biodiversité

Anthropocène, anthropocentrisme, anthropisation… extinction des espèces

Plus d’un oiseau sur huit, plus d’un mammifère sur cinq, plus d’une espèce de conifère sur quatre, un amphibien sur trois sont menacés d’extinction… dans l’indifférence générale. Pourquoi ? La Liste rouge de l’UICN* ne donne lieu qu’à 2/3 de page sur LE MONDE**. Pourtant dans le même numéro, le contre-budget de la gauche prend une page entière et une vague affaire de 1997 presque une page. LE MONDE est orienté surtout vers l’événementiel des petites affaires humaines, pas sur les débats de fond. Ainsi va la vie, humain, trop humain ! Il n’y a que le nombril de l’Homme qui intéresse. Dans l’article du MONDE, « la biodiversité est considérée comme une ressource essentielle… pour l’humanité » ! L’évaluation exhaustive de conifères « n’est qu’un premier pas dans le recensement des dangers qui guettent le règne végétal… et donc l’humanité » !

Nommons le responsable de cette tuerie de la biodiversité : c’est l’homme. Responsable et coupable. Si son espèce disparaît, il l’aura bien cherché ! LE MONDE aurait du montrer que l’extinction des espèces n’est qu’une partie du tout, et que l’existence de l’espèce humaine n’est qu’une toute petite partie de cette partie. L’hypothèse d’une hiérarchie au sein du Vivant est induite par l’erreur de croire que l’évolution va du plus simple au plus sophistiqué, de l’inférieur forcément stupide au supérieur doué d’une intelligence donnant prérogative à tous les pouvoirs. L’évolution se fait dans tous les sens et ne poursuit aucun objectif, si ce n’est la prolongation de la vie sur Terre. L’évolution ne conduit certainement pas de la bactérie à l’homme, mâle et Blanc de préférence. Notre espèce n’est qu’un support de l’ADN qui nous précède et qui nous survivra. Tant que nous ne manifesterons pas un profond respect pour la biosphère en particulier et notre planète en général, nous ne deviendrons pas grand chose, nous resterons un prédateur parmi d’autres prédateurs, le plus féroce des prédateurs, l’artisan tout puissant de l’anthropocène.

Pour être au plus profond de notre humanité, redonner d’une manière ou d’une autre à la biosphère ce que nous lui avons pris semble une évidence. Pour enrayer la sixième extinction des espèces, il nous faut condamner notre anthropocentrisme et l’anthropisation des territoires qui va avec. Les autres formes de vie ont, elles-aussi, besoin de conserver leur niches écologiques….

* UICN, Union internationale pour la protection de la nature.

**  LE MONDE du 11 novembre 2011, Plus d’une espèce de conifères sur quatre est menacée dans le monde.

Anthropocène, anthropocentrisme, anthropisation… extinction des espèces Lire la suite »

des HOLOTHURIES menacées

Plus d’un mammifère sur cinq, plus d’un oiseau sur huit, un amphibien sur trois sont menacés d’extinction. Voici un exemple, en provenance de nos correspondants* aux Comores :

«  Après une surexploitation des ressources naturelles (holothuries, ailerons de requins, tortues terrestres, etc.) à Madagascar, les trafiquants déguisés en chercheurs, touristes ou investisseurs se sont tournés vers les Comores. A Anjouan, des constats alarmants ont été faits sur le trafique illicite des holothuries ou concombres de mer appelés localement Chpapa Kojo.

Des exploitants chinois des holothuries – Holothuria scabra, Holothuria nobilis, Actinopyga miliaris –, ont opté pour une stratégie d’exploitation non durable qui conduira à la raréfaction, voire la disparition des espèces d’holothuries. Le moyen le plus efficace pour les exploitants est de passer un traité avec quelques pêcheurs anjouanais qui leur livrent la marchandise. Devant le refus catégorique de la communauté villageoise de Bimbini de céder à l’exploitation irrationnelle de sa ressource marine, les Chinois ont poursuivi leur activité de capture des holothuries sous la complicité des hommes du ministère, de commissariat chargé à l’environnement et de la gendarmerie. Ils ont su établir et étalé un réseau de corruption dans le pays. Des stocks  d’holothuries passent jusqu’à présent dans les mailles de service des douanes. Un fait marquant, lors d’un braconnage dans la réserve marine de Bimbini, leur matériel a été perquisitionné par les villageois le 26 juillet 2011. Le deuxième jour, quelques éléments de la gendarmerie sont intervenus au village pour chercher le matériel et le restituteur aux trafiquants chinois. Tout cela se fait en violation des conventions internationales (CITES, Diversité Biologique, Ramsar, etc.) et des lois locales. Le marché est lucratif pour ceux qui tirent la ficelle des exploitants d’holothuries mais le bien-être des générations futures est mis en jeu au profit des intérêts personnels.

Bref, en l’état actuel des choses, le gouvernement comorien reste impuissant. La mer reste la seule source d’espoir pour le développement économique du pays ; il est regrettable que ses ressources soient exploitées sans être valorisées et sans que les communautés locales en bénéficient. Seule une implication des institutions scientifiques dans les décisions politiques peut renverser ces tendances de contre-nature. »

* Nourddine MIRHANI1, Zamil M. MAANFOU2, Zakaria M. GOU3 et Anli MOHAMED4

1-Laboratoire ESO-Angers et LEESA, UMR du CNRS, EDGESTE – Univ. Angers et Univ. Toliara

2- PMF/PNUD/FEM- Projet de Renforcement de la conservation de la biodiversité de la mangrove de Bimbini

3- Direction Générale de l’Environnement et Forêts, Ile Autonome d’Anjouan

4- Projet Institut Français pour la Biodiversité, Lac Alaotra M/car – Mohéli, Univ. Antananarivo

pour les contacter, nourddine_mirhani@yahoo.fr

des HOLOTHURIES menacées Lire la suite »

LE MONDE complice de Bill Gates complice de Monsanto

LE MONDE donne une page entière* à Bill Gates, et Bill Gates soutient Monsanto. Dans l’interview de Bill Gates, il s’agit apparemment d’aide à l’agriculture en permettant d’acheter de « meilleures semences ». Quelles semences ? En fait, 30 % du fonds de développement agricole de la Fondation Gates a servi en 2008 à la promotion et au développement des variétés de semences OGM. En 2010, sa fondation a investi 23 millions de dollars dans l’achat de 500 000 actions de Monsanto. Cette acquisition, aussitôt dénoncée par le mouvement des paysans Via Campesina, montre que Bill Gates n’est pas un véritable philanthrope, mais un simple pion au service des multinationales semencières. Il n’est pas difficile de faire croire aux gens riches aux vertus du progrès par les technosciences. Or les OGM ne permettent pas de lutter contre la faim dans le monde, cela déstructure au contraire l’agriculture vivrière.

Bill Gates prône aussi la révolution « doublement verte ». Or sa Fondation a engagé en 2006 une collaboration avec la Fondation Rockfeller, « fondation caritative » privée initiatrice de la première révolution verte (semences « à haut rendement ») qui a été un échec socio-économique. Aujourd’hui la Fondation Rockfeller est un fervent promoteur des OGM à destination des populations pauvres. La collusion entre ces deux fondations « humanistes » s’intitule l’Alliance for a green revolution in Africa (Agra), qui est donc en train d’ouvrir le continent aux semences OGM et aux produits chimiques vendus par Monsanto, DuPont et Dygenta. La philanthropie au service des intérêts privés !

Bill Gates dit financer les recherches d’un « maïs résistant à la sécheresse » ; « 2 millions de paysans en bénéficient déjà ». Mais c’est là aussi un projet Monsanto. Il y a privatisation grâce à des « fondations » des politiques alimentaires. Satisfaire des actionnaires semble bien être le motif secret pour s’ingérer dans la santé et le bien-être de la planète et de ses habitants afin de faire du profit. Qu’un journal de référence comme LE MONDE marche dans cette combine montre le peu de recul que ce quotidien exerce à l’égard des intérêts économiques des multinationales !

* LE MONDE du 2 novembre 2011, Bill Gates : « l’agriculture pour réduire la pauvreté »

LE MONDE complice de Bill Gates complice de Monsanto Lire la suite »

fauchage des OGM, obscurantisme ou démocratie ?

Le jugement des faucheurs volontaires d’OGM est mis en délibéré à Colmar *. Acte anti-démocratique ? Acte de désobéissance civile ? Obscurantisme ? Condamnation d’une recherche devenue folle ? Voici quelques précisions pour étayer notre opinion :

Jusqu’en 1990, aucune association, aucune personnalité politique, n’entreprend en France de mettre la question des biotechnologies. La France devint terre d’élection des essais d’OGM. Le rapporteur de la loi de juillet 1992, Daniel Chevallier, introduit un amendement exigeant une procédure d’information préalable du public avant autorisation d’un essai en plein champ. Cette proposition se heurte au refus du ministère de la Recherche qui estime qu’il ne faut pas « céder aux sirènes d’une pseudo-démocratie qui consiste à faire participer à la discussion sur les dangers potentiels d’une manipulation génétique des représentants d’associations qui n’auraient pas la capacité d’appréhender la nature même de cette manipulation. » Voté en première lecture avec l’amendement, la loi est votée en seconde lecture sans information du public à cause de l’action d’Axel Kahn, du lobbying des chercheurs en biologie moléculaire et des entreprises privées. Antoine Waechter, alors porte-parole des Verts, estime même que « beaucoup de manipulations génétiques sont inoffensives ». La première conférence de citoyens sur les OGM est cependant organisée en juin 1998. Son avis final juge « indispensable de développer la recherche liée au risque écologique avant de développer la diffusion des OGM ».

C’est en 1999 que la situation bascule. Alors qu’en 1998 étaient en place 1100 essais OGM, cinq ans plus tard on n’en comptait plus que 48, dont plus de la moitié furent détruits. En 2008, les 9 essais que les semenciers s’étaient risqués à mettre en place furent tous détruits. A la différence des autres pays d’Europe, la destruction s’est faite en France en groupe et à visage découvert, sur un mode d’action inspiré du répertoire gandhien de désobéissance civile. Le Parti socialiste finit en mai 2004 (non sans tensions internes) par se déclarer « contre les essais transgénique menés en plein champ, compte tenu des incertitudes et des risques de dommages irréversibles pour l’homme et pour l’environnement ».

Le débat OGM passe d’un cadrage-risques, qui impliquait une prééminence de la parole des experts scientifiques, vers un cadrage socio-économique. L’avenir des paysanneries du Nord et du Sud, l’existence du droit des peuples à choisir leur alimentation, les dangers de l’appropriation du vivant (brevets) par quelques firmes globales guidées par la quête du profit, la concentration du secteur semencier… tous ces arguments sont mis en avant. Le paysan accède à une parole plus légitime que celle des scientifiques. On comptait près de 8000 « faucheurs volontaires » en 2007. Les médias et l’opinion réagissent positivement à ces actions de destruction. L’action non-violente reçoit un bon accueil car elle respecte les personnes. Si elle s’attaque aux biens d’autrui, ce n’est que parce que son usage est devenu un danger public. La désobéissance civile est la respiration de la démocratie…

Source : Les luddites en France (Editions L’Echappée, 2010)

* LE MONDE du 2-3 octobre 2011, Les « faucheurs » de Colmar risquent la prison avec sursis

fauchage des OGM, obscurantisme ou démocratie ? Lire la suite »

nature et sexualités : le débat sur le genre humain

Il y a les lois de la nature et il y a les lois humaines. Malheureusement les deux ne font pas souvent bon ménage à l’heure actuelle. Prenons la sexualité. Rien de plus simple pour la biologie, un homme, une femme, la reproduction. Mais le nouveau programme scolaire de sciences de la vie et de la Terre (SVT)* fait appel à la sociologie. Applicable à la rentrée de septembre 2011 dans les classes de première des séries L et ES, ce sera « l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée ». Pas de quoi fouetter un chat ! Pourtant 80 députés de la majorité ont demandé mardi 30 août à Luc Chatel le retrait de nouveaux manuels scolaires élaborés dans la foulée des programmes**. Les parlementaires ciblent particulièrement un passage d’un manuel (Hachette) selon lequel « le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin » , l’identité sexuelle étant « construite tout au long de notre vie, dans une interaction constante entre le biologique et le contexte socioculturel ». Les parlementaires ont tort, ils ne sont que d’affreux réac ignorant l’évolution de nos connaissances sur les interactions biologiques et sociales.

Les professeurs de sciences économiques et sociales (SES) enseignent les interactions dès la seconde. On apprend qu’on ne naît pas femme, on le devient (Simone de Beauvoir). On apprend que l’amour maternel n’est pas un instinct (Elisabeth Badinter). On apprend que dans le mariage, qui se ressemble s’assemble… Dans le nouveau programme***, il s’agit plus généralement d’expliquer comment nous devenons des acteurs sociaux et comment expliquer les différences de pratiques culturelles. Un extrait du livre de Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe (1949), peut même être lu avec profit par les parlementaires de droite  : « Aucun destin biologique, psychique, économique, ne définit la figure que revêt au sein de la société la femlle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin. Seule la médiation d’autrui peut constituer un individu comme un Autre » (Hatier 2010 p.143)

Nos jeunes savent déjà qu’il y a des hétérosexuels, des homosexuels, des bisexuels, des transsexuels et même des travestis. Ils n’en font pas un drame. Les propos de Bernard Accoyer, le président UMP de l’Assemblée nationale, ne peuvent que les perturber : « Il faut rester sur les vérités scientifiques et se garder lorsqu’on est dans des livres de sciences de dériver sur des questions de société ». Oui, monsieur Accoyer, la sociologie est aussi une science, comme l’éthologie et l’ethnologie. Pour que nos enfants s’y retrouvent dans la vie, il ne faut plus séparer les sciences de la nature et les sciences de l’homme car tout est interdépendance. Les sciences de la Vie et de la Terre et les sciences économiques et sociales doivent marcher la main dans la main, comme un couple durable qui sait comment harmoniser le masculin et le féminin…

* texte publié au Journal officiel le 28 août 2010

** Le MONDE du 1er septembre 2011, Contre la « théorie du genre » au lycée, l’UMP se mobilise

*** BO du 29 avril 2010

nature et sexualités : le débat sur le genre humain Lire la suite »

la chrysomèle, plus forte que Monsanto

En 1962, Rachel Carson écrivait : « Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue. »

Aujourd’hui la chrysomèle du maïs, Diabrotica virgifera, a donné raison à Rachel Carson. Les agriculteurs américains avaient vu l’efficacité des insecticides diminuer au fil des ans. Ils croyaient avoir trouvé la parade ultime avec un OGM capable de produire lui-même une toxine grâce à un gène transplanté d’une bactérie, Bacillus thuringiensis. Ce maïs Bt, mis en culture en 2003, a dû à son tour plier devant l’inventivité de Diabrotica : « La présence de chrysomèles capables de prospérer dans des champs transgéniques a été mise en évidence, pour la première fois, dans des parcelles de l’état de l’Iowa, en 2009. On a constaté que cette capacité à survivre était « non récessive » : il suffit d’une seule copie du gène de résistance, hérité d’un des parents (et non des deux), pour que ce caractère s’exprime. La nouvelle vient seulement d’être rendue publique, dans la revue PLoS One… »*.

Nous sommes en accord avec la conclusion de Rachel Carson : « Nous avons à résoudre un problème de coexistence avec les autres créatures peuplant notre planète. Nous avons affaire à la vie, à des populations de créatures animées, qui possèdent leur individualité, leurs réactions, leur expansion et leur déclin. Nous ne pouvons espérer trouver un modus vivendi raisonnable avec les hordes d’insectes que si nous prenons en considération toutes ces forces vitales, et cherchons à les guider prudemment dans les directions qui nous sont favorables. La mode actuelle, celle des poisons, néglige totalement ces considérations fondamentales. Ces extraordinaires possibilités de la substance vivante sont ignorées par les partisans de l’offensive chimique, qui abordent leur travail sans aucune largeur de vues, sans le respect dû aux forces puissantes avec lesquelles ils prétendent jouer.Vouloir « contrôler la nature » est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal ». (in Le printemps silencieux)

* LE MONDE du 1er septembre 2011, article d’Hervé Morin

la chrysomèle, plus forte que Monsanto Lire la suite »

la place des non-humains

Superbe. Deux pages entières dans LeMonde * pour les non-humains. Il faudrait donc faire une place aux non-humains, mais quelle place ? Disons tout de suite que nous n’avons rien compris aux analyses sur les différents livres récemment parus sur la question, comme l’ouvrage « Humains, non-humains » ou « Ce à quoi nous tenons ». Seul surnage cette question : « Emmanuel Kant définissait l’homme comme le seigneur de la nature ; pour lui, les êtres dénués de raison n’avaient aucune valeur. Cette tradition de pensée est responsable de tous nos malheurs écologiques. Pourquoi ? » Pourquoi ? Parce que le roi est devenu fou**.

                « Ce qu’on appelle la crise de l’environnement est tout simplement le résultat d’une violation sans cesse aggravée des lois de l’écologie, fondées sur l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leur milieu physique, c’est-à-dire sur la notion d’équilibres naturels. Un rapide coup d’œil sur les étapes de la situation de l’homme au sein de la biosphère, face aux autres éléments de la communauté biologique, peut aider à prendre une vue d’ensemble. Dans une première phase, l’homme reste un prédateur parmi d’autres, occupant une modeste place dans sa biocénose originelle ; ses prélèvements sur le milieu demeurent comparables à ceux des autres parties prenantes : le lion, le guépard, les autres singes. Mais avec le perfectionnement de ses techniques d’acquisition, avec le biface, la flèche, le feu, son efficacité s’accroît sensiblement. Avec la révolution néolithique apparaît l’animal domestique, la céréale cultivée, la poterie, la ville, le palais, le temple, la boutique, l’entrepôt, la caserne, le bordel et la prison : la civilisation est en marche. Le processus de déséquilibre entre le potentiel de destruction de l’homme et les capacités de récupération du milieu naturel est dès lors engagé : il mènera tout droit à la bombe atomique et aux autres merveilles que nous prépare une technologie emballée, devenue une fin en soi et médiocrement soucieuse, jusqu’ici, de ce qui devrait tout de même compter : l’homme. Une idéologie belliqueuse et orgueilleuse, la mythologie d’un « roi de la création » chargé de conquérir, de dominer, sans souci des droits des autres êtres vivants, devaient nous permettre de ravager la planète en toute bonne conscience. Et d’autant plus facilement que la religion du profit allait rendre licite n’importe quel méfait du moment que l’assurance d’un gain venait l’absoudre, voire le sanctifier. »

Constatons enfin qu’on agite dans LeMonde l’épouvantail de l’écologie profonde : « Le propos d’Emilie Hache est de se dégager de la deep ecology », « Vous (Stéphane Ferret) refusez les thèses de l’écologie dite profonde ». Les poncifs faux et éculés sur l’écologie profonde font encore  florès même parmi ceux qui se disent spécialistes des non-humains. Pour redonner sa vraie place à l’homme, c’est-à-dire un simple élément parmi l’ensemble des animaux et des plantes, il faudra d’abord nous rendre compte que les humains sont devenus fous et qu’il nous faut nous soigner.

* LeMonde des livres, 4 février 2011, Faire une place aux non-humains.

** le paragraphe suivant a été écrit par Théodore Monod dans le hors série du Nouvel observateur (juin juillet 1972), La dernière chance de la terre.

la place des non-humains Lire la suite »

Monsanto et la prophétie de Rachel Carson

En 1962, Rachel Carson* montrait que le DDT n’avait pas d’avenir. Aujourd’hui, c’est le Roundup de Monsanto qui lui donne raison. Rachel Carson écrivait : « Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue. Ces extraordinaires possibilités de la substance vivante sont ignorées par les partisans de l’offensive chimique, qui abordent leur travail sans aucune largeur de vues, sans le respect dû aux forces puissantes avec lesquelles ils prétendent jouer. Vouloir « contrôler la nature » est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal, où l’on pouvait encore croire la nature destinée à satisfaire le bon plaisir de l’homme. »

                Aujourd’hui dans l’Arkansas**, les fermiers les plus modernes du monde doivent revenir à des outils d’un autre âge, la houe et la pelle, pour déloger l’amarante de Palmer qui envahit leurs champs. Il arrive que ses racines cassent des moissonneuses. La plante peut pousser de 5 centimètres par jour et atteindre deux mètres de haut, chaque femelle contient 250 000 graines. A bout de quinze ans d’usage intensif et exclusif du glyphosate (Roundup), une dizaine de « mauvaises » herbes sont devenues résistantes au produit, dont l’amarante de Palmer. Le mécanisme de la sélection naturelle a joué. La firme Monsanto perd le contrôle du monstre qu’elle a créé avec les transgéniques résistants aux insecticides, ses créatures de laboratoire font face à des mutants naturels.

                Mère nature n’en a fait qu’à sa tête ? Non, elle se défend comme elle peut contre la folie des humains, viol de la barrière des espèces, monoculture, empoisonnement des sols…

* Le Printemps silencieux de Rachel Carson (1962)

** La mauvaise graine de Monsanto (LeMonde du 19 octobre 2010)

Monsanto et la prophétie de Rachel Carson Lire la suite »

tous à la manif (à Nagoya)

 

Aucune conférence internationale n’arrivera à solutionner quelque problème que ce soit. A Nagoya, la dixième conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB, 193 pays) ne fera pas exception à la règle. Que LeMonde (19 octobre 2010) consacre une page à la disparition des espèces n’y changera rien ! Une conférence internationale est par définition une rencontre entre nations : chacun défend les intérêts de son pays, pas l’intérêt commun. En 2002, on s’était engagé à freiner la disparition accélérée des espèces d’ici à 2010, aucun pays n’a respecté cet objectif. Les scientifiques démontrent qu’il n’y aura pas de planète de rechange, pourtant  rien ne change. Le Parti socialiste français souhaite dans un communiqué de presse  que « ces débats aboutissent à l’adoption d’objectifs internationaux ambitieux en faveur de la diversité biologique pour les horizons 2020 et 2050 ». Pas difficile de s’exprimer ainsi pour que rien ne change. Le WWF est présent à Nagoya pour suivre l’évolution du sommet au quotidien. La biodiversité continuera de se dégrader à un rythme inquiétant. La superficie et la qualité des habitats naturels continu à se dégrader presque partout. Le rythme auquel disparaissent les espèces est de 100 à 1000 fois plus rapide que ce qui s’est passé au cours des 500 derniers millions d’année.

Que la vie dans les forêts, les océans et les écosystèmes de notre planète constituent les fondements de notre société et de notre économie, au fond tout le monde s’en fout. La perte de biodiversité est encore une abstraction aux yeux des travailleurs. Il faudrait arrêter la déforestation, arrêter la destruction des écosystèmes, supprimer les subventions à la pêche industrielle, porter la superficie des espaces naturels protégés à 25 % (contre 13 % à l’heure actuelle), etc. Mais la perte de biodiversité est un avantage pour les industriels et les consommateurs. Tout le monde est donc complice, personne ne manifestera dans les rues pour protéger la richesse de la biodiversité.

tous à la manif (à Nagoya) Lire la suite »

à la recherche de notre ancêtre commun

Certains croient faire de gros progrès en reconstituant leur généalogie familiale grâce à quelques archive usées : attitude purement anthropocentrique qui balbutie sur un ou deux siècles. Ce n’est pas là un exercice très captivant, mieux vaut le long souvenir de notre histoire commune. Remonte dans le temps, bien avant l’automobile, le téléphone et l’électricité, va encore plus loin. Tu arriveras il y a 400 générations, quand tes ancêtres commençaient à cultiver la terre et à se croire séparés de l’univers. En remontant encore, il y a 10 000 générations environ, tu trouveras ton premier ancêtre homo sapiens. Mais ton origine est encore antérieure ; il y a 100 000 générations, ceux par qui tu es arrivé étaient des hominidés. Quelques dizaines de millions d’années auparavant, ton ancêtre, un tout petit mammifère, vivait au temps des derniers dinosaures. En remontant encore, ton ancêtre était amphibien.

Et puis aujourd’hui, leMonde du 17 juillet nous apprend que notre ancêtre commun était segmenté ! Les humains partagent avec le cloporte et le ver de terre la même organisation itérative, une succession d’unités anatomiques identiques. Cette structure se retrouve d’ailleurs aussi bien chez les vertébrés que chez les arthropodes (insectes et crustacés). Car si tu continues à remonter la chaîne du vivant qui mène jusqu’à toi, tu arrives aux unicellulaires, à la formation de la Terre, à la naissance de l’univers. Cet exercice mental bien documenté par la science te permet alors d’agir selon ton âge véritable de quinze milliards d’années, et de prendre part au changement de cap vers une société qui soutient la vie, qui respecte tous les êtres vivants. Au contraire, valoriser la conscience subjective d’une existence rattachée seulement à tes derniers ancêtres t’empêche de percevoir que toutes les autres espèces vivantes forme ta parentèle, que la biodiversité est aussi une composante de ta famille.

Dès lors qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de rupture entre l’homme et les autres espèces ne peut plus fonctionner. Il faut le répéter encore une fois : toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont évolutivement nos contemporains, ce qui veut dire qu’elles voyagent dans le même « train » que l’espèce humaine. Toute analyse qui voudrait opposer le genre humain aux autres formes de la vie est condamnée à l’échec, parce que toute notre existence témoigne d’une communauté de destin avec les autres êtres vivants. Les humains appartiennent à l’ordre de la vie et cette appartenance nous lie à un destin qui s’est noué en notre absence et dont tout indique qu’il va se dénouer sans nous.

Pour aller plus loin :

La fin de l’exception humaine de Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

Ecopsychologie pratique, retrouver un lien avec la nature de Joanna Macy  et M.Y. Brown (Le souffle d’or)

 

à la recherche de notre ancêtre commun Lire la suite »

un loup de moins, humanisme en berne

Une petite fille était sortie de la maison vers 23 heures. En allumant la lumière, elle a vu un loup devant elle. Le préfet des Hautes-Alpes vient donc d’autoriser l’abattage d’un loup, mardi 13 juillet. En France, en 2009, 992 attaques de loups ont causé la mort de 3 161 animaux. (LeMonde.fr, 13 juillet)

La réaction de Catherine Larrère : « La présence des loups ne signifie pas la mort des troupeaux, et encore moins celle des hommes, mais elle incite à changer de mode de vie, à accepter que l’espace où les hommes vivent ne soit pas uniformément et uniquement humain, mais laisse place à d’autres formes de vie. Le choix n’est pas entre l’homme et la nature, mais entre un monde uniforme, modelé aux seuls intérêts économiques et un monde divers, laissant place à la pluralité des aspirations humaines comme à la pluralité des vivants. Le monde uniforme est anthropocentrique, il n’est pas certain qu’il soit humaniste. A tout mesurer à l’aune de l’humain, on risque de ne plus mesurer qu’une partie de l’humain. »

Les réactions d’internautes :

– Maman, j’ai aperçu un loup ! Vite, ma fille, un fusil et des sous ! Moi qui ai fait dix ans de transhumance, je trouve qu’elle a bon dos la « tradition pastorale » ! Des gens qui veulent leur tranquillité avant tout, et des « aides » financières au moindre inconvénient ! Les mêmes que ceux qui disent vouloir préserver la nature en éliminant le loup, le renard, le blaireau, les insectes, les mauvaises herbes, et à coups de fusils, de pesticides, de béton et d’OGM…

– Le loup est le prédateur naturel des animaux âgés ou malades et maintient le cheptel sauvage en bon état, en prévenant la plupart des épizooties. Le problème est surtout dû à la manière dont les troupeaux sont gérés en France, avec, comme ailleurs, une trop grande économie de personnel et des animaux sans protection. Il peut cependant arriver qu’un loup cherche à se nourrir sans effort et devienne franchement nuisible. Dans ce cas, capture ciblée ou abattage sont logiques.

– Comment se fait-il qu’en Espagne, en Italie, en Pologne, en Roumanie où les populations de loups sont plus importantes qu’en France, il n’y ait pas tous ces problèmes récurrents? C’est plus apaisé qu’en France, et surtout le mode de gardiennage des troupeaux s’enracine dans une pratique pastorale solide qui a fait ses preuves. On y garde vraiment les ovins…et puis voir le loup n’est pas si terrible.

– Un mouton vaut 30€ à l’abattoir mais quand le loup le tue les assurances le paient 300€. Les crocodiles pleurent aussi les zèbres qu’ils attrapent.

– A quoi sert l’homme en fait ?

un loup de moins, humanisme en berne Lire la suite »

guerre contre la nature, guerre contre l’homme

Un commentateur nous écrit : « Une fois que la civilisation agro-industrielle eut décidé de s’étendre, elle se trouva en concurrence féroce avec ces volatiles voraces et envahissants » (des pigeons aux USA). Donc autant les éliminer ! Le problème, c’est que cette espèce définitivement éteinte n’est qu’un exemple particulier de l’extinction des espèces qui s’accélère aujourd’hui. Pourquoi ? D’abord, comme le souligne notre commentateur, parce que les humains se  croient en concurrence avec toutes les formes de vie, ayant oublié que l’espèce homo demens n’est qu’une forme de vie parmi d’autres, dépendante des autres.

Ensuite, comme le souligne Hervé Kempf (LeMonde du 26 mai), parce que cette guerre contre la nature est aussi une guerre contre les paysans. Partout, les maîtres des villes font la guerre à la campagne : pour y étendre faubourg et industries, ou pour imposer une agriculture industrielle à bas de machines et de pesticides au prix d’un recul continu de la biodiversité. La biodiversité, ce n’est pas simplement une question d’ours blanc et de pigeons, c’est le conflit meurtrier entre la course au profit maximal et le nécessaire respect de la terre qui nous fait vivre. Mais la raison essentielle de la perte de biodiversité, c’est l’état d’indifférence dans laquelle se trouvent plongés nos concitoyens. Les Nations unies avaient désigné le 22 mai « Journée mondiale de la biodiversité » dès le Sommet de la Terre de 1992. Cette Journée devrait être le moment fort de l’Année 2010 de la biodiversité pour lutter contre la dégradation de la biodiversité. Personne ou presque n’a entendu parlé de cette journée mondiale le 22 mai dernier ! Pourtant en 2004 une Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment) avait montré que 60 % des écosystèmes (support de la biodiversité) étaient déjà dégradés.

Faute d’un changement immédiat et de grande ampleur des comportements, la perte croissante des écosystèmes naturels (purification de l’air, de l’eau, équilibre des climats…) va entraîner des modifications irréversibles. Que nous devenions possesseurs et maître de la fusion nucléaire ne ferait qu’accélérer la fin de notre civilisation thermo-industrielle, asphyxiée dans un monde de la démesure, sur une planète de moins en moins vivante, recouverte de bétons et  de terres stérilisées.

guerre contre la nature, guerre contre l’homme Lire la suite »

la sixième extinction

Comment combattre la perte de biodiversité, 6ème extinction des espèces, quand on ne connaît pas la signification du mot biodiversité ? Selon un sondage récent, 79 % des Français déclarent avoir « entendu parler » de biodiversité, mais seuls 23 % en connaissent la signification (LeMonde du 25 mai). En cette année mondiale de la biodiversité, y’a un manque ! Voici quelques données pour s’y retrouver.

Nous pouvons considérer que c’est à partir du XVIIe siècle que la biodiversité commence vraiment à pâtir de l’action de l’homme. Le cas du pigeon voyageur en Amérique du Nord mérite d’être relaté. Une estimation d’un vol de migration, faite en 1810, fait état de plus de deux milliards d’individus. Vers les années 1880, l’espèce n’était plus présente qu’autour des grands lacs. En 1899, on observait le dernier oiseau sauvage en liberté et le dernier spécimen mourrait en 1914 au zoo de Cincinnati. Aujourd’hui, le rythme des extinctions semble s’être emballé  puisque les chercheurs estiment à présent qu’entre 1 % et 10 % de la biodiversité disparaissent tous les dix ans. Cette biodiversité ou diversité biologique peut être définie comme la variabilité des organismes vivants de toute origine ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. La convention sur la diversité biologique a été adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Les signataires de la convention se disent (dans son préambule) conscients de « la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif culturel, récréatif et esthétique ». Cette convention devait comporter un volet financier. Elle en a été privée sous la pression des Etats-Unis. Plus de dix ans après Rio, la conférence de La Haye sur la biodiversité a réaffirmé la nécessité de se doter d’un mécanisme financier. Avec un peu de chance, il sera adopté dans vingt ou trente ans… Les humains ne se contentent pas de s’entretuer, il éliminent aussi des espèces entières. Cela n’est pas durable.

Parce qu’elle est la condition nécessaire à la vie sur Terre, la valeur de la biodiversité est infinie. On ne peut éluder aussi la dimension éthique justifiant la conservation de la biodiversité. En vertu de quelle autorité notre espèce pourrait-elle s’arroger le droit de procéder au cours du présent siècle à l’ultime génocide, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, qui tiendrait à l’anéantissement de plusieurs millions d’espèces vivantes ?

la sixième extinction Lire la suite »

des parlementaires complices de Monsanto

Rapprochons deux informations, le « plaidoyer parlementaire en faveur des pesticides » et la « journée mondiale pour sauver les grenouilles de la disparition » (LeMonde du 30 avril). Selon l’UICN, 30 % des amphibiens connus sur Terre courent actuellement un risque d’extinction. Les pauvres batraciens ne peuvent aimer l’eau polluée des ruisseaux par les engrais et pesticides, leur peau perméable absorbe trop facilement les produits chimiques toxiques. Mais les parlementaires auteur du rapport « pesticides et santé » se foutent complètement de la santé des grenouilles et des agriculteurs. Pour les maladies, comme il y a « une multiplicité des facteurs pouvant induire des symptômes identiques », pas besoin de creuser plus loin,  une surveillance épidémiologique de la population suffira.

Ce qui apparaît avec ce rapport, rendu public à la veille de l’examen du projet de loi Grenelle 2, c’est que le duo Claude Gatignol et Jean-Claude Etienne se veulent des soutiens directs en faveur des intérêts économiques. Voici leurs arguments :

– risque que ferait courir à un pan entier de notre économie une division par deux de l’utilisation de pesticides d’ici 2050 (un des engagements du Grenelle de l’environnement).

– probable diminution des rendements.

– signe négatif pour la recherche.

– nécessaire accroissement des capacités de production.

Le lobby agro-industriel a encore frappé ! Gatignol et Etienne ne méritent pas d’être des représentants des humains et des non-humains.

des parlementaires complices de Monsanto Lire la suite »

NAC ou science citoyennes ?

Notre époque est soi-disant à la modération, il y a tant de saloperies dont on n’a pas besoin ; ainsi des animaux de compagnie. La France est déjà envahie, avec 10,7 millions de chats et 7,8 millions de chiens. Mais cela ne suffit plus, il faut du nouveau, de l’exceptionnel, de l’excentrique. La mode est donc au NAC, les nouveaux animaux de compagnie (LeMonde du 17 avril). Le furet arrive en tête, avec plus d’1 million de spécimens. Chacun y va de son envie du moment, serpent ou araignée, iguane ou mygale, gerbille ou cafards, sans compter les innombrables hamsters, souris et autres insectes.

Tous ces passionnés de l’observation, de la génétique et de la coloration feraient mieux de laisser les animaux dans leurs milieux naturels. Car les réseaux sciences citoyennes ont besoin de leur amour pour les animaux. Un autre article du Monde nous veut en effet « tous naturalistes » ! Des scientifiques professionnels font de plus en plus appel à des citoyens passionnés qui procèdent bénévolement à des comptages pour améliorer le recensement de la faune et de la flore : observation des oiseaux, des reptiles, des papillons, des chauve-souris, fleurs… La plupart de ces études confortent le constat d’un environnement en crise. Le modèle du savoir qui sort du laboratoire peut être efficacement relayé par un modèle de co-construction avec les citoyens. Avec des naturalistes multiples, on peut mieux cerner la dynamique des populations, Internet permettant la mise en réseau des observations de chacun.  Ainsi du programme STOC, suivi temporel des oiseaux communs  Résultat ? Ces populations ont depuis 1989 décliné de 20 % en milieu agricole.

A l’heure où la biodiversité est en péril, certaines personnes se mobilisent pour faire quelque chose. D’autres préfèrent leurs animaux de compagnie. Il n’y a sans doute rien à espérer des affectifs qui préfèrent leur NAC même quand ils sentent mauvais comme le furet. Mais peut-être qu’ils achètent leur saloperie tout en œuvrant pour la planète ? Il est permis d’espérer…

NAC ou science citoyennes ? Lire la suite »

l’écoterroriste Paul Watson

Les écoguerriers sont trop peu nombreux. LeMonde du 8 avril fait de la publicité pour Paul Watson, écoguerrier des mers. Tant mieux ! Paul Watson a commencé tôt. A 10 ans, dans son petit village de pêcheurs du Canada, il nageait avec les castors. Une année, ils ont disparu, capturé par les trappeurs. Paul a détruit tous leurs pièges. Acte violent ou non-violence ? Il ne s’attaquait pas aux personnes, mais aux moyens d’agir de ces personnes. Aujourd’hui il peut couler des navires ou être coulé, lancer des chaînes dans les hélices, entraver des activités commerciales. Est-ce de la violence ? Paul reste dans les limites de la loi, il s’attaque à la pêche illégale. Il sera bientôt en Méditerranée. En 2007, on avait officiellement autorisé 30 000 tonnes de thons rouges, on en a capturé le double. En 2010 une centaine de bateaux devront se partager un quota de 13 500 tonnes. On ne respectera ni les quotas, ni les dates de pêche et on traquera les bancs par survol aériens interdits. Paul ne fait que compenser l’incapacité volontaire des Etats à faire respecter leurs propres lois. Où est la violence, dans l’action de Paul Watson ou dans les méfaits des contrebandiers de la mer ? Trop souvent nous accusons de violence et de terrorisme ceux qui combattent la violence de notre société de prédation. Il nous faudrait beaucoup de Paul Watson, de casseurs de pub, de néo-luddites, etc.

Paul Watson a été traité de fasciste, de misanthrope, de nazi, d’extrême-droite, d’extrême-gauche, d’anarchiste, d’égocentrique et, oh oui, n’oublions pas le titre favori dont il est le plus fier – écoterroriste. Pour Paul, peu importe la façon dont les gens nous appellent. Après tout, ce sont les gens qui causent les problèmes véritables que Paul essaye de résoudre. Il n’a à répondre à aucun gouvernement, aucune société, aucun être humain. Il répond seulement à ses clients – les animaux et leurs défenseurs. Sea Shepherd Conservation society existe depuis 1977 pour sauver des vies et pour soutenir les lois de conservation internationale que les nations n’ont pas la volonté politique de soutenir elles-mêmes. Chaque baleine que Sea Shepherd Conservation society a sauvé d’un harpon est une  victoire, chaque requin libéré d’une ligne de pêche est une victoire, chaque thon rouge qui échappe aux tueurs est une victoire. Il nous faudra cesser cette guerre d’extermination contre le vivant non-humain.

Pour en savoir plus, lire le recueil de textes Ravages, adieu bel animal (éd. Descartes)

l’écoterroriste Paul Watson Lire la suite »

un animal débile, l’homme

Thèse : Une expérience a montré que des singes rhésus refusaient, plusieurs jours durant, de tirer sur une chaîne libérant de la nourriture si cette action envoyait une décharge électrique à un compagnon dont ils voyaient les convulsions. » (LeMonde du 27 février)

Antithèse : Encouragé par l’animatrice Tania Young (« Nous assumons toutes les conséquences ») et un public frétillant (« Châ-ti-ment ! Châ-ti-ment ! »), chaque candidat doit électrocuter un inconnu, invisible mais audible, à chaque erreur commise lors d’une épreuve de mémoire verbale. (Jusqu’où va la télé, série documentaire en deux parties, présentée par Sciences humaines de mars 2010)

Synthèse : l’humanité poussera l’inhumanité jusqu’à anéantir tous les grands singes et à stériliser le milieu qui la fait vivre. Elle est tellement heureuse quand elle détruit : consommation, consumation, fin de partie.

un animal débile, l’homme Lire la suite »

biodiversité, un objectif perdu d’avance

Les négationnistes du réchauffement climatique et les égoïsmes nationaux font en sorte que l’objectif de diminuer volontairement nos émissions de gaz à effet de serre est perdu d’avance. A plus forte raison pour l’objectif d’enrayer la disparition des espèces alors que le mot biodiversité reste incompris de deux tiers des Européens. Il faut dire aussi que les deux pages consacrées par LeMonde du 20 février 2010 aux « six pistes contre le déclin de la biodiversité » ne pèsent pas bien lourd face aux pages quasi-quotidiennes consacrées aux défilés de mode.

La stérilisation des sols opérée par l’urbanisation et les transports, la surexploitation des ressources, les pollutions, la progression des espèces invasives et le changement climatique sont à la fois des obstacles à la biodiversité et les fondements de notre niveau de vie. Nous préférons assurer notre pouvoir d’achat même si c’est au prix de la détérioration des écosystèmes. Les cris d’alarme des naturalistes pèsent encore moins que ceux des scientifiques du GIEC. D’ailleurs il n’existe pas d’organismes équivalent au GIEC pour la biodiversité alors que l’extinction des espèces est un processus analysé depuis longtemps :

1948 : « C’est chose étonnante que de voir combien il est rare de trouver une seule personne bien au fait de la destruction accélérée que nous infligeons sans arrêt aux sources même de notre vie. Par ailleurs, les rares esprits qui s’en rendent compte ne voient pas en général le lien indivisible entre ce fatal processus et les exigences irrésistibles d’une population humaine sans cesse en augmentation. Il semble n’y avoir guère d’espoir en l’avenir si nous ne décidons pas à accepter la conception suivant laquelle l’homme est, comme tous les autres êtres vivants, partie intégrante d’un vaste ensemble biologique. »( La planète au pillage Fairfield Osborn)

1962 : « L’histoire de la vie sur Terre est l’histoire d’une interaction entre les êtres vivants et ce qui les entoure. C’est seulement dans la séquence temporelle du XXe siècle qu’une espèce – l’homme – a acquis la puissance considérable d’altérer la nature du monde. Depuis vint-cinq ans, non seulement cette puissance a pris une ampleur inquiétante, mais elle a changé de forme. La plus alarmante des attaques de l’homme sur l’environnement est la contamination de l’atmosphère, du sol, des rivières et de la mer par des substances dangereuses et même mortelles. Cette pollution est en grande partie sans remède, car elle déclenche un enchaînement fatal de dommages dans les domaines où se nourrit la vie, et au sein même des tissus vivants. » (Le Printemps silencieux de Rachel Carson)

1965 : « Il faut avant tout que l’homme se persuade qu’il n’a pas le droit moral de mener une espèce animale ou végétale à son extinction, sous prétexte qu’elle ne sert à rien. Nous n’avons pas le droit d’exterminer ce que nous n’avons pas créé. Un humble végétal, un insecte minuscule, contiennent plus de splendeurs et de mystères que la plus merveilleuse de nos constructions. Le Parthénon ne sert à rien, Notre-Dame de Paris est complément inutile, en tout cas mal placé. On demeure confondu devant la négligence des technocrates qui laissent subsister des monuments aussi désuets et anachroniques alors qu’on pourrait faciliter la circulation et aménager des parkings. L’homme pourrait refaire dix fois le Parthénon, mais il ne pourra jamais recréer un seul canyon, façonné par des millénaires d’érosion patiente, ou reconstituer les innombrables animaux des savanes africaines, issues d’une évolution qui a déroulé ses méandres sinueux au cours de millions d’années, avant que l’homme ne commence à poindre dans un obscur phylum de Primates minuscules. » (Avant que nature meure de Jean Dorst)

biodiversité, un objectif perdu d’avance Lire la suite »

1000 articles et rien ne change

Il y a cinq ans c’était un tsunami dans le Pacifique, aujourd’hui un tremblement de terre en Haïti. Et c’est le moment d’écrire notre millième article ! L’acte fondateur de ce blog résulte en effet d’un évènement relayé par les télévisions du monde entier, le tsunami. Aujourd’hui presque autant de morts à Haïti. Notre article du 13 janvier 2005 mettait alors en parallèle le traitement sur-médiatisé des conséquences du tsunami sur les humains et d’autre part une information isolée (dans LeMonde du 1/1/2005, nos plus proches cousins sont en péril) sur la disparition prochaine des primates :

« D’un côté le tsunami pourrait faire aujourd’hui 150 000 victimes humaines, de l’autre chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D’un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d’humains, de l’autre l’activité de ces mêmes humains élimine complètement  leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D’un côté les aides publiques d’urgence en faveur de l’Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l’autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l’irrésistible baisse des populations de primates.

L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète… »

Cette première contribution « Solidarité avec les bonobos » a été suivie par une analyse de plus en plus régulière de l’information véhiculée par LeMonde, jusqu’à pouvoir écrire presque chaque jour un article, et rien ne change : janvier 2010, un tremblement de terre en Haïti, les médias se déchaînent ; 2010 année mondiale de la biodiversité, tout le monde s’en fout. La même conclusion s’impose aujourd’hui comme hier, il y a quelque chose d’absurde sur cette planète.

1000 articles et rien ne change Lire la suite »

à quoi sert la vie humaine ?

L’euthanasie et le suicide assisté restent illégaux au Royaume-Uni. Mais si une personne souffrant d’une maladie incurable ou en phase terminale prend l’initiative de demander l’aide d’un parent ou d’un ami intime, ce dernier est dorénavant en droit de lui rendre ce service en toute légalité. A condition qu’il soit entièrement motivé par la compassion et que son concours se limite à une aide ou une influence mineure. Encore faut-il que le futur défunt ait émis un souhait clair, définitif et informé de se suicider (LeMonde du 26 septembre). Donc, si j’ai bien  compris, un conjoint peut aller avec son malade en Suisse, pays qui a déjà légalisé le suicide assisté.

Cela me fait penser aux avortements illégaux pratiqués en Suisse par les Françaises qui subissaient avant 1975 les lois populationnistes de 1920. Avant la naissance ou au moment de la mort, il n’y a pas en soi de définition d’une vie digne d’être vécue ; tout dépend d’une élaboration sociale. Quelle décision philosophico-politique prendre dans le cas des Alzheimer qui n’ont de la dignité humaine que l’apparence charnelle ? Quelle décision philosophico-politique prendre dans le cas des fins de vie dans des hôpitaux-prisons-mouroirs ? L’acharnement des partisans de la vie malgré tout me paraît incompréhensible. Il me paraît plus sain d’empêcher la perte de biodiversité et l’extinction des espèces plutôt que de vouloir préserver la vie des humains qui ne servent plus à rien. Mais j’aurais un certain respect pour les personnes qui militent à la fois pour les deux causes, il y aurait en effet une certaine logique !

à quoi sert la vie humaine ? Lire la suite »