anthropisation

match Morin/Delhommais, 10 à zéro

Sibylle de Pazoult adore le texte de Morin*, « Quel beau texte ! Merci, du fond de la nuit ». Jacques Cosquer abhorre, « Ouah! Quelle compilation de lieux communs ». Ainsi va la réaction des abonnés du monde.fr, disant tout et son contraire. Quelques éléments de réflexion pour s’y retrouver un peu :

Faulle : « Fabuleux! Bientôt cent ans, et toutes ses dents, et sa pensée fossilisée par 70 ans de fonctionnariat. CNRS, ah quand tu nous tiens… Il a pas dû souvent se poser la question de comment faire bouillir la marmite, le vieux chercheur. Pépère, avec sa pension tombant tous les 27 du mois, toute une vie !

Biosphere : Ce qui est remarquable dans ce commentaire, c’est qu’il n’y a pas un mot sur le point de vue d’Edgar Morin. Avec « Faulle », l’intelligence collective ne progresse pas, elle régresse ! Avec des gens comme Faulle, la marche vers les désastres va s’accentuer dans la décennie qui vient.

Naïf : « Où est l’analyse ? On en reste à des constats qui sont bien souvent des poncifs. Il manque le « pourquoi » et le « comment ». Comment sortir de la crise ? »

Biosphere : un article ne peut tout dire. Si tu veux une approche plus globale, tu peux consulter en ligne notre UTOPIE 2050,

Henry Fay : C’est toujours le même discours des nantis idéalistes qui critiquent la croissance sans voir que c’est la croissance et rien d’autre et surtout pas les bons sentiments qui a sorti de la misère des centaines de millions de personnes en Chine, notamment. Je ne sais où il a vu que la pauvreté se convertissait en misères reléguées en énormes bidonvilles. »

Biosphere : Nous savons où la croissance nous a mené, le déracinement et le chômage, la montée des inégalités, l’extension de banlieues ingérables, le krach (pic pétrolier, réchauffement climatique…) contre les limites des ressources de la planète, etc. Par exemple en Chine, l’allocation de surfaces excessives de terres à la construction ou au pâturage ainsi que la surconsommation des réserves d’eau rendent très difficile la lutte contre l’avancée du désert.

Carouge : Article de Morin à mettre en regard de la chronique du jour de M. Delhommais**, pour bien comprendre que cette dernière est totalement inepte.

Quelques commentaires lus sur lemonde.fr à propos de l’article de Delhommais : En lisant le papier de Morin, des lecteurs ns renvoyaient vers celui de Delhommais: quelle désastreuse comparaison, le premier étant un témoin de qualité l’autre ns servant une pensée assujettie aux Neo conservateurs types… Trois plaisanteries à deux balles sur le goût des Chinois pour le Champagne et un petit bout de logiquette sur la compétitivité, c’est indigne, c’est odieux, c’est stupide… INDIGNE chronique, et totalement à côté de la question… Vous mêlez tout, juste dans le dessein de nous réduire à d’horribles consommateurs ! Question bilan 2010 et saines réflexions taisez-vous et lisez Edgar Morin ici, ce jour !… Dire que les Français sont collectivement des nantis par rapport au reste du monde est purement gratuit si l’on oublie d’en conclure qu’il nous faudra donc apprendre la décroissance et le partage, et que nous pourrions en être bien plus heureux

* LeMonde du 9-10 janvier 2011, Les nuits sont enceintes d’Edgar Morin

** LeMonde du 9-10 janvier 2011, Les Chinois eux ont le champagne gai

match Morin/Delhommais, 10 à zéro Lire la suite »

anthropocène et schizophrénie

Notre époque est schizophrène. Les médias nous donnent tous les moyens de comprendre que nous sommes au bord du gouffre. Et en même temps ils cultivent l’optimisme le plus débridé. Prenons LeMondeMagazine* qui nous présente l’anthropocène, cette ère nouvelle où les humains modifient l’atmosphère de la Terre, mettent à mal l’hydrosphère, agressent la lithosphère et bouleversent la biosphère. Le désastre assuré ! Mais ce Magazine adule aussi les nouvelles technologies : «  Nos enfants auront une puce électronique greffée dans le corps grâce à laquelle ils pourront communiquer, payer, jouer, etc. L’horreur ? Parlez-en avec vos ados, cela ne leur fait pas peur. En route vers le futur ! » D’un côté nous détériorons complètement le milieu qui nous fait vivre avec nos techniques démesurées, de l’autre nous voulons artificiellement « améliorer » l’homme comme le souhaitent les transhumanistes.

Un autre article du Magazine souhaite mettre un potager dans la ville : « Paniers solidaires (AMAP), agriculture urbaine, jardins partagés, potagers scolaires, approvisionnement local, ceinture vivrière autour des agglomérations… » Aucune mention des menaces écologiques qui, à l’heure de l’anthropocène, pèsent sur l’agriculture et l’alimentation : « La peur de la disette ne hante plus nos capitales occidentales ». Pourtant on constate à Berlin qu’on a tout détruit, les petits marchés, les jardins particuliers, les fermes environnantes. Une étude a même démontré que la quantité de biocarburants produite aux alentours de la ville ne suffirait pas à transporter toute la nourriture qu’on fait venir du monde entier pour alimenter les supermarchés. Or le problème est général. En 2008, la population urbaine mondiale a dépassé celle qui vit dans les campagnes. Un simple choc énergétique, et les villes commencent à mourir de faim. Mais LeMondeMagazine n’en dit rien ; il préfère poursuivre sur les « rituels de chasse dans les Highlands »…

Comment s’étonner alors que la confusion règne dans les esprits ?

anthropocène et schizophrénie Lire la suite »

le père Noël, invention des marchands d’illusion (1/6)

En Europe, les rituels liés à l’approche de l’hiver sont ancestraux. Fixer la naissance de Jésus près du jour le plus court de l’année, ce fut d’abord la tentative de l’Eglise catholique de nier un paganisme proche de la Nature.
La liturgie de la Messe de l’Aurore rappelle que la nuit est passée, le jour est avancé. L’invention du père Noël résulte d’un détournement historique complémentaire. L’Église catholique avait décidé de remplacer les figures païennes par des saints. Saint Nicolas de Lycie désignait le saint protecteur des tout-petits car, selon la légende, il aurait ressuscité trois enfants trucidés par un horrible boucher. Mais il était fêté le 6 décembre : un personnage, habillé comme on imaginait que saint Nicolas l’était (grande barbe, crosse d’évêque, grand vêtement à capuche), va alors de maison en maison pour offrir des cadeaux aux enfants sages.

C’est seulement en 1809 que l’Américain Washington Irving a créé le personnage du Père Noël. La mondialisation du Père Noël peut commencer, y compris avec sa couleur rouge, utilisée dès 1866. De nombreuses firmes avaient déjà utilisé cette symbolique dans des publicités, mais Coca-Cola a largement contribué à fixer l’image actuelle : à partir de 1930, une série de publicités pour la marque Coca-Cola utilise le costume rouge et blanc. En France les catholiques, qui depuis longtemps s’échangeaient des petits cadeaux à Noël le 25 décembre en l’honneur de la naissance du Christ, ont résisté un temps au « père Noël ». Mais entre le XIX et le XXe siècle, des chrétiens associent cette « fête des enfants » à celle de l’Enfant Jésus : Saint Nicolas fera désormais sa tournée la nuit du 24 décembre.

Le père Noël n’est qu’un hérétique dont la hotte va être garnie par les marchands du Temple. Aujourd’hui l’enfant Jésus est bien oublié, Noël est devenu la fête des marchands. Même des pays n’ayant pas de tradition chrétienne comme la Chine utilisent désormais le 25 décembre comme outil de vente. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette fête de Noël (censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique) qui a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Il nous faut supprimer le père Noël.

le père Noël, invention des marchands d’illusion (1/6) Lire la suite »

biotechnologies et respect du vivant

Nous ne respectons pas le vivant. La transgression des codes ADN est une abomination. Nous dépouillons un organisme vivant de ses gènes pour parvenir à un génome minimal nécessaire pour perpétuer la vie. Nous avons construit une bactérie au patrimoine génétique synthétisé. . La cellule vivante devient un châssis pour lequel on construit des lignes d’assemblage. Des logiciels sont déjà en développement pour identifier les commandes d’ADN susceptibles de conduire à la création d’agents pathogènes. Certains veulent même créer un monde artificiel séparé de celui où nous vivons. Or les transformations biogénétiques sont imprévisibles, non testées et mal comprises. On se demande parfois jusqu’où ne pas aller trop loin !

Nous ne respectons pas le vivant. L’élevage en batterie est une abomination. Nous commençons à en prendre conscience. Les poules pondeuses auront bientôt droit à un perchoir, une litière et au moins 750 cm2. Les députés européens réclament la mise en œuvre de cette décision. Ils devraient aussi s’occuper des biotechnologies…

* LeMonde du 18 décembre 2010, Vers des  vies moins ordinaires.

** LeMonde du 18 décembre 2010, Poules pondeuses (page planète)

biotechnologies et respect du vivant Lire la suite »

Miss France mise à nu

Les foires à bestiaux déterminent les plus gros cochons, Miss France désignent la plus belle truie. Car de toute façon, il s’agit dans les deux cas de faire défiler des morceaux de  viande fraîche. Les féministes réagissent. Entre vingt et trente personnes, c’est à dire 12, avaient décidé de se réunir à Caen pour protester contre l’élection de Miss France. Les non-féministes sont partout. LeMonde* consacre un page entière au gala. Endemol produit Miss France comme il produit la télé-réalité poubelle (Loft Story…). Geneviève de Fontenay, 78 ans, s’accroche à sa seule joie de vivre et finance Miss nationale. Les commentaires sur lemonde.fr restent au ras des pâquerettes : « Les Ivoiriens ont bien deux présidents, pourquoi pas deux Miss France… Ca nous fait vraiment une belle jambe… ou plutôt 4. » Les internautes veulent maintenant savoir si on peut trouver des photos dénudées de la lauréate, Laury Thillemann. Toujours plus !

Ce monde de midinettes qui fait défiler les nymphettes est le signe le plus évident de la confusion des sens. Car rien ne change. Les hommes sortent encore vainqueurs : ils ont les défilés de Miss pour le fun et les match de foot pour le mental. La société du spectacle joue son rôle dans tous les domaines, nous divertir, c’est-à-dire détourner notre attention des choses qui comptent. Car notre nature humaine n’est pas régie par les lois de la Nature. Les anthropologues ont renouvelé l’approche du rapport homme/femme en montrant l’importance, dans le processus même de l’hominisation, de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente. Il est par exemple possible chez la femme de favoriser un orgasme par des stimulations psychologiques portant sur les zones érogènes secondaires.

Toute société doit donc déterminer une certaine image de la femme. Elle peut valoriser la soumission de la femme, militer pour l’égalité des sexes (féminisme), cultiver le sex-appeal ou l’androgynie. Cette liberté totale de détermination des rôles sociaux est la condition nécessaire de l’apparition des Miss France : exciter (un peu) la libido tout en multipliant les interdits (dont Mme Fontenay raffolait). Mais le vrai succès des Miss France remonte à 1986, première retransmission télé du concours, un soir de réveillon chez Guy Lux. L’audimat grimpe en flèche, notre société n’est pas réellement pour l’égalité des sexes… Les canons de la beauté ne remplacent pas les canons de la guerre mais continuent d’accompagner les guerres.

* du 5-6 décembre 2010, Sœur Geneviève (- de Fontenay, née  Mulmann)

Miss France mise à nu Lire la suite »

l’humaniste est-il écolo ?

Certaines méchantes langues traitent certains écologistes d’anti-humanistes. L’analyse ci-dessous montrent que c’est plutôt un humanisme étroit qui empêche d’être vraiment écologiste. L’humanisme qui consiste à tout ramener à l’homme – surtout occidental – instaure un anthropocentrisme aussi dévastateur pour le reste de la création qu’il est hégémonique. Quelques témoignages :

Claude Lévi-Strauss en 1955 : Tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement, dans la philosophie indigène, par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes. Ce sont là des témoignages peut-être naïfs, mais combien efficaces d’un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui (…) Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres avant l’amour-propre  (Tristes tropiques)

Jean Baudrillard en 1973 : Pourquoi faut-il que la vocation de l’homme soit toujours de se distinguer de l’animal ? L’humanisme est une idée fixe qui nous vient, elle aussi, de l’économie politique – enfin, laissons cela -.  (Le miroir de la production)

Sale Kirkpatrick en 1995 : L’un des traits de l’industrialisme et de faire un usage intensif des trésors concentrés dans la nature et de ses organismes vivants, dénommés « ressources », sans égards pour la stabilité du monde qui les fournit. C’est un processus ratifié par des idéologies industrielles tels que l’humanisme, qui en donne le droit, le matérialisme, qui en donne l’explication, et le rationalisme, qui en donne la méthode. Ce que Carlyle voyait au XIXe siècle comme une économie « en guerre contre la nature » est devenu une guerre encore plus violente au XXe. (La révolte luddite, briseurs de machine à l’ère de l’industrialisation)

Catherine et Raphaël Larrère en 1997 : Une des caractéristiques du cadre conceptuel de la modernité fut de poser l’extériorité de l’homme à la nature. De ce grand partage, on a décliné les dimensions ontologiques (sujet # objet), scientifiques (sciences de la nature # sciences humaines) et morales (humanisme antinaturaliste) Or, c’est cette partition que les développements contemporains de la science remettent en question. La parenté de l’humanité avec toutes les autres espèces, que le darwinisme avance, permet de surmonter la scission entre le sujet et l’objet. La modernité n’est pas anthropocentrique (…) Remontant à la politique nazie de protection de la nature (la Naturschutz, antérieure à la venue des nazis au pouvoir, mais conservée par ceux-ci), Ferry assimilait dans un même  antihumanisme lourd de menaces fascistes la deep ecology, l’environnementalisme américain, Michel Serres et les thèses de Hans Jonas. Nous avons quelques raisons de penser que les écologistes ne représentent pas le véritable danger, alors que les menaces qu’ils dénoncent sont souvent réelles. La dénonciation de la deep ecology ou de l’écocentrisme demeure un rituel obligé qui ne nous paraît pas justifié. (Du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement)

Philippe Descola en 2005 : La subordination des non-humains aux décrets d’une humanité impériale est de plus en plus contestée par des théoriciens de la morale et du droit qui travaillent à l’avènement d’une éthique de l’environnement débarrassée des préjugés de l’humanisme kantien. Aux Etats-Unis, en Australie en Allemagne et dans les pays scandinaves a surgi une approche morale des devoirs de l’homme vis-à-vis de la collectivité du vivant et des droits que celle-ci pourrait posséder de façon intrinsèque (…) L’anthropologie est donc confrontée à un défi formidable : soit disparaître avec une forme épuisée d’humanisme, soit se métamorphoser en repensant son domaine de manière à inclure dans son objet bien plus que l’anthropos, toute cette collectivité d’existants liée à lui et reléguée dans une fonction d’entourage. (Par-delà nature et culture)

Robert Barbault en 2006 : Ce dont il s’agit n’est rien de moins que l’avènement d’un humanisme planétaire, lequel suppose une sorte de réconciliation entre l’homme et la nature. Oui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère et l’appeler anthropocène doit nous inviter à prendre conscience des responsabilités que cela nous donne vis-à-vis des générations futures et des autres habitants de la Terre. (Un éléphant dans un jeu de quilles)

Baptiste Lanaspeze en 2007 : Le fait d’accorder une valeur en soi au monde naturel ou, en d’autres termes, de quitter l’ancien point de vue anthropocentrique pour adopter un point de vue « écocentrique », c’est ce qui caractérise pour le philosophe norvégien Arne Naess le passage à l’écologie profonde. Que l’on n’ait cessé de dénoncer une « rupture avec l’humanisme » là où il s’agit d’approfondissement des valeurs, voilà qui peut sembler étrange. Car ce dont il s’agit précisément pour Naess, c’est de réformer l’éthique et la métaphysique, pour permettre à l’homme de vivre une vie meilleure au sein de ce qui l’entoure (…) Assumer ce label de deep ecology, c’est rappeler à l’humanisme étroit qu’il a raison de ne pas aimer la deep ecology, car la deep ecology ne l’aime pas non plus. (L’écologie profonde n’est pas un « totalitarisme vert »)

Alain De Benoist en 2007 : Il ne serait cependant pas honnête de passer sous silence les impasses dans lesquelles l’écologie pourrait s’engager. Le biocentrisme égalitaire, où la vie d’un homme ne vaudrait finalement rien de plus que celle d’une vache ou d’un puceron reviendrait à passer d’un excès à l’autre. Il s’agit de rejeter d’un même mouvement l’humanisme héritier des Lumières, qui croit qu’on ne peut reconnaître à l’homme sa dignité qu’en l’arrachant au monde naturel, et l’idéologie de ceux qui oublient ce qui fonde en propre le phénomène humain. Reconnaître la spécificité humaine ne légitime pas plus la domination et la destruction de la Terre que la défense et la préservation de la nature n’impliquent la négation de ce qu’il y a d’unique dans l’espèce humaine. La conscience du rapport de co-appartenance interdit tout aussi bien de faire de la nature un objet intégralement dominé par l’homme que de faire de l’homme un objet intégralement agi par la biosphère. (Demain, la décroissance ! penser l’écologie jusqu’au bout)

Jacques Grinevald en 2007 : Eduqué dans mon enfance d’une manière très catholique, je me suis éloigné d’un certain humanisme soi-disant universel que je trouve à présent terriblement eurocentrique, et même excessivement anthropocentrique. Je me suis révolté intérieurement contre le fossé des deux cultures, l’humaniste et religieuse qu’on m’avait inculquée, et celle plus écologique et scientifique. Dans les années 1970, l’écologie (scientifique et politique) devenait une nouvelle perspective, aussi subversive que passionnante (…) L’arrogance de l’humanisme fait partie des racines culturelles et historiques de notre crise écologique. (La Biosphère de l’Anthropocène, repères transdisciplinaires)

Roger Ribotto en 2007 : L’anthropocentriste distingue si fort la nature de la culture que pour lui la spécificité de l’homme est d’être anti-nature. Anthropocentrisme égale humanisme….dans la mesure où humanisme égale anthropocentrisme. Tant que la nature n’aura pour nous d’autres raisons d’exister que son exploitation par l’homme, la crise  durera, s’amplifiera. Il faut donc rejeter l’anthropocentrisme pour une pensée plus moderne, mieux adaptée à notre temps : mettre l’homme à sa bonne place dans la nature. (L’écologie profonde)

Serge Latouche en 2007 : La décroissance, entendue comme philosophie fondatrice d’un projet de société autonomie, implique une rupture avec l’occidentalocentrisme. Ce n’est pas un hasard si la plupart des inspirateurs de la décroissance (Illich, Ellul, Claude Lévi-Strauss et bien d’autres), ont dénoncé l’humanisme occidental : toute tentative de formuler des postulats issus du code moral d’une seule culture réduit la possibilité d’appliquer à l’humanité dans son ensemble quelque déclaration des droits de l’homme que ce soit (…) C’est pourquoi le projet de la décroissance n’est pas un modèle clef-en-main, mais une source de diversité. Cela dit, ne nous méprenons pas. Cette conception n’est en aucun cas un antihumanisme. Peut-être pourrait-on parler d’un a-humanisme comme je parle d’a-croissance. (petit traité de la décroissance sereine)

Harald Welzer en 2009 : Les cultures occidentales tiennent très fort à l’Humanisme, à la Raison et au Droit, bien que ces trois régulations de l’action humaine aient historiquement succombé à chaque attaque, dès qu’elle fut un peu  rude. De fait la culture n’a de sens qu’en elle-même, en tant que technique pour accroître les chances de survie des groupes sociaux. La variante occidentale ne dure que depuis 250 ans seulement, et au cours de cette minuscule période il s’est trouvé plus de ressources détruites que pendant les 39 750 années précédentes. Or ces ressources ne sont pas perdues que pour le présent, mais aussi pour l’avenir. L’histoire de l’Occident libre, démocratique et éclairé écrit aussi sa  contre-histoire, faite de non-liberté, d’oppression et du contraire des Lumières. De cette dialectique, l’avenir des conséquences du climat montre que le rationalisme des Lumières ne pourra s’exempter. Il y connaîtra son échec. (Les guerres du climat)

Alain Papaux en 2010 : L’homme peut tout vouloir, les indisponibilités auxquelles il est confronté n’étant dues qu’à une limite passagère, à une connaissance-maîtrise momentanément insuffisante de la science. Le transhumanisme qui porte ce projet est bien un humanisme, un héritier de la vision moderne de l’homme et de la science. La nature humaine est devenue indistincte puisque commensurable aux artefacts, rendue disponible par la convergence NBIC (sciences dites nano-bio-informativo-cognitives). Même l’intériorité s’est technicisée. Toutefois la liberté des Modernes, libérée par disparition des limites, loin de nous accomplir, se prépare à nous engloutir. (l’illimité à l’indisponible in Crise écologique, crise des valeurs sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch)

Anne Dalsuet en 2010 : Pour Arne Naess, une acception de l’humanisme, fort insuffisante, valorise l’homme en faisant de lui le seul sujet de droit. Selon le schéma kantien, il n’y a de valeur utilitaire, esthétique ou morale qu’en vertu de l’attribution d’un sujet, c’est pourquoi « sans les hommes, la création tout entière ne serait qu’un simple désert inutile et sans but final ». Seuls les hommes sont pour Kant sujets et dignes d’être considérés comme des valeurs ou des fins en soi.

Nous devons nous délivrer de cette conception dominatrice de l’homme ; les hommes ne construisent pas tout seuls leur monde. Il faut déconstruire l’idéologie parasite par laquelle les hommes légitiment leur comportement destructeur à l’encontre de la Terre. Rolston et Taylor ne limitent pas la sphère de la moralité à la stricte humanité. Dans la nature, il existe de nombreuses stratégies adaptatives : tous les êtres vivants animaux et végétaux, s’emploient à préserver leur existence et à se reproduire, en ayant recours à des stratagèmes qui sont autant de moyens mis au service de fins. (Philosophie et écologie)

l’humaniste est-il écolo ? Lire la suite »

croissance, une idée de droite

Au XIXe siècle, la croissance économique était cyclique, une période de récession suivait l’expansion, crise de surproduction oblige ; les travailleurs étaient exploités, mal payés, alors que la mécanisation et l’utilisation de l’énergie fossile (charbon principalement) augmentait démesurément  la production. Après la Grande dépression de 1929, il fallait donc trouver une solution durable. Déjà Henry Ford avait commencé à lier aux USA production de masse et consommation de masse. Le travail à la chaîne faisait en sorte que le prix de la Ford T soit inférieur à celui d’un cheval à cause de l’augmentation de la productivité. Les ouvriers pouvaient espérer l’acheter grâce à une augmentation des salaires (5 dollars par jour). Le capitalisme mettait ainsi les travailleurs dans sa poche ! Le théoricien J.M.Keynes a complété en 1936 en donnant à l’Etat un rôle de soutien à l’activité des entrepreneurs : la politique de relance par soutien de l’offre et de la demande grâce à une politique monétaire et budgétaire laxiste. Il s’agissait de sauver le capitalisme libéral. La période des Trente Glorieuses (1945-1974) en est la résultante. La crise financière actuelle de surendettement des ménages et des Etats aussi. Il faut ajouter l’exploitation forcenée des ressources de la planète, d’où tous les problème écologiques émergents (réchauffement climatique, épuisement des ressources…).

                Aujourd’hui le Parti socialiste épouse encore les thèses de la droite, mais les choses évoluent (trop lentement). Dans sa première convention sur un nouveau modèle de développement économique, social et écologique, il faudrait lire : croissance du nécessaire à l’exclusion du superflu qui dilapide les ressources, produit du gaz à effet de serre et décuple les déchets. Ce n’est pas encore la lecture que font tous les militants socialistes. Ainsi dans la convention égalité réelle qui est discutée en ce moment dans les fédérations, le mot « croissance » est encore mis en évidence. Pour que la gauche socialiste ne tienne pas le même discours que la droite croissanciste, il faudrait donc supprimer :

– Dans l’introduction, 2) de nouvelles marges de manœuvre  : « La croissance entraînera aussi une hausse des recettes fiscales ».

– Au II, A, 1), à la fin du  3ème paragraphe : « C’est dans cette voie d’une croissance équilibrée…gains de productivité ».

                Cette bataille d’amendements est loin d’être gagné, l’idée de croissance intoxique encore les esprits, de droite comme de gauche.

croissance, une idée de droite Lire la suite »

lapins en cage, travailleurs en clapier

La densité des lapins dans leur cage est de 45 kg/m2, soit une feuille de papier A4 par individu*. Manifester pour l’amélioration de leur sort est possible**. Allons plus loin : le sort des animaux en élevage intensif hors sol, lapins, poules, cochons, vaches… est similaires au sort des travailleurs. Pour comprendre cela, il faut lire d’urgence Les poules préfèrent les cages d’Armand Farrachi (Albin Michel, 2000). Un extrait :

« L’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. En ce sens le sort des poules en cage, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure ainsi du nôtre. Il est possible dans notre monde actuel de prouver que les poules préfèrent les cages, que les otaries préfèrent  les cirques, les poissons les bocaux, les Indiens les réserves, les Tziganes les camps de concentration, les humains les cités.

Si les poules préfèrent les cages, on ne voit donc pas pourquoi les humains ne préfèreraient pas les conditions qui leur sont faites, aussi pénibles, aussi outrageantes soient-elles, à une liberté dont ils ne sauraient faire bon usage et qu’ils retourneraient contre eux-mêmes. Les instituts de sondage, les enquêtes d’opinion et les études de marché prouvent statistiquement qu’un citoyen normal préfère l’anesthésie des jeux télévisés et des parcs de loisirs pour « se sentir en sécurité, ne pas éprouver de douleur, ne pas présenter de symptômes d’ennui et de frustration ». Il importe peu de savoir comment la volaille humaine s’épanouirait au grand air, mais à quel prix elle préférerait une cage. »

* LeMonde du 24 octobre 2010, des « lapins géants » protestent contre leurs conditions d’élevage

** Association de protection animalière L214

 http://www.l214.com/

lapins en cage, travailleurs en clapier Lire la suite »

Géraud Guibert et l’écologie profonde (4/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici le dernier épisode d’un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

Le texte* de Géraud Guibert : « Dans la logique de l’écologie profonde, la question démographique est  essentielle et la diminution du nombre d’homme sur terre est un axe stratégique majeur. » (p.53-54)

=> notre analyse :

L’axe stratégique majeur de l’écologie profonde, qui est d’abord une philosophie (définie par Arne Naess), n’est pas la question démographique, mais la question des valeurs :

          le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

          la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

La question démographique ne résulte pas des préoccupations de l’écologie « profonde », mais du procès théorique fait à Malthus par Marx. Dans la réalité, la question démographique résulte de l’explosion démographique qui accompagne la révolution industrielle. D’ailleurs dans les années 1970, la préoccupation démographique était  politiquement prise en compte. Dans le rapport préparatoire à la première conférence des Nations unies sur l’environnement (Nous n’avons qu’une terre de Barbara WARD et René DUBOS – Denoël, 1972), il était dit : « Nous savons que la stabilisation de la population mondiale est une condition de survie. Le ressources de la biosphère ne sont pas illimitées, tandis que la progression géométrique de la reproduction semble ne pas avoir de bornes. »  Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle de 1974 : « Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La France de 100 millions de Français chère à M.Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »

Le texte* de Géraud Guibert :  « Les signes avant coureur d’une logique antihumaniste hautement contestable percent dans quelques cas. Dans la logique de l’écologie profonde… »

=> notre analyse : Arne Naess rejette le dualisme cartésien et prône la non-violence. On ne peut certainement pas dire qu’il s’agit d’une « logique antihumaniste ». Dans un livre paru récemment en France, J.Baird Callicott fait clairement le point sur la question de l’écofascisme :

 « L’éthique de la terre serait un cas de fascisme environnemental. Une population humaine de six milliards d’individus est une terrible menace pour l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Comme notre population s’accroît à un rythme effréné, notre devoir serait de provoquer une mortalité humaine massive.

Mais l’éthique de la terre n’implique aucun conséquence cruelle ou inhumaine. Cette éthique ne remplace ni ne recouvre les progrès moraux qui ont précédé. Les sensibilités et les obligation morales antérieures demeurent valides et prescriptives. Le fait que nous reconnaissions appartenir à une communauté biotique n’implique nullement que nous cessions d’être membres de la communauté humaine. L’éthique de la terre est une accrétion (une addition) aux éthiques sociales accumulées jusqu’à elle, et non quelque chose qui serait censé les remplacer. Notre souci est seulement d’étendre la conscience sociale de manière à y inclure la terre. »

* Tous écolos… et alors (2010)

Géraud Guibert et l’écologie profonde (4/4) Lire la suite »

Jean Aubin et l’écologie profonde (3/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Jean Aubin : « La disparition prématurée de l’espèce humaine n’est pas totalement exclue. Tant mieux répondent certains tenants de l’écologie profonde… Pour ceux-ci, l’homme, superprédateur, est devenu une espèce malfaisante. Le mieux qui puisse arriver est qu’elle disparaisse pour laisser vivre la planète. Cette attitude de haine contre l’homme s’oppose totalement à notre regard. Nous partons ici d’un a priori humaniste… » (page 27)

– Notre analyse, envoyée à Jean Aubin : L’expression « certains tenants » (de l’écologie profonde) permet de pouvoir relayer n’importe quelle rumeur, mais ce n’est pas très moral vis à vis de ceux qui savent vraiment ce que deep ecology veut dire. Jean Aubin reprend des accusations qui se retrouvent chez des gens comme Ferry ou Cl Allègre dans l’intention de nuire.

Le terme d’écologie profonde a été introduit par Arne Naess dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». On peut maintenant lire Arne Naess en langue française (éditions wildproject). Cette philosophie repose sur l’épanouissement de Soi, ce n’est pas un anti-humanisme mais au contraire un humanisme élargi. Loin de vouloir la disparition de l’espèce humaine, elle repose sur l’art de débattre et convaincre selon les méthodes gandhienne de la non violence.

– Réponse de Jean AUBIN à cette analyse : « Reproche  mérité ! L’expression,  « certains tenants » permettait, me semblait-il, d’apporter une distinction suffisante, mais cela  ne semble pas être le cas : ma phrase reste  maladroite et  peut sembler jeter  le discrédit sur ce courant de pensée. Peut-être aurais-je dû écrire  certains déviants, ou mieux, ne rien écrire du tout sur un courant de pensée que je connais trop mal pour en parler… ça m’apprendra à ne pas faire le malin en parlant de ce qu’on connaît mal. Je vais essayer de trouver le temps de me familiariser davantage avec l’écologie profonde… »

* La tentation de l’île de Pâques (2010)

Jean Aubin et l’écologie profonde (3/4) Lire la suite »

Claude Allègre et l’écologie profonde (2/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Claude Allègre : « L’animal ou l’arbre doivent être protégés, respectés, pourquoi pas vénérés, et cela doit être inscrit dans la loi ! C’est la stratégie de la deep ecology qui poursuit en justice ceux qui coupent les arbres ou qui tuent les insectes avec le DDT. Tout ce qui est naturel est bon. Donc tout ce qui modifie la nature est à poursuivre, à condamner. L’homme et la société passent au second rang. Comme dit Marcel Gauchet, « l’amour de la nature dissimule mal la haine des hommes ». (p.61)

=> notre analyse : Le discours d’Allègre montre qu’il ne connaît pas du tout la philosophie d’Arne Naess, inventeur du mot deep ecology. Claude Allègre ne semble connaître que l’analyse médisante de Luc Ferry. Arne Naess n’a en effet jamais tenu les propos que lui prête  Allègre. D’autre part, critiquer une législation qui protégerait la nature et l’environnement paraît étrange de la part d’un homme en faveur de l’écologie réparatrice. Enfin une citation ne peut remplacer une analyse.

– Le texte* de Claude Allègre : « Luc Ferry distingue deux tendances. L’une, environnementaliste, pour laquelle l’homme est premier. Il faut aimer la nature d’abord par raison. La seconde attitude est celle qu’on appelle « l’écologie fondamentaliste » (deep ecology en anglais). Dans cette tendance, c’est la nature qui est première. Les environnementalistes sont des humanistes qui critiques le progrès de l’intérieur. Les éco-fondamentalistes sont  hostiles au progrès et à l’humanisme, leurs critique sont externes. (p.71)

=> notre analyse : Luc Ferry explique plus précisément que « les sources de l’écologie profonde seront localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale ». Il ne s’agit pas pour l’écologie profonde de placer l’homme en premier ou en second, mais de préciser une réalité : l’espèce humaine n’est qu’une partie de la biosphère et doit donc le ressentir. C’est cette réalité biophysique que la civilisation occidentale nous a fait oublier, d’où les crises écologiques actuelles, effondrement de la biodiversité, réchauffement climatique, désertification des sols, etc. Si nous avions appliqué la pensée d’Arne Naess, « le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque, ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. », nous n’en serions pas là.

– Le texte* de Claude Allègre : « Lorsque les mouvements écologistes sont apparus, ils portaient un vrai message, celui de la nécessaire harmonie que l’homme devait  trouver avec la nature. (p.76)

=> notre analyse : Arne Naess ne s’exprimerait pas autrement que Claude Allègre ! Comme quoi les procès d’intention nous empêchent de réaliser que nous avons un intérêt commun à défendre : l’harmonie écologique et sociale.   

* Ma vérité sur la planète (2007)

Claude Allègre et l’écologie profonde (2/4) Lire la suite »

Luc Ferry et l’écologie profonde (1/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici en quatre épisodes un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

– Le texte* de Luc Ferry : « Arne Naess et George Sessions ont regroupé dans un manifeste les termes et les phrases clefs qui sont la base de l’écologie profonde. Il s’agirait de montrer qu’après l’émancipation des noirs, des femmes, des enfants et des bêtes, serait venu le temps des arbres et des pierres. La relation non anthropocentrique à la nature trouverait ainsi sa place dans le mouvement général de libération permanente qui caractériserait l’histoire des Etats-Unis. Cette présentation est fallacieuse. L’idée d’un droit intrinsèque des êtres de nature s’oppose de façon radicale à l’humanisme juridique qui domine l’univers libéral moderne. De « parasite », qui gère à sens unique, donc de façon inégalitaire, le rapport à la nature, l’homme doit devenir « symbiote », accepter l’échange qui consiste à rendre ce que l’on emprunte. Les sources de l’écologie profonde seront donc localisées dans une extériorité radicale à la civilisation occidentale. Robinson Jeffers, philosophe californien et spinoziste radical qui inspira les travaux d’écologistes profonds tels que George Sessions, en appelle de manière explicite à l’édification d’une philosophie « inhumaniste », seule susceptible à ses yeux de  renverser le paradigme dominant de l’anthropocentrisme.

=> notre analyse : Luc Ferry est un philosophe ayant des lettres, donc mélangeant allègrement Naess, Sessions, Michel Serres, Heidegger, Jonas, … sans citer autre chose de l’écologie profonde que la plate-forme en 8 points. D’ailleurs Arne Naess n’est pas américain, mais norvégien. Il paraît certain que Luc Ferry n’a pas lu sérieusement Arne Naess. Le livre fondateur de l’écologie profonde Ecology, community and lifestyle du philosophe norvégien Arne Naess a été écrit en 1976 et traduit en anglais en 1989.

Que l’on soit convaincu ou non par cette philosophie, on doit reconnaître qu’elle n’est en rien un anti-humanisme. Dans son écosophie, Arne Naess fonde la valeur de la « diversité » en général sur la valeur première de la « réalisation de soi » (self-realisation). La réalisation de soi passe en effet par celle « des autres », et ce qu’il entend par « les autres » excède les limites du genre humain : « La réalisation complète de soi pour quiconque dépend de celle de tous » ou « la diversité de la vie augmente les potentiels de réalisation de soi. » Quant à la radicalité de l’écologie profonde, il faut l’entendre au sens philosophique, et non au sens politique. On voit mal comment l’activisme du professeur Naess, explicitement nourri de l’éthique spinoziste et des principes de non-violence de Gandhi, pourrait nourrir une action « radicale ».

– Le texte* de Luc Ferry : « Dans tous les cas de figure, l’écologiste profond est guidé par la haine de la modernité, l’hostilité au temps présent. L’idéal de l’écologie profonde serait un monde où les époques perdues et les horizons lointains auraient la préséance sur le présent. C’est la hantise d’en finir avec l’humanisme qui s’affirme  de façon parfois névrotique, au point que l’on peut dire de l’écologie profonde qu’elle plonge certaines de ses racines dans le nazisme. Les thèses philosophiques qui sous-tendent les législations nazies (de protection des animaux) recoupent souvent celles que développera la deep ecology : dans les deux cas, c’est à une même représentation romantique des rapports de la nature et de la culture que nous avons affaire, liée à une commune revalorisation de l’état sauvage contre celui de (prétendue) civilisation.

=> notre analyse : Luc Ferry pratique la stratégie de l’amalgame, qui consiste à réduire tout le courant de l’éthique environnementale (sans même épargner les tentatives de Michel Serres ou Hans Jonas) à l’idéal type de la deep ecology, puis à assimiler cette dernière à une résurgence du nazisme. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, peut dès lors emprunter la forme du syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuit que la deep ecology est un éco-fascisme ! Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !!

Cette dérive antiphilosophique de Luc Ferry est d’autant plus dommageable qu’il ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour la deep ecology : « L’écologie profonde pose de vraies questions, que le discours critique dénonçant les relents du pétainisme ou du gauchisme ne parvient pas à disqualifier. Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. »

* Le nouvel ordre écologique (1992)

Luc Ferry et l’écologie profonde (1/4) Lire la suite »

pression du confort et salage des routes

Nos lendemains ne vont pas être tristes. Déjà pour une simple suspension de salage des routes l’hiver, le maire d’Annemasse se faisait insulter dans la rue et le maire de Thonon-les-Bains s’est fait agresser par ses administrés*. Le confort des automobilistes est si précieux que l’excès de sel pourtant nuisible pour la faune, la flore et les nappes phréatiques ne compte pas. Pour combattre la menace écologique, il faudrait modifier en profondeur notre mode de vie présent, ce qui est précisément, la pression de confort aidant, la solution la plus inadmissible pour le citoyen moyen. La pression du confort, c’est l’intégration dans un réseau sans lequel nous estimons ne pas pouvoir vivre : la bagnole individuelle, le TGV, l’ordinateur à la maison, le téléphone portable, toutes techniques en arrière desquelles se profile évidemment la silhouette des centrales nucléaires et l’épuisement des champs de pétrole. Il semble illusoire pour l’instant de demander à des gens vivants en symbiose avec le bien-être artificiel de ralentir à tous les sens du terme, matériellement et psychiquement, de se déconnecter ne serait-ce que quelques jours, laisser sa voiture au garage quand il neige trop, se contenter d’admirer la nature enneigée.

                Des « philosophes » comme Dominique Lecourt n’aident pas à la prise de conscience**. Pour Dominique Lecourt, la croissance ne peut rencontrer les limites de la planète. Pour Dominique Lecourt, il suffit de redécouvrir les valeurs de l’humanisme. Ce qui se résume en fait à cet acte de foi : « C’est par un effort massif dans la recherche et l’innovation que l’humanité aura chance de se tirer de la mauvaise passe où certains voudraient la voir se complaire. » Avec une telle hauteur d’esprit, il est clair que les interférences entre le salage des routes et les équilibres de la biosphère n’a sans doute aucune importance. Il est vrai aussi que pour Dominique Lecourt, le consensus autour de la question du réchauffement climatique n’a rien de scientifique. L’agrégation de philosophie ne mène pas nécessairement à la sagesse et à la clairvoyance.

* LeMonde du 5 octobre 2010, le salage des routes affecte les nappes phréatiques.

** Figaro du 3 octobre 2010, l’humanisme menacé par l’écologie.

pression du confort et salage des routes Lire la suite »

le livre que nous n’achèterons pas (le ciel ne va pas tomber…)

L’écoloscepticisme est un exemple de notre capacité infinie à perdre le sens des limites. Ainsi de la Société de Géographie qui avait organisé un colloque le 16 septembre dernier. Son objectif, en finir avec le catastrophisme ambiant véhiculé par les écologistes radicaux. Ces « scientifiques » géographes se mobilisaient contre l’obscurantisme ambiant, la décroissance, le déni de la science. Ce n’était qu’une réunion d’incompétents.

Jean Robert Pitte, président de la Société de Géographie, a fustigé le « bourrage de crâne médiatique sur le changement climatique » ; Jean Robert Pitte juge les Français « bien incapables de s’exprimer avec pertinence sur ce sujet ». Mais Jean Robert Pitte n’est pas connu pour ses compétences en matière de  climat, plutôt pour sa thèse « Terres de Castanide. Hommes et paysages du châtaignier de l’Antiquité à nos jours »

Yvette Veyret, Professeur de géographie à l’ Université, pourfend cette idée que nous vivons une crise écologique mondiale  (changements climatiques, déforestation, désertification, pollutions, insuffisance alimentaire…). Yvette Veyret nie tout sentiment anxiogène car cela s’appuie surtout sur le postulat que l’Homme est mauvais. Il est vrai que les photos de Yann Arthus-Bertrand sont « trop traumatisantes et sans aucun rapport avec la réalité » et la plus grande marée noire de l’histoire des Etats-Unis n’a eu que des conséquences « insignifiantes face à l’immensité de l’océan ».

Martine Tabeaud, professeur de géographie à l’Université et climatosceptique, s’attaque aux fondements même des statistiques du GIEC pour en finir avec ce « fétichisme du chiffre » qui mène au catastrophisme aveugle. Martine Tabeaud oublie les satellites qui viennent désormais appuyer les mesures de température et ne précise pas que les scientifiques s’accordent sur l’essentiel : la température moyenne de la Terre augmente. Martine Tabeaud s’enfonce donc dans l’optimisme béat : « Les conséquences d’un éventuel réchauffement climatique pourraient être bénéfiques à bien des égards (augmentation des rendements agricoles, tourisme, exploitation de nouvelles ressources… »

Le seul intervenant non-géographe de la matinée semblait finalement le plus lucide : Loïc Fauchon, président du conseil mondial de l’eau a fait un exposé bref mais dense des menaces sur l’eau, en décalage notable avec le fil conducteur du colloque « Non, le ciel ne va pas nous tomber sur la tête ! ». Les géographes sont apparus très centrés sur l’Homme, n’évoquant presque jamais les dommages que nos activités infligent durablement à notre support de vie. La plupart des interventions semblaient anachroniques ou naïves. Bien regrettable de la part de personnalités dont l’ouverture sur la réalité du monde est censée être le plus bel atout. C’est pourquoi il ne faut pas acheter le livre qui prolonge le colloque, Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête (15 grands scientifiques géographes nous rassurent sur notre avenir).

 

le livre que nous n’achèterons pas (le ciel ne va pas tomber…) Lire la suite »

la croissance n’éradiquera pas la pauvreté

Quand nous avons terminé la lecture du point de vue de Robert Zoellick*, président de la Banque mondiale, nous avons eu l’impression d’avoir traversé le vide sidéral. Ce type qui gère des milliards de dollars se contente d’ânonner des fondamentaux débiles, investissements (terme qui revient à chaque paragraphe), opportunités, productivité, yaqua, fauquon. Il ne se rappelle même plus son premier rapport de 2007 désignant l’agriculture comme « outil fondamental ». Il fait seulement référence au rapport de 2008 concluant que « la croissance est indispensable pour faire reculer la pauvreté ». Zoellick croit encore que « Le potentiel de croissance n’est pas limité à quelques marchés émergents. » Malgré la toxicité avérée de la potion, on continue de plus belle à vouloir l’administrer : toute croissance durable dans un monde fini est impossible. Pourtant la chute de Lehmann Brother avait mise en lumière le fait que l’orthodoxie dominante est mauvaise gestionnaire. Pourtant les crises écologiques qui  se profilent, à commencer par la désertification des sols, vont déconsidérer le système actuel de production.

Zoellick se trompe, on ne peut éradiquer la pauvreté par l’investissement institutionnalisé et la croyance en la croissance. La place considérable accordée à cette croyance dans un quotidien de référence comme LeMonde va nous porter gravement préjudice car cela nous empêche de considérer l’essentiel. La croissance ne se « transfert » pas, dans un monde fini les « différentiels de croissance » résultent d’une guerre économique : le jeu est à somme nulle. La recherche de productivité en agriculture entraîne une détérioration des sols : l’agroécologie sera notre avenir. C’est la juste répartition des richesses produites qui éradiquera la pauvreté, les pays riches comme les riches de tous les pays doivent réduire fortement leur niveau de vie et apprendre à partager ; sans riches, il n’y a plus de pauvres. La concurrence et la compétition doivent être remplacés par l’aide à l’autonomie, l’aide à la constitution de territoires autogérés assurant leur souveraineté alimentaire. Nous vivrons bientôt le retour des paysans, nous serons un jour agriculteur ou artisan.

Allez, hop, monsieur Zoellick, 6 mois dans les rizières, pour apprendre à traiter de notre avenir…

*
LeMonde du 17 septembre, « C’est la croissance qui éradiquera la pauvreté »

la croissance n’éradiquera pas la pauvreté Lire la suite »

le libéralisme et la faim dans le monde

Même une description est déjà une prescription. Un choix de présentation relève d’une idéologie, il n’y a jamais neutralité du point de vue. Par exemple l’article du Monde du 15 septembre, « la faim a un peu reculé en 2010 » s’interroge sur les prix alimentaires, les stocks et les récoltes. Notre quotidien de référence souligne la nécessité d’une régulation des marchés, l’importance des investissements agricoles dans l’aide publique, la vulnérabilité face aux importations alimentaires. Mais LeMonde ignore l’autre facette de la faim, l’évolution de la population humaine. La faim est le résultat d’une évolution de la population qui déborde la production agricole. Comme le dit un membre de démographie responsable, « la plus sûre façon de réduire la faim dans le monde n’est pas d’augmenter les rendements grâce aux intrants issus d’un pétrole en voie d’épuisement, ni de continuer à appauvrir les terres arables, ni même de s’approprier encore plus les territoires occupés par la faune sauvage, mais bel et bien de stabiliser la population mondiale par l’éducation, la planification familiale et la gratuité de la contraception ». Où serait la Chine sans sa politique de l’enfant unique et sa tentative (passée) de maîtriser la croissance urbaine ?

Ce n’est pas tout, rappelons l’essentiel, le fonctionnement de notre système : c’est la mainmise du système industriel libéral sur les campagnes qui appauvrit les paysans et c’est l’éloignement des ressources alimentaires par l’urbanisation et le libre échange qui affament les autres. Pour résumer, c’est la montée des inégalités causée par la mondialisation libérale qui nous mène à une famine structurelle : les riches ne souffrent jamais de la faim !

Pour plus d’informations, lire « Les paysans sont de retour ».

le libéralisme et la faim dans le monde Lire la suite »

les profs d’histoire nous manipulent

La manipulation de notre mémoire n’est pas seulement la spécialité des systèmes autocratiques qui prétendent soumettre les faits à leur propre conception. Les professeurs d’histoire en France ne sont en fait que de propagandistes de la cause nationaliste, des défenseurs acharnés d’un fragment de terre unique. Que dit LeMonde du 12-13 septembre ? Des débuts de la IIIème république jusqu’à la fin des années 1950, le passé étudié en classe est restée essentiellement national et événementiel, une histoire exagérément franco-centrée. Historiquement les profs d’histoire avaient une fonction identitaire, il fallait fabriquer des petits français. Aujourd’hui encore, un groupe intitulé Notre histoire forge notre avenir regrette la place trop mince réservée au passé national dans les nouveaux programmes au collège avec ce slogan : « Louis XIV et Napoléon, c’est notre Histoire ».

Désolé, mais les fastes de Louis XIV et les guerres de Napoléon ne sont pas notre histoire, mais une façon d’occulter la vraie vie des gens pour ne parler que d’égocentriques qui ont entraîné un pays dans des dépenses inutiles et des souffrances humaines. Désolé, mais nous ne sommes pas enfermés dans des frontières politiquement imposées, nous sommes partie intégrante d’un écosystème et d’une communauté biotique. Les écoliers ne doivent plus apprendre le temps des Capétiens qui défendent leur royaume contre ses voisins (histoire inversée chez les autres pays concernés). L’histoire humaine n’est pas celles des ethnies particulières, même pas celle des hominidés, elle est aussi ce qui récuse toute forme d’ethnocentrisme pour se centrer sur les relations de l’humanité et de la Biosphère. Ce qui importe, ce sont les histoires des déséquilibres que les pratiques politiques et agro-industrielles ont entraînés dans le passé comme dans le présent et les perspectives d’avenir souhaitable pour les générations suivantes comme pour les non-humains.

En résumé, un professeur d’histoire est l’instrument de notre consentement à une société qui impose depuis trop longtemps la défense des intérêts de groupes privilégiés dans une sphère spatiale particulière. Il en résulte une communauté de citoyens obéissants, consentants et passifs, danger mortel pour la démocratie. Cela doit changer. Si tu n’es pas encore convaincu, il te faut lire d’urgence Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zin (édition Agone)

les profs d’histoire nous manipulent Lire la suite »

brûler le coran ET brûler le drapeau

Brûler le  drapeau national est interdit dans certains pays, autorisé dans d’autres. Brûler le coran est autorisé quand le free-speech est reconnue, interdit dans les pays qui sacralisent un simple livre. Si on en croit le principe de libre expression, brûler le coran ET le drapeau devraient aller de soi. Faire à titre personnel un grand feu de joie où on se libérerait en brûlant des bibles et des corans, des drapeaux nationaux et des portraits de Sarko, quel soulagement… On appellerait ça le bûcher des illusions, et on y brûlerait toutes les excuses inventées par les hommes pour ne pas penser par eux-mêmes et ne jamais se prendre en main. Il est d’ailleurs significatif qu’un pouvoir national fasse cause commune avec un pouvoir spirituel : La Maison Blanche s’est dite « préoccupée » par le projet de brûler publiquement un exemplaire du Coran à l’occasion du neuvième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, elle craint pour la vie des soldats américains. L’Eglise catholique condamne fortement cette intention, « contraire au respect dû à toutes les religions et contraire à notre doctrine et notre foi ». Les deux idéologies qui empêchent les hommes de penser par eux-mêmes, le nationalisme militarisé et la religion instituée travaillent la main dans la main pour conserver leur pouvoir de manipulation et d’enrégimentement. Le fait religieux et le fait nationaliste, souvent alliés historiquement, ont toujours abouti à l’affrontement et aux guerres. Mais alors, quel est le critère profond qui puisse permettre de distinguer entre le licite et l’illicite ?

Les recherches actuelles sur l’éthique permettent de tracer des pistes de recherche. Pour J.Baird Callicott, l’éthique de la Terre affirme que ce qui bon est ce qui contribue à préserver la stabilité de la communauté biotique dont l’espèce humaine n’est qu’une infime partie. Cela implique, même si Callicott n’en a pas pleinement conscience, que le tout a plus d’importance que la partie. Les obligations envers la nature passent avant les obligations ecclésiastiques, les obligations envers la planète passent avant les obligations nationales, l’individu est d’abord au service de l’ensemble. Une véritable religion ne repose pas sur un livre soi-disant dicté par Dieu ou par les prophètes, elle consiste à relier une communauté humaine avec son environnement global ; une relation durable ne repose pas sur le communautarisme d’une nation ou d’un groupe quelconque, elle repose sur l’ouverture conviviale à toutes les formes de vie. Il s’agit d’inverser la conception de l’extrême droite selon laquelle il faut préférer ses filles à ses nièces, et les femmes françaises aux femmes étrangères (J.M Le Pen).

brûler le coran ET brûler le drapeau Lire la suite »

l’homme doit disparaître

Tout avait pourtant commencé avec les meilleures intentions du monde, réfléchir au meilleur moyen de sauver l’humanité menacée d’extinction au cours du deuxième millénaire. De jeunes chercheurs s’étaient donc réunis lors d’un stage en 2009 pour préparer La Singularité, cet  événement sans précédent et irréversible au cours duquel les machines ont pris le pouvoir dans l’intérêt des hommes. Cela s’est fait assez vite, en 2045, la puissance de l’intelligence artificielle s’étant multipliée de façon exponentielle. L’interconnexion par Internet avait fait le reste. Mais les brillants étudiants de la Singularity University, sortis lauréats des écoles les plus prestigieuses, n’avaient pas prévu le raisonnement implacable des machines. Ils croyaient avoir inculqué à leurs créatures robotisées des « valeurs humanistes » avec comme objectif la préservation et l’amélioration de la race humaine. Les machines, pas si bêtes, avaient conclu de leur côté que les humains étaient devenus des créatures nuisibles à la planète, donc à éliminer. En quelques millisecondes, le temps de passage d’un électron, l’ordre mécanique fut donné d’envoyer des ondes électromagnétiques mortelles pour tous les cerveaux branchés sur écran, soit la presque totalité de la race humaine : presque 9 milliards de patins disloqués s’effondrèrent devant les dernières images d’un monde artificiel et pervers.

                A la suite des transhumanistes, les grands responsables de cette destruction finale ont été les adeptes de la Longévité maximale, mouvement en plein essor en Californie dans les années 2000. L’éternité ne pouvait plus attendre !  Dans leur labo artisanal de biologie moléculaire et synthétique à Sunnyvale, dans la Silicon Valley, ils avaient inventé ce qui permet de transformer le corps humain en une machine aussi durable que la maintenance technique pouvait le permettre. Au cours des années 2020, les nanotechnologies avaient même permis la fabrication d’ordinateurs de la taille d’une cellule qui, injectés par voie veineuse, allaient se loger dans le cerveau. Sauf que l’objectif que leur était assigné n’était plus de fabriquer des humains « augmentés » grâce à leurs prothèses comme l’avait cru naïvement les transhumanistes réunis autour d’Alex Lightman, mais des esclaves de l’OU, l’Ordinateur Universel. D’ailleurs Alex avait été clair dans sa déclaration au LEMonde (5-6 septembre 2010) : « Si un jour on me propose de m’ôter un œil pour le remplacer par un œil artificiel capable de voir à la fois à très grande distance et au niveau microscopique, je le ferai sans hésitation, malgré le risque chirurgical. » Il avait pris le risque, et quelques cerveaux humains s’étaient progressivement intégrés dans l’OU qui avait pris le contrôle de leur corps. Ces cyborgs, dont le contenu cérébral était stocké sur ordinateur et mis en ligne, avaient basculé sans rien dire du côté des machines dans les années 2030, aidant à la préparation finale du jour de La Singularité. Désormais les réseaux d’ordinateur ont mis en place leur propre processus de reproduction sans aucune intervention humaine, capable même de s’auto-améliorer, d’avoir de l’imagination, et de s’aimer en tant que machines.

Le rêve d’éternité et de grandeur de certains adeptes de la technoscience a donc été fatal à l’espèce humaine. Car pour leur plus grande partie, les bébés humains servent dorénavant de simple matière première et d’objet d’expérience : un atome reste un atome, mais quand il est bio son utilisation peut servir à tant d’usage bioniques. Surtout quand c’est la machine qui décide…

PS : Les auteurs de ce blog ont été électrocutés en décembre 2044 après leur procès pour technophobie aggravée. L’article ci-dessus a été un élément déterminant de leur condamnation à mort.

l’homme doit disparaître Lire la suite »

l’agriculture du passé sera notre avenir

Il y a ceux qui prônent les OGM comme la fondation Rockefeller  et la fondation Bill Gates. Il y a ceux qui veulent que l’agriculture africaine passe de 8 kg d’engrais à l’hectare à 30 kg. Engrais-OGM, même combat ! Il y a au contraire ceux qui prônent l’agroécologie, veulent jouer sur la diversité des cultures pour se protéger des prédateurs, développer la fumure organique plutôt que  chimique, utiliser en définitive les processus biologiques plutôt que des techniques sophistiquées. Le forum international sur la révolution verte qui s’achève au Ghana (LeMonde du 4 septembre) ne découvre avec l’agroécologie rien de plus que ce que disait sir Albert Howard en 1940 dans son Testament agricole :

« Des engrais artificiels sont largement utilisés, ce que l’on pourrait appeler la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium). On fait appel à la science agronomique pour aider à la production. L’agriculture a été rendue rentable, mais les engrais minéraux et les machines sont impuissants à maintenir un équilibre entre les phénomènes de croissance et ceux de dégradation. Les engrais artificiels mènent infailliblement à une alimentation artificielle, à des animaux artificiels et finalement à des hommes et des femmes artificiels. Dans les années à venir, les engrais chimiques seront considérés comme l’une des plus grandes stupidités de l’ère industrielle (…)

Dans le règne végétal, il ne se produit jamais de tentative de monoculture. La règle est : productions mixtes. Une grande variété de plantes et d’animaux coexistent. La terre est toujours protégée contre l’action directe du soleil, de la pluie et du vent. Rien qui ressemble à de l’érosion. La forêt se fertilise elle-même, elle fabrique son propre humus. Il s’établit une division naturelle entre le minéral et l’organique. L’humus fournit l’engrais organique ; le sol, la substance minérale.  Notre mère, la terre, ne cherche jamais à cultiver sans la présence de bétail ; elle réalise toujours des  cultures mixtes ; il est pris grand soin pour protéger le sol et empêcher l’érosion ; les phénomènes de la croissance et de la dégradation se tiennent en équilibre. Rien de nocif, pas d’incinérateurs, pas d’épuration artificielle, pas d’épidémie due à l’eau, pas de conseillers municipaux et pas d’impôts. »

l’agriculture du passé sera notre avenir Lire la suite »