valeur de la nature
Pavan Sukhdev, originaire de l’Inde, est responsable de l’étude commanditée par l’UE sur « L’économie des écosystèmes et de la biodiversité ». Le résultat final de ses travaux est attendu en 2010. Pavan déconcerte encore ses interlocuteurs lorsqu’il parle de capital naturel, il ne parle pas de décroissance car il sait que ce mot est inaudible dans les milieux qu’il fréquente. Mais il aime citer Adam Smith, le père du libéralisme (1776) : « Ce qui est très utile, l’eau par exemple, n’a pas toujours une grande valeur, et tout ce qui a beaucoup de valeur, par exemples les diamants, n’est pas forcément très utile ». Pavan pense en effet qu’il faudrait donner un peu plus de valeur à l’eau, à la forêt, à tous les services essentiels rendus par la nature…et un peu moins aux diamants (LeMonde du 2 janvier 2009). Pavan voudrait mettre en place une comptabilité verte : « Il faut donner un prix à la biodiversité » (LeMonde du 25 juin 2008).
C’est une tâche impossible, la Biosphère n’a pas de prix, elle a une valeur intrinsèque, non comptabilisable. Dans la philosophie de l’écologie profonde, le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur en soi qui doit être respectée. La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes. Les valeurs portées par la Nature sont donc indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. Ce ne sont pas des valeurs marchandes. En fait Pavan Sukhdev se déclare explicitement à l’opposé de cette philosophie. Il ne voit dans le capital naturel que ce qui permet d’assurer notre bien-être et notre santé, et la qualité des écosystèmes n’est mesurable qu’à cette aune. Il regrette la disparition des ressources génétiques liées à la déforestation car elle sont « exploitées par la médecine ». Il n’attache une valeur à la forêt que parce qu’elle permet de stabiliser les ressources agricoles et permet donc indirectement de « nourrir l’humanité ». Il pense qu’il faut rémunérer le capital naturel uniquement parce que l’industrie ne peut fournir un emploi à tous et que 1,5 milliard de personnes vivent d’un lien étroit avec la nature. Toute la pensée de cet ex-banquier est reliée à l’intérêt marchand pour l’homme d’une sauvegarde de la planète. Il a oublié que si nous en sommes arrivés à cette disparition accélérée du capital naturel, c’est justement parce que nous avons donné un prix à toute chose sans nullement nous soucier que la nature avait une valeur intrinsèque.
Trop d’anthropocentrisme nuit. L’homme a été un grand exterminateur du vivant, ce n’était pas durable. Il ne suffit pas de protéger les dernières baleines ou le dernier Bonobo, il ne suffit pas de changer de mode de vie, il nous faut changer de mentalité et donner enfin à la nature sa valeur intrinsèque.
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