biodiversité

le pique-prune et l’autoroute

L’objet du débat du jour : Le pique-prune est un genre de scarabée qui vit dans les troncs des vieux châtaigniers et se nourrit de bois mort. Le tracé de l’autoroute A 28, qui relie Abbeville à Tours semblait susceptible de mettre gravement en péril l’habitat et peut-être l’existence même du pique-prune dans une forêt de la Sarthe. Il y a eu gel des travaux. Le coût de la préservation de la biodiversité peut se révéler exorbitant pour les uns, ce coût est insignifiant pour moi.   

BM : «le nombre de décès par accident par milliard de véhicules*kilomètres parcourus est de 13,4 sur une nationale et de 4,7 sur une autoroute. Un calcul simple, fait sur la base d’un trafic journalier de 6.000 véhicules […] montre que la construction six ans plus tôt de ce tronçon aurait épargné plus de 15 décès, sans parler de centaines de blessures graves ».

biosphere : la facilité de prendre son véhicule, favorisée par les autoroutes, incite à rouler plus souvent, donc accroît le nombre d’accidents mortels. C’est ce qu’on appelle en langage technique l’effet rebond, il y a donc un biais statistique. De toute façon, route ou autoroute, si nos monstres mécanisés n’étaient pas utilisés, il y aurait  zéro accident automobile. 

BM: On ne peut, dès lors, mettre cet arbitrage malheureux — si favorable au scarabée, si préjudiciable à l’espèce humaine — que sur le compte de l’ignorance, de l’inadvertance. Le calcul, l’analyse coût-bénéfice, n’a, d’évidence, pas été fait.

Biosphere : La construction d’une autoroute provoque-t-elle des avantages supérieurs à la perte d’espaces naturels détruits ? Quel est le coût du réchauffement  climatique ? Le problème essentiel posé à l’exercice d’évaluation est qu’une espèce animale ou végétale, la pollution atmosphérique, etc., n’est pas échangé sur un marché.

L’évaluation monétaire de l’environnement cherche à mesurer quelque chose qui n’existe pas. La valeur est plurielle et le prix n’en est qu’un élément, particulier à la sphère marchande. Les différentes dimensions de la valeur sont irréductibles les uns aux autres, comme peuvent l’être la valeur esthétique d’une forêt (et de ses pique-prune), l’attachement émotionnel qu’en ont ses habitants, la valeur économique du bois coupé, le rôle des arbres sur le climat ou la richesse de son  écosystème. Une analyse coût-avantage, loin d’être scientifique, entretient l’illusion d’objectivité par le recours à la quantification. 

BM: On ne peut, en fait, raisonnablement imaginer que ces coûts, financiers et humains, aient été connus et acceptés lorsqu’il s’est agi, au nom de la protection de la biodiversité, d’interrompre les travaux (de l’autoroute). Sinon peut-être par les tenants de l’«écologie profonde» (ou deep ecology, analysée par Luc Ferry dans Le Nouvel Ordre écologique) qui, refusant d’établir une hiérarchie entre les espèces, n’auraient aucune raison d’être heurtés par les égards accordés aux pique-prune au détriment de la sécurité des hommes. Les partisans de cette version radicale, biocentriste, de l’écologie sont toutefois peu nombreux en France.

Biosphere : une infime partir de la population, intoxiquée par des ouvrages du type « nouvel ordre écologique », dénigre l’écologie profonde alors que cette philosophie d’Arne Naess (écologie, communauté et style de vie), à lire dans le texte, opère un nouveau renversement copernicien. On croyait autrefois que la terre était le centre du monde, on croit aujourd’hui dans l’idéologie occidentalisée que l’homme est le centre de tout. Il n’en est qu’un des éléments, cela ne devrait pas être une révélation pour qui réfléchit.

A force de vouloir dominer la nature, les humains sont devenus une force géologique qui remodèle la planète ;  ses routes, autoroutes , habitats, zones industrielles s’étendent au détriment de la biodiversité et des forêts. Bien avant que homo « sapiens » ait épuisé les dernières gouttes de pétrole, tous les travailleurs qui vivent aujourd’hui de l’automobile se retrouveront au chômage ; ils seront bien contents d’aller chercher du bois de chauffe avec les pique-prune, si les forêts n’ont pas toutes disparue. Ils ne pourront que regretter de n’avoir eu aucun respect pour notre planète et ses pique-prune.

La distinction entre la version biocentriste (la nature a une valeur en soi) et la version anthropocentriste de l’écologie (la nature est là pour servir l’homme) conserve une portée pratique qui se révélera au cours du temps de plus en plus forte. 

BM: Philippe Kourilsky et Geneviève Viney dans leur rapport sur le principe de précaution rappellent que « le côté positif de la biodiversité est souvent porteur d’une certaine charge idéologique. On s’en défendra en se remémorant que l’émergence du virus du Sida est une manifestation de la biodiversité ». La préservation de cette dernière ne saurait donc évidemment être une fin en soi.

Biosphere : Bien entendu la nature n’est pas « bonne » en soi et les formes du vivant ne sont pas toujours agréables aux hommes. Mais le fait de prendre un cas particulier, le SIDA, comme un cas général ne peut être accepté. C’est la complexité de la biodiversité, nuisible ou non, qui permet la résilience des écosystèmes ; pourtant les humains provoquent la sixième extinction des espèces.

Notre attention pour le pique-prune n’est que l’ébauche de ce qu’il faudrait faire et penser. Les humains seuls sur une Terre dévastée ne sont plus tout à fait humains. 

Source: http://www.slate.fr/story/7049/petits-scarab%C3%A9es-et-grosses-d%C3%A9penses

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valeur du singe

Tout un article de la page Planète (LeMonde du 16 avril) pour quelques centaines de notre proche cousin découvert à Bornéo. C’est vrai, ils ont du se regrouper en un espace reculé pour éviter l’action de l’homme : le PNUE estime qu’au rythme actuel, 98 % de la forêt aurait disparu de Bornéo en 2022. La journaliste Catherine Vincent pose clairement la problématique de la sauvegarde de cette espèce en fin d’article : Etude chez l’animal proche de l’homme de maladies telles que l’Alzheimer d’une part, ou frein moral valorisé avec l’orang-outang pour nous opposer à la disparition du reste du monde vivant.

La première raison repose sur l’anthropocentrisme ou utilitarisme : le monde entier est au service de l’homme, nous pouvons faire toutes les expériences que nous voulons sur n’importe quelle espèce pour soigner l’homme, nous pouvons éliminer complètement une espèce si nous jugeons cela utile pour cultiver des palmiers à huile. L’autre système de valeur relève de l’écologie profonde. A la fin des années 1970, Arne Naess et George Sessions ont formulé huit points pour une « plate-forme de l’écologie profonde » dont voici le premier : « L’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre a une valeur intrinsèque. La valeur des formes de vie non humaines est indépendante de l’utilité qu’elles peuvent avoir pour des fins humaines limitées. » (in Ecologie, communauté et style de vie)

En fait les deux raisonnements sont liés. C’est la richesse de la biodiversité qui permet la résilience de la planète aux chocs,  que ces chocs soient d’ordre physique ou d’origine anthropique. Sur une planète en proie bientôt au réchauffement climatique, ce sont les plantes qui résisteront naturellement qui pourront permettre aux humains survivants de se nourrir, ce ne sont pas les OGM…

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modèle Lotka-Volterra

Tout a déjà été dit, écrit et bien pensé. Encore faut-il trier dans l’énorme masse de documents qui sont à notre disposition pour en relever l’essentiel. Ainsi  le fait que le FMI prévoit une croissance négative mondiale en 2009 (LeMonde du 11 mars) n’a aucune importance. C’est une décroissance moyenne qui ne nous dit rien de ce qui augmente et diminue. Il est fort probable que l’industrie automobile va continuer à se casser la gueule en 2009, mais c’est une bonne nouvelle. D’autres choses peuvent augmenter, par exemple le bonheur de vivre plus simplement. Mais cela, le directeur du FMI comme le PIB s’en foutent. Donc je préfère m’intéresser aujourd’hui au modèle mathématique d’interaction proies-prédateurs, proposé par Volterra après la première guerre mondiale. Il s’agissait d’expliciter la dynamique des populations de sardines et de requins en mer Adriatique ; expliquer notamment pourquoi les quantités de sardines pêchées après l’interruption due à la guerre n’étaient plus aussi importantes que précédemment et pourquoi à la reprise de la pêche la proportion observée de requins avait augmenté.

Dans le journal La décroissance de mars 2009, Alain Gras développe : « Lorsqu’un déséquilibre entre proie et prédateurs se produit – par exemple quand la proie est affaiblie -, la population des prédateurs tend à se multiplier et son expansion à croître jusqu’à ce que la population des proies passe sous un seuil qui engendre une pénurie brutale des ressources et donc l’effondrement brutal de la population des prédateurs (…) Lorsque le point de non-retour est dépassé, le prédateur ne le sait pas car, fasciné par sa puissance, il reste à la recherche d’autres proies, jusqu’au moment où il n’aura plus rien à se mettre sous la dent. Cette inconscience est celle de la croissance et il faut une bonne dose d’optimisme béat pour croire au discours des économistes face à la crise. Il est encore temps de réagir et de décroître, sinon… »

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les abeilles ne dansent plus

Bien avant l’international passe notre planète. C’est ainsi que commence à raisonner LeMonde dont les nouvelles pages planète nous donnent souvent à réfléchir. Ainsi dans le numéro du 24 février, une brève sur la mortalité des abeilles : plus de quarante causes sont recensées par l’Afssa (agence française de sécurité sanitaire des aliments). Malheureusement l’article n’attribue un rôle prépondérant à aucune de ces causes. Nous avons donc les multiples agents biologiques, les nombreux produits chimiques, la perte de biodiversité… Qui est responsable ? Personne ? Tout le monde ?

Pourtant la réponse est simple, elle est évidente : qui c’est qui détériore les écosystèmes et entraîne la sixième extinction des espèces ? Qui invente les produits chimiques les plus vigoureux à tuer ? Qui déséquilibre le rapport complexe entre les espèces et libère les agents infectieux ?

Oui, bien sûr, pourquoi je n’y ai pas pensé ! Le coupable, c’est l’homme. Le coupable, c’est l’homme moderne et son inconscience face à la fragilité de la planète. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. Mais les abeilles ne dansent plus…

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Darwin et le ver de terre

Le naturaliste Charles Darwin aurait eu 200 ans le 12 février prochain et le Monde des livres (6 février), centré sur L’origine des espèces, s’attarde sur l’évolutionnisme, le mécanisme de sélection et le jeu du hasard. Grâce à Darwin et aux progrès de la génétique, il nous faut donc admettre que toutes les formes de vie descendent d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale.

N’oublions pas un autre aspect de Darwin, son amour de la nature. Il a d’ailleurs consacré au ver de terre un de ses premiers articles et son dernier livre. Cette vie modeste,  faite d’ingestion, de reptation et de  déjection, transforme pourtant les paysages et rend fertile la planète. On doit en effet aux vers de terre l’humus, la terre cultivable, la possiblité des récoltes. Au Tibet, trouver un ver de terre sur le fer d’une bêche arrête le travail du jardiner qui prend soin de remettre la créature en lieu sûr dans le sol. Mais Richard Layard, dans Le prix du bonheur, pense encore comme tant d’autres que l’expression « ver de terre » dégraderait notre humeur alors que « musique » est un mot positif ! Cet anthropocentrisme forcené est caractéristique de notre éloignement actuel de la source de toute vie, la biosphère et ses vers de terre : humus plutôt qu’humeur.

Nous avons oublié l’essentiel du message de Darwin : « Le plaisir que l’on ressent lorsqu’on est assis sur un tronc en décomposition au milieu de la tranquille obscurité de la forêt est indicible et ne peut pas s’oublier. »

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population minimum viable

Malgré le conflit au Congo-Kinshasa, la population de gorilles de montagne a augmenté vertigineusement, passant de 72 individus à 81 individus. Sans doute qu’on avait mal compté la fois précédente ! Par contre la population des manchots empereurs, menacée par la fonte de la banquise, pourrait chuter  de 6000 couples reproducteurs au début des années 1960 à seulement 400 à l’horizon 2100 (LeMonde du 29.01.2009) Une baisse similaire, divisée par quinze, ferait passer la population humaine de 3,04 milliards en 1960 à 202,7 millions en 2100. Ce serait un vrai soulagement pour la biodiversité de la planète. Malheureusement le pullulement humain va encore s’accroître selon les projections actuelles, entre 10 et 12 milliards de personnes en 2100. 

Quel est le minimum incompressible de population pour une espèce déterminées ? Le rhinocéros noir d’Afrique comptait un million d’individus au début du XXe siècle, 10 000 en 1950 et 2600 seulement en 2001. A ce rythme, la population humaine passerait en un siècle de 6 milliards de personnes à moins de 16 millions. Une telle évolution serait-t-elle catastrophique ? La baleine franche du Pacifique compte moins de 300 individus de par la faute des chasseurs humains, l’antilope Sao la du Vietnam subsiste grâce à son isolement avec 200 à 2000 individus. Une espèce doit-elle avoir un minimum de représentants pour survivre ? Les chercheurs ont défini le concept de « population minimum viable » et estimé à 50 femelles l’assurance de ne pas voir l’espèce s’éteindre  à moyen terme, à 500 femelles la garantie que l’espèce soit protégée à long terme : la baleine franche serait donc condamnée alors que les humains ont une marge de manœuvre immense. Le problème essentiel n’est donc pas de savoir si la Terre peut nourrir 6 ou 60 milliards d’humains, le problème est que cette espèce se répand au détriment de presque toutes les autres espèces.

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graine de bouddha

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec toi quelques morceaux choisis du texte de Graine de Bouddha (album BD aux éditions Picquier Jeunesse). Il ne te reste plus qu’à acheter les illustrations qui vont avec  :

– Les bonzes en marchant font attention de ne pas piétiner les jeunes pousses. Pourquoi ? Pour ne pas blesser ces nouvelles vies si fragiles.

– Même une simple pierre, les bonzes ne la déplacent pas sans y réfléchir longuement. Pourquoi ? Parce tout se trouve déjà à la place qui lui convient.

– Lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté, les bonzes gardent toujours une attitude positive. Pourquoi ? Parce que là où il y a l’ombre, il y a aussi la lumière.

– Les bonzes pensent que tous les êtres vivants ont la même importance. Pourquoi ? Parce que toute vie est précieuse.

 – Les bonzes vénèrent la nature. Lorsqu’ils vont dans la montagne, il disent qu’il « entrent en montagne », comme on entre en religion. Pourquoi ? Parce que, pour eux, c’est comme se blottir dans ses bras.

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valeur de la nature

Pavan Sukhdev, originaire de l’Inde, est responsable de l’étude commanditée par l’UE sur « L’économie des écosystèmes et de la biodiversité ». Le résultat final de ses travaux est attendu en 2010. Pavan déconcerte encore ses interlocuteurs lorsqu’il parle de capital naturel, il ne parle pas de décroissance car il sait que  ce mot est inaudible dans les milieux qu’il fréquente. Mais il aime citer Adam Smith, le père du libéralisme (1776) : « Ce qui est très utile, l’eau par exemple, n’a pas toujours une grande valeur, et tout ce qui a beaucoup de valeur, par exemples les diamants, n’est pas forcément très utile ». Pavan pense en effet qu’il faudrait donner un peu plus de valeur à l’eau, à la forêt, à tous les services essentiels rendus par la nature…et un peu moins aux diamants (LeMonde du 2 janvier 2009). Pavan voudrait mettre en place une comptabilité verte : « Il faut donner un prix à la biodiversité » (LeMonde du 25 juin 2008).

C’est une tâche impossible, la Biosphère n’a pas de prix, elle a une valeur intrinsèque, non comptabilisable. Dans la philosophie de l’écologie profonde, le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur en soi qui doit être respectée. La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes. Les valeurs portées par la Nature sont donc indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. Ce ne sont pas des valeurs marchandes. En fait Pavan Sukhdev se déclare explicitement à l’opposé de cette philosophie. Il ne voit dans le capital naturel que ce qui permet d’assurer notre bien-être et notre santé, et la qualité des écosystèmes n’est mesurable qu’à cette aune. Il regrette la disparition des ressources génétiques liées à la déforestation car elle sont « exploitées par la médecine ». Il n’attache une valeur à la forêt que parce qu’elle permet de stabiliser les ressources agricoles et permet donc indirectement de « nourrir l’humanité ». Il pense qu’il faut rémunérer le capital naturel uniquement parce que l’industrie ne peut fournir un emploi à tous et que 1,5 milliard de personnes vivent d’un lien étroit avec la nature. Toute la pensée de cet ex-banquier est reliée à l’intérêt marchand pour l’homme d’une sauvegarde de la planète. Il a oublié que si nous en sommes arrivés à cette disparition accélérée du capital naturel, c’est justement parce que nous avons donné un prix à toute chose sans nullement nous soucier que la nature avait une valeur intrinsèque.

 Trop d’anthropocentrisme nuit. L’homme a été un grand exterminateur du vivant, ce n’était pas durable. Il ne suffit pas de protéger les dernières baleines ou le dernier Bonobo, il ne suffit pas de changer de mode de vie, il nous faut changer de mentalité et donner enfin à la nature sa valeur intrinsèque.

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humanisme élargi

Comment situer le centre du monde ? Mon quotidien préféré présente le 1er décembre la conception du planisphère australien. Du point de vue des géographes de ce pays, on inverse la carte du monde, le pôle sud en haut, l’Australie bien au milieu. Chacun regarde le monde à sa façon, les cartes se brouillent, il n’y a plus de boussole.

C’est Lévi-Strauss qui nous montre la voie de l’unité conceptuelle, celle d’un humanisme élargi. Dans un discours de 2005,  il montre que l’humanisme change de perspective au fur et à mesure de sa confrontation à l’autre. La Renaissance trouva dans la littérature ancienne le moyen de mettre sa propre culture en perspective, au XVIIIe et au XIXe siècles, l’humanisme s’élargit donc avec le progrès de l’exploration géographique. En s’intéressant aux dernières civilisations encore dédaignées – les sociétés dites primitives – l’ethnologie fit parcourir à l’humanisme sa troisième étape. Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, les sociétés sans écriture limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l’homme une partie prenante, et non un maître de la création. Telle est la leçon que l’ethnologie a apprise auprès d’elles.

Selon Lévi-Strauss, « Les droits de l’humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l’existence d’autres espèces. Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création. »

Lévi-Strauss nous définit ainsi un humanisme qui abandonne son anthropocentrisme pour se rapprocher d’un biocentrisme. Cela ne veut pas dire nier la centralité de l’homme qui est la seule espèce à penser la nature et l’univers, cela signifie que ni la France, ni l’Australie, ni même l’humanité ne sont le centre du monde.

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un homme = un ver de terre

Selon l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de concevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. » Désormais je pourrais donc dire que « l’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité » (LeMonde du 18 novembre). Mais je ne le ferai pas car les relations sexuelles entre identiques ne font pas d’enfant, ce qui est avantageux pour lutter contre la surpopulation mondiale. L’homosexualité semble même supérieure à l’hétérosexualité : si on la poussait à l’universel ce serait l’extinction de la race humaine et tout bénéfice pour les non-humains !

La liberté d’expression sans limites (sauf injures ou diffamation) est sans doute un fondement de l’amélioration des relations sociales, encore faut-il que la connerie reste limitée à la sphère privée. Ainsi le même numéro du Monde m’informe que « le créationnisme étend son influence en Europe ». Voici le véritable danger. Un professeur américain de biologie fut même condamné en 1925 à une amende pour avoir enseigné les théories de Darwin (l’évolutionnisme).  

Il a fallu attendre 1987 pour que la justice interdise définitivement, au nom de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’enseignement du créationnisme (Dieu a créé l’univers et l’Homme). Il te faut dorénavant admettre que toutes les formes de vie existant aujourd’hui descendent d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale. Maintenant on sait de source sûre qu’il n’y a ni plan préétabli par un dieu, ni dessein intelligent concocté par la nature, il n’y a que le hasard. Et l’homme en soi ne vaut pas beaucoup plus que le ver de terre, et trop souvent il est même beaucoup moins utile. Est-ce déroger à la libre-expression que de s’exprimer ainsi ?

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spécisme

Le Monde publie la déclaration universelle des droits de l’animal sur une page entière. C’est très bien de présenter cette proclamation pour son trentième anniversaire, ce jour 15 octobre. Mais il s’agit en fait d’une publication payée par la Ligue française des droits de l’animal. Le Monde ne se sent donc pas concerné directement par les  droits de l’animal, c’est très mal, c’est faire preuve de spécisme, c’est oublier que tous les animaux ont des droits égaux à l’existence dans le cadre des équilibres biologiques. C’est oublier aussi que le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux.

Comme l’espèce humaine est nuisible pour la Biosphère, elle se nuit forcément à  elle-même. D’une manière ou d’une autre, une société biocide qui tue à outrance et combat  à coup de pesticides les insectes, les champignons (fongicides) et les « mauvaises » herbes (herbicides), les escargots, les « nuisibles » et même les vers de terre s’en prend à elle-même. Les personnes qui veulent à notre époque toujours plus de croissance économique et démographique sont des personnes nuisibles pour la santé de la Biosphère : la perte de biodiversité qui résulte du productivisme humain se retournera nécessairement contre nous un jour ou l’autre. Homo sapiens, à classer dorénavant comme homo demens ?

 Une petite citation pour finir : « Est-ce qu’on a touts les droits sur les animaux, c’est ce que je me demande. Je pense que non. Je crois qu’on doit leur donner une vie qui leur ressemble à eux. Ou un peu à nous aussi dans ce qu’on a de bien. Et eux, ils nous donneraient aussi ce qu’ils ont de bien. Les animaux, je crois qu’ils font partie de nous ». (in Une vie de cochons de J.Porcher et C.Tribondeau, La découverte 2008)

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le tueur, c’est nous

 

LeMonde du 20.09.2008 nous informe longuement du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. Il s’agit d’un phénomène caractérisé par la disparition brutale, en quelques jours ou quelques semaines, de la quasi-totalité d’une colonie. Ce qui m’étonne vraiment, c’est que la description scientifique de ce phénomène est très récente, l’automne 2006, alors que les conséquences néfastes sur les cultures humaines qui ont besoin des pollinisateurs sont déjà avérées. Nous paraissons aussi surpris par les atteintes à la biodiversité que par un krach financier. Nous agissons comme si nous ne connaissions pas nos fondamentaux. Le respect de l’équilibre entre l’espèce humaine avec les autres formes de vie est une loi naturelle ; le respect de l’équilibre entre la sphère marchande et son évaluation monétaire est une loi économique. Mais nous n’avons plus aucune morale, ni en affaires, ni à l’égard de la Nature.

 Comme 35 % du tonnage mondial d’aliments d’origine végétale proviennent de cultures pollinisées, l’activité des abeilles est sans doute un service inestimable. Cependant j’attache personnellement autant d’importance au fait que le  rôle des abeilles sur la flore sauvage est aussi inestimable. Les pollinisateurs assurent la survie de tout le cortège de vie sauvage qui lui est associée, nous devons prendre conscience que nous ne sommes qu’un élément de la chaîne alimentaire. Or nous avons trop grossi en population et en prélèvements sur les richesses de la Biosphère. Nous sommes coupables, nous devons reconnaître nos erreurs, morales et matérielles.

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ni racisme, ni spécisme

Belle image que celle des tee shirts arborés devant la commission européenne avec l’inscription « against ethnic profiling ». L’union européenne se préoccupe d’une stratégie globale d’intégration des Roms qui mettrait fin aux discriminations et stigmatisations dont ils sont l’objet. Mais en page 2, l’homme nu dessiné avec humour par Serguei se fait arrêter parce qu’il est suspect… de ne pas être sur Edvige (exploitation, documentaire et valorisation de l’information générale). Le France veut mettre en place un fichage ethnique. Contradiction, contradiction, tout n’est que contradiction.

Nous sommes une société composite qui a oublié les progrès de la connaissance. Alors que les théories raciales s’appuient sur les apparences anatomiques, la biologie et la génétique ont supprimé toute base objective à ces stéréotypes. Les premières études sur les groupes sanguins menées à partir de 1914 montrent que leur répartition en Europe n’obéit à aucune logique raciale. Depuis, les analyses effectuées un peu partout dans le monde démontrent que les caractères génétiques ainsi que les groupes sanguins, les mêmes groupes d’histocompatibilité comme les facteurs enzymatiques sont présents dans la totalité des populations. Blanc ou Noir, une proportion différente de mélanine, pas plus. La dispersion géographique de votre ancêtre commun homo sapiens n’a commencé qu’il y a 150 000 ou 200 000 ans, pas assez pour se diversifier biologiquement de manière significative. Les gènes n’ont pas de race, les humains sont tous semblables, et différenciés seulement par quelques apparences. En conséquence, dans le discours des racistes modernes, ce ne sont plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, mais les coutumes et les croyances. Pourtant toute l’humanité partage la même Terre et doit apprendre à vivre avec le reste de la Biosphère.

            Quel les humains apprennent qu’il n’y a pas d’étrangers, qu’ils sont tous de la même famille, alors ils pourront mieux se consacrer au respect des autres formes de vie.

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silence généralisé

Dans la série best-sellers, LeMonde du 20.08.2008 nous parle d’Isabelle Lövin, l’empêcheuse de pêcher en rond. Son livre Mer silencieuse donne enfin aux poissons une valeur intrinsèque que ne leur reconnaît pas notre société qui ne fonctionne que dans le court terme et l’intérêt immédiat des humains. Isabella dresse un constat accablant des conséquences de la surpêche, notamment en mer Baltique : disparition de la morue, élimination des anguilles, effondrement de la biodiversité, la mer devient silencieuse.

 

Dommage que cet article sur une page entière ne souffle mot de l’ancêtre de ce livre, Printemps silencieux (à cause des pesticides qui tuent les insectes, et donc les oiseaux), écrit en 1963 et qui est souvent présenté comme un des premiers manifestes de la pensée écologique : « Nous avons à résoudre un problème de coexistence avec les autres créatures peuplant notre planète. Nous ne pouvons par exemple espérer trouver un modus vivendi raisonnable avec les hordes d’insectes, que si nous prenons en considération toutes ces forces vitales, et cherchons à les guider prudemment dans les directions qui nous sont favorables. La mode actuelle, celle des poisons, néglige totalement ces considérations fondamentales. Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue. Ces extraordinaires possibilités de la substance vivante sont ignorées par les partisans de l’offensive chimique, qui abordent leur travail sans aucune largeur de vues, sans le respect dû aux forces puissantes avec lesquelles ils prétendent jouer. Vouloir « corriger la nature » est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal, où l’on pouvait encore croire la nature destinée à satisfaire le bon plaisir de l’homme. Le malheur est qu’une aussi primitive pensée dispose actuellement des moyens d’action les plus puissants, et qu’en orientant ses armes contre les insectes, elle les pointe aussi contre le monde. »

 Que ce soit contre les insectes ou contre les poissons, homo dit sapiens utilise des armes démesurées qui se retourneront tôt ou tard contre lui. Il n’est que temps de retrouver le sens des limites.

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bagnole versus Biodiversité

LeMonde du 14.08.2008 donne deux fois plus de place à la présentation côte à côte en première page de la bagnole (Une révolution dans la façon de circuler en voiture) qu’à la biodiversité (l’avenir de la biodiversité se joue maintenant). C’est là le problème de nos médias qui donnent beaucoup trop de place à nos objets fétiches. En page 8, on développe sur la sixième extinction des espèces entraînées par la modification de son environnement par l’activisme humain. Dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaines, on présente à juste titre homo sapiens comme un « narcissique qui a maltraité l’écosystème qui l’a créé et le maintient en vie sans souci des conséquences ». On critique « l’idée que la croissance économique est indépendante de la santé de l’environnement. » Pour contrer cette dérive, il faudrait agir d’urgence, mais les auteurs s’inquiètent du divorce croissant entre la population et la nature, divorce dû à l’utilisation intensive des médias électroniques.

 En vis-à-vis page 9, il nous faudrait selon l’article du Monde des voitures « intelligentes », des automobilistes qui communiquent entre eux. La Commission européenne a même réservé une fréquence radio pour ce genre d’échange. Si cela permettrait de résoudre une infime partie des embouteillages alors que 24 % du temps de conduite des Européens se déroule déjà dans des bouchons, il faut surtout remarquer la contradiction flagrante de ces contrôles électroniques avec la protection de la biodiversité. Pour soutenir les industriels et faire plaisir aux automobilistes, l’Europe mise sur le tout-électronique de l’échange médiatique, enfermant la classe globale encore plus dans son cocon, dans son auto, le portable à l’oreille en attendant la télé, à mille lieux de la nature environnante dont on se fout complètement qu’elle dépérisse et les autres espèces avec. Cela s’appelle de l’aveuglement, entretenu par la part disproportionné que donne LeMonde  aux bagnoles par rapport à la richesse de la biodiversité.

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chassons les chasseurs

Il paraît que les chasseurs et les écologistes ont signé un accord « historique » sur la chasse au gibier d’eau (LeMonde du 31.07.2008). La date d’ouverture de la chasse est avancée de neuf jours, du 30 au 21 août. En contrepartie, un moratoire de cinq ans est décidé pour la barge à queue noire, le courlis cendré et l’eider à duvet. En fait personne n’est content, et surtout pas les chasseurs spécialisés dans le gibier d’eau qui voudraient une ouverture au 2 août. Nous sommes en présence de chasseurs d’une faune sauvage, qui ne sont donc absolument pour rien dans l’état de la ressource, et qui veulent pourtant tout le pouvoir dans leur gâchette. Le gouvernement, qui pense toujours au court terme, a été jusqu’à présent du coté des massacreurs :

 

Le conseil d’Etat rappelle à la ministre de l’écologie Roselyne Bachelot la directive européenne de 1979 et annule une grande partie des arrêtés fixant les dates de fermeture de la chasse (LeMonde du 22-23 août 2002). La ministre de l’écologie, qui n’est certainement pas écologiste, persiste et signe le 28 mars 2003 devant la Fédération nationale des chasseurs : « On n’efface pas en quelques jours les blessures et la défiance qu’a engendrées l’attitude sectaire de mes prédécesseurs à l’égard de la chasse et des chasseurs ». Elle déclare par ailleurs qu’il n’appartient pas aux lois de fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, celles-ci répondant d’avantage aux lois de la nature, à la météo et à la dynamique des populations d’oiseaux !!! (LeMonde du 15.05.2003). Le Conseil d’Etat est obligé à nouveau de suspendre une partie de son arrêté fixant les dates de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. (LeMonde du 7.02.2004)

 

Si un ministre de l’écologie s’essaye à plus d’écologie comme Serge Lepeltier et suit la jurisprudence du Conseil d’Etat, il se retrouve tout nu. Serge est victime le 1er février 2005 d’une bronca lors de la réunion du groupe parlementaire UMP parce qu’il avait fixé fin janvier la fermeture de la chasse au gibier d’eau. Le Premier ministre Raffarin considère que « 50 députés UMP doivent leur élection aux chasseurs et qu’il faut prendre très au sérieux l’appel de CPNT de voter Non au référendum. Nous allons droit dans le mur… » (Le Canard enchaîné du 16.02.2005)

 

Le successeur de Lepeltier, Nelly Olin, retombe donc dans l’ornière de la défense de la chasse à tout prix. Elle fixe l’ouverture de la chasse au canard au 6 août 2005 : « Couvées et canetons seraient plus précoces à l’ouest que dans les marais à l’est ou près de la Méditerranée ». (LeMonde du 26.07.2005) Mme Olin sait en effet que son arrêté lui vaut le soutien des principaux dirigeants de la Fédération nationale des chasseurs.

 Nous sommes dans une société où la démocratie suit la loi du grand nombre, celle des chasseurs, alors que nous aurions tant besoin de laisser les dernières bribes de la nature sauvage voler de ses propres ailes. J’ai été chasseur, dans une famille de chasseurs depuis des générations. J’ai compris déjà il y a des dizaines d’années que la chasse était une activité qui ne correspondait plus à rien dans une Nature saccagée par nos soins. J’ai arrêté de chasser, je demande à tous les chasseurs de faire de même.

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moins d’éleveurs, plus de loups

Les éleveurs des Alpes du Sud sont opposés à la présence de loups sur leur territoire (LeMonde du 22.07.2008). Ils ont perdu seulement 2500 de leurs bêtes alors que le véritable prédateur est l’homme qui besoin de toujours plus de viande fraîche pour une population de plus en plus nombreuse. Pourquoi se plaindre de quelques bouches supplémentaires ? Que je sache, les Français n’ont plus à cohabiter avec les éléphants, les lions et les tigres ! Il est vrai que les Français ont mené une campagne d’extermination, une de plus, qui avait fait complètement disparaître le loup depuis les années 1940.

 L’espèce Canis lupus, réintroduite depuis l’Italie vers 1992, serait dans un état de conservation favorable en France avec 150 individus et quatorze meutes. Je rêve d’un territoire français où l’espèce homo sapiens serait ramenée à 150 individus rassemblés dans quatorze villages, ce qui permettrait aux loups, aux forêts et à l’exubérance de la vie sous toutes ses formes de prendre tout l’espace dont l’homme s’est accaparé pour son seul intérêt à court terme. En attendant, il faut parquer les éleveurs au lieu de parquer les loups. C’est bien la moindre des choses qu’on puisse faire pour expier tous les massacres que nous avons perpétrés.

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l’homme n’est rien sans les écosystèmes

Les alarmes des scientifiques sur la perte  de biodiversité ne manquent pas. Par exemple, un tiers des espèces coralliennes est menacé d’extinction (LeMonde du 12.07.2008). Dans le même article, on nous annonce aussi que la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie vient d’être classée par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. Est-ce suffisant ?

 

D’abord ce patrimoine mondial souffre lui-aussi de la suprématie totale donnée à l’espèce humaine. En effet la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, adopté en 1972, ne comptait en 2006 que 160 naturels sur 812 sites classés contre 628 strictement culturels (et 24 mixtes). Ensuite la création d’un sanctuaire ne suffit pas. Le Comité du Patrimoine mondial a retiré ce statut à la zone d’Oman consacrée à la protection d’un troupeau d’oryx. Cette population s’était réduite à 65 individus, dont seulement quatre couples reproducteurs, ce qui rendait son avenir incertain. Paradoxalement, Oman avait décidé de réduire la taille de la zone protégée de 90 %. Le sultanat préfère la prospection pétrolière à la protection des antilopes oryx, car que représente la vie de quelques bestioles face à la puissance de l’or noir ? De toute façon tout est relié, l’homme, les coraux, les antilopes. Les coraux souffrent du réchauffement climatique, un effet de serre lié à la combustion de pétrole. Rien ne parvient à enrayer l’invasion et la destruction par la société thermo-industrielle de nos écosystèmes.

 J’espère qu’un jour tous nos péchés contre la Nature nous amèneront à penser que le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine sur Terre a une valeur intrinsèque, indépendante de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. C’est là le message essentiel de la philosophie de l’écologie profonde, c’est la seule espérance qui puisse me rendre mon optimisme.

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prix de la biodiversité

L’homme est un grand exterminateur du vivant. Pavan Sukhdev, chargé d’une étude mondiale sur l’économie des écosystèmes, voudrait donc mettre en place une comptabilité verte : « Il faut donner un prix à la biodiversité » (LeMonde du 25.06.2008). C’est une tâche impossible, la Biosphère n’a pas de prix, elle a une valeur intrinsèque, non comptabilisable. En effet le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur en soi qui doit être respectée. La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes. Les valeurs portées par la Nature sont donc indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

Mais Pavan Sukhdev se déclare  à l’opposé des valeurs véhiculées par l’écologie profonde. Il ne voit dans le capital naturel que ce qui permet d’assurer notre bien-être et notre santé, et la qualité des écosystèmes n’est mesurable qu’à cette aune. Il regrette la disparition des ressources génétiques liées à la déforestation car elle sont « exploitées par la médecine ». Il attache une valeur à la forêt que parce qu’elle permet de stabiliser les ressources agricoles et permet donc indirectement de « nourrir l’humanité ». Il pense qu’il faut rémunérer le capital naturel uniquement parce que l’industrie ne peut fournir un emploi à tous et que 1,5 milliard de personnes vivent d’un lien étroit avec la nature. Tout la pensée de ce banquier indien sont reliées à l’intérêt pour l’homme d’une sauvegarde de la planète. Il a oublié que si nous en sommes arrivés à cette disparition accélérée du capital naturel, c’est justement parce que nous avons donné un prix à toute chose sans nous soucier que la nature qui nous permet de vivre avait une valeur intrinsèque.

 Il ne suffit pas de protéger les dernières baleines ou le dernier Bonobo, il ne suffit pas de changer de mode de vie, il nous faut changer de mentalité et retrouver le respect de la nature.

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Homo sapiens, espèce nuisible

On n’a pas pu observer un seul spécimen depuis plus de cinquante ans, le phoque moine des Caraïbes est donc considéré comme une espèce éteinte (LeMonde du 17.06.2008). Ce n’est qu’un exemple particulier de l’extinction massive des autres espèces entraînée par homo sapiens. Tous les autres habitants de notre planète sont considérés par les humains soit comme des choses bonnes à manger ou à utiliser, soit comme des concurrents directs pour l’espace vital et l’accès aux ressources naturelles. Ces disparitions en masse font penser à ce bon docteur qui, au début des années 1950, a transmis volontairement aux lapins une épizootie, la myxomatose, pour les détruire. Des centaines de millions de lapins de garenne moururent dans toute l’Europe, mais c’est finalement le docteur qui gagna le procès intenté contre lui : le lapin fut déclaré « animal nuisible » puisqu’il fut jugé par le tribunal l’un des plus grands ennemis des récoltes. Pourtant, du point de vue de la Biosphère, il n’y a aucune différence entre les espèces ; c’est seulement le parti pris unilatéral des homo sapiens de faire un classement entre espèces, utile ou nuisible, belle ou moche, mangeable ou tabou. Les végétariens ne veulent pas attenter à la vie animale, mais la vie végétale a tout autant de valeur que la vie humaine.

 D’une manière ou d’une autre, une société biocide qui tue à outrance et combat  à coup de pesticides les insectes, les champignons (fongicides) et les « mauvaises » herbes (herbicides), les escargots, les « nuisibles » et même les vers de terre s’en prend forcément à elle-même. C’est l’espèce humaine qui est nuisible pour la Biosphère, et elle se nuit forcément à  elle-même. Les personnes qui veulent à notre époque toujours plus de croissance économique et démographique sont des personnes nuisibles pour la santé de la Biosphère, et en conséquence pour l’espèce humaine elle-même. Homo sapiens, à classer comme homo demens.

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