outrage au drapeau qui outrage la Terre
Nous appartenons symboliquement à la Terre, nullement à un morceau de terre. Le nationalisme est un signe de repli sur soi qui dénature la préoccupation écologique, surtout à une époque où les risques sont systémiques et planétaires, réchauffement climatique, pic pétrolier, atteintes aux ressources renouvelables, etc. Ce n’est plus la confrontation entre nations qui devrait s’imposer, mais la coordination des peuples. C’est pourquoi la pénalisation de « l’outrage au drapeau tricolore » (LeMonde du 25-26 juillet 2010) semble d’une incongruité totale. Un délit institué en 2003 punissait déjà de 7500 euros d’amende « le fait au cours d’une manifestation organisée ou réglementaire par les autorités publiques d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore ». Tout cela parce que des supporters de l’équipe de foot algérienne eurent sifflé l’hymne national, acte compréhensible dans une manifestation sportive où les symboles nationaux n’ont rien à faire. C’est le fait de chanter la Marseillaise et d’agiter le drapeau tricolore lors d’un match de foot qui paraît au contraire obscène. Maintenant une contravention est créée par décret suite à la publication d’une photo représentant un homme qui s’essuyait les fesses avec le drapeau national : 1500 euros pour « Le fait de détériorer le drapeau ou l’utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou même commis dans un lieu privé ».
Délit ou contravention, ces lois de circonstances paraissent d’un autre âge, celui du XIXe siècle et de l’apparition des nationalismes qui ont ensanglanté l’Europe et le monde. Pour un réfractaire à la guerre, la question de fond reste posé : est-ce que le drapeau bleu-blanc-rouge ou la Marseillaise font partie des valeurs de la République ? Si les seules valeurs à reconnaître sont les principes de liberté, d’égalité et de fraternité ainsi que la déclaration universelle des droits de l’homme, les symboles qui ont alimenté tant de guerres n’en font pas partie. De plus Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de la guerre, porte atteinte gravement à la liberté d’expression, base de la démocratie. Et elle n’a pas lu Les guerres du climat d’Harald Welzer :
« Une fois un conflit défini comme opposant des groupes « nous » et « eux » comme des catégories différentes, les solutions de conciliation deviennent impensables, et cela a pour effet que ces conflits sont partis pour durer, en tout cas jusqu’à ce qu’un côté ait vaincu l’autre. Le fait de faire de groupes humains des catégories distinctes aboutit régulièrement au meurtre. On constate, de la part des Etats-Unis en position d’attaqués, que les mesures de sécurité prennent de plus en plus le pas sur les libertés : torture de prisonniers, création de camps censés jouir de l’exterritorialité, stratégie d’arrestations illégales ; le déséquilibre entre liberté et sécurité s’accroît progressivement. Or de tels glissements ne sont pas l’apanage de l’Amérique. Une radicalisation des conséquences du changement climatique pourrait entraîner un changement radical des valeurs. Quelle sera la réaction d’un Etat le jour où augmentera le nombre de réfugiés chassés par leur environnement et où ils causeront aux frontières des problèmes massifs de sécurité ? »
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