c’est le contrôle du système alimentaire mondial. L’agriculteur ne peut plus sélectionner ses meilleures semences car la commercialisation de ses récoltes lui est désormais interdite, celles-ci étant issues de semences non autorisées.

Se placer dans une perspective écologique implique d’adopter une vision non spécialisée de la biosphère, d’essayer de comprendre comment ses différentes composantes interagissent les unes avec les autres selon des modalités qui doivent tendre à l’équilibre et perdurer à travers les années. Si nous revenons à l’exemple agricole, le début des ennuis commence avec l’abandon de la polyculture quasi-autonome qui faisait du paysan quelqu’un qui maîtrisait tout un ensemble d’interdépendances. La spécialisation de la monoculture soumet l’agriculteur aux marchands et au marché, et alors tout s’enchaîne, la disparition des semences paysannes, la recherche de productivité, l’exode rural, la mécanisation forcée pour s’occuper de surfaces de plus en plus grandes, l’obligation des pesticides dans un milieu fragilisé par son homogénéité, l’achat des hybrides, la dépendance généralisée de l’exploitant agricole pris en tenaille entre les fournisseurs et les centrales d’achat, la baisse des revenus agricoles, etc. Comme l’impérialisme des semenciers signifie paupérisation, inégalités et dépendances alimentaires, la ré-appropriation des semences par les paysans est devenu absolument nécessaire. Il en va de notre souveraineté agricole, de notre sécurité alimentaire.

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industrie de la viande versus végétariens

Pour mieux apprécier la valeur des panneaux publicitaires que s’offre en ce moment Interbev : dialogue-confrontation entre Yves Berger (délégué général d’Interbev, association française interprofessionnelle de la filière viande) et André Méry (président de l’association végétarienne de France) :

Yves Berger : Lors du sommet de Copenhague, nous avons vu une campagne intense dans laquelle beaucoup de gens ont fait l’amalgame entre végétarisme, bien-être animal et environnement. Nous avons réagi avec notre propre campagne de presse.

André Méry : Je crois qu’on est à un moment critique dans l’évolution de la consommation des Français. Mais voilà, l’élevage en France, ce sont des dizaines de milliers d’emploi à défendre. Nous, les végétariens, nous ne recevons aucune subvention pour pouvoir dire aux gens que le discours dominant sur la viande – aidé par l’Etat, j’insiste – n’est ni équilibré ni rationnel. Il est par exemple impossible que le monde entier mange autant de viande que les Occidentaux.

Yves Berger : Ce n’est quand même pas notre faute si les Chinois ou les Brésiliens mangent de plus en plus de viande !

André Méry : Nous ne sommes pas innocents de ce qui se passe à l’étranger. Il faut tout de même avoir en tête que la France importe 5 millions de tonnes de tourteaux de sojas par an du Brésil ! Admettons que l’on crée une journée par semaine sans viande, cela permettra de réduire la déforestation, idem pour la pollution atmosphérique, pour le gaspillage d’eau, etc.

Yves Berger : En se contentant d’une vision purement environnementale, on peut admettre qu’il y aura un certain effet bénéfique. Mais il ne faut pas oublier l’économie, il faut être réaliste.

(source : Dossier du mensuel terraeco de février 2010) 

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Interbev et le lundi végétarien

Il paraît que le bœuf est « une énergie naturelle qui entretient les prairies, propice à la biodiversité et facteur de réduction de l’effet de serre ». C’est affirmé sur une pleine page de prairie verte sur ciel bleu que nous « offre » LeMonde du 8 juin, en fait une publicité financée par Interbev, l’interprofession bovine, ovine et équine. On ne peut donc s’attendre un avis parfaitement impartial et désintéressé, un peu à l’image de la patronne d’AREVA, Auvergeon, célébrant les mérites écologiques du nucléaire

                Le premier problème, c’est que ceux qui veulent contester les affirmations d’Interbev ne peuvent se payer une pleine page d’un quotidien, d’autant plus que des affiches similaires fleurissent sur les murs de nos villes : les lobbies agro-industriels dominent la scène médiatique et politique. Ensuite, on a rasé des forêts pour faire les prairies ; une forêt à un « bilan carbone » infiniment plus positif qu’une exploitation bovine. De plus la stabulation forcée est devenue la norme, élevage industriel oblige : des centaines de vaches sont parquées en dehors des prairies, avec un ordinateur intégré à la place de la cloche ancestrale, parfois avec la queue coupée, cela salit. On veut nous faire croire que les bœufs et les vaches ne mangent que de l’herbe. Faux ! N’oublions pas que l’utilisation systématique des antibiotiques et autres produits douteux dans l’alimentation animale est favorisée ; on en arrive même à nourrir les ruminants avec du grain. Maïs et soja importé sont massivement destinés à ces animaux. La déforestation amazonienne, c’est bien l’élevage bovin qui en est responsable (la France importe 5 millions de tonnes de tourteaux de sojas par an du Brésil ). Enfin l’élevage est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre (davantage que les transports) ; est à l’origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d’eau ; occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète, entre les zones de pâturage et celles produisant l’alimentation des animaux.

               Si l’information véhiculée parLeMonde était objective, on garderait cette page d’Interbev, mais on mettrait en vis-à-vis une pleine page pour inciter la population à pratique le lundi végétarien : cela permet de lutter à la fois contre les mécanismes d’intensification des conditions d’élevage, contre l’impact de l’élevage sur le réchauffement climatique et contre le gaspillage énergétique lié aux calories animales (manger trop de viande, c’est empêcher d’autres personnes de se nourrir). Et manger végétarien n’est pas mauvais pour la santé !

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la décroissance est à vendre

Un peu de pub pour Casseurs de pub, rebaptisé « La décroissance ». D’abord quelques extraits en vrac pour critiquer la religion de la croissance :

Les obèses de la croissance, ces riches qui n’ont de cesse ici et ailleurs de ridiculiser les modes de vie traditionnels…Dans les médias, une meute de chiens de garde, journalistes, économistes, publicitaires, répètent en boucle ce couplet : « Sortez du troupeau du productivisme et ce sera le goulag, la peste et le choléra »… Au moins les dévots des temps anciens admettaient qu’ils défendaient une religion. Ceux du scientisme sont pires : ils n’ont même pas cette conscience… Les économistes parlent de « décollage » des Etats grâce à la croissance en les comparant avec des avions. L’image est juste en ce sens que les Etats perdent progressivement pied avec la réalité terrestre… Les Etats fonctionnent à l’image des personnes endettées qui ne peuvent concevoir le futur  que si demain elles gagnent davantage qu’aujourd’hui… Le scénario noir du chaos social se poursuivra tant que nous ne sortirons pas de la croissance, qu’elle soit noire, bleue, orange, rose, rouge ou verte.

Et puis cette histoire du canadien Conrad Schmidt : « Je me suis dit que si je me débarrassais de ma voiture,  et que je me rendais en vélo au boulot, j’allègerais mon empreinte sur l’environnement. Résultat, outre le fait que j’étais plus en forme, je me suis retrouvé avec un surplus de 400 dollars par mois, parce qu’une bagnole, ça coûte cher. Et la question s’est posé de ce que j’allais faire de cet argent en plus. Si je me paye un voyage en Europe, ça revient au même, je continue de nuire. La consommation est donc exclue. De la même façon, si je m’offre des massages ou des cours d’espagnol, comme est-ce que, eux, mon masseur et mon prof, vont-ils dépenser cet excédent de revenu ? Sans doute qu’ils seront moins scrupuleux que moi et qu’ils vont accumuler des biens inutiles qui viendront aggraver la situation. Conclusion, soit je détruis ce fric, je le brûle, soit je m’achète du temps. A partir de ce moment, j’ai commencé à travailler seulement quatre jours par semaine, puis j’y ai pris goût, et me suis investi dans la communauté, j’ai quitté mon job, j’ai fait des films, écrit des bouquins… »

Le numéro de juin de la Décroissance, le journal de la joie de vivre, est en vente dans les kiosques …

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Blood, Toil, Tears and Sweat

I have nothing to offer but Blood, Toil, Tears and Sweat s’exclamait Churchill le 13 mai 1940 : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du  sang, de la peine, des larmes et de la sueur ». Soixante dix ans plus tard, son successeur David Cameron vient de prévenir que son pays allait connaître des années de « souffrance » (LeMonde.fr du 6 juin). Le Premier ministre britannique veut réduire le déficit public et le poids « énorme » de la dette. Il a tenu un discours que les hommes politiques en Grèce, en Espagne ou même en France commencent à adopter : « La qualité d’un véritable homme d’Etat est de prendre la bonne décision en expliquant aux gens l’objectif derrière la souffrance ». Très bien ! Mais il n’y a pas que les dettes publiques dans la vie, nous sommes en état de guerre, de guerre contre la planète ; la question monétaire est secondaire par rapport à la question des ressources physiques. Bien plus, tout ce que nous avons imaginé antérieurement pour sortir de la crise financière (remettre en route la machine à créer de la monnaie dans les banques) ne servira qu’à mieux préparer la prochaine crise.

Les politiques doivent faire leur le diagnostic de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean : « Osons le dire : celui ou celle qui arriverait, aujourd’hui, avec les idées claires sur la contrainte des ressources naturelles, et qui aurait un programme bien bâti pour y répondre, avec un mélange de souffle nouveau et d’efforts pour chacun, celui-là ou celle-là pourrait être audible. » (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde). Nous allons devoir nous faire à l’idée d’être plus heureux avec moins, et le pouvoir politique doit avoir le courage de le faire comprendre. Osons le dire : il nous faut un nouveau Churchill, et il nous le faut avant 2012 en France. Ce n’est pas gagné, le PS ne possède actuellement aucun Jaurès de l’écologie et les Verts se disputent avec Europe Ecologie pour savoir comment s’organiser ! Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, assure : « Sur la forme, on va s’en sortir, on est obligé ». Le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, vient d’assurer que la structuration du mouvement était un « bide total ». L’EE Daniel Cohn-Bendit reconnaît : « je n’ai pas la solution ».

Tant que les petits conflits inter-humains passeront avant le salut commun, tant que nous n’accepterons pas la souffrance et les larmes, l’avenir de nos enfants passera par les guerres du climat et non par la coordination des efforts de tous.

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