anthropisation

Vous montrerez que l’innovation résulte de l’action des entrepreneurs mais aussi de celle des pouvoirs publics

2e sujet (bac ES, 21 juin 2011)

analyse du sujet

Ce sujet se situe dans le thème « Croissance, capital et progrès technique ». Autant dire déjà que le contexte de crise structurelle de nos sociétés thermo-industrielles n’est pas très apparent ! Ensuite ce sujet oublie un facteur fondamental de l’innovation, la dialectique qui existe entre la recherche scientifique et ses applications technique (recherche-développement). Il nous semble de plus que se polariser sur les « entrepreneurs » nous fait oublier que les individus ne sont plus grand chose à l’époque des firmes multinationales et des coûts financiers impliqués par la plupart des innovations contemporaines. Enfin les pouvoirs publics ont maintenant une marge de manœuvre quais-nulle à l’heure des endettements massifs dont l’exemple de la Grèce, en quasi-faillite, n’est que le premier maillon d’une chaîne qui peut se rompre à tout moment.

Donc ce sujet qui nous incite à parler de Schumpeter et des grappes d’innovation, des innovations de produits ou de processus, de l’investissement public dans la recherche qui a tant besoin d’être sauvée… nous paraît en décalage avec le monde que nous vivons. Les « sciences économiques et sociales » ont du mal à suivre l’air du temps.

Analyse des documents

Document 1 sur les DIRD

La « recherche » est un terme vague qui ne dit rien de ce qu’on recherche. Plutôt que des  chiffres globaux en millions d’euros, nous aimerions connaître la part de la recherche qui est vraiment utile par rapport à celle qui ponctionne une très grande proportion du total sans démontrer son utilité comme la recherche dans le domaine nucléaire, ITER, ASTRID… Par exemple nous remarquons que la R&D effectuée par l’enseignement supérieur en 2007 est à peu près la moitié des dépenses (qui ne veut pas dire d’ailleurs « investissement ») des administrations : nous serions bien curieux de connaître les thèmes de recherche et le rendement des universitaires !

Pour les entreprises, les quatre branches qui sont prises en compte et qui couvrent la moitié des dépenses totales sont des branches vouées à l’inefficacité. L’industrie pharmaceutique est à bout de souffle, les molécules utiles sont devenues des génériques et les médicaments mis dorénavant sur le marché sont soit jugés inopérants par les pouvoirs publics, soit même dangereux comme le Mediator. L’industrie automobile ne sait pas encore que le pic pétrolier est passé depuis 2006 et que la rareté croissante des combustibles fossiles va rendre caduc la voiture individuelle. La construction aéronautique dépend du kérosène et renvoi donc à la même problématique de pénurie des ressources fossiles que l’automobile. C’est encore pire pour l’industrie spatiale dont les satellites encombrent déjà l’espace. Pour les équipements de communication, nous sommes déjà suréquipés et renforce la recherche n’y changera rien, sauf à gadgétiser encore davantage nos modes de vie avec le mobile de la xème génération et l’écran plus plat que plat.

Nous voyons bien au travers de ses chiffres que l’Etat et les entreprises n’ont pas encore compris que nous vivons dans un monde fini et qu’il s’agit dorénavant de vivre autrement.

Document 2 sur les entreprises qui innovent

La plupart des données parlent des mêmes secteurs qu’on appelle « branches » dans le document 1. Il s’agit toujours de croissance en  « élargissant la gamme », en conquérant de nouveaux marchés, en réduisant les coûts (pour permettre l’effet rebond)… On dirait que le rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance n’a pas été publié en 1972, il y a quarante ans bientôt. Notre société est autiste en voulant ignorer les chocs financiers et écologiques qui ébranlent tout notre système.

Remarquons d’ailleurs que la dernière colonne, « améliorer l’impact sur l’environnement », se retrouve à la traîne alors que cela devrait être l’objectif premier d’une société qui prône le « développement durable ».

Document 3 sur l’économie de l’innovation

Nous aurions préféré l’écologie de l’innovation. Car ce document indique clairement que l’innovation n’a pas pour objectif le bien-être social (rendement social), mais le rendement privé, c’est-à-dire le profit.

L’auteur croit que les pouvoirs publics peuvent valoriser le rendement social. C’est mal connaître la réalité d’un contexte politique soumis à la fois au lobbying des entreprises et des chercheurs.

Document 4 sur les pôles de compétitivité

L’Etat et les territoires favorisent les pôles de compétitivité pour obtenir une « position de premier plan ». Mais comme au niveau national et internationale il en est de même, il s’agit de concurrence sauvage. Ce n’est pas un hasard à l’heure actuelle si au lieu de parler de compétitivité internationale, on envisage de plus en plus le protectionnisme et la démondialisation.

Nous sommes dans un monde où la logique libérale du marché, de la concurrence et de l’innovation est en train de faire faillite. Il faut maintenant envisager une biosphère où les liens résultent de la coopération et de la complémentarité. L’inverse de ce que veut nous faire dire ce sujet !

NB : Nous répondrons à vos questions en commentaire si elles sont justifiées…

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L’emploi permet-t-il toujours de s’intégrer à la société française ?

1er sujet (bac ES, 21 juin 2011)

analyse du sujet : L’expression « toujours » ne veut rien dire en sociologie, les sociétés sont fluctuantes au gré des changements culturels. Une réponse de normand, Oui et Non, nous attend. Autrefois le travail était considéré comme une torture, c’est d’ailleurs son étymologie (trepalium, instrument de torture). Mais le travail sous forme d’emploi ne dit rien des conditions de cet emploi, rémunéré ou non (stagiaires exploités), contrat à durée déterminé ou indéterminé, à temps plein ou non, voulu ou subi. L’intégration est aussi ambiguë que les autres termes de ce sujet. Par exemple une intégration a un côté subjectif, « se sentir bien dans son travail » et un autre objectif, « être bien payé . le sujet est d’autant plus complexe qu’il s’agit d’intégration dans la société française et non pas seulement intégration dans son entreprise : la femme d’un employé dans une centrale nucléaire est-elle forcément d’accord avec le métier de son mari ? Le mari d’une femme cadre qui n’est jamais à la maison peut-il vivre l’épanouissement d’un couple ? Quand à envisager la société française, il ne semble pas y avoir de forte différence entre l’emploi dans les différents pays industrialisés : notre planète subit une homogénéisation qui s’appelle stress au travail, précarisation des emplois, culte de la performance, exacerbation de la concurrence entre collègues, etc.

Ce sujet est donc complexe, et les suicides à France télécom et un taux de chômage structurellement très élevé nous incitent à penser que ce n’est pas l’intégration par le travail qui prédomine. Mais comme ce sujet ne nous permet pas de parler d’écologie, nous n’en dirons pas plus sur ce blog…

NB : Nous répondrons à vos questions en commentaire si elles sont justifiées…

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communier avec la nature

Ecoutons-les parler quand ils le disent si bien !

Hervé Kempf : « Marcher. Marcher parmi les bois et les rochers… Rien de plus banal… Rien de plus extraordinaire, pourtant, dans ce monde où vrombissent les moteurs, où se multiplient les constructions, où se manufacturent les objets de l’infini désir, ce monde ivre de son propre vacarme… Ce qui anime l’écologie depuis l’origine, et qui se dissipe dans les batailles urbaines, c’est le souci de l’art perdu de la conversation entre les hommes et les êtres de fleur et de poil par lequel on se liait au cosmos. »* (Parler avec les arbres, LeMonde du 15 juin 2012)

François Terrasson : « L’idée de fusion avec l’univers, de solidarité avec les autres animaux, d’intégration sensuelle aux ambiances forestières, l’élan d’identité avec les énergies intérieures et celles du vent et des montagnes, tant de multiples façons de toucher réellement les cordons ombilicaux qui nous lient aux forces d’où l’on a émergé, sont absents, ou ridiculisés par les gens sérieux. L’égoïsme humain, le maintien des ressources pour l’homme ne peut être satisfait que par une philosophie qui ne soit pas centrée sur l’homme. Pour sortir d’un problème insoluble, les thérapeutes expliquent qu’il faut commencer par voir le problème de l’extérieur, en sortant du système de pensée qui a provoqué la crise. Il est grand temps que la Nature divorce de l’Environnement, car au nom de l’environnement on trafique et détruit la nature. » (La civilisation anti-nature, 1994)

John Seed : « A mesure que nous intériorisons les implications de l’écologie, nous nous identifions à toutes les formes de vie. L’aliénation s’estompe. « Je protège la forêt tropicale » se transforme en « je suis un élément de la forêt tropicale se protégeant lui-même ». Je suis cet élément de la forêt tropicale chez lequel la pensée est récemment apparue. » (Anthropocentrism : Appendix E, 1985).

Aldo Leopold : « La montagne qu’il faut déplacer pour libérer le processus vers une éthique, c’est tout simplement ceci : cessez de penser au bon usage de la terre comme à un problème exclusivement économique. Une chose est juste quand elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique, elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse ». (Almanach d’un comté des sables, 1946)

La Charte de la Nature des Nations unies proclamait en 1982 que « toute  forme de vie est unique, et mérite le respect, indépendamment de ce quelle vaut pour l’homme ». Est-ce encore possible quand le goudron, le béton et la démesure humaine aura tout recouvert ?

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le devoir des économistes, disparaître

L’économie est un système normatif qui gouverne les individus et les nations. Ce n’est pas une science, c’est ce qu’on appelait autrefois plus judicieusement l’économie politique. C’est une manière d’instaurer des relations de production et de répartition des biens et services. C’est une discipline orgueilleuse qui a phagocyté toutes les autres branches de la connaissance, la sociologie, la politique, la culture. C’est une aventure dangereuse qui nous mène de plus en plus vite dans le mur. Car la crise financière et écologique est une crise de la « science » économique elle-même. Un marché très myope, une mondialisation destructrice, la déconsidération du politique, un social dépendant d’une division extrême du travail, tout cela ne pouvait que se terminer très mal : le tsunami financier un jour, le choc pétrolier un autre jour, et Fukushima entre-temps.

Un colloque* a eu lieu sur le « devoir critique » de l’économie, il ne comportait que des économistes ! Ces gens-là commencent bien à se douter qu’il y a un problème bancaire, un blocage énergétique, une indétermination absolue sur le pourcentage admissible de prélèvements obligatoires, une spoliation croissante des générations future … Mais Philippe Askenazy a le culot de prétendre encore : « Nous les économistes, nous sommes à la fois dangereux et capables d’ apporter parfois des solutions. » Je trouve cette particule, « parfois », sublime. Car quand les économistes trouvent-ils la bonne solution ? Quand ils désirent une politique de croissance ou quand ils exigent une politique de refroidissement ? Quand ils veulent mettre en place une politique de relance ou quand ils proclament le combat contre l’inflation ?

                Les économistes ne se sont pas encore rendus compte qu’ils sont surdéterminés par les contraintes de la biosphère, ce que certains appellent les lois de la nature. Ils ont par leurs directives (trés théoriques) transgressé plusieurs de ces lois, par exemple la nécessité du recyclage ; c’est pourquoi nous allons être confrontés au réchauffement climatique et à la stérilisation des sols. Ils ont complètement oublié la complète dépendance de notre croissance envers l’énergie fossile. Le pic pétrolier et gazier n’existe pas pour eux alors que chaque augmentation du prix du baril entraîne la crise. En fait l’économie ne devrait être qu’une toute petite partie du social, et le social qu’une composante de l’ensemble des formes du vivant. Mais l’anthropocentrisme des économistes est une composante essentielle de leur aveuglement.

* LeMonde du 10 mai 2011, Devoir critique (dans le supplément économique)

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supprimons la voiture, en Chine et ailleurs

Par sa conception comme par sa destination originale, la bagnole est un bien de luxe. Et le luxe, par essence, cela ne se démocratise pas. La chose est communément admise s’agissant des villas de la côte ; démocratiser le droit aux  vacances, ce n’est pas « une villa avec plage privée pour chaque famille française ». Mais dans la société de l’automobile, le privilège de l’élite est mis à votre portée. L’automobilisme de masse matérialise le triomphe absolu de l’idéologie bourgeoise, il entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir aux dépens de tous.

Paradoxalement l’autonomie apparente a aussi pour envers une dépendance radicale : à la différence du cavalier ou du cycliste, l’automobiliste dépendait dorénavant pour son alimentation en énergie, comme d’ailleurs pour la réparation de la moindre avarie, des spécialistes de la carburation, de la lubrification, de l’allumage.  L’automobiliste a un rapport d’usager-consommateur et non plus de possesseur et maître d’un véhicule dont, formellement, il est propriétaire. Le peuple tout entier allait devenir client des pétroliers, la situation dont rêve tout capitaliste se réalisait, la dépendance de tous envers un monopole. L’Etat capitaliste a laissé se dégrader, puis a supprimé les liaisons ferroviaires entre les villes, leurs banlieues et leur couronne de verdure. Seules ont trouvé grâce à ses yeux les liaisons interurbaines à grande vitesse qui disputent aux transports  aériens leur clientèle bourgeoise. La généralisation de l’automobilisme individuel a évincé les transports collectifs, modifié l’urbanisme et l’habitat et transféré sur la bagnole des fonctions que sa propre diffusion a rendues nécessaires. Pour faire place à la bagnole, on a multiplié les distances : on habite loin du lieu de travail, loin de l’école, loin du supermarché.

Si la voiture doit prévaloir, il reste une seule solution : supprimer les villes, c’est-à-dire les étaler sur des centaines de kilomètres, le long de banlieues autoroutières. C’est ce qu’on a fait aux Etats-Unis. Ivan Illich (in Energie et équité) en résume le résultat : « L’américain type consacre plus de 1500 heures par an à sa voiture : cela comprend les heures qu’il passe derrière le volant, en marche ou à l’arrêt ; les heures de travail nécessaires pour la payer et pour payer l’essence, les pneus, les péages, l’assurance, les contraventions et impôts. Bilan : les gens travaillent une bonne partie de la journée pour payer les déplacements nécessaires pour se rendre au travail. La voiture en fin de compte fait perdre plus de temps qu’elle n’en économise. Comme cet Américain fait 10 000 kilomètres dans l’année, il fait donc du 6 km par heure. Dans les pays privés d’industrie des transports, les gens se déplacent exactement à cette même vitesse en allant à pied, avec l’avantage supplémentaire qu’ils peuvent aller n’importe où et pas seulement le long des routes asphaltées. »

Les usagers, écrit aussi Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. On peut imaginer des fédérations de communes (ou quartiers), entourées de ceintures vertes où citadins et écoliers passeront plusieurs heures par semaine à faire pousser les produits frais nécessaires à leur subsistance. La bagnole aura cessé d’être besoin. Que faire pour en arriver là ? Avant tout, ne jamais poser le problème du transport isolément, toujours le lier au problème de la ville, de la division sociale du travail et de la compartimentation que celle-ci a introduite entre les diverses dimensions de l’existence : un endroit pour travailler, une autre pour habiter, un troisième pour s’approvisionner, un quatrième pour s’instruire, un cinquième pour se divertir. L’agencement de l’espace continue la désintégration de l’homme commencée par la division du travail à l’usine. Travail, culture, communication, plaisir, satisfaction des besoins et vie personnelle peuvent et doivent être une seule et même chose : l’unité d’une vie, soutenue par le tissu social de la commune.

Michel Bosquet

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l’homme, l’ennemi de la nature

Nous avions interrogé récemment Alain Hervé, fondateur des Amis de la Terre en 1970 : « L’homme n’est qu’un élément de la nature qui a été doté d’une capacité de transformation trop brutale de l’environnement. Il nous faut donc abandonner notre anthropocentrisme pour ressentir profondément notre appartenance à la communauté des vivants. Nous sommes partis du vivant, et maintenant nous sommes responsables d’un tissu que nous détériorons. » Conception absolument inverse de celle de l’ex-ministre Luc Ferry, faisant référence à Fukushima : « La nature, aujourd’hui encore, demeure notre principale ennemie. »
Mais comme l’exprime Hervé Kempf*, « Il n’y a pas de dommage causé par la nature indépendamment des actions humaines qui le préparent ». Ferry est un conservateur atteint de nombrilisme humain, un homme des plateaux télé qui n’a rien lu des renouvellements de l’éthique. Cet ex-professeur de philosophie avait commis en 1992 un pamphlet, Le Nouvel ordre écologique. Le principal effet de ce livre avait été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien. Voici donc quelques précisions avec Stéphane Ferret in Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique :
« Le sophisme kantien doit être dénoncé. Cette vision du monde, dite métaphysique H, accorde un primat inaliénable à l’être humain. Parce qu’elle est humanocentrée, la métaphysique H est réputée humaniste. Mais en s’arrogeant l’exclusivité des droits, l’être humain se prend pour le maître des lieux et la nature dépérit. La métaphysique H est une métaphysique de la mort, infectée de fond en comble par le sophisme de la valorisation. L’humanisme est une métaphysique de la mort dans la mesure où, isolant l’identité de l’homme de celle du reste du monde, il fonde ontologiquement l’appropriation, l’exploitation et l’exténuation de la nature. Obnubilé par l’être humain, la métaphysique H risque de conduire au naufrage de son unique sujet. La seconde métaphysique, non-H, considère l’être humain comme un fragment du monde, comme un existant parmi les autres existants. La métaphysique non-H est par définition a-humaniste, non-humaniste, si nous voulons dire par là non obnubilée par l’être humain mais certainement pas dirigée contre l’être humain. Notre époque est celle de la bascule de la première vers la seconde vision du monde, de la substitution progressive de la métaphysique non-H à la métaphysique H. »
Hervé Kempf concluait ainsi : « Ceux qui se croient en guerre avec la nature accroissent le danger. L’avenir appartient aux amis de la Terre ». La biosphère ne peut qu’approuver !
* LeMonde du 20 avril 2011, les Amis de la Terre

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catastrophes contre « catastrophisme »

Pourquoi nous préférons LeMonde* au Figaro** ? D’un côté nous avons une double page réaliste sur « Vivre et penser le temps des catastrophes », de l’autre nous avons une vision idyllique du temps présent qui toujours ira vers le meilleur !

Le progressiste Bruno Tertrais, politologue et expert en dissuasion nucléaire, office aussi bien dans le Figaro-magazine que dans le Figaro au quotidien. Cet illusionniste vitupère le « marché de la peur », il veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Le Sida, les pluies acides, les pesticides, le trou dans la couche d’ozone… sont pour lui des terreurs irrationnelles. Bien entendu Bruno Tertrais pense que le réchauffement climatique n’existe pas et que Fukushima démontre parfaitement que la croissance nous protège des catastrophes naturelles : « Les seules victimes de Fukushima seront les travailleurs directement exposés à des doses toxiques » ! Ce membre de la Fondation pour la recherche stratégique se croit lucide en restant pro-nucléaire : « Que l’on sache, personne n’a jamais proposé de renoncer au transport aérien après une série de crashs meurtriers ». Comme si l’impact d’accidents ponctuels et des radiations qui se propagent et durent avaient la même incidence ! En fin de compte, il donne la cible de son optimisme béat : « Prôner la décroissance pour l’ensemble de la planète est irresponsable ».

 Dans LeMonde, Ulrich Beck montre qu’il avait eu raison : « Les dangers nucléaires, le changement climatique, la crise financière, le 11-septembre, etc., tout cela s’est produit conformément au scénario que je décrivais il y a 25 ans ; avant même la catastrophe de Tchernobyl… Le mythe de la sécurité est en train de se consumer dans les images de catastrophes dont les exploitants nucléaires avaient catégoriquement exclu la possibilité. » Harald Welzer constate que le rêve d’un Japon, au progrès indéfini et libéré des ressources naturelles, n’était possible qu’à court terme : « Les modèles sociaux (de confort) qui ont eu leur heure de gloire contiennent le décalque de leur propre déclin. » Isabelle Stengers peut écrire : « Malheur aux experts si leurs inquiétudes étaient susceptibles de donner raison aux alarmistes ; ils auraient trahi leur rôle assigné, qui est de collaborer à la mobilisation pour l’innovation, et donc le progrès. Ulrich Beck a décrit « La société du risque » en 1986. Harald Welzer a prédit « Les guerres du climat » (2009). Isabelle Stengers  a écrit en 2009 « Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient ». Bruno Tertrais vient de pondre « L’Apocalypse n’est pas pour demain », à contre-temps !

Mieux vaut comprendre la catastrophe dans LeMonde que se bercer d’illusions dans Le Figaro !

* LeMonde du 26 mars 2011, Vivre et penser le temps des catastrophes.

Harald Welzer, L’ère de la consommation et du confort va s’achever ; le capitalisme est devenu un système autodestructeur.

Ulrich Beck, C’est le mythe du progrès et de la sécurité qui est en train de s’effondrer ; plus que jamais, nous sommes dans une société du risque, voire du désastre.

Isabelle Stengers, Sortons de la rage de l’impuissance grâce à l’anticipation d’accidents écologiques à venir.

**  Le Figaro du 26 mars 2011

Figaro-Magazine : Bruno Tertrais, le progressiste.

Figaro, le quotidien : Bruno Tertrais, Du bon usage de la fin du monde

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Fukushima, le monstre est en nous

Günther Anders au 4e congrès international contre les bombes atomiques en 1958 tenu au Japon : « La constance que les  survivants de Hiroshima et à Nagasaki mettent à taire que l’événement a été causé par des hommes ; à ne pas nourrir le moindre ressentiment, bien qu’ils aient été les victimes du plus grand des crimes – c’en est trop pour moi, cela passe l’entendement. » Anders a montré que le nouveau régime du mal, c’est l’infirmité de tous les hommes lorsque leur capacité de détruire devient disproportionnée à la condition humaine. Alors le mal s’autonomise par rapport aux intentions de ceux qui le commettent.

La tragédie japonaise a ceci de fascinant qu’elle mêle inextricablement trois types de catastrophes que l’analyse traditionnelle distingue soigneusement : la catastrophe naturelle, la catastrophe industrielle et technologique, la catastrophe morale. Non, ce n’est pas Dieu qui punit les hommes pour leurs péchés, oui, on peut trouver une explication humaine, quasi scientifique, en termes d’enchaînement de causes et d’effets.

Il est beaucoup plus grave que les opérateurs des méga-machines qui nous menacent soient des gens compétents et honnêtes. On doit moins redouter les mauvaises intentions que les entreprises qui, comme l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), se donnent pour mission d’assurer « la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ». Car les plus grandes menaces viennent aujourd’hui moins des méchants que des industriels du bien.

NB : Lire l’article complet de Jean-Pierre Dupuy dans LeMonde du 20-21 mars 2011…

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TV lobotomie, de jeunes esclaves

AnyTime, Anywhere, Any Device, n’importe quand, n’importe où sur n’importe quel écran*. Tel est l’idéal des jeunes. Le journaliste Guy Dutheil laisse dire que « cela leur permet de devenir autonome ». Nous pensons plutôt que cela les rend esclaves. Les annonceurs suivent les jeunes téléspectateurs partout où ils regardent la télévision, ce n’est certainement pas pour les rendre plus intelligents. Comme l’avoue un consultant télé : « Il y a une tendance lourde dans les jeux et les divertissements d’intégrer la télé à l’ordinateur, les réseaux sociaux et le mobile. » Le diagnostic est simple, TV lobotomie. Quelques recommandations** :

  1. La télé exerce une action fortement nocive sur le développent et le vieillissement cognitif, le sommeil, la réussite scolaire, la santé, l’agressivité, la sociabilité intra et extra-familiale. Bien qu’il existe de (rares) bons programmes, il n’y a pas de « bon usage » du petit écran. La meilleure solution me semble donc être, sans aucun doute possible, le zéro télé.
  2. Si une télé doit être présente dans la maison, elle ne devrait jamais se trouver dans la chambre à coucher, surtout chez un enfant ou un adolescent.
  3. Pendant les cinq ou six premières années de vie, toute exposition audiovisuelle doit être strictement proscrite par les parents tant la télévision trouble le sommeil, promeut l’obésité à long terme et interfère avec le développement intellectuel, affectif physique et social de l’enfant. Les déficits acquis dans ces derniers domaines aux premiers âges de l’existence se révèlent bien souvent irréversibles.
  4. Chez les écoliers du primaire et les collégiens, le temps de télévision devrait, dans tous les cas, être maintenu en dessous de 3-4 heures par semaine (ce chiffre inclut bien sûr l’usage de vidéos).
  5. Les adultes font ce qu’ils veulent. Que ces adultes n’oublient pas cependant que la télé est un facteur d’isolement social et qu’elle expose le spectateur à des risques morbides majeurs par sa propension à favoriser la sédentarité, le déclin cognitif inhérent au processus de vieillissement, l’apparition de pathologies cérébrales dégénératives et les conduites à risques.

* LeMonde du 12.03.2011, Les 15-24 ans regardent la télévision sur tous les écrans à tout moment

** TV LOBOTOMIE de Michel Desmurget (édition Max Milo, 2011)

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Eduquer au XXIe siècle ? Impossible !

Nous habitons un monde trop plein, bientôt sept milliards d’humains. Le nouvel écolier n’a jamais vu veau, vache, cochon ni couvée, il a perdu le sens de ses racines. La France ne compte plus que 1 % de paysans en 2011, les Français ont perdu le sens de ce qui les fait vivre. Ils habitent la ville, ils n’admirent qu’une nature pour loisirs et tourisme, ils ont perdu le sens de l’effort physique. Né sous péridurale, l’espérance de vie va vers quatre-vingts ans sans jamais avoir expérimenté l’urgence vitale d’une morale ! Ils sont formatés par les médias, qui détruisent les facultés d’attention en réduisant le temps des réponses aux questions à quinze secondes, chiffres officiels ; le mot le plus répété est « mort » et l’image la plus représentée celle de cadavres. Pourtant les médias se sont saisis de la fonction d’enseignement. Les occidentaux sont formatés par la publicité, compagne de la société du spectacle. Nos enfants habitent donc dorénavant le virtuel, pas le réel. Ils écrivent autrement, avec les deux pouces. Ils ne parlent plus leur propre langue.

L’individu ne sait plus vivre en couple, il divorce ; ne sait plus se tenir en classe, il bouge et bavarde ; l’été dernier, nos footballeurs n’ont pas su faire équipe ; nos politiques ne savent plus construire un parti plausible ou un gouvernement stable. Nous n’avons inventé aucun lien social nouveau, juste un recrutement Facebook. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, accessible à tous, inaccessible en cohérence. Distribué, mais non concentré, dilué à l’infini.

Face à ces mutations néfastes, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés… Tout est à refaire !

NB : ce texte reprend le point de vue de Michel Serres (lemonde.fr du 05.03.11, Eduquer au XXIe siècle ) en montrant sa virulence… qui n’était qu’implicite !

PS : L’article de Michel Serres est repris dans LeMonde papier du 6-7 mars 2011

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pour les humains, quel collectif ?

L’être humain n’est jamais seul, dès le départ il a besoin de sa mère et de son géniteur, d’un couple parental qui le socialise et l’ouvre sur les autres sinon il deviendrait un enfant sauvage, d’une famille élargie et d’un territoire d’appartenance, de gouvernance locale, nationale et internationale, de la biosphère et de la communauté des êtres vivants, d’une planète, d’un système solaire et d’une galaxie. Nous sommes interdépendants avec l’ensemble de l’univers… et certains veulent pourtant nous faire croire que l’individu est une monade isolée qui a toute liberté d’agir à sa guise. Ces représentants des religions de l’homme à l’image de dieu et ces économistes libéraux qui croient à la toute puissance de l’individu n’ont pas un très grand sens de l’observation.

L’abbé Jean Meslier* rejetait dès avant 1729 sa religion pour mettre à la place une conception matérialiste très contemporaine : « Sur quelles bases ont-ils fondé cette prétendue certitude de l’existence d’un Dieu? Sur la beauté, l’ordre, sur les perfections des ouvrages de la nature? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu comme créateur des êtres et des choses, alors que les êtres et les choses existent et que, par conséquent, il est bien plus simple d’attribuer la force créatrice, organisatrice, à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c’est à dire à la matière elle-même? Toutes les qualités et puissances qu’on attribue à un Dieu placé en dehors de la nature, pourquoi ne pas les attribuer à la nature même qui est éternelle ? »

Comment être en désaccord avec ce point de vue ? Notre collectif, c’est la matière, c’est la biosphère, c’est la nature. Nous avons oublié cela et nous avons saccagé notre milieu de vie. Pourtant les religieux parcourent encore ce monde de leurs paroles insensées et les gouvernants ne parlent que de croissance pour justifier leurs destructions. Homo demens, commencent à dire de plus en plus d’observateurs de nos folies.

* Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier (1729), publié après sa mort

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les humains sont de trop sur cette planète

 L’humanité, polluant de la Terre ou nouvelle configuration terrestre ? LeMonde* en discute et s’interroge sur la force géologique majeure que constitue l’activité humaine puisqu’elle en arrive à modifier l’atmosphère terrestre. Mais LeMonde se noie dans le détail des discussions oiseuses : quelle est la date de départ de l’anthropocène ? Nous préférons aller au fond des choses avec Jacques Grinevald** :

« Au lendemain du tollé qui accueillit le premier rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance (1972), on n’avait pas encore compris l’accélération de la dynamique d’un système aussi complexe que la Biosphère, altérée par l’activité humaine, et on ne croyait pas sérieusement à l’imminence d’une double menace comme celle du changement  climatique et de la déplétion mondiale du pétrole brut ! On a oublié que ce rapport scientifique illustrait déjà le problème des courbes exponentielles de notre croissance. Bien entendu, l’ère néolithique n’était nullement un long fleuve tranquille. Mais relativement à l’explosion démographique et technique des deux derniers siècles, le passé semble stationnaire et froid, tandis que l’époque actuelle manifeste une surchauffe incontestable de la croissance. On nous parle beaucoup des impératifs économiques de la mondialisation, mais il est grand temps de réfléchir aux impératifs de la mondialisation écologique, parce que le monde vivant auquel nous appartenons est un phénomène à l’échelle de la Terre. Dans cette perspective planétaire, tous nos problèmes prennent un autre sens, y compris nos problèmes métaphysiques et religieux. Redonner au vivant une place centrale dans notre théorie de la Terre n’est pas encore une évidence pour tout le monde. L’arrogance de l’humanisme fait partie des racines culturelles et historiques de notre crise écologique. Mais une nouvelle figure du sacré est sans doute en train de se dessiner, non dans l’image de cet Homme prométhéen qui se prend pour l’âme du monde ou la conscience de la Nature, mais dans une nouvelle alliance entre l’espèce humaine et toute la Biosphère, alliance sans précédent parce que réellement planétaire et d’une manière qu’on peut seulement exprimer avec la métaphore de la symbiose : l’homme est la Nature prenant conscience d’elle-même. »

Il paraît que le spectacle « fin du monde » vue par les Sea Girls est un grand bonheur, des Bisous de bienvenue au grandiose final Faire pipi sur le gazon. Pour son suicide collectif, l’humanité aime s’accompagner de quelques paillettes… L’humanité veut-elle encore avoir une place sur cette planète ? Parfois nous en doutons… A moins d’une nouvelle alliance avec la biosphère ?

* LeMonde du 5 février 2011, Depuis quand l’homme façonne-t-il le climat ?

** La Biosphère de l’Anthropocène de Jacques Grinevald  (Georg, 2007)

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de l’humanisme à l’anthropocentrisme

Nancy Huston*  s’étonne de la complaisance dont on fait preuve lorsqu’on emploie le mot « humain » comme compliment, synonyme de « gentil » ou capable d’empathie. En fait, on sait de source sûre que les humains peuvent à volonté suspendre leurs capacités d’empathie : les nazis, les gardiens de camp, les bourreaux d’enfants, les adeptes de l’insecticide, du pesticide, du biocide, etc. Souvent on en arrive même à se demander si les humains ne sont pas méchants au fond et gentils par inadvertance. Pourtant on croit qu’humain est synonyme d’humaniste. Mais c’est un autre détournement de sens. Selon l’approche encyclopédique classique, l’humaniste n’est qu’un Homme versé dans la connaissance des langues et littératures anciennes. En France, l’humanisme, ou, pour mieux dire, la Renaissance littéraire, prit corps par l’établissement du Collège de France en 1530. Certains contemporains en ont tiré l’idée que les humains doivent s’affirmer et se construire indépendamment de toute référence et de tout modèle religieux. L’humain serait alors la valeur suprême : l’humanisme devient un anthropocentrisme, gentil par nature ! David Ehrenfeld a rassemblé, dans « The arrogance of Humanism« , six actes de foi, sorte de credo par lequel s’exprime les certitudes de cet humain moderne :

1. Tous les problèmes peuvent être résolus,

2. Beaucoup de problèmes peuvent l’être par la technique,

3. Les problèmes qui ne peuvent être résolus par la technique, ou par la technique seule, ont des solutions dans le monde social (de la politique, de l’économie, etc.),

4. Quand les cartes seront sur la table, nous nous emploierons à travailler à une solution avant qu’il ne soit trop tard,

5. Certaines ressources sont infinies; toutes les ressources finies ou limitées ont des substituts,

6. La civilisation humaine survivra par l’imagination.

Ce prodigieux narcissisme de l’espèce humaine s’interdit de considérer le déclin pour les humains, pourtant destin commun des espèces du vivant. Ce narcissisme ne peut qu’accroître le déclin économique et social.

* LeMonde du 16-17 janvier 2011, Empathie

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massacre de bidoche

Nous mangeons de la viande à la chaîne, nous élevons des animaux à la chaîne, nous massacrons des animaux à la chaîne. Et quand il y a épidémie de fièvre aphteuse, c’est le génocide : 1,41 millions de porcs et bovins avaient déjà été abattues au 11 janvier en Corée du Sud*. Faute de produits létaux, des animaux ont été enterrés vivants. Des officiants au massacre souffrent de stress post-traumatiques, bouleversés par la souffrance des animaux. S’y ajoute une réapparition des cas de grippes aviaires de la souche H5N1, la plus violente. Tout cela dans l’indifférence générale. Les commentateurs du monde.fr n’ont rien à dire sur ce genre d’événements, ils préfèrent se concentrer sur des cas insignifiants comme les démêlés de Zemmour avec la justice.

Ainsi va l’humanité, qui élève ses volailles en batterie puisqu’elle exige une consommation de masse de type carné. Ainsi vit l’humanité, en batterie, enfermée dans les cages exiguës de ses HLM ou de ses bidonvilles. Les virus aiment les entassements de bidoche**…

* LeMonde du 13 janvier 2011, La fièvre aphteuse ravage la Corée du Sud.

** à lire : Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde de Fabrice Nicolino

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match Morin/Delhommais, 10 à zéro

Sibylle de Pazoult adore le texte de Morin*, « Quel beau texte ! Merci, du fond de la nuit ». Jacques Cosquer abhorre, « Ouah! Quelle compilation de lieux communs ». Ainsi va la réaction des abonnés du monde.fr, disant tout et son contraire. Quelques éléments de réflexion pour s’y retrouver un peu :

Faulle : « Fabuleux! Bientôt cent ans, et toutes ses dents, et sa pensée fossilisée par 70 ans de fonctionnariat. CNRS, ah quand tu nous tiens… Il a pas dû souvent se poser la question de comment faire bouillir la marmite, le vieux chercheur. Pépère, avec sa pension tombant tous les 27 du mois, toute une vie !

Biosphere : Ce qui est remarquable dans ce commentaire, c’est qu’il n’y a pas un mot sur le point de vue d’Edgar Morin. Avec « Faulle », l’intelligence collective ne progresse pas, elle régresse ! Avec des gens comme Faulle, la marche vers les désastres va s’accentuer dans la décennie qui vient.

Naïf : « Où est l’analyse ? On en reste à des constats qui sont bien souvent des poncifs. Il manque le « pourquoi » et le « comment ». Comment sortir de la crise ? »

Biosphere : un article ne peut tout dire. Si tu veux une approche plus globale, tu peux consulter en ligne notre UTOPIE 2050,

Henry Fay : C’est toujours le même discours des nantis idéalistes qui critiquent la croissance sans voir que c’est la croissance et rien d’autre et surtout pas les bons sentiments qui a sorti de la misère des centaines de millions de personnes en Chine, notamment. Je ne sais où il a vu que la pauvreté se convertissait en misères reléguées en énormes bidonvilles. »

Biosphere : Nous savons où la croissance nous a mené, le déracinement et le chômage, la montée des inégalités, l’extension de banlieues ingérables, le krach (pic pétrolier, réchauffement climatique…) contre les limites des ressources de la planète, etc. Par exemple en Chine, l’allocation de surfaces excessives de terres à la construction ou au pâturage ainsi que la surconsommation des réserves d’eau rendent très difficile la lutte contre l’avancée du désert.

Carouge : Article de Morin à mettre en regard de la chronique du jour de M. Delhommais**, pour bien comprendre que cette dernière est totalement inepte.

Quelques commentaires lus sur lemonde.fr à propos de l’article de Delhommais : En lisant le papier de Morin, des lecteurs ns renvoyaient vers celui de Delhommais: quelle désastreuse comparaison, le premier étant un témoin de qualité l’autre ns servant une pensée assujettie aux Neo conservateurs types… Trois plaisanteries à deux balles sur le goût des Chinois pour le Champagne et un petit bout de logiquette sur la compétitivité, c’est indigne, c’est odieux, c’est stupide… INDIGNE chronique, et totalement à côté de la question… Vous mêlez tout, juste dans le dessein de nous réduire à d’horribles consommateurs ! Question bilan 2010 et saines réflexions taisez-vous et lisez Edgar Morin ici, ce jour !… Dire que les Français sont collectivement des nantis par rapport au reste du monde est purement gratuit si l’on oublie d’en conclure qu’il nous faudra donc apprendre la décroissance et le partage, et que nous pourrions en être bien plus heureux

* LeMonde du 9-10 janvier 2011, Les nuits sont enceintes d’Edgar Morin

** LeMonde du 9-10 janvier 2011, Les Chinois eux ont le champagne gai

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anthropocène et schizophrénie

Notre époque est schizophrène. Les médias nous donnent tous les moyens de comprendre que nous sommes au bord du gouffre. Et en même temps ils cultivent l’optimisme le plus débridé. Prenons LeMondeMagazine* qui nous présente l’anthropocène, cette ère nouvelle où les humains modifient l’atmosphère de la Terre, mettent à mal l’hydrosphère, agressent la lithosphère et bouleversent la biosphère. Le désastre assuré ! Mais ce Magazine adule aussi les nouvelles technologies : «  Nos enfants auront une puce électronique greffée dans le corps grâce à laquelle ils pourront communiquer, payer, jouer, etc. L’horreur ? Parlez-en avec vos ados, cela ne leur fait pas peur. En route vers le futur ! » D’un côté nous détériorons complètement le milieu qui nous fait vivre avec nos techniques démesurées, de l’autre nous voulons artificiellement « améliorer » l’homme comme le souhaitent les transhumanistes.

Un autre article du Magazine souhaite mettre un potager dans la ville : « Paniers solidaires (AMAP), agriculture urbaine, jardins partagés, potagers scolaires, approvisionnement local, ceinture vivrière autour des agglomérations… » Aucune mention des menaces écologiques qui, à l’heure de l’anthropocène, pèsent sur l’agriculture et l’alimentation : « La peur de la disette ne hante plus nos capitales occidentales ». Pourtant on constate à Berlin qu’on a tout détruit, les petits marchés, les jardins particuliers, les fermes environnantes. Une étude a même démontré que la quantité de biocarburants produite aux alentours de la ville ne suffirait pas à transporter toute la nourriture qu’on fait venir du monde entier pour alimenter les supermarchés. Or le problème est général. En 2008, la population urbaine mondiale a dépassé celle qui vit dans les campagnes. Un simple choc énergétique, et les villes commencent à mourir de faim. Mais LeMondeMagazine n’en dit rien ; il préfère poursuivre sur les « rituels de chasse dans les Highlands »…

Comment s’étonner alors que la confusion règne dans les esprits ?

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le père Noël, invention des marchands d’illusion (1/6)

En Europe, les rituels liés à l’approche de l’hiver sont ancestraux. Fixer la naissance de Jésus près du jour le plus court de l’année, ce fut d’abord la tentative de l’Eglise catholique de nier un paganisme proche de la Nature.
La liturgie de la Messe de l’Aurore rappelle que la nuit est passée, le jour est avancé. L’invention du père Noël résulte d’un détournement historique complémentaire. L’Église catholique avait décidé de remplacer les figures païennes par des saints. Saint Nicolas de Lycie désignait le saint protecteur des tout-petits car, selon la légende, il aurait ressuscité trois enfants trucidés par un horrible boucher. Mais il était fêté le 6 décembre : un personnage, habillé comme on imaginait que saint Nicolas l’était (grande barbe, crosse d’évêque, grand vêtement à capuche), va alors de maison en maison pour offrir des cadeaux aux enfants sages.

C’est seulement en 1809 que l’Américain Washington Irving a créé le personnage du Père Noël. La mondialisation du Père Noël peut commencer, y compris avec sa couleur rouge, utilisée dès 1866. De nombreuses firmes avaient déjà utilisé cette symbolique dans des publicités, mais Coca-Cola a largement contribué à fixer l’image actuelle : à partir de 1930, une série de publicités pour la marque Coca-Cola utilise le costume rouge et blanc. En France les catholiques, qui depuis longtemps s’échangeaient des petits cadeaux à Noël le 25 décembre en l’honneur de la naissance du Christ, ont résisté un temps au « père Noël ». Mais entre le XIX et le XXe siècle, des chrétiens associent cette « fête des enfants » à celle de l’Enfant Jésus : Saint Nicolas fera désormais sa tournée la nuit du 24 décembre.

Le père Noël n’est qu’un hérétique dont la hotte va être garnie par les marchands du Temple. Aujourd’hui l’enfant Jésus est bien oublié, Noël est devenu la fête des marchands. Même des pays n’ayant pas de tradition chrétienne comme la Chine utilisent désormais le 25 décembre comme outil de vente. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette fête de Noël (censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique) qui a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Il nous faut supprimer le père Noël.

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biotechnologies et respect du vivant

Nous ne respectons pas le vivant. La transgression des codes ADN est une abomination. Nous dépouillons un organisme vivant de ses gènes pour parvenir à un génome minimal nécessaire pour perpétuer la vie. Nous avons construit une bactérie au patrimoine génétique synthétisé. . La cellule vivante devient un châssis pour lequel on construit des lignes d’assemblage. Des logiciels sont déjà en développement pour identifier les commandes d’ADN susceptibles de conduire à la création d’agents pathogènes. Certains veulent même créer un monde artificiel séparé de celui où nous vivons. Or les transformations biogénétiques sont imprévisibles, non testées et mal comprises. On se demande parfois jusqu’où ne pas aller trop loin !

Nous ne respectons pas le vivant. L’élevage en batterie est une abomination. Nous commençons à en prendre conscience. Les poules pondeuses auront bientôt droit à un perchoir, une litière et au moins 750 cm2. Les députés européens réclament la mise en œuvre de cette décision. Ils devraient aussi s’occuper des biotechnologies…

* LeMonde du 18 décembre 2010, Vers des  vies moins ordinaires.

** LeMonde du 18 décembre 2010, Poules pondeuses (page planète)

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Miss France mise à nu

Les foires à bestiaux déterminent les plus gros cochons, Miss France désignent la plus belle truie. Car de toute façon, il s’agit dans les deux cas de faire défiler des morceaux de  viande fraîche. Les féministes réagissent. Entre vingt et trente personnes, c’est à dire 12, avaient décidé de se réunir à Caen pour protester contre l’élection de Miss France. Les non-féministes sont partout. LeMonde* consacre un page entière au gala. Endemol produit Miss France comme il produit la télé-réalité poubelle (Loft Story…). Geneviève de Fontenay, 78 ans, s’accroche à sa seule joie de vivre et finance Miss nationale. Les commentaires sur lemonde.fr restent au ras des pâquerettes : « Les Ivoiriens ont bien deux présidents, pourquoi pas deux Miss France… Ca nous fait vraiment une belle jambe… ou plutôt 4. » Les internautes veulent maintenant savoir si on peut trouver des photos dénudées de la lauréate, Laury Thillemann. Toujours plus !

Ce monde de midinettes qui fait défiler les nymphettes est le signe le plus évident de la confusion des sens. Car rien ne change. Les hommes sortent encore vainqueurs : ils ont les défilés de Miss pour le fun et les match de foot pour le mental. La société du spectacle joue son rôle dans tous les domaines, nous divertir, c’est-à-dire détourner notre attention des choses qui comptent. Car notre nature humaine n’est pas régie par les lois de la Nature. Les anthropologues ont renouvelé l’approche du rapport homme/femme en montrant l’importance, dans le processus même de l’hominisation, de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Il est par exemple possible chez la femme de favoriser un orgasme par des stimulations psychologiques portant sur les zones érogènes secondaires.

Toute société doit donc déterminer une certaine image de la femme. Elle peut valoriser la soumission de la femme, militer pour l’égalité des sexes (féminisme), cultiver le sex-appeal ou l’androgynie. Cette liberté totale de détermination des rôles sociaux est la condition nécessaire de l’apparition des Miss France : exciter (un peu) la libido tout en multipliant les interdits (dont Mme Fontenay raffolait). Mais le vrai succès des Miss France remonte à 1986, première retransmission télé du concours, un soir de réveillon chez Guy Lux. L’audimat grimpe en flèche, notre société n’est pas réellement pour l’égalité des sexes… Les canons de la beauté ne remplacent pas les canons de la guerre mais continuent d’accompagner les guerres.

* du 5-6 décembre 2010, Sœur Geneviève (- de Fontenay, née  Mulmann)

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l’humaniste est-il écolo ?

Certaines méchantes langues traitent certains écologistes d’anti-humanistes. L’analyse ci-dessous montrent que c’est plutôt un humanisme étroit qui empêche d’être vraiment écologiste. L’humanisme qui consiste à tout ramener à l’homme – surtout occidental – instaure un anthropocentrisme aussi dévastateur pour le reste de la création qu’il est hégémonique. Quelques témoignages :

Claude Lévi-Strauss en 1955 : Tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement, dans la philosophie indigène, par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes. Ce sont là des témoignages peut-être naïfs, mais combien efficaces d’un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui (…) Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres avant l’amour-propre  (Tristes tropiques)

Jean Baudrillard en 1973 : Pourquoi faut-il que la vocation de l’homme soit toujours de se distinguer de l’animal ? L’humanisme est une idée fixe qui nous vient, elle aussi, de l’économie politique – enfin, laissons cela -.  (Le miroir de la production)

Sale Kirkpatrick en 1995 : L’un des traits de l’industrialisme et de faire un usage intensif des trésors concentrés dans la nature et de ses organismes vivants, dénommés « ressources », sans égards pour la stabilité du monde qui les fournit. C’est un processus ratifié par des idéologies industrielles tels que l’humanisme, qui en donne le droit, le matérialisme, qui en donne l’explication, et le rationalisme, qui en donne la méthode. Ce que Carlyle voyait au XIXe siècle comme une économie « en guerre contre la nature » est devenu une guerre encore plus violente au XXe. (La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation)

Catherine et Raphaël Larrère en 1997 : Une des caractéristiques du cadre conceptuel de la modernité fut de poser l’extériorité de l’homme à la nature. De ce grand partage, on a décliné les dimensions ontologiques (sujet # objet), scientifiques (sciences de la nature # sciences humaines) et morales (humanisme antinaturaliste) Or, c’est cette partition que les développements contemporains de la science remettent en question. La parenté de l’humanité avec toutes les autres espèces, que le darwinisme avance, permet de surmonter la scission entre le sujet et l’objet. La modernité n’est pas anthropocentrique (…) Remontant à la politique nazie de protection de la nature (la Naturschutz, antérieure à la venue des nazis au pouvoir, mais conservée par ceux-ci), Ferry assimilait dans un même  antihumanisme lourd de menaces fascistes la deep ecology, l’environnementalisme américain, Michel Serres et les thèses de Hans Jonas. Nous avons quelques raisons de penser que les écologistes ne représentent pas le véritable danger, alors que les menaces qu’ils dénoncent sont souvent réelles. La dénonciation de la deep ecology ou de l’écocentrisme demeure un rituel obligé qui ne nous paraît pas justifié. (Du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement)

Philippe Descola en 2005 : La subordination des non-humains aux décrets d’une humanité impériale est de plus en plus contestée par des théoriciens de la morale et du droit qui travaillent à l’avènement d’une éthique de l’environnement débarrassée des préjugés de l’humanisme kantien. Aux Etats-Unis, en Australie en Allemagne et dans les pays scandinaves a surgi une approche morale des devoirs de l’homme vis-à-vis de la collectivité du vivant et des droits que celle-ci pourrait posséder de façon intrinsèque (…) L’anthropologie est donc confrontée à un défi formidable : soit disparaître avec une forme épuisée d’humanisme, soit se métamorphoser en repensant son domaine de manière à inclure dans son objet bien plus que l’anthropos, toute cette collectivité d’existants liée à lui et reléguée dans une fonction d’entourage. (Par-delà nature et culture)

Robert Barbault en 2006 : Ce dont il s’agit n’est rien de moins que l’avènement d’un humanisme planétaire, lequel suppose une sorte de réconciliation entre l’homme et la nature. Oui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère et l’appeler anthropocène doit nous inviter à prendre conscience des responsabilités que cela nous donne vis-à-vis des générations futures et des autres habitants de la Terre. (Un éléphant dans un jeu de quilles)

Baptiste Lanaspeze en 2007 : Le fait d’accorder une valeur en soi au monde naturel ou, en d’autres termes, de quitter l’ancien point de vue anthropocentrique pour adopter un point de vue « écocentrique », c’est ce qui caractérise pour le philosophe norvégien Arne Naess le passage à l’écologie profonde. Que l’on n’ait cessé de dénoncer une « rupture avec l’humanisme » là où il s’agit d’approfondissement des valeurs, voilà qui peut sembler étrange. Car ce dont il s’agit précisément pour Naess, c’est de réformer l’éthique et la métaphysique, pour permettre à l’homme de vivre une vie meilleure au sein de ce qui l’entoure (…) Assumer ce label de deep ecology, c’est rappeler à l’humanisme étroit qu’il a raison de ne pas aimer la deep ecology, car la deep ecology ne l’aime pas non plus. (L’écologie profonde n’est pas un « totalitarisme vert »)

Alain De Benoist en 2007 : Il ne serait cependant pas honnête de passer sous silence les impasses dans lesquelles l’écologie pourrait s’engager. Le biocentrisme égalitaire, où la vie d’un homme ne vaudrait finalement rien de plus que celle d’une vache ou d’un puceron reviendrait à passer d’un excès à l’autre. Il s’agit de rejeter d’un même mouvement l’humanisme héritier des Lumières, qui croit qu’on ne peut reconnaître à l’homme sa dignité qu’en l’arrachant au monde naturel, et l’idéologie de ceux qui oublient ce qui fonde en propre le phénomène humain. Reconnaître la spécificité humaine ne légitime pas plus la domination et la destruction de la Terre que la défense et la préservation de la nature n’impliquent la négation de ce qu’il y a d’unique dans l’espèce humaine. La conscience du rapport de co-appartenance interdit tout aussi bien de faire de la nature un objet intégralement dominé par l’homme que de faire de l’homme un objet intégralement agi par la biosphère. (Demain, la décroissance ! penser l’écologie jusqu’au bout)

Jacques Grinevald en 2007 : Eduqué dans mon enfance d’une manière très catholique, je me suis éloigné d’un certain humanisme soi-disant universel que je trouve à présent terriblement eurocentrique, et même excessivement anthropocentrique. Je me suis révolté intérieurement contre le fossé des deux cultures, l’humaniste et religieuse qu’on m’avait inculquée, et celle plus écologique et scientifique. Dans les années 1970, l’écologie (scientifique et politique) devenait une nouvelle perspective, aussi subversive que passionnante (…) L’arrogance de l’humanisme fait partie des racines culturelles et historiques de notre crise écologique. (La Biosphère de l’Anthropocène, repères transdisciplinaires)

Roger Ribotto en 2007 : L’anthropocentriste distingue si fort la nature de la culture que pour lui la spécificité de l’homme est d’être anti-nature. Anthropocentrisme égale humanisme….dans la mesure où humanisme égale anthropocentrisme. Tant que la nature n’aura pour nous d’autres raisons d’exister que son exploitation par l’homme, la crise  durera, s’amplifiera. Il faut donc rejeter l’anthropocentrisme pour une pensée plus moderne, mieux adaptée à notre temps : mettre l’homme à sa bonne place dans la nature. (L’écologie profonde)

Serge Latouche en 2007 : La décroissance, entendue comme philosophie fondatrice d’un projet de société autonomie, implique une rupture avec l’occidentalocentrisme. Ce n’est pas un hasard si la plupart des inspirateurs de la décroissance (Illich, Ellul, Claude Lévi-Strauss et bien d’autres), ont dénoncé l’humanisme occidental : toute tentative de formuler des postulats issus du code moral d’une seule culture réduit la possibilité d’appliquer à l’humanité dans son ensemble quelque déclaration des droits de l’homme que ce soit (…) C’est pourquoi le projet de la décroissance n’est pas un modèle clef-en-main, mais une source de diversité. Cela dit, ne nous méprenons pas. Cette conception n’est en aucun cas un antihumanisme. Peut-être pourrait-on parler d’un a-humanisme comme je parle d’a-croissance. (petit traité de la décroissance sereine)

Harald Welzer en 2009 : Les cultures occidentales tiennent très fort à l’Humanisme, à la Raison et au Droit, bien que ces trois régulations de l’action humaine aient historiquement succombé à chaque attaque, dès qu’elle fut un peu  rude. De fait la culture n’a de sens qu’en elle-même, en tant que technique pour accroître les chances de survie des groupes sociaux. La variante occidentale ne dure que depuis 250 ans seulement, et au cours de cette minuscule période il s’est trouvé plus de ressources détruites que pendant les 39 750 années précédentes. Or ces ressources ne sont pas perdues que pour le présent, mais aussi pour l’avenir. L’histoire de l’Occident libre, démocratique et éclairé écrit aussi sa  contre-histoire, faite de non-liberté, d’oppression et du contraire des Lumières. De cette dialectique, l’avenir des conséquences du climat montre que le rationalisme des Lumières ne pourra s’exempter. Il y connaîtra son échec. (Les guerres du climat)

Alain Papaux en 2010 : L’homme peut tout vouloir, les indisponibilités auxquelles il est confronté n’étant dues qu’à une limite passagère, à une connaissance-maîtrise momentanément insuffisante de la science. Le transhumanisme qui porte ce projet est bien un humanisme, un héritier de la vision moderne de l’homme et de la science. La nature humaine est devenue indistincte puisque commensurable aux artefacts, rendue disponible par la convergence NBIC (sciences dites nano-bio-informativo-cognitives). Même l’intériorité s’est technicisée. Toutefois la liberté des Modernes, libérée par disparition des limites, loin de nous accomplir, se prépare à nous engloutir. (l’illimité à l’indisponible in Crise écologique, crise des valeurs sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch)

Anne Dalsuet en 2010 : Pour Arne Naess, une acception de l’humanisme, fort insuffisante, valorise l’homme en faisant de lui le seul sujet de droit. Selon le schéma kantien, il n’y a de valeur utilitaire, esthétique ou morale qu’en vertu de l’attribution d’un sujet, c’est pourquoi « sans les hommes, la création tout entière ne serait qu’un simple désert inutile et sans but final ». Seuls les hommes sont pour Kant sujets et dignes d’être considérés comme des valeurs ou des fins en soi.

Nous devons nous délivrer de cette conception dominatrice de l’homme ; les hommes ne construisent pas tout seuls leur monde. Il faut déconstruire l’idéologie parasite par laquelle les hommes légitiment leur comportement destructeur à l’encontre de la Terre. Rolston et Taylor ne limitent pas la sphère de la moralité à la stricte humanité. Dans la nature, il existe de nombreuses stratégies adaptatives : tous les êtres vivants animaux et végétaux, s’emploient à préserver leur existence et à se reproduire, en ayant recours à des stratagèmes qui sont autant de moyens mis au service de fins. (Philosophie et écologie)

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